Articles de yona-ghertman

  • Pékoudei - projet Ramban

    PROJET RAMBAN* SUR LA PARACHA 

    Nahmanides wall painting in acre israel 1599x900

    Paracha Pékoudei : Respect et distance

     

       Le Ramban nous spécifie que Moshe ne pouvait accéder au Mishkan. En effet, « l’honneur de D… remplissait tout l’espace du Mishkan, car l’honneur est dans la nuée qui se trouve dans le Mishkan ». De quel honneur parle-t’on et comment une notion peut-elle combler un espace ?

    Le Rambam dans le Guide des égarés chapitre 47, développe la notion suivante : lorsqu’un homme côtoie fréquemment un objet respectable, l’effet produit sur lui se réduit et l’impression reçue perd de sa valeur au fil du temps.

    Il lie cette idée avec le fait qu’il était extrêmement difficile pour un homme de se rendre au Bet Hamikdash. Et pour cause, en tenant compte de la multitude d’impuretés pouvant toucher un homme, et du long processus de purification à effectuer, tous ces éléments permettaient de mettre une importante distance entre les hommes et le Bet Hamikdash. D’y accéder pouvait même relever du défi de toutes une vie.

    D’après le Ramban il est nécessaire d’introduire la notion de respect pour atteindre l’essence d’un lieu tel que le Mishkan. Ce respect ne peut être atteint qu’en imposant des mesures de distances extrêmes. L’accès au Mishkan se fit graduellement : inaccessible à tout homme, puis Moshé uniquement sous réserve d’y être appelé, enfin Aharon et les Cohanim eurent l’autorisation d’entamer la Avoda. Pour conserver le respect de ce lieu, il est nécessaire d’établir un équilibre entre distance et éventuelle proximité. L’érection du Mishkan fut le moment le plus sensible de l’Histoire pour sceller la relation qu’entretiendra le peuple envers le Mishkan, puis plus tard envers le Bet Hamikdash, il était donc indispensable d’y imposer une conduite à tenir.

     

    Koren Assouline

     

     

     

     

    * Moché ben Na'hman (Na'hmanide), Gérone 1194- Acre 1270

    Texte original : cf. notes

     

    רמב״ן – פרק מ פסוק לד "ויכס הענן את אהל מועד" -

    אמר כי הענן יכסה את האהל מכל צד והוא מכוסה וטמון בו וכבוד ה' מלא את המשכן כי תוכו מלא הכבוד כי הכבוד שוכן בתוך הענן תוך המשכן כענין שנאמר בהר סיני (לעיל כ כא) אל הערפל אשר שם האלהים ואמר כי לא יכול משה לבא אל אהל מועד (פסוק הבא) אפילו אל הפתח מפני שהיה הענן מכסה אותו ולא היה רשאי לבא בתוך הענן ועוד כי המשכן מלא כבוד ה' ואיך יכנס בו והטעם שלא יבא שם בלא רשות אבל יקרא אותו ויבא בתוך הענן כאשר עשה בהר סיני ויקרא אל משה ביום השביעי מתוך הענן (לעיל כד טז) ואמר ויבא משה בתוך הענן (שם יח) ועל דרך הפשט בעבור שנאמר וידבר ה' אליו מאהל מועד (ויקרא א א) לא נכנס משה למשכן אבל קרא אותו מאהל מועד ועמד פתח אהל מועד וידבר אליו ורבותינו אמרו (ת"כ פתיחתא ח) כתוב אחד אומר ולא יכול משה לבא אל אהל מועד וכתוב אחר אומר ובבוא משה אל אהל מועד (במדבר ז פט) הכריע כי שכן עליו הענן כי לדעתם ובבא משה אל אהל מועד שיבא שם בלא קריאה מדעתו או מפני שאמר שם וישמע את הקול מדבר אליו מעל הכפורת נראה להם שהיה משה עומד בתוך האהל לפני הכפרת וכל עת היות כבוד השם מלא את המשכן לא נכנס משה בתוכו ולכך יאמרו שהיה זה לאחר שנסתלק הענן כלומר שנסתלק מלכסות כל האהל ואין הכבוד מלא את המשכן כי לא היה זה רק ביום השמיני ברדת שם הכבוד והקריאה שאמר ויקרא אל משה וידבר ה' אליו מאהל מועד (ויקרא א א) על דעתם קודם לכן היתה כאשר פירשתי למעלה (בפסוק ב) ויתכן שהכתוב שיאמר פעם אחרת וכבוד ה' מלא את המשכן ירמוז אל הכבוד השוכן בקרבו.

  • La Torah suit l'ordre chronologique

    PROJET RAMBAN* SUR LA PARACHA  

       Nahmanides wall painting in acre israel 1599x900         

     La Torah suit -presque toujours- l’ordre chronologique

     

    Dans la paracha ‘Terouma’, la Torah commence à décrire -avec moult détails- l’édification du michkan (tabernacle). La paracha ‘Tetsavé’ continue dans cette lancée en se focalisant sur la conception des vêtements portés par les Cohanim. Les deux premiers chapitres de la paracha ‘Ki-Tissa’ (30 et 31) traitent encore de ce sujet.

    Toutefois, les chapitres 32 et 33 de cette même section passent à une thématique autre : la faute du veau d’or. Le dernier chapitre de ‘Ki-Tissa’ (34) se conclut avec l’alliance et l’énoncé de lois suivant le pardon accordé par HaChem, sur l’insistance de Moshé Rabbénou.

    Une fois la ‘parenthèse’ du veau d’or énoncée, nous arrivons à la paracha ‘Vayakhel’, qui revient complètement sur la construction du michkan,..

    Cette interruption dans le récit de la construction du saint édifice interpelle les commentateurs de la Torah, notamment quant au déroulement exact des évènements. Avant de nous pencher sur l’explication du Ramban, attardons-nous brièvement sur l’interprétation classique de Rachi :

    Selon lui, la faute du veau d’or a précédé totalement l’édification du michkan. Les deux sont d’ailleurs intrinsèquement liés : le michkan, façonné d’or et autres matériaux précieux, constitue une expiation rendue nécessaire après la transgression des bné-Israël[1]

    …Dans ce cas, pourquoi la Torah ne raconte-t-elle pas les évènements dans l’ordre ? Pour Rachi, une telle question n’a pas lieu d’être, car telle est la règle concernant la chronologie des faits dans la Torah : « La Torah ne suit pas l’ordre chronologique »[2].

    La lecture du Ramban est fondamentalement différente. Selon sa vision, il y a eu tout d’abord les premières instructions quant à la construction du michkan, telles qu’énoncées dans les sections ‘Terouma’ et ‘Tetsavé’, ainsi qu’au début de ‘Ki-Tissa’. La faute du veau d’or a provoqué l’interruption de ce projet magnifique consistant à faire résider la présence divine au sein des bné-Israël. Ce n’est qu’avec le pardon finalement accordé (fin de ‘Ki-Tissa’), qu’Hachem a finalement décidé de revenir au plan originel et terminer l’édification du michkan[3].

    Ce débat entre les deux maîtres a deux incidences majeures :

    1/ Sur la conception de l’essence du michkan.

    Rachi a une conception utilitaire de l’édifice : expier la faute du veau d’or. La création du michkan est selon lui une décision à posteriori. Au contraire, le Ramban y voit un absolu faisant partie intégrante du plan divin depuis la Création, au même titre que le don de la Torah ou l’entrée en terre d’Israël[4] : sa création obéit à priori à la volonté d’Hachem[5].

    2/ Sur la portée du principe «la Torah ne suit pas l’ordre chronologique »

    Le Ramban ne s’oppose pas à Rachi quant au principe lui-même, mais uniquement quant à sa portée. Il explique par ailleurs[6] que la Torah suit généralement l’ordre des évènements. Ce n’est qu’en cas de besoin spécifique, et exceptionnellement, que le récit peut s’en éloigner, afin de mettre en avant un rapprochement d’idées ou de concepts. Or tel n’est pas le cas en l’espèce, la Torah n’a aucune raison de modifier l’agencement des évènements.

     

    Certes, la piste suivie par le Ramban est claire, avec l’avantage de présenter une lecture fluide et linéaire des sections de la Torah entre ‘Terouma’ et ‘Vayakhel’. Une question sur sa démarche subsiste néanmoins :

    Alors qu’il annonce explicitement dans son introduction à la Torah qu’il s’opposera aux commentaires de ses prédécesseurs, dont Rachi en premier lieu, il ne fait ici aucunement mention de leur divergence de point de vue dans ces deux concepts : la perception de l’essence du michkan et la portée du principe «la Torah ne suit pas l’ordre chronologique »[7].

    Pourquoi ne s’oppose-t-il pas ici explicitement au maître champenois ? La question reste ouverte.  

     

    Yona GHERTMAN

     

     

     

    * Moché ben Na'hman (Na'hmanide), Gérone 1194- Acre 1270

    Texte original : cf. notes


    [1] Commentaires sur Shemote 29, 1 et 31, 18 :

    פר אחד - לכפר על מעשה העגלמ שהוא פר:

    ויתן אל משה וגו' - אין מוקדם ומאוחר בתורה. מעשה העגל קודם לצווי מלאכת המשכןל ימים רבים היה, שהרי בשבעה עשר בתמוז נשתברו הלוחות, וביום הכפורים נתרצה הקדוש ברוך הוא לישראל, ולמחרת התחילו בנדבת המשכן והוקם באחד בניסן:

    [2] Rachi, Ibid. ; cf ; TB Pessa’him 6b.

    [3] רמב"ן שמות פרק לה פסוק א

    (א) ויקהל משה את כל עדת בני ישראל - יכלול "כל עדת בני ישראל" האנשים והנשים, כי כלם התנדבו במלאכת המשכן. והנה משה אחר שצוה לאהרן והנשיאים וכל בני ישראל האנשים כל אשר דבר ה' אתו בהר סיני אחרי שבור הלוחות, ונתן על פניו המסוה, חזר וצוה והקהילו אליו כל העדה אנשים ונשים. ויתכן שהיה זה ביום מחרת רדתו. ואמר לכולם ענין המשכן אשר נצטוה בו מתחלה קודם שבור הלוחות, כי כיון שנתרצה להם הקדוש ברוך הוא ונתן לו הלוחות שניות וכרת עמו ברית חדשה שילך השם בקרבם, הנה חזרו לקדמותם ולאהבת כלולותם, ובידוע שתהיה שכינתו בתוכם כענין שצוהו תחלה, כמו שאמר (לעיל כה ח) ועשו לי מקדש ושכנתי בתוכם, ולכן צוה אותם משה עתה בכל מה שנצטוה מתחלה:

    [4] Ce qui ressort également de son introduction au livre de Shemote :

    רמב"ן שמות הקדמה

     והנה הגלות איננו נשלם עד יום שובם אל מקומם ואל מעלת אבותם ישובו. וכשיצאו ממצרים אף על פי שיצאו מבית עבדים עדיין יחשבו גולים כי היו בארץ לא להם נבוכים במדבר וכשבאו אל הר סיני ועשו המשכן ושב הקדוש ברוך הוא והשרה שכינתו ביניהם אז שבו אל מעלות אבותם שהיה סוד אלוה עלי אהליהם והם הם המרכבה ואז נחשבו גאולים ולכן נשלם הספר הזה בהשלימו ענין המשכן ובהיות כבוד ה' מלא אותו תמיד:

    [5] Le Rav Elie Munk z’l suppose que le point de vue de Rachi se rattache au midrash, alors que celui du Ramban -reconnu pour son mysticisme- se rapproche davantage des vues du Zohar (cf. La Voix de la Torah, l’Exode, pp.305-306).

    [6] Commentaire sur Bamidbar 16, 1. Il s’oppose en l’espèce à Ibn ‘Ezra qui prête une portée beaucoup plus générale au principe :

    רמב"ן במדבר פרק טז פסוק א

    ואמר רבי אברהם כי זה הדבר היה במדבר סיני כאשר נחלפו הבכורים ונבדלו הלוים, כי חשבו ישראל שאדונינו משה עשה זה מדעתו לתת גדולה לאחיו, גם לבני קהת שהם קרובים אליו ולכל בני לוי שהם ממשפחתו, והלוים קשרו עליו בעבור היותם נתונים לאהרן ולבניו, וקשר דתן ואבירם בעבור שהסיר הבכורה מראובן אביהם, גם קרח בכור היה. וזה מדעתו של רבי אברהם שהוא אומר במקומות רבים אין מוקדם ומאוחר בתורה לרצונו. וכבר כתבתי (לעיל ט א) כי על דעתי כל התורה כסדר זולתי במקום אשר יפרש הכתוב ההקדמה והאחור, וגם שם לצורך ענין ולטעם נכון, אבל היה הדבר הזה במדבר פארן בקדש ברנע אחר מעשה המרגלים:

    [7] Alors que sur ce dernier point, il marque ouvertement sa divergence avec le Ibn ‘Ezra (cf. supra).

  • Projet Ramban : Ki-Tissa

    PROJET RAMBAN* SUR LA PARACHA

    Nahmanides wall painting in acre israel 1599x900

    Paracha Ki-Tissa : la langue 'sainte'

     

    Le comptage des bné Israël se fait par l'énumération de demi mesures. Demi mesure de poids d'argent, d'une valeur étalon, nommée le "pesant saint".

    En quoi ce shekel peut-il être Saint? Que signifie qu'un poids ou qu'une monnaie est sainte?

    Traduisons mieux, d'emblée. Qu'est-ce donc que cette sainteté ? Plus précisément cette "distinction", cette "particularité"?

    Le Ramban pose la question au passouk יג du perek ל.

    Il répond que si ce shekel est kodesh, c'est qu'il a affaire avec le domaine "saint". De fait, chez les bné Israël, le domaine clérical brasse de l'argent et beaucoup de mitsvot génèrent un transfert de valeur du privé au clérical, qui servira à l'érection du mishkan, et aux korbanot. La monnaie étalon mesure la valeur de ces transferts, et mesure donc du sacré. Donc toute la monnaie devient liée au sacré. Son usage fait qu'une valeur peut devenir sacrée, et cela impacte la nution même de valeur monétaire, la monnaie courante elle-même.

    Étonnant. Rien d'intrinsequement sacré dans la valeur de ce poids d'argent, qui d'ailleurs ne doit pas être utilisé directement mais uniquement par sa moitié, pour une raison qui ne nous intéressera pas ici. Rien d'intrinsequement sacré donc, sinon par l'usage qu'on peut en faire...

    Et le ramban de surenchérir : il fait le parallèle avec la langue de la Torah, le lashon hakodesh. La langue "distincte". Mais attention, pas "distinguée". Distincte car c'est celle qui, par son histoire, est différente, elle a servie à dieu pour créer le monde, énoncer la Torah, échanger entre dieu ses prophètes, nommer dieu lui-même, nommer des choses distinctes, des mal'ah'im. Son histoire et ce qu'elle nomme fait de cette langue une langue "sacrée".

    Rien d'ésotérique ne la distinguerait. Aucune valeur intrinsèque sinon comment, par qui et pour quoi elle a été utilisée.

     

    Et le Ramban s'oppose ici au Rambam dans le Moré.

    Pour celui-ci, la sainteté de cette langue est dûe à sa caractéristique intrinsèque : elle assume le trou. L'indicible. Ne pas chercher à nommer ce qui ne peut l'être, ou ne doit pas l'être, est ce qui rend une langue sainte. La langue des H'ah'amim est particulière car elle ne nomme ni le rapport sexuel, ni les sexes, ni les excréments. Seuls des allusions seront utilisées.

    Pour le Ramban, ce qui est pointé ici ne caractérise pas une langue mais son usage. Un langage. Qui, du reste, est déjà caractérise ainsi de par ailleurs : on appelle ça un langage châtié, lashon nekia. C'est une façon de parler empreinte de retenue. Mais non une caractéristique de la langue elle-même.

    Essayons de mieux comprendre la thèse du Rambam.

    Ce n'est pas l'usage qu'on en fait, qui la rend particulière. Le langage châtié s'y astreint et tout langage puritain n'est pas kodesh. C'est bien le fait de cette langue de se refuser à avoir des mots pour nommer ce qui pourrait l'être. Accepter des trous du langage, c'est assumer justement de l'indicible, que la langue ne peut pas tout dire, justement comme on ne nomme pas dieu, qu'il y a des choses sans mots, que l'on ne peut "objectivement" pas dire, pas nommer sans les falsifier, les fausser, là se joue la caractéristique de la langue kdosha.

    Le nom de Dieu est un immense sujet pour le Reste et là n'est pas le lieu pour s'y étendre. Car il a malgré tout un nom dans les Textes, même s'il ne se dit pas. Par contre le rapport sexuel n'est pas. Ou ne peut avoir de nom, pas seulement qui ne puisse être exprimé. Il ne peut y avoir de mot qui ne soit autre chose qu'allusion, signe qui pointe, ou plutôt non, il n'y a pas de tel signifiant, rien à pointer vers un trou, vers un non-être. Car c'est bien de cela qu'on s'approche. Non pas qu'il n'y ait pas de rapport sexuel, mais que ce n'est pas quelque chose qui peut être signifié.

    Oui, les mots me manquent. Il faudrait aller beaucoup plus loin pour rendre compte de la kdousha d'une langue.

    Mais le Ramban n'accepte pas cela.

    Pas parce qu'il soutiendrait que cette langue serait magique, plus juste, mieux ou que sais-je encore. Non.

    C'est la langue utilisée par la Torah pour parler de kdousha. Qui nous emmène donc de fait vers la kdousha par son usage et ses usages passés.

    Tout comme la monnaie qui mesure ce qui peut devenir kadosh par une parole ou un acte.

