Chavouot ou la fête du mariage

Chavouot ou la fête du mariage

 

Mariage

 

Le mot « Chavouot » signifie littéralement « semaines », en référence aux sept semaines entre Pessa’h et la commémoration du don de la Torah. Selon les Sages du Midrash, les hébreux étaient si impatients d’arriver au pied du mont Sinaï pour y recevoir la loi de Dieu, qu’ils comptaient chaque jour, puis chaque semaine, depuis la sortie d’Egypte jusqu’à ce moment si désiré (cf. Yalkout Yossef, Moadim). Cette attente impatiente rappelle celle parcourant deux fiancés avant leur mariage. On retrouve d’ailleurs la thématique de l’union maritale entre Dieu et Israël dans nos textes. Le Cantique des cantiques ne compare-t-il pas le peuple d’Israël à une « kala / jeune mariée » engagée dans un dialogue passionnel avec son « ‘hatan / jeune marié » qui n’est autre que Dieu Lui-même ?

Le don de la Torah est parfois perçu comme des « fiançailles » entre Dieu et Israël. Ainsi, à propos du verset « La Torah que Moïse nous a prescrite est un héritage (morasha) pour la communauté de Jacob» (Deutéronome 33, 4), les Sages du Talmud proposent cette célèbre exégèse : « Ne lis pas ‘héritage’ (morasha) mais ‘fiancée’ (meorassa) » (TB Pessa’him 49b). Or, selon le Kéli Yakar (R. Shlomo Luntschitz ; Pologne, 16ème siècle), les fiançailles trouvent leur aboutissement dans le rapprochement suprême constitué par l’édification du Tabernacle, dix mois après le don de la Torah. La construction de cet édifice dans lequel sont apportés les sacrifices pour Dieu représente alors le vrai mariage, la fusion finalement opérée entre deux êtres qui se retrouvent et se comprennent (commentaire sur Nombres 1, 1).

Néanmoins, un autre passage talmudique mentionne explicitement le don de la Torah comme « yom ‘hatounato » (le jour de son mariage), laissant apparaître l’édification du Tabernacle comme la nuit de noces, l’instant durant lequel la véritable joie est à son paroxysme (TB Taanith 26b). C’est qu’après l’attente et l’immense espoir croissant durant les semaines et les jours précédant le mariage, le stress parcourant les mariés le jour-même empêche parfois ce moment d’être complet. La présence des différentes familles et les tensions matérielles liées à la cérémonie font que le véritable épanouissement ne peut apparaître que par la suite, lorsque le ‘hatan et la kala se retrouvent seuls. Il en va de même au pied du mont Sinaï. Ce n’est que lorsque Dieu amène Israël dans Ses appartements que la fusion peut pleinement s’opérer. Les difficultés d’adaptation à la nouvelle loi sont maintenant derrière, la tension s’est transformée en union.

L’illustre image talmudique de la montagne retournée au-dessus des Hébreux pour les contraindre à accepter la Torah (TB Shabbat 88a) a rappelé à plusieurs auteurs l’image d’une ‘houpa, le dais nuptial recouvrant les mariés. Ce rapprochement interpelle davantage le lecteur moderne que l’énoncé initial, laissant entendre que l’acceptation de la Torah a été forcée, alors que le texte énonce lui-même un volontarisme indubitable : « nous ferons puis nous comprendrons ! » (Exode 24, 7). Un mariage sous la contrainte n’est pas valable. C’est que la « contrainte » dont il est question ici n’en est pas vraiment une. D’un côté, Israël perd une certaine liberté en s’assujettissant à Dieu ; mais de l’autre, cet assujettissement est sincèrement désiré, car incontestablement positif. Alors Dieu ne fait que contraindre le peuple juif à rechercher sa volonté profonde plutôt qu’un réflexe de facilité entraînant refus et rejet. N’est-ce pas là encore le propre du mariage que de lutter contre le désir inconscient de célibat perpétuel, générateur d’une illusion de liberté, mais inconcevable dans une démarche de construction personnelle, puis familiale ? 

Yona GHERTMAN

*Billet paru dans l'hebdomadaire "Actualité Juive", en date du 08/06/2016

 

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