    Nathan Grandjean

     

     

    * Moché ben Na'hman (Na'hmanide), Gérone 1194- Acre 1270

    Texte original :


    Commentaire du Ramban sur Exode 30, 13


    וכן הטעם אצלי במה שרבותינו קוראין לשון התורה "לשון הקודש", שהוא מפני שדברי התורה והנבואות וכל דברי קדושה כולם בלשון ההוא נאמרו. והנה הוא הלשון שהקב"ה יתעלה שמו מדבר בו עם נביאיו ועם עדתו, אנכי ולא יהיה לך ושאר דברות התורה והנבואה, ובו נקרא בשמותיו הקדושים אל, אלוהים, צבאות, ושדי, ויו"ד ה"א, והשם הגדול המיוחד, ובו ברא עולמו, וקרא שמות שמים וארץ וכל אשר בם, ומלאכיו וכל צבאיו לכולם בשם יקרא מיכאל וגבריאל בלשון ההוא, ובו קרא שמות לקדושים אשר בארץ אברהם יצחק ויעקב ושלמה וזולתם:
    והרב אמר במורה הנבוכים ג ח
    אל תחשוב שנקרא לשוננו לשון הקדש לגאוותינו או לטעותינו, אבל הוא בדין, כי זה הלשון קדוש לא ימצאו בו שמות לאבר הבעילה בזכר או בנקבה, ולא לטפה ולשתן ולצואה רק בכינוי. ואל יטעה אותך "שגל" (תהלים מה י), כי הוא שם אשה המזומנת למשכב, ואמר ישגלה (דברים כח ל): על פי מה שנכתב עליו, ופירושו יקח אשה לפילגש:
    והנה אין צורך לטעם הזה, כי הדבר ברור שהלשון קדש קדשים הוא כמו שפירשתי. 
    והטעם שהזכיר על דעתי איננו אמת, כי מה שיכנו ישגלנה, ישכבנה, יורה כי משגל שם עצם לבעילה, וכן יכנו לאכול את חוריהם (מ"ב יח כז), כי הוא שם מגונה. ואם מפני טעמו של הרב, היו קורים לו "לשון נקיה", כעניין ששנינו (סנהדרין סח ב): עד שיקיף זקן התחתון ולא העליון אלא שדברו חכמים בלשון נקיה, ואמרו כי אם הלחם אשר הוא אוכל לשון נקי (ב"ר פו ז), וכן במקומות רבים:

     

      

    Lire la suite

  • Réflexion sur l'antisémitisme aujourd'hui en France

    בס״ד

     

    Dans quelle mesure doit-on s’indigner de Dieudonné et de Soral ?

    Ou comment la Torah peut aussi nous éclairer dans des débats très contemporains

     

                                           Schoucroun

    par  Shmouel Philippe Choucroun

     

    Voilà déjà plus de deux décennies que la communauté juive de France s’inquiète ouvertement de la montée de l’antisémitisme. Différentes attaques meurtrières ont été perpétrées ces dernières années à l’encontre de personnes identifiées comme juives, et ce dans un climat national assez tendu.

    Beaucoup d’intellectuels ou d’observateurs de notre société attribuent cette recrudescence de l’antisémitisme à la prolifération sur le net d’une nouvelle propagande mélangeant antisionisme et vieil antisémitisme, les nouvelles technologies ayant donc permis de contourner les médias traditionnels.

    Et dans cette nouvelle vague « brune, rouge, verte » comme l’ont nommé certains de nos représentants communautaires, l’ex-humoriste Dieudonné et l’essayiste au crâne rasé Alain Soral tiennent une place particulière.

    En effet Dieudonné a été le premier dans une émission télévisée diffusée à une heure de grande audience, à avoir osé comparer israéliens et nazis dans un sketch ; il a continué tout au long de sa carrière  à dénoncer ce qui était selon lui « la manipulation mémorielle de la Shoah » ou encore, à s’indigner contre «  la toute puissance des juifs dans la nation ».

    Fait inquiétant, le personnage est devenu au fil des années une sorte d’icône d’une France qui défie l’autorité et la morale de notre société, et qui s’esclaffe à chaque pic de l’humoriste contre BHL, le CRIF ou Bruel, ses cibles préférées.. 

    Face à ce phénomène, nombre de procédures judiciaires ont vu le jour – à chaque annonce de spectacle de l’ex- partenaire d’Elie Semoun, des forces se mobilisent pour interdire la venue de cet agitateur ; cependant le constat demeure le même. Ses salles de spectacle ne désemplissent pas et sur la toile, des centaines de milliers de personnes regardent régulièrement ce nouveau gourou des égarés de la société.

    Nous ne traiterons pas dans les lignes qui suivent des différentes analyses politiques, sociologiques ou autres qui ont été faites sur ce phénomène tels que : qui sont les fans de Dieudonné ? Pourquoi son message politique arrive à passer dans une certaine mesure dans la société et  ce, malgré les multiples condamnations de la justice française à son égard ? etc..                                                                                              

    Dans l’étude que nous développerons,  nous essaierons avant tout de porter un regard juif sur ce personnage et sa popularité, démarche peu courante malgré les années écoulées et  le  vacarme médiatique qui entourent cette vieille affaire.

    Finalement, Dieudonné doit-il autant  nous indigner  et nous mobiliser? Doit-on voir dans l’émergence de ce phénomène un cataclysme pour une France post-shoah  qui pensait avoir tourné une page de son histoire ? Ou bien doit-on finalement constater une impossible réparation de notre société ?

     

    L’antisémitisme, une si vieille histoire et si nouvelle histoire

    Commençons notre étude par un peu d’étymologie et d’histoire. Le terme antisémitisme est attribué pour la première fois à un intellectuel juif autrichien Moritz Steinshneider en 1860 et ce afin de désigner la haine ou les préjugés portés aux peuples d’origine sémite et de leurs tares culturelles, spirituelles ou intellectuelles.

    Evidemment le concept de l’antisémitisme n’a fait qu’évoluer et se muter au fil du temps et des sociétés dans lesquelles il évoluait : une fois on reprochait aux juifs l’amour de l’argent et l’exploitation des pauvres, et au même moment on s’insurgeait dans d’autres lieux que ces derniers véhiculaient et propageaient le poison de la révolution rouge.. (voir l’ouvrage référence - L’histoire de l’antisémitisme - de Léon Poliakov.)

    Antisemitisme

     

    Ceci étant, si nous nous référons au plus vieil ouvrage traitant de l’histoire du peuple juif, à savoir la Torah elle-même, nous ne constatons pas ni dans les textes ni dans les commentateurs de ces derniers une véritable théologie ou doctrine autour de ce sujet.

    La haine du juif ou d’Israël semble presque « naturelle » ou « inévitable », le peuple élu porterait en lui certains stigmates qui le rendent « détestable » par les autres nations.

    Développons notre analyse autour de deux ennemis légendaires du peuple hébreu, Parô et Aman.

     

    La haine de Parô et celle d’Aman, deux facettes différentes  d’un même mal..

    Parmi les innombrables ennemis du peuple hébreu, deux personnages incarnent cette haine destructrice qui nous a toujours menacé : Pharaon (Parô) et Aman au temps de Mordechaï et Esther. Comparons leur démarche et manigance:

    Dans la parachat Chemot, Parô constate l’accroissement exponentiel du peuple juif dans son pays :

     

    וַיֹּאמֶר אֶל-עַמּוֹ: הִנֵּה עַם בְּנֵי יִשְׂרָאֵל--רַב וְעָצוּםמִמֶּנּוּ.

    Il dit à son peuple: "Voyez, la population des enfants d'Israël surpasse et domine la nôtre. (chemot 1,9)

    Puis Parô enchérit :

     

    הָבָה נִתְחַכְּמָה, לוֹ: פֶּן-יִרְבֶּה, וְהָיָה כִּי-תִקְרֶאנָה מִלְחָמָה וְנוֹסַף גַּם-הוּא עַל-שֹׂנְאֵינוּ, וְנִלְחַם-בָּנוּ, וְעָלָה מִן-הָאָרֶץ

    Eh bien! usons d'expédients contre elle; autrement, elle s'accroîtra encore et alors, survienne une guerre, ils pourraient se joindre à nos ennemis, nous combattre et sortir de la province." 1

    La sentence tombe :

    וַיָּשִׂימוּ עָלָיו שָׂרֵי מִסִּים, לְמַעַן עַנֹּתוֹ בְּסִבְלֹתָם; וַיִּבֶן עָרֵי מִסְכְּנוֹת, לְפַרְעֹה--אֶת-פִּתֹם וְאֶת-רַעַמְסֵס

    Et l'on imposa à ce peuple des officiers de corvée pour l'accabler de labeurs et il bâtit pour Pharaon des villes d'approvisionnement, Pithom et Ramessès.

     

    Nous remarquons en se penchant sur ces psoukim, que Parô est tout d’abord « inquiet » de l’ascendant démographique que prennent les hébreux sur son peuple. Nous pouvons objectivement s’accorder sur le fait que la Torah elle-même témoigne de l’accroissement miraculeux de la population juive en Egypte. Toutefois, les hébreux n’expriment aucune hostilité ou attitude irrespectueuse envers le souverain. Bien au contraire, selon les sources midrashiques, ceux sont les hébreux eux-mêmes qui offriront leur force de travail à Parô et ce afin de le soulager de sa charge de travail. Les décrets de Parô semblent donc être décalés, nous constatons une inadéquation entre son discours et ses actes :

    • il asservit les hébreux et les écrase sous le poids de travaux forcés titanesques.
    • Il va par la suite s’opposer farouchement à la sortie des hébreux d’Egypte lorsque Moïse l’en implorera.

    Or, ces réactions contredisent les propos de Parô à son peuple ! Pourquoi ne pas laisser au contraire fuir les hébreux, voir même les chasser du pays s’ils sont une si grande menace pour l’Egypte ?

    Hagada

    Analysons maintenant la posture et le discours d’Aman dans le livre d’Esther lorsque ce dernier vint demander à l’empereur Assuérus le droit de s’en prendre aux juifs* :

     ַיֹּאמֶר הָמָן, לַמֶּלֶךְ אֲחַשְׁוֵרוֹשׁ--יֶשְׁנוֹ עַם-אֶחָד מְפֻזָּר וּמְפֹרָד בֵּין הָעַומִּים, בְּכֹל מְדִינוֹת מַלְכוּתֶךָ; וְדָתֵיהֶם שֹׁנוֹת מִכָּל-עָם, וְאֶת-דָּתֵי הַמֶּלֶךְ אֵינָם עֹשִׂים, וְלַמֶּלֶךְ אֵין-שֹׁוֶה, לְהַנִּיחָם

    Puis Aman dit au roi Assuérus: "Il est une nation répandue, disséminée parmi les autres nations dans toutes les provinces de ton royaume; ces gens ont des lois qui diffèrent de celles de toute autre nation; quant aux lois du roi, ils ne les observent point: il n'est donc pas de l'intérêt du roi de les conserver.(Esther 3,8)

    Il est intéressant de noter deux points dans le discours d’Aman :

    1. Il ne cite pas explicitement le nom de cette fameuse nation disséminée et à la religion si différente.
    2. II ne se plaint pas de la puissance éventuelle de ce peuple contrairement à Parô, mais uniquement de sa différence, de ses croyances et pratiques incompatibles avec la société.

    Iznogoud

    Parô et Aman font finalement deux analyses différentes du peuple juif, et de là découle une hostilité conjoncturelle pour l’un, structurelle pour l’autre :

    Parô analyse le peuple juif comme un peuple puissant, dominant, envahissant.. Il faut s’en préserver, mais… en l’exploitant, en le spoliant ou de toute autre manière qui servirait le tyran. C’est donc cet antisémitisme bourgeois, ou mondain, qui se plaint de voir des juifs « partout » dans les médias, la finance ou la politique mais qui prend soin de les laisser prospérer avant de mieux les spolier.

    (Dans les correspondances d’Israël Ben Menassé avec Cromwell au XVIIe siècle, le souverain britannique s’inquiète d’une éventuelle installation des juifs dans son pays et de leur « accaparation des richesses ». (il n’y avait plus de communauté juive dans ce pays depuis les croisades) Le rabbin d’origine portugaise expliquera alors à son interlocuteur du grand intérêt des anglais à accepter des juifs sur leur sol pour qu’ils puissent y faire prospérer l’économie. En d’autres termes on parle avec Parô dans la langue de Parô..)

    Il n’est pas étonnant d’apprendre que selon nos maîtres les Egyptiens avaient atteint le 49e degré d’impureté ;  Il n’y avait plus de limite morale face aux désirs et intérêts personnels.

    Parô veut, l’Egypte exécute.

     

    Lorsque notre patriarche Abraham descend en Egypte des années plus tôt à cause de la famine, il refuse de déclarer que Sarah est son épouse :

    אִמְרִי-נָא, אֲחֹתִי אָתְּ--לְמַעַן יִיטַב-לִי בַעֲבוּרֵךְ, וְחָיְתָה נַפְשִׁי בִּגְלָלֵךְ

     Dis, je te prie, que tu es ma soeur; et je serai heureux par toi, car j'aurai, grâce à toi, la vie sauve.(Béréchit 12,13)

    Abraham comprend que le pharaon (de son époque déjà) et les Egyptiens ne pourront devant la tentation se retenir ; à ce titre, il préfère encore cacher l’identité de Sarah et ce, pour que la situation ne dégénère pas.

     

    Nous reprochons donc à Parô cette attitude mesquine et lâche, usant de la faiblesse présumée des hébreux pour assouvir ses besoins, ses rêves. Afin d’atteindre ses objectifs, il construit tout un discours hostile aux hébreux afin de persuader son peuple de la morale de sa politique ! Parô se rendra même coupable d’atrocités (génocide des nouveaux nés mâles) une fois qu’il enclenchera ce processus de brimade envers les hébreux.

     

    Aman quant à lui, se situe dans une tout autre démarche ; Nous avons souligné plus haut qu’il ne citait pas dans son discours le mot « juif » ou « hébreu ». Il exprime à ce titre la négation de l’essence même d’Israël. Descendant d’Amaleck,  ennemi héréditaire et viscéral des hébreux, Aman se refuse à reconnaître toute spiritualité, transcendance, message divin à travers Israël.

    Des siècles plus tôt, alors même que les hébreux sortaient d’Egypte suite à des miracles prodigieux, le peuple d’Amaleck, aïeul d’Aman n’hésita pas à attaquer ces esclaves fraîchement libérés au risque de subir le même sort que les Egyptiens. Il refusait l’idée même d’un peuple élu pour porter le message de D.ieu sur terre, d’une alliance entre l’homme et l’Eternel. Amaleck ne veut vivre que dans un matérialisme opaque, géré par le « hasard de l’univers ».

    Antis 1

    (Fait intéressant Hitler que son nom soit effacé, faisait lui aussi la distinction entre deux antisémitismes :

    L’antisémitisme fondé sur des motifs purement sentimentaux, trouvera son expression ultime sous forme de pogroms. L’antisémitisme selon la raison doit, lui, conduire au combat législatif contre les privilèges des Juifs et à l’élimination de ces privilèges... Son but ultime [celui de l’antisémitisme] doit, immuablement, être l’élimination des Juifs en général –lettre d’Adolph Hitler à Adolph Gemlich – A. H. reproche ici finalement à  l’antisémite « sentimental », sic, que ce dernier  achevait ses brimades  après un pogrom, une fois ses pulsions assouvies, alors que lui prônait une extermination idéologique jusqu’au-boutiste).

    Nous pouvons donc distinguer deux sortes d’antisémitisme, l’un opportuniste et conjoncturel, et l’autre idéologique et structurel.

    Face à ces deux fléaux, la Torah ne dévoile pas de remède magique. Pourquoi ?

    Parce que l’un sera toujours prisonnier de sa cupidité, jalousie, lacheté ! ses discours ne viennent que masquer, habiller sa malfaisance.

    Quant à l’autre, il porte une haine viscérale, maladive de ce que peut représenter le juif dans ce monde. Pour le soulager, il faudrait que les juifs disparaissent et ce ne serait peut-être encore pas suffisant.

    Nous avons peut-être dans notre génération aujourd’hui en France, l’alliance dévoilée de ces deux visages hideux de l’antisémitisme incarnés par Dieudonné et Soral.

     L’un ne supporte pas la réussite des juifs, il a l’impression que ces derniers envahissent son quotidien. Ayant fait de la haine de ces derniers un commerce fleurissant, il ne cesse de s’enfoncer dans cette voie, toujours plus loin dans la provocation car l’argent l’emporte sur la morale et la décence. Rire de six millions de victimes ne l’offusquera donc  jamais.

    L’autre a de nouveau déterré les vieux classiques de l’antisémitisme pour les mettre au goût du jour, sa haine est idéologique, profondément ancrée dans son être. Il en a fait le combat de sa vie à l’instar du IIIe Reich.

    Il va de soit que la Torah ne prône jamais la tolérance et l’indifférence devant la haine de ses ennemis.

     

    Hillel  enseignait :

       « Si je ne suis pour moi, qui le sera ? » ( Michna Perkei Avot, 1-14)

    Effectivement si la communauté juive n’est pas en première ligne dans ce combat, qui le sera ? Les initiatives légales pour contrecarrer la diffusion de leurs idées malfaisantes sont nécessaires et louables.

    Cependant,  nous ne devons pas perdre de vue que derrière le combat contre ce fléau, l’essence même de ce mal provient soit de deux points ;

    • Le refus de dominer ses instincts, ses pulsions quitte à franchir toutes les lignes morales.
    • La négation même de toute spiritualité, éthique divine.

     

    En cela, l’antisémite doit finalement plus nous renforcer dans nos convictions que nous indigner. Soral et Dieudonné ne sont ni plus ni moins que l’expression profonde des vices moraux rejetés par l’éthique juive. Cette lutte éternelle contre le mal est en soi la mission d’Israël !


     

     

     

  • Projet-Ramban : Tetsavé

    PROJET RAMBAN* SUR LA PARACHA

    Nahmanides wall painting in acre israel 1599x900

    Parashat Tetsave – Commentaire du Ramban

     

    Notre parasha continue les mitsvot relatives au Tabernacle et décrit les habits que devront vêtir le Cohen et le Cohen Gadol.

    La signification de ces habits est évidemment source d’exégèses à toute époque. Le commentaire que nous allons voir cette semaine se caractérise par sa double référence – il s’inscrit dans la lignée des commentaires du pshat pour continuer dans celle des commentaires du sod.

     

    Le verset qui sert de “support” au commentaire est le verset XXVIII,2 :

    “Tu feras à Aaron, ton frère, des vêtements sacrés, pour marquer sa dignité et pour lui servir de parure.” – En Hébreu, « לכבוד ולתפארת »

     

    Ces deux derniers mots permettent de prime abord au Ramban de définir ces vêtements comme étant des vêtements royaux. Et pour étayer son argument, le Ramban va utiliser de manière transversale toute la Bible !

    La Koutonet – la tunique du Cohen -  c’est un vêtement d’apparat, nous dit le Ramban. Preuve en est le cadeau que Yaakov fit à Yossef : (Bereshit XXVII,3) : « Israël aimait Joseph plus que tous ses autres fils, parce qu'il l'avait eu dans sa vieillesse ; et il lui fit une tunique – koutonet- de plusieurs couleurs. ». Plus encore, c’est un vêtement royal – lors du tragique épisode de Amnon et Tamar, le verset nous précise (Samuel II, XIII,18) : « Elle – Tamar - avait une tunique - Koutonet- de plusieurs couleurs ; car c'était le vêtement que portaient les filles du roi, aussi longtemps qu'elles étaient vierges ».

    La Mitsnefet – le couvre-chef du Cohen : le Ramban nous prouve ici aussi que c’est un habit royal. Ainsi, lorsque le prophète met en garde le Roi d’Israël que son royaume va prendre fin, il lui dit « Ainsi parle Hashem : La tiare – mitsnefet- sera ôtée, le diadème sera enlevé. Les choses vont changer. Ce qui est abaissé sera élevé, et ce qui est élevé sera abaissé. » (Ézéchiel XXI,31). A l’inverse lorsque Ishaya prédit le retour, il s’exprime : « Tu seras une couronne éclatante dans la main de l'Éternel, un turban – tsnif- royal dans la main de ton Dieu » (Isaïe, LXII,3)

    Le Tzitz  est aussi un diadème royal. Le verset des Psaumes sert au Ramban de preuve : « Je revêtirai de honte ses ennemis, et sur lui brillera – yatsits- sa couronne. » (Psaumes CXXXII, 18)

    Le Efod et le Hoshen – le pectoral. Un verset de Daniel sert au Ramban de preuve « J'ai appris que tu peux donner des explications et résoudre des questions difficiles ; maintenant, si tu peux lire cette écriture et m'en donner l'explication, tu seras revêtu de pourpre, tu porteras un collier d'or à ton cou, et tu auras la troisième place dans le gouvernement du royaume. » (Daniel V, 16). Il est notable que le Ramban agit ainsi comme un véritable pashtan. Il superpose aisément le Efod et le Hoshen avec un « collier », bien que la racine du mot employé dans Daniel ne l’indique pas clairement.

    Une deuxième remarque peut être faite ici : voir dans le Efod un habit royal et non pas un habit strictement réservé au Cohen permet peut-être de résoudre un problème d’exégèse du livre de Shmouel. En plusieurs endroits on voit des personnes n’étant pas Cohen ou Cohen Gadol en fonction porter un Efod. Par exemple, Samuel lui-meme porte un Efod au verset II, 18 de Samuel I. Ou encore dans XXII, 18, on nous parle de 85 ( !) hommes portant l’Efod ! Suivant l’explication du Ramban, il est aisé d’expliquer que ce ne sont pas des habits spécifiquement réservés au Cohen, mais au contraire, leur caractère royal a fait que la Torah les a attribués au Cohen…

    Enfin, au-delà des vêtements, les couleurs même que la Torah a exigées sont des couleurs royales : or, pourpre et bleu azur – teh’elet- . Le Ramban cite comme preuves divers versets tirés des Psaumes, de Daniel ou encore du livre d’Esther.

     

    Jusqu’ici, le Ramban s’est placé dans la lignée des commentateurs pashtan. Les vêtements pontificaux ont été définis car ils évoquent de manière claire l’apparat et la noblesse.

    Mais le Ramban ne s’arrête pas là et entame un second paragraphe avec son expression caractéristique « ועל דרך האמת » - “Et selon la vraie explication » introduisant toujours l’exégèse kabbalistique. S’en suit alors une série d’explications allusives et concises que les commentateurs du Ramban décryptent, quand de toute évidence, le mot principal qui tisse le commentaire est « תפארת »   mot du verset qui renvoie, selon le Ramban, à la sefira de Tiferet…

    Nous ne développerons pas cette partie du commentaire, en étant bien incapables…

    Nous nous contenterons d’une remarque. Le Ramban finit ce passage en expliquant que les vêtements devaient être faits par des gens comprenant tous les « secrets » qui les habitent. Et, il cite en preuve, un passage du traité Yoma « son image me guidait lors de mes batailles ».

    Ce passage relate la rencontre extraordinaire entre Shimon Hatsaddik, alors Kohen Gadol, et Alexandre le Grand. Ce dernier, alors qu’il s’approchait de Judée vit Shimon Hatsaddik sortant à sa rencontre. A la vue du Kohen Gadol, Alexandre le Grand descendit de sa monture pour se prosterner. A ses troupes étonnées, il expliqua « lorsque je partais en guerre, son image me guidait lors de mes batailles » 

    La lecture habituelle de ce passage est que le visage de Shimon Hatsaddik apparaissait à Alexandre ; et que lorsque ce dernier reconnut ses traits, il se prosterna. Mais, si le Ramban cite ce passage pour étayer son commentaire sur les vêtements pontificaux, c’est que selon lui, ça n’est pas tant le visage du Cohen qu’Alexandre voyait, mais l’habit du Kohen Gadol. Ainsi, l’habit lui-même était assez évocateur et empreint de mystères pour que celui qui le voyait sentait une inspiration digne d’être suivie…

     

    Ce relativement long commentaire nous a semblé intéressant à partager. Il nous semble caractéristique du Ramban : une école clairement kabbalistique, mais qui sait exceller autant que d’autres dans l’exercice du pshat

     

    Benjamin Sznajder

     

    * Moché ben Na'hman (Na'hmanide), Gérone 1194- Acre 1270

    Texte original :

    רמב"ן שמות פרק כח פסוק ב
    (ב) לכבוד ולתפארת - שיהיה נכבד ומפואר במלבושים נכבדים ומפוארים, כמו שאמר הכתוב כחתן יכהן פאר (ישעיה סא י), כי אלה הבגדים לבושי מלכות הן, כדמותן ילבשו המלכים בזמן התורה, כמו שמצינו בכתנת ועשה לו כתנת פסים (בראשית לז ג), שפירושו מרוקמת כדמות פסים, והיא כתונת תשבץ כמו שפירשתי, והלבישו כבן מלכי קדם. וכן הדרך במעיל וכתנת, וכתוב ועליה כתנת פסים כי כן תלבשנה בנות המלך הבתולות מעילים (ש"ב יג יח), ופירושו כי עליה כתנת פסים נראית ונגלית, כי המנהג ללבוש בנות המלך הבתולות מעילים שתתעלפנה בהן, ונמצא שכתנת הפסים עליה מלבוש עליון, ולכן אמר וכתנת הפסים אשר עליה קרעה:
    והמצנפת ידועה גם היום למלכים ולשרים הגדולים, ולכן אמר הכתוב בנפול המלכות הסר המצנפת והרם העטרה (יחזקאל כא לא), וכן כתוב וצניף מלוכה (ישעיה סב ג), וכך יקראם הכתוב פארי המגבעות (להלן לט כח), וכתיב פארי פשתים יהיו על ראשם (יחזקאל מד יח), שהם פאר ושבח למכתירים בהם. והאפוד והחשן לבוש מלכות, כענין שכתוב והמניכא די דהבא על צוארך (דניאל ה טז). והציץ נזר המלכים הוא, וכתיב (תהלים קלב יח) יציץ נזרו. והם זהב וארגמן ותכלת, וכתיב (שם מה יד) כל כבודה בת מלך פנימה ממשבצות זהב לבושה, וכתיב (דניאל ה טז) ארגוונא תלבש והמניכא די דהבא על צוארך. והתכלת גם היום לא ירים איש את ידו ללבוש חוץ ממלך גוים, וכתיב (אסתר ח טו) ומרדכי יצא מלפני המלך בלבוש מלכות תכלת וחור ועטרת זהב גדולה ותכריך בוץ וארגמן, והתכריך הוא המעיל שיעטף בו:
    ועל דרך האמת, לכבוד ולתפארת, יאמר שיעשו בגדי קדש לאהרן לשרת בהם לכבוד השם השוכן בתוכם ולתפארת עזם, כדכתיב (תהלים פט יח) כי תפארת עזמו אתה. וכתיב (ישעיה סד י) בית קדשנו ותפארתנו אשר הללוך אבותינו, וקדשנו הוא הכבוד ותפארתנו תפארת ישראל, ועוד נאמר (תהלים צו ו) עוז ותפארת במקדשו, וכן לפאר מקום מקדשי ומקום רגלי אכבד (ישעיה ס יג), שיהיה מקום המקדש מפואר בתפארת, ומקום רגליו, שהוא מקום בית המקדש, מכובד בכבוד השם. וכן ובישראל יתפאר (שם מד כג), שיהיה מראה ומיחד בהם תפארתו, וכן אמר למטה גם בבגדי הבנים כלם לכבוד ולתפארת (להלן פסוק מ), ואמר בקרבנות יעלו על רצון מזבחי ובית תפארתי אפאר (ישעיה ס ז). והנה המזבח רצונו, והכבוד בית תפארתו. והיו הבגדים צריכין עשייה לשמן, ויתכן שיהיו צריכין כוונה, ולכן אמר ואתה תדבר אל כל חכמי לב אשר מלאתיו רוח חכמה, שיבינו מה שיעשו. וכבר אמרו (יומא סט א) דמות דיוקנו מנצח לפני בבית מלחמתי: 

  • Un sanctuaire pour quoi faire ?

    PROJET RAMBAN* SUR LA PARACHA

       Nahmanides wall painting in acre israel 1599x900

    Un sanctuaire pour quoi faire ?

     

    Lorsque Maïmonide parle du michkane, le temple portatif du désert, il le décrit comme un lieu de culte[i]. Il défendra que la fabrication du michkane n’a pour but que de détourner les yeux des anciens esclaves égyptiens de leurs idoles. Pour Nahmanide l’érection du temple renvoie à de toutes autres préoccupations : il s’agit de faire perpétuer la gloire qui apparut sur le mont Sinaï. Nulle concession au paganisme, mais la nécessité de continuer la promulgation de la loi.

    Seuls quelques principes de lois ont été donnés sur le mont Sinaï. Après la grande pompe du Sinaï, il faut passer à la présence discrète, démontrant en cela le lien tissé avec le « Dieu d’Israël ». Nahmanide voit dans cette expression le fil qui conduit du Sinaï, au temple portatif, puis au temple de Jérusalem. Voilà le rôle essentiel du michkane, sans doute pourrait-il servir de lieu de culte, mais secondairement. La « gloire » qui résida sur le mont Sinaï se retrouve dans le michkan : l’essentiel de l’accent est mis sur Dieu, et non pas sur l’homme en son rapport à Dieu. La voix qui s’exprima sur le Sinaï au vu et au su de tous, extérieure à tous, presque objective, continuera à s’exprimer mais à partir de l’espace vide situé entre les chérubins placés sur l’arche sainte. La voix divine chemine du Ciel, comme un scintillement, puis vient s’exprimer à partir du lieu vide situé entre les chérubins.

    Mais pourquoi insister sur le trajet de la voix divine ? Si l’on comprend que celle-ci s’exprime à partir d’un mi-lieu qui est vide, pourquoi rappeler que cette voix ‘vient du Ciel’ ? C’est que le vide en question n’est pas un néant, mais vient désigner ce qui transcende toute représentation. C’est une gageure que de donner un lieu au Dieu invisible. Comment maintenir sa transcendance au milieu de l’or et de l’argent ? C’est précisément dans ce renvoi à l’origine céleste de la voix que se rejoue discrètement la scène du Sinaï. Les chérubins abritent le vide - le silencieux secret du monothéisme-, mais un vide fort de tous les potentiels de la loi qui se déploie à partir des principes énoncés sur le Sinaï.

     

    Franck Benhamou

     

     

    * Moché ben Na'hman (Na'hmanide), Gérone 1194- Acre 1270

    Texte original :

    רמב"ן שמות פרק כה

    וסוד המשכן הוא, שיהיה הכבוד אשר שכן על הר סיני שוכן עליו בנסתר. וכמו שנאמר שם (לעיל כד טז) וישכן כבוד ה' על הר סיני, וכתיב (דברים ה כא) הן הראנו ה' אלהינו את כבודו ואת גדלו, כן כתוב במשכן וכבוד ה' מלא את המשכן (להלן מ לד). והזכיר במשכן שני פעמים וכבוד ה' מלא את המשכן, כנגד "את כבודו ואת גדלו". והיה במשכן תמיד עם ישראל הכבוד שנראה להם בהר סיני. ובבא משה היה אליו הדבור אשר נדבר לו בהר סיני. וכמו שאמר במתן תורה (דברים ד לו) מן השמים השמיעך את קולו ליסרך ועל הארץ הראך את אשו הגדולה, כך במשכן כתיב (במדבר ז פט) וישמע את הקול מדבר אליו מעל הכפרת מבין שני הכרובים וידבר אליו. ונכפל "וידבר אליו" להגיד מה שאמרו בקבלה שהיה הקול בא מן השמים אל משה מעל הכפרת ומשם מדבר עמו, כי כל דבור עם משה היה מן השמים ביום ונשמע מבין שני הכרובים, כדרך ודבריו שמעת מתוך האש (דברים ד לו), ועל כן היו שניהם זהב. וכן אמר הכתוב (להלן כט מב מג) אשר אועד לכם שמה לדבר אליך שם ונקדש בכבודי, כי שם יהיה בית מועד לדבור ונקדש בכבודי:

    והמסתכל יפה בכתובים הנאמרים במתן תורה ומבין מה שכתבנו בהם (עי' להלן פסוק כא) יבין סוד המשכן ובית המקדש, ויוכל להתבונן בו ממה שאמר שלמה בחכמתו בתפלתו בבית המקדש ה' אלהי ישראל (מ"א ח כג), כמו שאמר בהר סיני ויראו את אלהי ישראל (לעיל כד י), והוסיף שם לפרש "ה'" לענין שרמזנו שם למעלה כי אלהי ישראל יושב הכרובים, כמו שאמר וכבוד אלהי ישראל עליהם מלמעלה היא החיה אשר ראיתי תחת אלהי ישראל בנהר כבר ואדע כי כרובים המה (יחזקאל י יט כ). ואמר דוד ולתבנית המרכבה הכרובים זהב לפורשים וסוככים על ארון ברית ה' (דהי"א כח יח), וכן יזכיר תמיד בבית המקדש לשם ה' (מ"א ה יט), לשמך (שם ח מד), ויאמר בכל פעם ופעם ואתה תשמע השמים (שם ח לו), במדת רחמים, וכתיב (שם ח מד מה) והתפללו אל ה' דרך העיר אשר בחרת בה והבית אשר בניתי לשמך ושמעת השמים, ובביאור אמר כי האמנם ישב אלהים את האדם על הארץ הנה שמים ושמי השמים לא יכלכלוך (דהי"ב ו יח). וכתיב על הארון להעלות משם את ארון האלהים אשר נקרא שם שם ה' צבאות יושב הכרובים עליו (ש"ב ו ב). ובדברי הימים (א יג ו) להעלות משם את ארון האלהים ה' יושב הכרובים אשר נקרא שם, כי השם יושב הכרובים:

     

    [i] Voir Séfer Hamitsvot. Commandement positif n°20.

     

  • Michpatim- projet Ramban

      PROJET RAMBAN* SUR LA PARACHA

    Nahmanides wall painting in acre israel 1599x900

    Parachat Michpatim :

    Comment le Ramban nous dévoile la force cachée des faibles et la faiblesse des forts 

     

    La parachat Michpatim fournit essentiellement, comme l’indique son nom, une liste non négligeable de loi et ce, juste après le récit du don de la Torah au mont Sinaï, lu la semaine dernière dans la section de Yitro.

    Parmi les lois énoncées, l’une concerne l’interdit d’oppresser l’étranger vivant parmi nous.

    Ainsi la Torah écrit dans le chapitre 22, verset 21 :

    וְגֵר לֹא-תוֹנֶה וְלֹא תִלְחָצֶנּוּ: כִּי-גֵרִים הֱיִיתֶם בְּאֶרֶץ מִצְרָיִם

    Tu n’oppresseras pas l’étranger, et tu ne feras point pression sur lui ; car étrangers vous étiez en terre d’Egypte

     

    Puis la Torah précise dans un autre verset plus loin  (23) :

    אִם-עַנֵּה תְעַנֶּה אֹתוֹ--כִּי אִם-צָעֹק יִצְעַק אֵלַי שָׁמֹעַ אֶשְׁמַע צַעֲקָתוֹ

    Et si affliger, tu l’affligeras, alors si crier il criera vers moi, et écouter j’écouterai sa plainte

     

    Ce dernier verset semble intriguant ; en effet que vient-il ajouter à l’injonction de ne pas oppresser l’étranger ? En quoi cela nous intéresse-t-il  de savoir si l’Eternel écoute ou non les prières de l’étranger ?

    Rachi semble soulever cette difficulté dans son commentaire :

    Le texte s’exprime de manière elliptique : il profère une menace sans spécifier la punition encourue par celui qui passera outre comme dans : « c’est pourquoi quiconque tuera Caïn sera puni au septuple ! » (Béréchit4,15) où il menace sans spécifier la punition. De même ici « si affliger, tu l’affligeras » est une simple menace ; tu finiras par recevoir ce qui te revient. Pourquoi. « car si crier il criera vers moi »

    Rachi analyse ce verset comme un texte elliptique, en d’autres termes ces paroles expriment avant tout une menace envers celui qui transgresserait l’injonction de l’Eternel ; cependant l’Ecrit oublie de nous préciser la nature du châtiment du fauteur tout en soulignant que la punition viendra en réponse aux prières de l’Etranger.

     

    Cependant le Ramban va s’opposer farouchement à cette explication de Rachi et nous proposer une lecture différente du texte !

    En effet, le Ramban refuse l’idée qu’il faille comprendre comme Rachi le mot אם qui signifie en hébreu      «  si » (le conditionnel) dans son sens littéral ; ce terme serait dans le contexte du verset selon le Ramban l’équivalent d’un רק c'est-à-dire « seulement » une condition sine qua non et exclusive au châtiment divin qui n’a besoin d’être énoncé par ailleurs !

    Nous pourrions expliquer les deux avis de ces deux grands maîtres de la manière suivante :

     

    - Selon Rachi la Torah vient exprimer avant tout dans ce verset une menace (non explicitée) et ce en réponse aux prières de l’Etranger.

     

    • Selon le Ramban la Torah vient dévoiler un mécanisme, une approche dans la compréhension de la providence divine à savoir que les intentions de l’oppresseur seront celles qui le conduiront à sa perte ! en effet, il nous faut lire le texte de la manière suivante selon Nahmanide :

     

    - « si affliger tu affligeras » pourquoi affliger l’étranger ? Car tu penses en ton fort intérieur qu’il n’a point d’appuis puissants dans la société, point de connaissance parmi les gens influant et hauts placés qui pourront le protéger

     - « alors seulement et seulement si crier il criera vers moi » mais toi tu n’as point penser que dans sa faiblesse et son isolement, il pourrait justement s’appuyer et implorer véritablement l’unique aide et  protection pouvant venir à son secours à savoir celle de l’Eternel et « ce seulement s’il la réclame » *

    - « alors écouter j’écouterai sa plainte ».. Car finalement ce qui te semblait être sa faiblesse se révèlera être sa force principale et redoutable ! Quant aux forts, lorsqu’ils seront à leur tour inquiétés, ils préfèreront se tourner vers leurs connaissances et conseillers plutôt que de se tourner vers le créateur !

     

    Le Ramban révèle que ce principe se retrouve à plusieurs endroits dans les écrits comme dans le livre des Proverbes (chap22, verset 22-23) :

    אַל-תִּגְזָל-דָּל כִּי דַל-הוּא וְאַל-תְּדַכֵּא עָנִי בַשָּׁעַר כִּי-יְהוָה, יָרִיב רִיבָם;

     « Ne profite pas du faible car il est faible; et n’écrase pas le pauvre au tribunal, car l’Eternel plaidera sa cause »

    Nous remarquons une nouvelle fois que le faible, le démuni n’ont justement que l’Eternel pour protecteur, et c’est cela précisément qui devrait nous inspirer la crainte, bien plus que le châtiment divin (non dévoilé là encore..)

     

    En conclusion le Ramban nous révèle ici en travaillant le texte un secret formidable et fondamental dans notre compréhension de la Torah et de la vie en général :

     

    Nous connaissons tous l’adage « Forts avec les faibles et faibles avec les forts » - l’homme à l’instar d’un prédateur, pourrait lui aussi chercher les proies faibles de la société pour pouvoir les oppresser et les exploiter sans être inquiété par d’éventuelles représailles !

    La Torah inverse ce regard sur la société pour nous dévoiler que de la faiblesse présumée de ses victimes peut naître une force insoupçonnée et redoutable : la Téfilah, la prière qui prononcée depuis les abîmes de l’âme peut agir dans le ciel  avec force !

     

    Shmouel Choucroun

             

    * Moché ben Na'hman (Na'hmanide), Gérone 1194- Acre 1270

    Texte original :

    רמב"ן שמות פרק כב פסוק כב


    (כב) אם ענה תענה אותו - הרי זה מקרא קצר, גיזם ולא פירש ענשו, כמו לכן כל הורג קין (בראשית ד טו), ולא פירש העונש. אף כאן, אם ענה תענה אותו, לשון גיזום, סופך ליטול את שלך, למה, כי יצעק אלי אשמענו ואנקמנו. לשון רש"י. ואיננו נכון, וגם העד שהביא לא העיד כן, אבל יתכן שיהיה "כי" במקום הזה כמו "אם", שהוא אחד משמושין שלו, יאמר, אם יצעק אלי שמוע אשמע צעקתו, והכפל לנחוץ הענין וחזוקו, כדרך המבלי אין קברים (לעיל יד יא), הרק אך במשה (במדבר יב ב):
    והנכון בעיני כי יאמר אם ענה תענה אותו רק צעוק יצעק אלי בלבד מיד אשמע צעקתו, איננו צריך לדבר אחר כלל, כי אני אושיענו ואנקום אותו ממך. והטעם, כי אתה לוחץ אותו מפני שאין לו מושיע מידך, והנה הוא נעזר יותר מכל אדם, כי שאר האנשים יטרחו אחרי מושיעים שיושיעום ואחרי עוזרים לנקום נקמתם, ואולי לא יועילו והצל לא יצילו, וזה בצעקתו בלבד נושע בה' וינקם ממך, כי נוקם ה' ובעל חמה (נחום א ב):
    ויבא כענין הזה בכתובים רבים, כגון מה שאמר (משלי כב כב - כג) אל תגזל דל כי דל הוא ואל תדכא עני בשער כי ה' יריב ריבם, יאמר אל תגזול דל בעבור שהוא דל ואין לו עוזרים ואל תדכא העני אשר בשעריך כי ה' יריב בעבורם, וכן אמר (שם כג י - יא) ובשדה יתומים אל תבוא כי גואלם חזק ה' צבאות שמו, שיש להם גואל חזק וקרוב יותר מכל אדם. אף כאן אמר כי בצעקתו בלבד יושע. וכמוהו כי כאשר ירד הגשם והשלג מן השמים ושמה לא ישוב כי אם הרוה את הארץ והולידה והצמיחה ונתן זרע לזורע ולחם לאוכל כן יהיה דברי אשר יצא מפי לא ישוב אלי ריקם כי אם עשה את אשר חפצתי (ישעיה נה י יא), בשניהם יאמר שלא יעשו דבר אחר, כי אם שירוה את הארץ מיד, וכן כי אם שיעשה מה שחפצתי, והנה הוא כטעם אלא, וכן כי אם אל ארצי ואל מולדתי אלך (במדבר י ל): 

       

  • The day after tomorrow

       PROJET RAMBAN* SUR LA PARACHA

    Nahmanides wall painting in acre israel 1599x900

    The day after tomorrow (Paracha Yitro)

     

    Le jeune peuple d’Israël, tout juste sorti d’Egypte a reçu un la visite d’un singulier personnage : Yitro, présenté comme étant le prêtre de Midian et beau père de Moshé et qui aurait décidé de voir ce peuple dont les prodiges accomplis par Dieu en font tant parler.

    Par la suite, la Torah nous ramène le précieux conseil dont Yitro va gratifier son gendre, celui de placer des juges selon leur degré de compétence afin de décharger Moshé des questions dont le peuple lui fait part constamment.

    Le Ramban* sur place pose la question du moment de ce prodigieux conseil, était-ce avant ou bien après le don de la Torah ?

    Cette question est amplifiée plus loin : « Ce fut, le lendemain », le lendemain d’un jour durant lequel Moshé s’assit et jugea le peuple (Chemot 18,13), sans aucune autre précision sur l’évènement en question de la veille.

    Rachi explique qu’il s’agit du lendemain de Yom Kippour. En effet, au verset 16 il va déclarer à Yitro qu’il fait savoir au peuple les lois de Dieu et ses enseignements et de plus, il était matériellement impossible qu’il s’affaire à juger le peuple vu qu’il était descendu le 17 tamouz et a brisé les premières Tables, puis est remonté dès le lendemain tôt durant 80 jours et ce, jusqu’au 10 Tichri, le jour de Yom Kippour. Peu importe si le Don des 10 commandements nous est narré par la suite dans notre Sidra, la Torah se faisant fi de l’ordre chronologique des évènements (אין מוקדם ומאוחר בתורה).

    Ramban ramène la même source Midrachique que Rachi, pointant également que ce jour saint ne peut être précisé clairement, étant donné que la Torah n’a pas encore introduit ce jour.

    Toutefois, il émet une hypothèse différente de celle de Rachi : Il ne peut pas s’agir stricto sensu du lendemain de Kippour, du 11 Tichri. En effet, le 10 Tichri suivant la sortie d’Egypte, ils n’avaient pas encore reçu le commandement et les lois régissant ce jour puisque Moshé est redescendu ce jour ci. Et en supposant que ce fut le cas, le verset précédent nous indique qu’ils ont mangé du pain la veille.

    En outre, le verset (Chemot 34,32) nous indique que le lendemain de sa redescente Moshé s’est adressé au peuple et lui a « ordonné tout ce dont Dieu lui avait dit sur le Mont Sinaï ». Il n’a donc pas pu s’assoir et juger le peuple debout devant lui du matin au soir.

    Enfin, il n’est également pas possible que le texte parle du lendemain de Kippour de l’année suivante car Yitro est reparti « dans son pays vers son lieu natal » lors du voyage des drapeaux des camps et c fut le 20 Iyar (Bamidbar 10,30).

    De ce fait, la date indiquée, à savoir le lendemain de Kippour, n’est qu’un moyen de nous apprendre que ces évènements se sont déroulés par la suite, et non précédemment, car entre le moment où les Enfants d’Israël est arrivé au Mont Sinaï et jusqu’au Yom Kippour de la première année, ils furent tellement occupés qu’ils n’ont pas eu ne serait ce qu’un seul jour vacant pour s’occuper de leurs jugements.

    Pour conclure, la différence d’appréciation entre Ramban et Rachi dans l’interprétation à la lettre de notre Baraytha. Comme tout matériel Midrachique, n’est pas forcément à prendre au pied de la lettre, mais peut parfois l’être par les commentateurs. En voici un exemple concret.

     

    Elie DAYAN

     

    * Moché ben Na'hman (Na'hmanide), Gérone 1194- Acre 1270

    Texte original :

     

    כבר נחלקו רבותינו (מכילתא דרבי ישמעאל שמות י״ח:א׳, בבלי זבחים קט״ז.) בפרשה הזאת. יש מהם אומרים כי קודם מתן תורה בא יתרו כסדר הפרשיות, ויש מהן שאמרו שאחר מתן תורה בא.

    ויהי ממחרת – ממחרת היום שעשו זה שנזכר, ישב משה לשפוט את העם. ואמרו במכילתא: ממחרת יום הכפורים (מכילתא דרבי ישמעאל שמות י״ח:י״ג). ואין דעתם לומר שיהיה ממחרת רמז ליום הכפורים, כי יום הכפורים לא נזכר בכתוב שיאמר עליו ממחרת. וגם כן אין הכונה שיהיה ממחרתו ממש, כי לא אכלו ביום הכפורים, אם היה להם יום הכפורים בשנה ראשונה קודם שנצטוו בו. ועוד, כי בו ביום הכפורים נתנו לוחות אחרונות וממחרתו ירד משה ודבר עם בני ישראל ויצום את כל אשר דבר השם אתו בהר סיני (שמות ל״ד:ל״ב), ואיננו יום המשפט שיעמוד העם עליו מן הבקר עד ערב. וגם כן אי אפשר שיהיה בשנה שניה ביום הכפורים, כי בנסוע הדגלים אמר: כי אם אל ארצי ואל מולדתי אלך (במדבר י׳:ל׳). אבל הכוונה לברייתא הזו לומר שהיה זה אחר יום הכפורים, כי אין להם יום פנוי למשפט מיום בואם להר סיני עד אחר יום הכפורים של שנה ראשונה הזאת.

     

  • Bechalah : un territoire trop proche

     PROJET RAMBAN* SUR LA PARACHA

    Nahmanides wall painting in acre israel 1599x900

    Bechala’h : un territoire trop proche

     

    150 ans séparent les commentaires de Rachi et de Ramban. Ils ne vivent ni au même endroit, ni dans le même contexte.

    Ils ont chacun leur style de commentaire, ceux de Rachi sont plus courts et concis que ceux de Ramban.

    Et pourtant Ramban se réfère très souvent à Rachi (plus de 150 fois), comme s’il écrivait un commentaire sur le commentaire de Rachi (cf son introduction déjà citée dans billet sur Chemot).  

     

    Le 1e verset de notre Paracha illustre parfaitement cette situation :

    וַיְהִ֗י בְּשַׁלַּ֣ח פַּרְעֹה֮ אֶת־הָעָם֒ וְלֹא־נָחָ֣ם אֱלֹהִ֗ים דֶּ֚רֶךְ אֶ֣רֶץ פְּלִשְׁתִּ֔ים כִּ֥י קָר֖וֹב ה֑וּא כִּ֣י ׀ אָמַ֣ר אֱלֹהִ֗ים פֶּֽן־יִנָּחֵ֥ם הָעָ֛ם בִּרְאֹתָ֥ם מִלְחָמָ֖ה וְשָׁ֥בוּ מִצְרָֽיְמָה׃

    Or lorsque Pharaon eut laissé partir le peuple, Dieu ne les dirigea point par le pays des Philistins, qui est proche parce que Dieu disait : « Le peuple pourrait se raviser à la vue de la guerre et retourner en Egypte ». (Chemot 13, 17).

     

    Avant de donner son commentaire, Ramban cite d’abord ceux de Rachi et d’Ibn Ezra[1].

    Il nous faut donc d’abord regarder ceux de Rachi et d’Ibn Ezra.

     

    Pour Rachi, le territoire que les enfants d’Israël devaient naturellement traverser étaient trop près de l’Egypte. A tel point qu’à la moindre difficulté rencontrée (et en particulier une guerre), ils rebrousseraient chemin. Car rebrousser chemin est plus facile quand la route à parcourir est courte.

    Quelle guerre pourraient-ils rencontrer ? Pour Rachi, celle menée par Amalek[2].

    Ibn Ezra reprend les mêmes arguments[3].

    L’op

    position de Ramban est d’abord syntaxique. Si la raison de ne pas emprunter le chemin par le territoire philistin est qu’il est trop proche de l’Egypte, il aurait fallu inverser l’ordre des propositions :

    « D’après moi, si leur explication était juste, l’expression « car Dieu dit » aurait été mentionnée en premier dans le verset, auquel cas le verset serait formulé ainsi : « et Dieu ne les mena pas par la Terre des Philistins car Dieu dit : parce qu’il est proche, de peur que le peuple ne change d’avis »[4].

    Mais, puisque « trop près » est placé avant ce que Dieu dit, cela ne peut être la cause de la décision (et le mot ִ כִּ֣י ne peut être traduit par « car »).

    Le deuxième argument concerne le risque de rencontrer une guerre. Selon Rachi, il s’agit de la guerre menée par Amalek. Or, dit Ramban, la guerre menée par Amalek n’est pas liée au territoire traversé puisqu’Amalek s’est porté au-devant des enfants d’Israël[5].

    Donc, le risque de guerre est lié au territoire traversé. Ce qui fait dire à Ramban que ce sont les Philistins eux-mêmes qui ne laisseraient pas les enfants d’Israël traverser en paix.

    « Et le sens de « voir la guerre » est qu’ils auraient dû passer par la Terre des Philistins et que ces derniers ne leur auraient pas permis de traverser leur territoire en paix ; ils allaient en conséquence retourner en Egypte. D’un autre côté, en empruntant le chemin du désert, ils ne rencontreraient pas la guerre avant d’avoir atteint leur propre pays, le pays de Si’hon et Og, les rois d’Emor, qui leur sera accordé et à ce moment-là, ils seront éloignés de l’Egypte [avec peu de chance d’y retourner] »[6].

     

    En résumé, Rachi et Ramban s’accordent sur le fait que le territoire initial à traverser est proche de l’Egypte, que les enfants d’Israël risquent de rencontrer la guerre et qu’ils risquent donc de faire marche arrière.

    Pour Rachi, l’accent est mis sur le fait que le territoire est trop proche de l’Egypte et que donc le risque de faire marche arrière est trop grand, car très facile.

    Pour Ramban, l’accent est mis sur le fait que la probabilité de rencontrer la guerre est trop forte, ce qui accentue le risque de rebrousser chemin (d’autant plus facile que le territoire est proche de l’Egypte).

     

    Au final, cela change peu de choses. La conséquence est que les enfants d’Israël ont pris le chemin le plus long évitant ainsi la guerre (au moins au début).

    Ce qui fait conclure le Dr. Bonchek de la manière suivante :

    « Nous voyons à partir de cet exemple que le Ramban sentit la nécessité de réfuter Rachi lorsqu’il pensa que son interprétation du verset n’était pas juste, même s’il se peut qu’il n’y ait pas de différence pratique ou significative entre les deux interprétations. Connaître le sens précis des termes de la torah est une raison suffisante pour clarifier le p’chat »[7].

     

    Noémie LEBEN

     

    * Moché ben Na'hman (Na'hmanide), Gérone 1194- Acre 1270

    Texte original : cf. notes 

     


    [1] כי קרוב הוא – ונח לשוב באותו הדרך למצרים. ומדרשי אגדה יש הרבה. לשון רש״י.

    וגם הוא דעת ר״א, כי טעם ולא נחם אלהים דרך ארץ פלשתים בעבור כי קרוב הוא וינחמו וישובו אל מצרים מיד.

     

    [2] כי קרוב הוא – ונוח לשוב באותו הדרך למצרים. ומדרשי אגדה הרבה יש.

    בראותם – מלחמת וירד העמלקי והכנעני וגו׳ (במדבר י״ד:מ״ה), אם הלכו דרך ישר היו חוזרין. אם כשהקיפו דרך מעוקם, אמרו: נתנה ראש ונשובה מצרימה (במדבר י״ד:ד׳), אם הוליכן בפשוטה, על אחת כמה וכמה.

    פן ינחם – יחשבו מחשבה על שיצאו ויתנו לב לשוב.

     

    [3] וטעם כי קרוב הוא – כי בין ארץ מצרים על הדרך הישרה ובין ארץ כנען עשרה ימים. והנה לא ראו מלחמה, והיו עבדים תחת יד אחרים, והנה כאשר יצא פרעה אחריהם, אין בהם מרים יד. גם עמלק יצא על ישראל במתי מעט, וזינב אחריו, והיה נחלש מפניו לולי משה בחירו.

     

    [4] ועל דעתי: אם היה כדבריהם, היה כי אמר אלהים מוקדם, ויאמר הכתוב: ולא נחם אלהים דרך ארץ פלשתים כי אמר אלהים כי קרוב הוא פן ינחם העם.

     

    [5] ולשון רש״י: בראותם מלחמה – כגון מלחמת הכנעני והעמלקי. אם הלכו בדרך ישרה היו חוזרין, מה אם כשהקיפם דרך מעוקם אמרו: נתנה ראש ונשובה מצרימה (במדבר י״ד:ד׳), אם הוליכן בפשוטה על אחת כמה וכמה. מכילתא.

    והענין הזה שאמר ולא נחם אלהים, ויסב אלהים את העם דרך המדבר – כי בנסעם מסכות החל עמוד הענן ללכת לפניהם ולא הלך דרך ארץ פלשתים, אבל הלך דרך מדבר איתם וישראל הלכו אחריו, וישכון הענן באיתם ויחנו שם והוא בקצה המדבר.

     

    [6] אבל הנכון שיאמר ולא נחם אלהים דרך ארץ פלשתים – אשר הוא קרוב וטוב לנחותם בדרך ההוא, כי אמר אלהים פן ינחם העם בראותם מלחמה ושבו מצרימה. וטעם המלחמה, שיהיה להם לעבור דרך ארץ פלשתים, ופלשתים לא יתנום לעבור בשלום וישובו למצרים. אבל בדרך המדבר לא יראו מלחמה עד היותם בארצם, בארץ סיחון ועוג מלכי האמורי שהיא נתונה להם ורחוקים הם ממצרים בעת ההיא. ומלחמת עמלק ברפידים לא היתה ראויה לשוב בעבורה, כי הם לא יעברו עליהם, והוא שבא מארצו ונלחם בהם לשנאתו אותם, ואם יתנו ראש לשוב למצרים לא יועיל כי ילחם בהם בדרך, וגם רחוקים היו ממצרים בדרך העקום אשר הלכו בה ולא ידעו דרך אחרת.

     

    [7] “Ce qui dérange Rachi - Chemot” Dr. Avigdor Bonchek, P. 137

  • De la nature des miracles chez Na'hmanide

     PROJET RAMBAN* SUR LA PARACHA

           Nahmanides wall painting in acre israel 1599x900

    De la nature des miracles – ou les miracles du naturel

    Ramba”n sur la Parashat Bo

     

    La parashat bo se finit sur un des passages peut-être les plus connus[1] de Nachmanide.

     

    Au détour d’un commentaire sur les tefilin, Nachmanide s’étend sur une considération générale quant à raison d’être des différentes mitsvot. Son exposé pourrait se résumer à :

     

    • Considération sur les deux formes principales d’hérésie qui se perpétuent dans l’humanité : olam-kadmon, éternité du monde – refus de l’idée de création divine et, négation de la providence – foi en un monde laissé à lui-même sans intervention divine.
    • Face à ces deux formes d’hérésie, les miracles prennent une place de première importance : ils prouvent l’existence d’un Dieu créateur qui dépasse les lois naturelles, et prouvent l’intervention – et donc la providence- divine au-delà du moment T de la création[2]
    • Si les miracles sont perpétrés ou annoncés par un prophète, ils revêtent une importance supplémentaire, prouvant l’existence de la prophétie[3]
    • Les mitsvot perpétuent la conscience et la mémoire des miracles passés ; et ainsi, nous permettent de nous conforter dans les croyances précédemment citées.

     

    Ce premier exposé mériterait un développement en soi, mais nous nous concentrerons sur la dernière partie du commentaire.

    Dans sa dernière partie, Nahmanide effectue un glissement supplémentaire : si les miracles sont primordiaux, nous faisant prendre conscience de l’existence d’un Dieu créateur et de la Providence, ils nous permettent de plus, de prendre conscience de l’omniprésence des miracles dans notre quotidien :  - Le langage employé est extrême, et en fait une des citations les plus connues :

    « Et les miracles connus permettent à l’homme de prendre conscience des miracles cachés ; cette conscience est un des piliers de la foi au point où l’on peut dire qu’une personne n’ayant pas foi que notre vie entière n’est que miracle, loin d’une causalité naturelle ne peut être considérée comme appartenant à l’alliance de Moïse »

     

    L’affirmation de Nahmanide est ici extrême. Ainsi, tout n’est que miracle, et les évènements naturels ne sont qu’illusion car tous dirigés par Dieu.

    Cette affirmation est reprise dans d’autres écrits comme la Drasha Torat Hashem Temima[4].

               

    Ce court passage pose bien évidemment le problème de nature vs. miracle. Voyons succinctement les principales opinions sur ce sujet[5].

    L’opinion d’Aristote, telle que citée par Maimonide, refuse la possibilité des miracles. On pourrait par exemple citer :

    « Aristote pretend que cet univers entier, tel qu’il est a toujours été et sera toujours ainsi ; que la chose stable n’est point sujette à la naissance et à la corruption, c’est-à-dire que le ciel ne cesse jamais d’être tel qu’il est ; que le temps et les mouvements sont éternels et permanents »[6]

     

    A l’extrême opposé de cette opinion, se trouve celle des Metoukalamin– elle aussi repoussée par Maimonide. Pour ces derniers, il ne saurait exister de lois naturelles et tout n’est que volonté divine :

    « … Selon cette opinion, ils ont été obligés d’admettre que tout mouvement et repos des animaux est prédestiné, et que l’homme n’a absolument aucun pouvoir de faire ou de ne pas faire une chose … »[7]

     

    Où se trouve l’opinion de Nahmanide entre ces deux opinions ? Il semble que ni dans l’une ni dans l’autre. Si Maimonide repousse l’opinion d’Aristote, c’est qu’elle ne pas de place à la Providence, et si il repousse celle des Metoukalamin, c’est qu’elle ne laisse pas de place au libre-arbitre. Ces deux « écueils » ne se retrouvent pas dans l’opinion de Nahmanide.

     

    Qu’en est-il de Maimonide lui-même ? Notons tout d’abord que Nahmanide s’y oppose nommément. Ainsi, dans Drashat Torat Hashem Temima, on peut lire :

    « On ne pourra que s’étonner de l’opinion de Maimonide qui réduit à leur strict minimum les miracles et fait prévaloir la nature. »

    En effet, en plusieurs endroits, on peut voir que Maimonide cherche au maximum à prévaloir le maintien des lois naturelles, cherchant dès qu’il en possible à donner une explication naturelle aux faits relatés. Cette démarche est par exemple, explicitement écrite dans l’epitre sur la résurrection : « Tant que nous pouvons expliquer un fait sans avoir recours au miracle, nous le ferons » [8].

     

    Mais recentrons le sujet. Si le Rambam réduit au maximum les miracles, il ne parle que de ceux qui transcendent les lois de la nature. De plus, à aucun moment, il ne nie la possibilité de miracles. Mieux encore, il en fait lui aussi un fondement de la foi[9].

     

    Le sujet qui nous préoccupe et à partir duquel nous avons commencé est celui des « miracles cachés », ceux qui ne rompent pas les lois de la nature -ceux-là même que Nahmanide voit « partout ». S’il n’y a pas de rupture réelle avec le cheminement naturel, Maimonide s’opposerait il aussi ? Nachmanide met en avant une Providence a l’extrême, et Maimonide combat les opposants à l’idée de Providence. Qu’en est-il ? Où est le point de divergence -s’il y en a un, entre les deux grands maîtres ?

    Divergence, il semble clairement qu’il y en ait :

    • Nachmanide prend une position encore plus extrême dans un autre texte[10] : si la nature est, en quelque sorte, un leurre, alors les maladies ne sont jamais que le fruit des fautes de l’homme. Dès lors, selon ce maitre, il ne fait pas moins sens face à une maladie de se repentir et s’en remettre à Dieu que de consulter un médecin[11].
      Cette opinion semble difficilement acceptable selon Maimonide.
    • Limiter la nature à une succession infinie d’interventions divines en fonction des actions des hommes – comme le fait Nahmanide- revient à prôner une extrême Providence envers tous les hommes. Or, Maimonide réduit cette extrême Providence a une élite, laissant d’ailleurs le reste de l’humanité aux proies des … lois naturelles.

     

    Si l’opinion de Nahmanide semblait difficile acceptable de prime abord, elle apparait après réflexion comme étant plus simple : la nature ne fait que masquer une Providence extrême et systématique. Les miracles tout comme la nature ne sont que l’expression constante du jugement de Dieu.

    Maimonide, par contre, décrit un schéma plus complexe – schéma dans lequel la nature et le maintien de sa régularité sont primordiaux mais qui peuvent être perturbés par des miracles. Schéma dans lequel la Providence peut s’exprimer à travers des miracles comme à travers la nature, mais une Providence qui laisse parfois les hommes aux proies de la loi naturelle.

     

    Benjamin Sznajder

     

    * Moché ben Na'hman (Na'hmanide), Gérone 1194- Acre 1270

    Texte original :

    רמב"ן שמות פרק יג
    ועתה אומר לך כלל בטעם מצות רבות. הנה מעת היות ע"ג בעולם מימי אנוש החלו הדעות להשתבש באמונה, מהם כופרים בעיקר ואומרים כי העולם קדמון, כחשו בה' ויאמרו לא הוא, ומהם מכחישים בידיעתו הפרטית ואמרו איכה ידע אל ויש דעה בעליון (תהלים עג יא), ומהם שיודו בידיעה ומכחישים בהשגחה ויעשו אדם כדגי הים שלא ישגיח האל בהם ואין עמהם עונש או שכר, יאמרו עזב ה' את הארץ. וכאשר ירצה האלהים בעדה או ביחיד ויעשה עמהם מופת בשנוי מנהגו של עולם וטבעו, יתברר לכל בטול הדעות האלה כלם, כי המופת הנפלא מורה שיש לעולם אלוה מחדשו, ויודע ומשגיח ויכול. וכאשר יהיה המופת ההוא נגזר תחלה מפי נביא יתברר ממנו עוד אמתת הנבואה, כי ידבר האלהים את האדם ויגלה סודו אל עבדיו הנביאים, ותתקיים עם זה התורה כלה:
    ולכן יאמר הכתוב במופתים למען תדע כי אני ה' בקרב הארץ (לעיל ח יח), להורות על ההשגחה, כי לא עזב אותה למקרים כדעתם. ואמר (שם ט כט) למען תדע כי לה' הארץ, להורות על החידוש, כי הם שלו שבראם מאין ואמר (שם ט יד) בעבור תדע כי אין כמוני בכל הארץ. להורות על היכולת, שהוא שליט בכל, אין מעכב בידו, כי בכל זה היו המצריים מכחישים או מסתפקים. אם כן האותות והמופתים הגדולים עדים נאמנים באמונת הבורא ובתורה כלה:
    ובעבור כי הקדוש ברוך הוא לא יעשה אות ומופת בכל דור לעיני כל רשע או כופר, יצוה אותנו שנעשה תמיד זכרון ואות לאשר ראו עינינו, ונעתיק הדבר אל בנינו, ובניהם לבניהם, ובניהם לדור אחרון. והחמיר מאד בענין הזה כמו שחייב כרת באכילת חמץ (לעיל יב טו) ובעזיבת הפסח (במדבר ט יג), והצריך שנכתוב כל מה שנראה אלינו באותות ובמופתים על ידינו ועל בין עינינו, ולכתוב אותו עוד על פתחי הבתים במזוזות, ושנזכיר זה בפינו בבקר ובערב, כמו שאמרו (ברכות כא א) אמת ויציב דאורייתא, ממה שכתוב (דברים טז ג) למען תזכור את יום צאתך מארץ מצרים כל ימי חייך, ושנעשה סכה בכל שנה:
    וכן כל כיוצא בהן מצות רבות זכר ליציאת מצרים. והכל להיות לנו בכל הדורות עדות במופתים שלא ישתכחו, ולא יהיה פתחון פה לכופר להכחיש אמונת האלהים. כי הקונה מזוזה בזוז אחד וקבעה בפתחו ונתכוון בענינה כבר הודה בחדוש העולם ובידיעת הבורא והשגחתו, וגם בנבואה, והאמין בכל פנות התורה, מלבד שהודה שחסד הבורא גדול מאד על עושי רצונו, שהוציאנו מאותו עבדות לחירות וכבוד גדול לזכות אבותיהם החפצים ביראת שמו:
    ולפיכך אמרו (אבות פ"ב מ"א) הוי זהיר במצוה קלה כבחמורה שכולן חמודות וחביבות מאד, שבכל שעה אדם מודה בהן לאלהיו, וכוונת כל המצות שנאמין באלהינו ונודה אליו שהוא בראנו, והיא כוונת היצירה, שאין לנו טעם אחר ביצירה הראשונה, ואין אל עליון חפץ בתחתונים מלבד שידע האדם ויודה לאלהיו שבראו, וכוונת רוממות הקול בתפלות וכוונת בתי הכנסיות וזכות תפלת הרבים, זהו שיהיה לבני אדם מקום יתקבצו ויודו לאל שבראם והמציאם ויפרסמו זה ויאמרו לפניו בריותיך אנחנו, וזו כוונתם במה שאמרו ז"ל (ירושלמי תענית פ"ב ה"א) ויקראו אל אלהים בחזקה (יונה ג ח), מכאן אתה למד שתפלה צריכה קול, חציפא נצח לבישה (עי' ערוך ערך חצף):
    ומן הנסים הגדולים המפורסמים אדם מודה בנסים הנסתרים שהם יסוד התורה כלה, שאין לאדם חלק בתורת משה רבינו עד שנאמין בכל דברינו ומקרינו שכלם נסים אין בהם טבע ומנהגו של עולם, בין ברבים בין ביחיד, אלא אם יעשה המצות יצליחנו שכרו, ואם יעבור עליהם יכריתנו ענשו, הכל בגזרת עליון כאשר הזכרתי כבר (בראשית יז א, ולעיל ו ב). ויתפרסמו הנסים הנסתרים בענין הרבים כאשר יבא ביעודי התורה בענין הברכות והקללות, כמו שאמר הכתוב (דברים כט כג כד) ואמרו כל הגוים על מה עשה ה' ככה לארץ הזאת, ואמרו על אשר עזבו את ברית ה' אלהי אבותם, שיתפרסם הדבר לכל האומות שהוא מאת ה' בעונשם. ואמר בקיום וראו כל עמי הארץ כי שם ה' נקרא עליך ויראו ממך. ועוד אפרש זה בעזרת השם (ויקרא כו יא):
     


    [1] Au point d’etre devenu un chant h’assidique… https://www.youtube.com/watch?v=Gu3fF7ROUyU

    [2] Nous noterons que Maimonide ne fait pas des miracles une preuve que le monde est créé mais prend -étonnamment ! – le raisonnement àl’envers : si le monde n’était pas créé, les miracles seraient dès lors impossibles (voir Guide des Egares II,25)

    [3] Nous noterons ici aussi les nuances avec la pensee de Maimonide dans Ilh’ot Yessodey Hatora VIII,1

    [4] Kitvey Haramban I, pages 150 et suivantes

    [5] Les differentes opinions ont ete tres clairement resumees dans l’article d’Alex Klein http://www.daat.ac.il/he-il/mahshevet-israel/dat-umada/ness.htm

    [6] Guide des Egares, II, 13

    [7] Guide des Egares, III, 17

    [8] Page 361 dans l’edition du Rav Shilat

    [9] Voir note 1

    [10] Commentaire sur Vayikra, XXVI,11

    [11] Cet avis est d’ailleurs, repris par le H’azon Ish dans Emouna-Ou-Bitah’on V,5

  • Le danger du Hamets

    Paracha BO

     

    par David SCETBON 

    david-s-photo.jpg

       

    LES DANGERS DU HAMETZ

    Ces quelques lignes se veulent juste une présentation d’un texte qui nous a marqué. La Torah nous dit « car par une main forte Hachem vous a sortis et il ne sera pas mangé de hametz. A lire ce verset on perçoit bien que la Torah pose un lien de causalité entre les deux membres de la phrase. Autrement dit, l’interdiction de hametz est une résultante directe du geste divin. En quoi ?

    Rabenou Behayé répond ainsi : « la Torah vient nous apprendre que le hametz fait allusion à l’[attribut  divin de] rigueur et du fait que les enfants d’Israël ont perçu la Grande main qui est l’attribut de rigueur, c’est la raison pour laquelle Il leur a interdit et a éloigné d’eux le hametz, pour leur faire allusion au fait qu’il doivent s’éloigner de croire en le seul attribut de rigueur pour qu’il ne coupent pas les plantations et ne croient que l’attribut de rigueur seul a fait [tout] cela […] C’est ce qu’il y a écrit dans la création du monde : « Au commencement, Elokim [attribut de rigueur] créa, et ensuite « au jour où l’Eternel  [Tétragramme, attribut de miséricorde] Elokim fit […] »

    C’est la raison pour laquelle la Torah nous dit « car par une main forte Hachem vous a sortis et il ne sera pas mangé de hametz » car c’est l’attribut de miséricorde qui les a sortis, et non la seule main [l’attribut de rigueur]. Et telle est la raison de l’interdiction du hametz selon la voie kabbalistique, et c’est la raison pour laquelle la Torah a sanctionné celui qui consomme du hametz à Pessah, par la peine de retranchement, mesure pour mesure, car quiconque mange du hametz à Pessah coupe les plantations et il est donc retranché ».

    Deux points nécessitent d’être précisés. Tout d’abord, l’expression « couper les plantations » : il s’agit là de la manière du Talmud pour exprimer une hérésie. Rabenou Behayé place donc l’enjeu de cet interdit à un niveau fondamental, consommer le hametz à Pessah c’est se méprendre sur D.ieu lui-même, sur son rapport au monde. Cela explique d’après lui, que la sanction en soit le retranchement.

    Le second point est l’assimilation opérée entre hametz et attribut de rigueur. Si Rabenou behayé n’en dit pas plus, ce point est précisé par le Nahmanide dans son commentaire sur Vayikra 23/17. Le hametz est un processus de dégradation, de dévoiement d’un équilibre. Nahmanide souligne que le terme hametz présente une racine commune avec le vocable de la colère.

     Ces textes parlent d’eux-mêmes et ne nécessitent pas vraiment de commentaires. Contentons-nous juste de quelques explicitations. Il faut d’abord les prendre avec une certaine prudence, du fait des allusions kabbalistiques auxquelles ils font référence, et qui ne sont tout simplement pas à notre portée.

    Ce qui nous est dit ici, c’est que le déchainement des plaies, qui donne lieu à la libération du Peuple d’Israël ne va pas sans une certaine fascination. Or cette fascination est source d’erreur, pousse à ne plus voir tout cela que comme un déchainement brutal de la puissance divine. Cette erreur est tellement grave qu’elle est qualifiée par l’auteur d’hérésie (c’est le sens de l’expression consacrée « couper les plantations »), ne plus pouvoir voir que l’expression de la rigueur. Or comme on le sait, la finalité de la sortie d’Egypte réside dans la manifestation la plus haute de la gloire divine, qui commencera à la traversée de la Mer rouge, pour se finir au Sinaï.

    C’est pour éviter ce dangereux écueil que la Torah nous enjoint de cesser la consommation de hametz, ne pas ingérer, se pénétrer, s’alimenter, pas même posséder ce qui est le symbole de cet attribut de rigueur. Rompre avec cette fascination. Sans cela, on est habité par une erreur qui nous rend indisponible à l’objectif même de cette sortie.

  • De la dureté du cœur

          PROJET RAMBAN* SUR LA PARACHA

       Nahmanides wall painting in acre israel 1599x900    

    De la dureté du cœur.

    Lecture d’un commentaire du Ramban sur Vaéra.

     

    Le sujet que nous voulons aborder est nourri d’une littérature abondante. Il s’agit du thème de l’endurcissement du cœur de Pharaon lors des dix plaies. La plupart des commentateurs y ont vu une injure à la justice divine. En effet, comment comprendre que Dieu demande à Pharaon de renvoyer le peuple élu, alors que dans le même mouvement il l’en empêche en durcissant son cœur. Le problème est d’autant plus crucial que le thème est annoncé dès le début de la mission de Moïse, comme si celui-ci était un passage obligé de la sortie d’Egypte. Ramban hérite de cette très abondante littérature, et va montrer que les versets supportent deux lectures parallèles qui soulèvent chacune d’elles des problématiques différentes. Ce qui nous permettra de voir en quoi une question qui semble de prime abord théologique vise chaque homme dans son rapport éphémère à Dieu.

    Voici le texte traduit, et découpé pour faciliter les repérages par la suite.

    Et moi j’endurcirai le cœur de Pharaon (Chémot 7.3, lorsque Dieu ordonne à Moïse de parler à Pharaon pour annoncer les premières plaies).

    A] Ils ont dit dans le Midrash Rabba (sur Chémot 5.6, lorsque Dieu missionne Moïse pour la première fois) : Dieu dévoile à Moïse qu’il va endurcir le cœur de Pharaon afin qu’il le juge pour avoir asservit excessivement les hébreux.

    B] Un autre Midrash (sur 13.4) explique le verset ‘et moi je vais alourdir son cœur’ : 1) « Rabbi Yohanan affirme qu’il y a là une ouverture pour les renégats pour affirmer que Dieu a empêché Pharaon de revenir sur ses erreurs. 2) Rabbi Chimone dit ‘ que la bouche des renégats soit bouchée, car Dieu « se moque des moqueurs » ; il prévient la personne trois fois, s’il ne se corrige pas, c’est alors seulement qu’il fermer la porte du retour, et lui fait payer ses fautes. C’est ce qui se passa pour Pharaon, puisqu’à cinq reprises Dieu l’avertit, sans qu’il n’y prête attention, Dieu lui dit ‘tu as endurcis ta nuque, tu as alourdi ton cœur, je vais ajouter de l’erreur à ton erreur. ».

    Le Midrash se préoccupe de la question posée par tous : si Dieu a endurcit son cœur, quelle est sa faute ? Il y a deux réponses, également vraies.

    C] La première c’est que Pharaon, par la méchanceté gratuite envers Israël, a limité par lui-même sa capacité à se repentir. Ce phénomène est attesté par de nombreux versets. Et c’est pour ses premières actions (asservir les hébreux) qu’il a été puni.

    D] 1) La seconde raison, c’est que la moitié des plaies étaient dues à son comportement, car pour les [cinq première plaies] il est dit que Pharaon endurcit lui-même son cœur (Chémot 7.13, 7.22, 7.8, 7.15, 8.28 et 9.7). Il n’a pas voulu renvoyer le peuple et respecter Dieu ; mais lorsque les plaies sont devenues trop puissantes et qu’il ne put les supporter, il s’est amollit, et voulu les renvoyer pour arrêter sa souffrance, et non pour accomplir la volonté de son créateur. 2) A ce moment, Dieu endurcit son cœur afin qu’on raconte Son Nom, comme le dit un verset ‘Je grandirai, identifié, et reconnu parmi les nations’.

    3) Quant à ce qui est écrit avant même les plaies (Chémot 4.21) « et moi j’endurcirai son cœur et il n’enverra pas le peuple », il s’agissait de faire savoir à Moïse ce qui se produira lors des [cinq] dernières plaies ;  comme il avait déjà été annoncé (3.19), « et Moi je sais que le roi égyptien ne vous permettra pas de sortir ;  c’est la raison pour laquelle j’endurcirai le cœur de Pharaon, multipliant mes prodiges », c’est-à-dire dans le but de multiplier mes miracles au cœur de l’Egypte. 4) Dans les cinq dernières plaies ainsi que dans l’engloutissement par la mer, il est dit que « Dieu endurcira son cœur » (14.8), car « le cœur du roi est dans la main de Dieu, et il l’incline partout où il veut » (Proverbes 21.1)

    רמב"ן שמות פרק ז פסוק ג

     

    (ג) ואני אקשה את לב פרעה - אמרו במדרש רבה (שמו"ר ה ו) גילה לו שהוא עתיד לחזק את לבו בעבור לעשות בו הדין, תחת שהעבידם בעבודה קשה. ועוד שם (יג ד) כי אני הכבדתי את לבו (להלן י א), אמר רבי יוחנן מכאן פתחון פה למינין לומר לא היתה ממנו שיעשה תשובה. אמר רבי שמעון בן לקיש יסתם פיהם של מינין, אלא אם ללצים הוא יליץ (משלי ג לד), מתרה בו פעם ראשונה ושניה ושלישית ואינו חוזר בו והוא נועל בו דלת מן התשובה כדי לפרוע ממנו מה שחטא. כך פרעה הרשע, כיון ששגר הקדוש ברוך הוא אצלו חמש פעמים ולא השגיח על דבריו, אמר לו הקדוש ברוך הוא אתה הקשית את ערפך והכבדת את לבך, הריני מוסיף לך טומאה על טומאתך:

    והנה פירשו בשאלה אשר ישאלו הכל, אם השם הקשה את לבו מה פשעו, ויש בו שני טעמים ושניהם אמת. האחד, כי פרעה ברשעו אשר עשה לישראל רעות גדולות חנם, נתחייב למנוע ממנו דרכי תשובה, כאשר באו בזה פסוקים רבים בתורה ובכתובים, ולפי מעשיו הראשונים נדון. והטעם השני, כי היו חצי המכות עליו בפשעו, כי לא נאמר בהן רק ויחזק לב פרעה (להלן פסוק יג, כב, ח טו), ויכבד פרעה את לבו (להלן ח כח, ט ז). הנה לא רצה לשלחם לכבוד השם, אבל כאשר גברו המכות עליו ונלאה לסבול אותם, רך לבו והיה נמלך לשלחם מכובד המכות, לא לעשות רצון בוראו. ואז הקשה השם את רוחו ואמץ את לבבו למען ספר שמו, כענין שכתוב והתגדלתי והתקדשתי ונודעתי לעיני גוים רבים וגו' (יחזקאל לח כג):

    ואשר אמר קודם המכות (לעיל ד כא) ואני אחזק את לבו ולא ישלח את העם, יודיע למשה העתיד לעשות בו במכות האחרונות, כענין שאמר (לעיל ג יט) ואני ידעתי כי לא יתן אתכם מלך מצרים להלוך. וזה טעם ואני אקשה את לב פרעה והרבתי את אותותי, כלומר שאקשה לבו למען רבות מופתי בארץ מצרים. כי בחמש מכות האחרונות גם בטביעת הים נאמר ויחזק ה' (להלן יד ח), כי לב מלך ביד ה' על כל אשר יחפוץ יטנו (משלי כא א):

     

    La première réponse (C]) donnée par le Midrash (A]) consiste à dire que Pharaon s’est fermé lui-même les portes de la repentance en assujettissant durement le peuple. Lorsque Dieu frappé par les cris des hébreux s’adresse à Moïse, le sort de l’Egypte et de son roi sont scellés. Ils ne pourront y échapper quitte à endurcir le cœur de Pharaon, afin d’établir la justice. Le texte de la Torah n’est pas explicite, ne justifie pas explicitement l’attitude divine ; c’est la position de Rabbi Yohanan citée dans le second MIdrash (B] 1)) qui assume que le texte puisse laisser penser à des esprits mal intentionnés que Dieu est inique.

    Rabbi Chimone (B]1)  fait remarquer que Dieu n’a endurci le cœur de Pharaon qu’au cours des cinq dernières plaies.  Rabbi Chimone[1] ne fait appel –comme le Midrash A]- à la dureté de l’esclavage imposée par Pharaon ; pour lui ce qui justifie que Dieu empêcha la repentance de Pharaon est la dynamique négative dans laquelle lui-même s’est enfermé. Il n’y a pas véritablement de faute, uniquement une dynamique amplifiée par Dieu. Le Ramban ne s’attarde pas sur cette lecture. Il laisse le lecteur du Midrash faire son travail. De ce Midrash, il retient tout de même une remarque formelle importante : Dieu n’endurcit explicitement le cœur de Pharaon qu’au cours des cinq dernières plaies.

    Ramban va s’emparer de cette remarque pour proposer sa propre réponse. Celle-ci vise à rendre compte de la fin du verset qu’il commente (7.3) : ‘et je multiplierai mes prodiges au sein de la terre [d’Egypte]’. Le commentateur y décèle un message destiné au peuple égyptien à travers l’endurcissement du cœur de son chef. Le schéma est le suivant : Dieu veut que Pharaon libère le peuple non pas pour s’épargner les plaies, mais pour qu’il Le reconnaisse, lui ainsi que son peuple. Si Pharaon n’avait pas endurci son cœur au départ, il aurait libérer le peuple, cette libération témoignerait d’une réelle prise de conscience libre, même si elle a été suscitée par les cinq premières plaies. Or Pharaon n’a pas libéré le peuple ; Dieu poursuit son but par les moyens qu’il possède : il veut une reconnaissance de la part de l’Egypte et de son roi. Il continue à envoyer des plaies, mais donne la force de les supporter, il donne la force à Pharaon de ne pas céder, il contraint Pharaon et le peuple à se maintenir ferme dans leur décision initiale, il maintient –malgré eux – leur libre arbitre[2]. Dieu se montre à travers les plaies qu’il inflige à l’Egypte, mais il se montre en maintenant la force d’opposition du peuple égyptien. Dieu sait dès le départ que le peuple égyptien ne veut pas se séparer du peuple hébreu[3]. C’est pourquoi, de façon nécessaire, Dieu sera amené à endurcir le cœur de Pharaon, pour qu’il puisse se maintenir fermement dans décision initiale. Il ne s’agit pas de torturer les égyptiens mais de les amener à comprendre ma puissance.

    Lorsque Pharaon renvoie le peuple, après la mort des premiers nés, il demande au peuple « de le bénir ». Le Ramban (sur Chémot 14.4) voit un aveu dans cette demande : la reconnaissance des hébreux en tant que peuple ayant une préséance auprès de Dieu.

    Le problème c’est que Ramban finit ce commentaire par une allusion à un dernier endurcissement : celui qui consista à poursuivre les hébreux jusque la mer rouge, après les avoir renvoyé. Ramban lisant l’endurcissement du cœur comme la possibilité offerte aux hommes d’aller à la pointe la plus extrême de leur décision, même si les éléments se déchainent contre une telle possibilité, explique alors cet épisode : Dieu endurcit le cœur de Pharaon jusqu’à l’absurdité qui consiste à entrer dans une mer qui s’ouvre devant les hébreux, la traversant à pied secs, ‘comment se peut-il qu’ils soient arrivés à une telle folie ? si ce n’est que Dieu endurcit leur cœur’.

    Tous les commentateurs voient dans l’endurcissement du cœur de Pharaon une contradiction ou une limite au le libre arbitre qui fonde la responsabilité des hommes vis-à-vis de leur fautes ; Ramban y voit au contraire une possibilité offerte par Dieu à s’affranchir des fausses raisons de la repentance, des demi-mesures qui nous font revenir parce qu’on craint pour soi, parce qu’on n’ose pas aller trop loin. Pour une fois dans l’histoire des hommes, Dieu donne carte blanche à l’homme pour aller au bout de son désir sans s’encombrer des fausses raisons qui le limite. C’est alors seulement que l’homme, arrivé au terme de son désir, à l’extrême pointe de sa liberté, rencontre fugacement Dieu. Sentiment hautement éphémère, puisqu’il ne se maintient que les quelques jours qui permettent au peuple de s’enfuir.

    A plusieurs reprises Ramban[4] fait remarquer que Pharaon avait connaissance du nom de Dieu Elokim, lui faisait défaut la connaissance du tétragramme. Cette connaissance ne peut se faire qu’en dehors du cadre des limites imposées par l’existence, la ‘nature des choses’, qui sont dites dans la Torah à travers le nom Elokim. L’histoire de la rencontre de Pharaon et des égyptiens avec Dieu-tétragramme ne se produit qu’une fois éliminées les couardises et les faux-fuyants de l’existence. L’audace nécessaire à cette rencontre a été prêtée par Dieu lui-même. Cette rencontre s’est traduite par le renvoie des hébreux mais –dans le langage du Ramban- par cette demande de bénédiction.

    Ramban (sur 12.32) commente cette demande ainsi : « lorsque vous sacrifierez à Dieu ainsi que vous l’avez demandé, et que vous prierez pour vous, afin que ne vous atteigne ni la peste ni le glaive, mentionnez-moi aussi ». Le glaive dont il s’agit ici, est celui qui est en jeu dans la hagada : c’est le glaive suspendu sur Jérusalem, c’est le lieu où la puissance divine s’arrête, octroie un sursis ; le lieu entre la vie et la mort, et où finalement on choisit la vie ; dans la langue du Ramban (sur chémot 5.3) : « c’est le secret des sacrifices, qui protègent de l’atteinte ».

    Le moment de la rencontre entre Dieu et Pharaon, est ce moment où il est à découvert, reconnaissant son besoin de protection contre les éléments qui menacent, c’est ce moment qui réclame l’audace d’exister à ce point ultime de fragilité, le plus loin possible de la solidité et de la dureté dont a témoigné Pharaon envers le peuple de migrants qu’il accueilli. C’est ce qu’il est crucial de montrer aussi bien aux égyptiens qu’aux hébreux qui s’apprêtent à recevoir la Torah, par-delà les dessins de l’Histoire.

     

    Franck Benhamou

     

     

     

    * Moché ben Na'hman (Na'hmanide), Gérone 1194- Acre 1270

     

     


    [1] Rabbi Chimone cherche à purger le texte des traces d’iniquités qui pourraient s’y lire. Voir Yoma 38b.

    [2] C’est ainsi que Ramban contourne la très célèbre question par Maïmonide dans ses huit chapitres : Dieu peut-il enlever le libre arbitre aux hommes ?

    [3] Voir commentaire du Ramban sur Chémot 1.10, qui s’oppose à Rachi.

    [4] Voir commentaire sur 5.3.

  • 'Mon explication est la bonne'

    PROJET RAMBAN* SUR LA PARACHA

    Nahmanides wall painting in acre israel 1599x900

     

    "Mon explication est la bonne"  

              

    « Et voici les noms des enfants d’Israël étant descendus en Egypte » (Shémote 1, 1)

     

    La première question sur le livre de Shémote concerne la redondance entre son premier verset et le texte de la paracha Vayigash, présentant le nom des enfants de Yaakov étant descendus en Egypte (Béréchit 46, 8-27). L’amorce de ce passage est d’ailleurs similaire : « Et voici les noms des enfants d’Israël étant descendus en Egypte » (Ibid.).

    Selon le Ramban, l’objectif est de reprendre un point du livre précédant (Béréchit) afin de l’ériger en principe directeur du nouveau livre (Shémot). Cette méthode de l’Ecriture se retrouve par ailleurs dans la Bible, comme ne manque pas de le rappeler le maître. Bien que distincts par leurs objectifs, Béréchit et Shémote conservent un point de liaison indiscutable. On peut d’ailleurs avancer que ce qui était alors accessoire dans la narration -la rencontre entre Yossef et ses familles en Egypte- devient dorénavant le principal : la lignée des Hébreux et la préparation de l’esclavage.

    Selon sa méthodologie habituelle, le Ramban présente d’autres réponses que les siennes, qu’il commente. La première est celle d’Ibn Ezra. Selon ce dernier, le début du sefer Shémot fait écho à la fin de Béréchit, dans la paracha Vayé’hi. Il y est écrit que Yossef vit la naissance de ses descendants de la troisième génération (50, 23). Aussi le texte souligne-t-il désormais que ses frères également virent leurs propres descendances fructifier et se multiplier, bien que peu nombreux à l’arrivée en Egypte.

    Et le Ramban de commenter succinctement : Ceci n’est pas juste.

    Pour comprendre cette manière de s'exprimer, il convient de revenir sur son introduction à la Torah. Il y explique qu'il citera fréquemment les commentaires de Rachi. Il ne tarit pas d'éloges à son égard, tout en rappelant qu'il sera souvent en désaccord avec celui qu'il considère comme un maître incontesté. Il note également que les thèses de Ibn Ezra seront citées, mais uniquement afin d'être réfutées. Le Ramban s'exprime alors avec un langage poétique :

    ועם רבי אברהם בן עזרא. תהיה לנו תוכחת מגולה ואהבה מסותרה / Vis à vis de Rabbi Abraham, nous aurons des réprimandes dévoilées et un amour caché.

    La seconde réponse est celle de Rachi : « Bien qu’Il [Hachem] les a comptés de leur vivant, Il les compte de nouveau après leur mort en les nommant, afin de faire connaître Son affection pour eux (…) ». Le Ramban rappelle que cette explication est empruntée au Midrash, et que l’idée mise en avant -la répétition des noms démontre l’affection divine- est vraie. Fidèle à sa méthodologie quant à son appréciation du commentaire de Rachi, le maître conclut néanmoins après l’éloge : « Toutefois le lien entre les versets et la conjonction de coordination [au début du livre ‘-élé shémote’ prouvent] que mon explication est la bonne ».

     

    Yona GHERTMAN

     

     

    * Moché ben Na'hman (Na'hmanide), Gérone 1194- Acre 1270

    Texte original :

     שמות פרק א

    (א) טעם ואלה שמות - כי הכתוב ירצה למנות ענין הגלות מעת רדתם למצרים, כי אז גלו בראש גולים, כאשר פירשתי, ולפיכך יחזור אל תחלת הענין שהוא מפסוק וכל זרעו הביא אתו מצרימה (בראשית מו ז), ושם כתוב אחריו ואלה שמות בני ישראל הבאים מצרימה וגו', ואותו הפסוק בעצמו הוא שהחזיר בכאן, כי אף על פי שהם שני ספרים, הספור מחובר בדברים באים זה אחר זה, וכאשר הזכיר בני יעקב קצר בבני בניו וכל זרעו, והחזיר הכלל כאשר אמר שם כל הנפש לבית יעקב הבאה מצרימה שבעים. וכענין הזה בספר דברי הימים וספר עזרא, שהשלים דברי הימים ובשנת אחת לכורש מלך פרס לכלות דבר ה' בפי ירמיהו העיר ה' את רוח כורש וגו', כה אמר כורש מלך פרס וגו', ואותם שני פסוקים בלשונם החזיר בראש ספר עזרא לחבר הספור, אלא שהיו שני ספרים, השלים הראשון במה שהיה קודם בנין הבית והספר השני מעת הבנין. וכן הדבר בשני הספרים האלה בראשית ואלה שמות:

    ורבי אברהם אמר כי בעבור שהזכיר בסוף הספר הראשון כי ראה יוסף לבניו בני שלשים, הזכיר כי גם אחיו ברדתם היו מעטים ופרו ורבו. ואיננו נכון. ורש"י כתב אף על פי שמנאן בחייהם חזר ומנאן אחר מיתתן בשמותם להודיע חבתם שנמשלו ככוכבים שמוציאן במספר ומכניסן במספר, שנאמר המוציא במספר צבאם לכלם בשם יקרא (ישעיה מ כו). ואלו דברי אגדה, והם דברים של אמת בענין החבוב שהקב"ה מחבבן וכופל שמותם תדיר, אבל קשור הפסוקים וחבורם בוא"ו הוא כמו שפירשתי

  • La bénédiction de Yossef

                                        Cycle : la Paracha selon le SFORNO*                                                                         

     

                                               Sforno 1                                        

    Parashat Vayeh’i – La bénédiction de Yossef

     

     

    Notre parasha contient de nombreux (et beaux !) versets relatant les bénédictions que Ya’akov accorde à ses enfants avant de mourir.

    L’interprétation de ces versets est sujet à discussions chez nos commentateurs. Nous nous attacherons à l’explication du Sforno sur la bénédiction accordée à Yossef.

     

    ״בן פורת יוסף – בן פורת עלי עין – בנות צעדה עלי שור״

     

    Le sens -même littéral ! - de ce verset ne fait pas l’unanimité. Il serait trop long de faire l’exposé des différents avis…

    Le Sforno, suivant l’avis d’autres pashtanim – tel que Hizkouni – explique le terme ״בן״ comme désignant une branche.

    Le verset se lirait donc : « Telle une branche, est Yossef, telle une branche au bord d’une source d’eau. Les branches en sortant longent de la muraille »

    On imagine aisément les branches de roseau poussant au bord du ruisseau, faisant d’autres multiples petites branches qui finissent, à terme, à dépasser même le muret de pierres jouxtant la source.


    Sforno ne s’arrête pas à expliquer le sens des mots. Il continue en renvoyant ce verset à la vie de Yossef ; et en cela, il innove par rapport aux autres pashtanim.

    Le roseau est ignoré des hommes vivant de l’autre côté de la muraille. Et, un jour, il dépasse de sa hauteur le mur et on découvre son existence. Pour Sforno, voilà résumée la vie de Yossef et son père Yaakov. Ce dernier ignorait tout de la vie que Yossef menait « caché par la muraille ». Et, un jour, une branche apparait en haut de la muraille ; il y a une végétation cachée, il y a un Yossef en vie…

    Sforno apparait ici encore comme un maître du pshat – s’attachant au sens premier des mots, il arrive à faire vibrer le verset dans son sens simple mais limpide…

     

    Benjamin Sznajder

     

    *Rav 'Ovadiah Sforno, Italie 1480-1550

    Texte original : 

    ספורנו בראשית פרק מט
    (כב) בן פורת יוסף. הנה יוסף הוא בן גפן פורת ענף של גפן פוריה העושה צל לרבים כדרך הגפן כאמרו כסו הרים צלה (תהלים ה, יא) וזה כי בצלו חי יעקב ובניו במצרים:
    בן פרת עלי עין בנות. וענינו היה כענין ענף של גפן פוריה סמוך למעין שהיא פורת ומגדלת בנות שהן ענפים:
    צעדה עלי שור. באופן שאותה הגפן צעדה על החומה או הגדר אשר לפני העין באופן שקודם לכן לא היתה נראית מצד השני לחומה והיתה בלתי נודעת לגמרי ליושבים שם ואחר שצעדה על החומה נודעה היא ובנותיה. וכן קרה ליעקב בענין יוסף ובניו שלא היה יודע מציאות יוסף וכמו רגע נגלו אליו הוא ובניו כענין ראה פניך לא פללתי וכו':

     

  • La ‘Hanoukiah, le sapin de Noël et les ‘gilets jaunes’

      La ‘Hanoukiah, le sapin de Noël et les ‘gilets jaunes’

     

    Capture d e cran 2018 11 16 a 18 27 28

     

    par Yona GHERTMAN

     

    Les interactions entre le calendrier cultuel et l’actualité sociale donnent à réfléchir.

     Nous avons quitté la période de ‘Hanoukah alors que nos amis non-juifs regardent les fêtes de fin d’année approcher à grand pas. A notre grand désarroi cette année, les flammes ont été légion depuis la fin du mois de Novembre… Pas des flammes de joie, mais des feux de destruction : une colère mal digérée devenant une menace à l’encontre de biens privés ou publics.

    Dans le judaïsme, la ‘révolution’ n’est pas en soi condamnable. L’action des ‘Hachmonaïm (Maccabées) qui ont lutté afin de rétablir le service de D.ieu dans le Temple de Jérusalem -dont bien sûr l’allumage de la Ménorah- n’était-elle pas une révolution ? Lorsque l’envahisseur grec a tenté d’imposer une culture autre au détriment de la Torah, la réaction militaire fracassante des insurgés juifs n’était-elle pas un refus violent de l’ordre établi ?

    Certes. On se battait alors pour des valeurs fortes : préserver la transmission de la Torah aux générations futures. L’identité juive était en péril. Il fallait la défendre.

    Les revendications diverses et variées des « gilets jaunes », ainsi que leur composition hétéroclite laissent pensif. Quelle révolution ? Quelle volonté de changement et dans quel objectif ? Il existe une différence certaine entre une « révolte » et une « révolution ». La première désigne une ‘simple’ action violente établie contre l’autorité. La seconde implique un projet politique et/ou idéologique construit afin de remplacer le système contesté. Les révoltes et les révolutions font peur, mais seules les révolutions sont porteuses d’un potentiel espoir… d’une vraie lueur… de ‘changement’.

    On ne niera pas une inégalité visible tendant à l’injustice dans certains cas. Lorsque deux salaires d’un temps complet ne permettent pas de louer un appartement car le prix du loyer est trop élevé, on comprend le sentiment d’exaspération de ceux qui descendent dans la rue. Et après ? Réclamer la baisse de certaines taxes : est-ce un véritable projet de justice sociale ; ou bien une simple demande de sursis afin de pouvoir acheter les cadeaux qui orneront le sapin de Noël ?

    Le cadeau a souvent pour objectif de calmer les tensions. C’est ainsi que le patriarche Yaakov est parvenu à amadouer son frère Essav, pourtant parti à sa rencontre avec quatre cents hommes armés. Cela peut être productif… Sur le moment. Mais à long terme, le cadeau seul ne peut permettre de faire tenir une relation durable. En effet, après la réconciliation entre les deux frères, chacun reprend finalement son chemin de son côté. L’union aura été de courte durée.

    Tant qu’il n’y a pas de projet social ou sociétal commun, les gestes et les concessions ne servent qu’à apaiser les problèmes, destinés à réapparaître de manière récurrente. L’idée est toute aussi vraie entre amis, au sein d’un couple, ainsi qu’entre l’Etat et ses citoyens. Les cadeaux peuvent momentanément arrêter une révolte. Ils ne peuvent que retarder une séparation, un divorce… ou une révolution.

    Car finalement, que restera-t-il de toute cette agitation lorsque les fêtes de fin d’année seront passées ? L’avenir nous le dira. En attendant, cette question fait écho à une réflexion au sujet de la comparaison entre le sapin de Noël et la ‘Hanoukiah. Si l’achat ou la préparation du sapin nécessite beaucoup d’investissement, on s’en débarrasse au début du mois de Janvier car il devient vite encombrant. Rien de tel pour la ‘Hanoukiah : une fois la fête passée, son socle est mis en évidence aux côtés des plus beaux objets de la maison dans une vitrine remarquable. La fête est passée, mais son message reste gravé en nous. La flamme est éteinte, mais elle anime sans cesse nos combats spirituels.

     

    * Billet publié dans l'hebdomadaire 'Actualité-Juive', Décembre 2018

  • Un gouvernement national ou universel ?

    בס״ד

     

    Un gouvernement national ou universel ?

    Ou comment Joseph et Yehouda ont débattu de la mondialisation de la Torah..

     

    par Shmouel Choucroun*

     

                                              Schoucroun

    La Parachat Vayeh’i  qui clôt le livre de Bérechit a pour thème central les derniers instants de vie du patriarche Jacob. La famille étant à nouveau réunie et soudée en Egypte, Jacob à l’instar de son père va à priori se livrer au même exercice que ce dernier, à savoir délivrer des bénédictions avant de quitter ce monde.

    Au début de notre paracha, il bénit les deux fils de Joseph, Ephraïm et Ménassé, et va même élever ces derniers au rang de tribu d’Israël.

    Puis vient le tour de ses 12 fils, réunis autour de son lit et suspendus aux lèvres de leur père…

    Pourtant le passage décrivant cette scène et que nous nommons plus communément « les bénédictions des 12 tribus » ne correspond pas tout à  fait à cette appellation là.

    Le Rav Itshak Don Abravanel zatsal, sage espagnol du moyen âge, dans son commentaire sur la torah, nous fait remarquer que Jacob semble à priori se donner à un autre exercice que celui de bénir sa progéniture.

    En effet, si nous examinons le texte de plus près nous nous apercevons que les trois premiers fils de Jacob sont réprimandés et non pas bénis.

    Ainsi, il s’adresse en ces mots à Reouben :

    פּחז כּמים אל תותר כּי עליתה משׁכּבי אביך , אז חללת יצועי עלה

    « Impétueux comme l’eau tu ne prendras pas davantage ; parce que tu es monté sur la couche de ton père alors tu as profané ce qui est monté sur la couche. »

    L’aîné est ainsi sévèrement réprimandé ; impétueux voir irrespectueux envers son père lorsqu’il décida de déplacer la couche de ce dernier dans la tente de sa mère Léa épouse principale de Jacob.

    La sentence tombe : tu ne prendras pas l’avantage, ton droit d’aînesse ne te permettra pas de devenir le chef d’Israël

     

    Les deux frères suivant dans l’ordre d’âge Chimon et Lévi  n’échappent non plus au courroux du père :

     אָרוּר אַפָּם כִּי עָז, וְעֶבְרָתָם כִּי קָשָׁתָה; אֲחַלְּקֵם בְּיַעֲקֹב, וַאֲפִיצֵם בְּיִשְׂרָאֵל

    « Maudite soit leur colère car elle fût violente, leur fureur était dur ; je les diviserai parmi les miens, je les disperserai dans Israël » s’exclame Jacob

    Chimon et Lévi paient ici prix du  massacre des habitants de Schem qui fût perpétré pour venger le déshonneur de leur sœur Dîna.

    Encore une fois, Jacob ne procède absolument pas à des bénédictions. Au contraire nous constatons que les trois premiers fils subissent le courroux de leur père.

    Vient le tour de Yehouda. Il est certainement le fils qui doit le plus redouter la parole de son père, n’a-t-il pas été à l’initiative de  la vente de Joseph son frère ? N’est-il pas celui qui a causé une peine terrible à son père suite à cet épisode ?

    Pourtant, Jacob délivre un tout autre verdict..

    יְהוּדָה, אַתָּה יוֹדוּךָ אַחֶיךָ--יָדְךָ, בְּעֹרֶף אֹיְבֶיךָ; יִשְׁתַּחֲווּ לְךָ, בְּנֵי אָבִיך

    « Yehouda tes frères te reconnaîtront, ta main est sur la nuque de ton ennemi ; se prosterneront devant toi les fils de ton père ».

    Pour résumer : Yehouda mon fils ce sera toi le chef d’Israël.

    Et Jacob surenchérit :

    לֹא-יָסוּר שֵׁבֶט מִיהוּדָה, וּמְחֹקֵק מִבֵּין רַגְלָיו, עַד כִּי-יָבֹא שִׁילֹה, וְלוֹ יִקְּהַת עַמִּים

    ָ « Le sceptre n’échappera pas à Yehouda, ni l’autorité à sa descendance.. »

    Le compte est bon, Jacob vient de nommer le vainqueur par k-o de toutes les disputes fraternelles, Yehouda sera le chef d’Israël car ses frères le reconnaissent comme  le leader de la famille.

    Après cet éclaircissement Jacob se livrera  à une série de bénédiction ou prédiction envers les fils suivant hormis Joseph, dont nous évoquerons le cas par la suite.

    Nous comprenons maintenant la construction de l’élocution de Jacob :

    Il doit nommer un chef de clan. Le prétendant naturel est évidemment l’aîné Reouven. Mais ses actes et son caractère ne plaident pas pour lui.

    Puis vient le tour du deuxième et troisième frère, mais là encore leur colère et fureur ne seraient pas des atouts pour un prétendant au trône qui doit gérer et gouverner avec patience et compassion.

    Yehouda semble avoir les qualités requises et ce, malgré son implication dans la vente de Joseph, ou encore l’épisode douteux avec Tamar sa bru.

    Mais pourquoi un tel choix de Jacob ? Et surtout cela ne vient-il pas contredire les rêves de Joseph ? Ces mêmes rêves qui avaient prédit que toute la famille se prosternerait devant le fils prodigue de Jacob ? Ces mêmes rêves qui avaient conduit Yehouda à envoyer son jeune frère en esclavage en Egypte et qui des années plus tard avaient conduit toute la fratrie à se prosterner devant Joseph devenu principal ministre de Pharaon entre temps ?

    Alors pourquoi se détourner du rêve prophétique de Joseph ? Ne serait-ce pas dans une certaine mesure une rébellion contre la volonté de D.ieu ? Qui a mis tous les éléments en place pour que Joseph accède un jour aux plus hautes fonctions ? Des rêves de pharaon aux camarades de cellule de Joseph ?

    D.ieu a disposé tous les pions de l’échiquier  afin que les prédilections de Joseph se réalisent ! Alors pourquoi Jacob dans ses derniers instants de vie se détourne de ces évidences pour choisir un autre chef, en l’occurrence Yehouda et non son fils prodigue Joseph ?

    Pour répondre à ces questions, revenons sur l’essence même de Joseph, principal prétendant  à priori pour l’attribution de la dynastie royale avec Yehouda.

    Rachi dans son fameux commentaire sur la torah commente dans la parachat Vayetsé et ce sur les versets traitant de la naissance de Joseph la chose suivante :

    משנולד שטנו של עשו דהיינו יוסף (עובדיה א.יח) והיה בית יעקב אש ובית יוסף להבה ובית עשו לקש כו'

    « Lorsque est né celui qui fera chuté Esaü à savoir Joseph, tel qu’il est dit ; « et la maison de Jacob sera semblable au feu, et la demeure de Joseph à la flamme, et la maison d’Esaü semblable à la paille »

    Rachi semble expliquer qu’avec la naissance de Joseph, Jacob possède l’arme absolu contre Esaü, il tient là un être qui réduira en cendre la demeure de son terrible frère jumeau.

    Pourtant si nous examinons les sources midrashiques, nous attribuons la mort d’Esaü soit à Housh le fils de Dan soit selon d’autres sources, à Yehouda en personne. A priori nous avons là une flagrante contradiction entre les sources midrashiques et un mystère à éclaircir !

    Le Maharal de Prague explique dans son commentaire Gour Arié sur la Torah, que Jacob et Esaü étaient deux parties d’une seule entité. A ce titre, Jacob n’étant que l’autre partie d’Esaü, il ne pouvait lutter et vaincre totalement son frère jumeau. Ce n’est que Joseph, qui incarne l’essence profonde de Jacob et qui n’est pas relié à Esaü qui pouvait  anéantir ce dernier.

    Si nous devions vulgariser le concept du Maharal de Prague, nous dirions que Jacob n’avait pas dans son essence les capacités à repousser les arguments de son frère. Esaü pouvait se justifiait de sa mauvaise conduite en arguant: « si je ne suis pas un juste comme toi Jacob, c’est parce que je suis occupé à m’occuper de la construction du monde ; toi tu es tsadik, juste et pieux,  car tu ne vis qu’entre les murs du Beth Hamidrash, la maison d’étude sans les tentations du monde extérieur »

     

    Puis arrive Joseph. Le fils de Jacob va sauver l’économie du pays le plus puissant de son époque l’Egypte, permettre à des dizaines de milliers d’êtres de survivre en période de famine. Mais cela n’est pas le plus remarquable chez ce personnage. La torah vante avant tout ses qualités d’intégrité et  morales. Seul dans un pays aux mœurs déviantes, trahis par ses propres frères, éloignés de son père et de ses enseignements, accusés à tord d’actes qu’il n’a pas commis, soumis aux multiples avances de l’épouse de son maître Potiphar, Joseph reste intègre et ne faute pas.

    Cette foi et conduite exceptionnelle de Joseph feront de lui le seul personnage de la torah à hériter du titre de Tsadik, juste !

    Nous pouvons maintenant saisir la dimension de Joseph : un être face à qui toutes les accusations contre Israël n’auraient pas d’emprise.

    Pourtant ses propres frères se méfiaient de lui, voir même le méprisaient !

    C’est donc là tout le malentendu qui oppose la fratrie !

     

    Le Maharal de Prague explique que Yehouda éprouvait de la haine envers Joseph car il voyait en lui un rival pour son autorité de chef. Hors en réalité, Joseph voulait délivrer un  message et uniquement un message :

    Quel doit être la place de la Torah dans ce monde ?

    Nous juifs, pensons à tord ou à raison pour la plupart d’entre nous que la beauté de la torah ne peut se vivre et se ressentir qu’à travers l’étude des textes sacrés, ou l’ambiance du chabbat et des jours de fête. En d’autres termes, cette beauté là ne s’adresse qu’aux gens qui vivent la torah au quotidien à savoir les juifs eux-mêmes.

    Joseph vient dévoiler une autre dimension dans la torah : sa sagesse, sa grandeur est aussi palpable pour les nations mais à condition que nous sachions l’expliquer dans le langage du monde ! La torah doit être belle, les synagogues splendides, les juifs doivent pouvoir répondre à tout le savoir scientifique et culturel de leur temps pour rester crédibles et inattaquables face aux courants de pensée de l’histoire. Si ces conditions sont remplies alors, et seulement alors, les nations reconnaîtront à travers Israël le D.ieu qui les a fait sorti d’Egypte et qui a partagé de sa sagesse au mont Sinaï.

     

    Joseph s’approche finalement dans une certaine mesure de la culture grecque.. Construire et faire avancer le monde, le souci de l’esthétique, l’attrait pour la politique.

    Mais en réalité, tous ces artifices, ne sont pour Joseph que des outils pour servir la gloire de D.ieu dans ce monde.

    Le beau et l’esthétique ne sont  pas synonymes de vérité mais des canaux pour s’approcher de cette dernière.

     Les frères voyaient en Joseph un rebelle, un égaré qui allait emprunter une voie dangereuse. Lorsqu’ils se prosterneront devant lui en Egypte des années plus tard, ils ne reconnaîtront pas sa domination politique ou patriarcale mais uniquement la véracité de sa torah.

    Joseph a dévoilé au final (et cela n’était que son unique intention) que toutes les sciences et connaissances de ce monde pouvaient aussi conduire vers la gloire de D.ieu et ce à condition que l’on ne s’égare pas en chemin.

    Churchill écrivait dans la langue de Shakespeare les mots suivants :

     “The Greeks rival the Jews in being the most politically minded race in the world … No other two races have set such a mark upon the world … They have survived, in spite of all that the world could do against them … No two cities have counted more with mankind than Athens and Jerusalem..”

     Le premier ministre  de sa majesté ne voyait pas d’autres villes plus influentes dans l’histoire de l’humanité qu’Athènes et Jérusalem.

    Joseph n’a pas réconcilié les deux cités, les grecs et les maccabi, mais il simplement dévoilé que Jérusalem portait en elle une richesse qui, enveloppée dans les codes de la culture de ce monde, pouvaient se dévoiler aux yeux de l’humanité.

    Quant à Yehouda, son charisme auprès de ses frères, sa capacité à être un leader en temps de crise, sa force intérieur qui lui permette de reconnaître ses erreurs, en font de lui le candidat désigné pour être un chef.

     

    Nous avons donc dans notre paracha les deux piliers du projet politique d’Israël :

    • la définition des qualités de tout candidat à la souveraineté
    • l’aspiration et l’espérance du projet que doit porter justement le politique. Une aspiration forte et profonde, juste et noble, un projet universel dans sa finalité sont tant d’horizon qui doivent élever le politique et ne pas le laisser seulement face à des problèmes de gestion et d’économie.
    •  

    Ezechiel (chap37) prophétise dans son livre que les temps messianiques se traduiront par l’union et la fusion de Yehouda et Joseph, en d’autres termes la fin de cette distorsion inhérente à la piété profonde qui nous attache à la Torah et  qui tend à éloigner depuis toujours Israël de son destin universel.

     

    ********************************************************

    Shmouel Philippe Choucroun, originaire de Marseille il passe son Bac au début des années 90 et décide de faire son Alyah. Il étudie par la suite au Machon Lev où il obtient un diplôme de Marketing et comptabilté. Il entame après cela des études rabbiniques dans différents collelim de Jerusalem où il passera des smih’ot. Il revient en France en 2005 où il travaille tout d’abord dans un programme de diffusion de la Torah dans la cité phocéenne.Il passe en parallèle des équivalences au Séminaire rabbinique de Paris et occupe depuis 2012 un poste de direction dans l’aumônerie des armées et des prisons. Auditeur de l’IHEDN et IHEMR, il  participe à de nombreux programmes de dialogue interreligieux et de lutte contre la radicalisation. S’étant approché de rabbanim en erets proches de l’école de Brisk, mais aussi de la Hassidout Breslev  et d’autres mouvances, il essaie de concilier et synthétiser  des pensées à priori contraire ou éloignées.

  • Hanoukah et la lueur universelle

          Hanouka et la lueur universelle, une histoire d’écriture.

     

    Telechargement 1

     

    « Cantique sur la biche du matin », traditionnellement ce premier verset du Psaume 22 est pris comme une allusion à Ester. Rav Assi explique la raison pour laquelle Ester est comparée à une biche de l’aurore :

    אמר רב אסי: למה נמשלה אסתר לשחר? לומר לך: מה שחר סוף כל הלילה - אף אסתר סוף כל הנסים. - והא איכא חנוכה! - ניתנה לכתוב קא אמרינן.

    תלמוד בבלי מסכת יומא דף כט עמוד א

    « Rav Assi énonce : pourquoi Ester est-elle comparée au matin ? Pour exprimer que de la même façon que le matin marque la fin de la nuit, ainsi Ester marque la fin des miracles. » Mais n’y a-t-il pas Hanouka  [dont l’histoire est postérieure au récit d’Ester et relève aussi du miracle.] ? Non, ce dont on parle c’est de ce qui est destiné à être écrit.

    L’histoire de Hanouka ne fait pas l’objet d’un livre dans le canon biblique, il n’est donc pas écrit. Mais le Talmud comprend qu’il existe une raison essentielle à cela : Hanouka ne fait l’objet d’aucun livre, car cette histoire n’a pas à être écrite. Le Talmud garde le silence sur cette impossibilité. Charge donc à son lecteur d’en découvrir la raison.

    Ce qui est écrit c’est ce qui est universel. Ecrire c’est faire rentrer dans l’universel, et ceci pour au moins deux raisons. Tout écrivain s’adresse à un lecteur qu’il ne connait pas, lecteur sans nom ni identité, qui l’oblige à une langue rationnelle. D’autre part, tout texte écrit est amené à être lu, rompant ainsi la complicité qui se crée naturellement entre interlocuteurs. La Torah orale est destinée au peuple juif, contrairement à la Torah écrite qui peut être parcourue par tous les citoyens du monde. L’alliance entre Dieu et les hommes est elle-même scellée « sur la loi orale ». Ecrire l’histoire d’une nation c’est la faire entrer dans l’Histoire. Et l’histoire d’Ester –par exemple- peut se lire comme l’histoire de n’importe quel racisme d’état. Dieu intervient dans l’Histoire, certes en faveur d’un peuple, mais aussi pour Se montrer, S’indiquer et donner les raisons de son identité. Dieu en S’écrivant entre dans l’universel.

    Hanouka désigne la fermeture du peuple juif à l’universel tel qu’il se montre chez les grecs. Socrate n’écrit pas. La démarche philosophique se présente comme une spécificité grecque, appartenant à l’identité grecque. Chez Platon, l’écriture philosophique se fait encore sous le mode du théâtre : la philosophie peine à se déclarer au grand jour. C’est Aristote qui conçoit le premier la philosophie comme universelle : il invente la logique. La Torah écrite peut s’écrire en grec que ce soit avec les caractères grecs ou même la langue grecque, à travers la Septante.

    La Michna ne tente pas d’écrire Hanouka. Elle n’évente pas ‘le secret d’Israël’. Le Talmud est plus téméraire : puisqu’il écrit en quelques  mots succints l’histoire de Hanouka[1].

    Qu’est-ce qui résiste à l’universel dans cette fête ? La possibilité d’une intimité entre un peuple et le Dieu de l’univers. Possibilité contradictoire dans ses termes. L’infini divin renonce à l’universel en se limitant à un peuple. Ce renoncement se disait déjà dans le temple du désert, et c’est dès son intronisation que s’acte cette possibilité. Hanouka, l’intronisation, ou plutôt la réinitialisation du Temple.

    Il n’est pas possible de créer une métaphysique qui soutienne que Dieu se dirige vers un peuple. C’est de cette contradiction insoutenable, inasumable, que témoigne l’impossibilité de l’écriture de Hanouka. Dans le discret miracle d’une fiole qui brûle huit jours, un ‘presque miracle’ mais seulement pour qui veut bien avoir la patience de compter. Dans le silence discret d’une lumière au cœur de l’hiver, où de concert avec les autres nations, une bougie est allumée, pour des raisons qui n’ont rien de commun avec le nocturne de l’hiver. Dans la lumière discrète que rien ne distingue des autres lampes des foyers de toute l’humanité, à l’heure la nuit.

    Franck Benhamou.

     

    [1] Sans doute que le rédacteur du Talmud sait que seuls quelques initiés iront scruter les pages denses et entremêlées de son écriture qui louvoie avec l’universel. 

  • Mikets- la génuflexion

           Cycle : la Paracha selon le SFORNO*

    Sforno 1

     

            Parashat Miketz – “Et ils l’appelèrent génuflexion”

     

    Lorsque Yossef est nommé vice-roi par Pharaon impressionné par ses conseils, un verset décrit le respect qui l’entoure :

    ״ויקראו לפניו אברך״ (מ״א – מ״ג)

     

    “Et ils l’appelèrent avreh’” (XLI, 43)

     

    Quel est le sens du mot avreh’ ? Rashi en fait un mot composé : « av – Maitre en sagesse – rah’ ­– jeune en années » … L’interprétation laisse quelque peu sur sa faim, et semble loin des réalités linguistiques.

    De manière quelque peu analogue, mais peut-être plus proche du sens réel du mot, le Rashbam y voit aussi un mot composé : « av – père/ministre – rah’ – Roi » - « ministre du Roi ».

    Sforno[1] donne au terme un sens qui nous semble très contentant : en échangeant le א initial avec un ה (“pratique” tout à fait acceptable et courante), il y lit la racine ״ברך״- genou. Le titre dont Yossef est affublé serait donc, d’après Sforno « génuflexion » - « A genou ! »  - terme qui décrit sans équivoque le nouveau rang auquel Yossef est élevé !

     

    Benjamin SZNAJDER

     

    *Rav 'Ovadiah Sforno, Italie 1480-1550

    Texte original : 

    ספורנו בראשית פרק מא פסוק מג
    (מג) ויקראו לפניו אברך. כמו הברך. כלומר כל איש יכרע על ברכיו כמו שהיו צועקים לפני המלך לומר לעם כי לו תכרע כל ברך: 

     

     


    [1] Le Rav Ibn Ezra et le Rada”k partagent sa lecture

  • Vaiygash 'Quand le cœur ralentit'

      Cycle : la Paracha selon le SFORNO*

    Sforno 1

    Vaiygash : 'Quand le coeur ralentit'

              

    Notre Paracha s’ouvre sur le plaidoyer de Yehouda au vice-roi d’Egypte afin qu’il ne garde pas prisonnier Benjamin, de peur que leur père ne meurt.

    Submergé par l’émotion, le vice-roi, Yossef, se fait reconnaitre. Il s’enquiert de son père, rassure ses frères et leur raconte ce qui va advenir (les années de famine…). Il les enjoint ensuite de retourner auprès de leur père « et de lui raconter toute [sa] gloire en Egypte et tout ce qu’[ils] ont vu et de revenir avec leur père ». (Bereshit, 45,13)

    Les frères retournent auprès de leur père, comblés de richesse.

    Ils le retrouvent et lui racontent tout « en disant, Yossef est encore vivant et il gouverne même tout le pays d’Egypte ! [Mais] son cœur se figea car il ne les croyait pas ». (Bereshit, 45,26)

    ויפג לבו (son cœur se figea), explique Sforno, indique “qu’il s’est évanoui, la vitesse de son pouls et les battements de son cœur ont légèrement diminué par rapport au moment précédent comme cela arrive généralement en cas d’évanouissement et ce du fait de la terreur [qu’il a éprouvée] lorsqu’ils ont évoqué Yossef. Car il ne les avait pas cru. Mais ensuite il revint à la vie car ils lui dirent toutes ses paroles »[1].

    Que lui ont-ils dit ? Pour Sforno, ils lui dirent exactement ce qui est écrit au verset 6 : « voilà deux années que la famine est là et il y aura encore 5 années de famine ». (Bereshit, 45,6).

    Autrement dit, pour Sforno, les frères mêlent deux nouvelles ; une bonne, Yossef est vivant, et une moins bonne, la famine va continuer. « Et c’est pour cela que l’esprit de Yaacov revint à la vie, il se remit progressivement de son évanouissement, grâce à la joie tempérée par l’inquiétude ». La joie n’a pas été trop forte[2].

    Sforno perçoit que la séquence des événements est très importante. Une trop grande joie peut causer des dommages irréparables, en particulier lorsque la personne ne s’y attend pas. Il faut donc la nuancer. Il faut, donc, faire ralentir le cœur pour empêcher, ensuite, une trop grande accélération. Ainsi, l’évanouissement à l’annonce de la vie de Yossef puis l’annonce des 5 années de famine a permis à Yaaqov de pourvoir surmonter le choc de l’annonce de la vie de son fils.

    On retrouve à nouveau cette approche toute médicale un peu plus loin dans la Paracha. Lorsqu’en plein cœur de la famine, les Egyptiens reviennent voir Yossef et lui réclament du pain. Yossef leur en donne mais le mot utilisé est alors וינהלם.  

    Littéralement, cela veut dire, « il les dirigea » car, explique Sforno : « il les dirigea lentement comme dans yechaya 40,11 « menant avec douceur (ינהל) les nourrices ». Il leur a donné du pain (c’est-à-dire de la nourriture) par petites quantités de manière à manger sans être rassasié comme cela s’impose dans les années de famine. (…) En effet, selon les savants de la médecine (…) trop se nourrir après [une période de] faim entraîne une maladie mortelle ». [3]

     

    On ne peut qu’être fasciné par ces explications.

    Lier ainsi le texte à la connaissance de la physiologie ne se comprend que si l’on se souvient que Sforno était médecin. Il a fait ses études de médecine à l’Université de Rome et a été diplômé en 1501.

    Comme le rappelle Henri Infeld, il se place dans la lignée des grands commentateurs italiens qui mêlèrent connaissance de la Torah et connaissances profanes (sciences, médecine, philosophie) :

    « Depuis le début de l’an mille il n’y eut de génération où le judaïsme italien ne put s’enorgueillir de personnalités versées « en toutes sciences ». Amorcé avec la figure prestigieuse de Rabbi Chabtaï Donnolo, kabbaliste, philosophe, mais aussi astronome, médecin de haute réputation maîtrisant avec aisance le grec et le latin, l’Italie ne cessa de voir éclore d’immenses talents qui, tous, contribuèrent à façonner la spécificité du judaïsme italien.

    (…) Ce terreau vit éclore, parmi tant d’autres, Rabbi Obadia de Bartinoro, auteur du principal commentaire sur la Michna, Rabbi Obadia Sforno, Rabbi Joseph Colon, Rabbi Yehouda Messer »[4] ou Léon l’Hébreu.

    La communauté juive italienne a été la première à affronter la modernité. Avec la Renaissance, les universités apparaissent. Et c’est dans ces nouveaux lieux que les Juifs purent avoir accès à des disciplines comme les sciences et la philosophie. C’est dans cette confrontation avec la modernité qu’a émergé des commentateurs comme Sforno qui peuvent, si naturellement, mêler des considérations médicales aux commentaires plus classiques.

     

    Noémie LEBEN

     

     

    *Rav 'Ovadiah Sforno, Italie 1480-1550

    Texte original : Cf. notes

     


    [1] ויפג לבו נתעלף וחסרה קצת דפיקת לבוורוחו ממה שהיה קדם, כמנהג בעלוף, מדאגת לבו בהזכירם את יוסף, ײכי לא האמן להםײ,לפיכך ײ ותהחי רוח יעקבײ (סוק כז), לא אבדה רוחו אחר כך כשהאמין, כמו שיקרה בעת השמחה הפתאומים הממיתה בצאת הרוח החיוני אל החוץ, כי אמנם נכנסה לפנים בעת הדאגה הקודמתכשלא האמין

    [2] וידברו אליו את כל דברי יוסף שאמר ײועודחמש שנים,אשר אין חריש וקצירײ (פסוק ו) , כדי לערב בדבר השורה איזה ֪דאגה                                                            ִ ותחי רוח יעקב נרפא מן העלוף הקודם בהדרגת השמחה עם הדאגה

    [3] וינהלם בלחם וכבר אמרו חכמי הרפואה שהשבע אחר הרעב גורם חלי ממית

    [4] Henri Infeld, Education et judaïsme, entre profane et sacré, PUF, 2011, page 129.

  • Yossef et "ses frères" ?

    Cycle : la Paracha selon le SFORNO*

     Sforno 1

    Joseph et ses « frères » ?

     

    La parasha de Vayeshev est essentiellement consacrée au premier volet de l’histoire de Joseph et de ses frères, depuis le récit des rêves de grandeur de Joseph, jusqu’à son emprisonnement dans les geôles égyptiennes.

    Chaque année, à la lecture de cette parasha, nous sommes moralement déstabilisés. Depuis les premiers chapitres de Béréshit nous ne connaissions d’opposition qu’entre « méchants » et « gentils » : Caïn contre Abel, Noa’h contre la génération du déluge, Avraham contre les idôlatres, Lot contre Sodome, Isaac contre Ishmaël, Jacob contre Esaü et Lavan. Les choses étaient claires, notre camp était désigné d’office.

    Mais lorsqu’arrive la parasha de Vayeshev, les repères sont complètement brouillés ! Est-ce le jeune Joseph qui fait preuve d’arrogance et de méchanceté ou sont-ce ses frères qui brûlent de jalousie ? La vente de Joseph est-elle un sauvetage ou une condamnation à mort ? Que penser de l’attitude de Reouven ? Le rapport de Judah avec Tamar est-il un acte de débauche ou une manifestation de piété mystique ?

    Concernant Joseph rapportant (37:2) la mauvaise gestion de ses frères, voire même leur abus des biens paternels à leur seul avantage, le Sforno met en avant l’immaturité de Joseph, son incapacité à anticiper les conséquences de ses paroles. Et précise Sforno, oui nous parlons bien de Joseph, celui qui plus tard conseillera les sages. Mais à cette date, il manque d’expérience et de responsabilité. Il n’y a donc pas là de contradiction, pas de scandale théologique.

    On voit par ce simple exemple que Joseph n’est pas représenté comme la statue immuable du Tsadik, mais comme un grand homme en devenir, commençant à construire son expérience par de graves erreurs.

    A propos du complot des frères de Joseph afin de le tuer (37:18), Sforno explique que les frères s’étaient figurés que Joseph venait dans une intention belliqueuse, avec comme objectif ultime de les évincer, voire de les éliminer, que ce soit physiquement ou spirituellement. Leur décision était donc justifiée par une situation de légitime défense. Ainsi, lorsqu’ils confessèrent : « Mais nous sommes coupables » (42:21), ils ne se référaient pas au fait ce d’avoir voulu le tuer (ce qui était justifié), mais d’avoir manqué de pitié lorsque Joseph les avait suppliés. Une faute sur la forme plus que sur le fond.

    Pour conclure, le Sforno rappelle que tous ces personnages sont considérés comme des géants spirituels et que leurs noms sont gravés à jamais sur les pierres du ‘Hoshen et du Efod du Grand-Prêtre « en souvenir devant Dieu » (Ex. 28:12, 29) !

    D’une certaine manière, à travers le récit des aventures de Joseph, nous abordons donc une lecture plus profonde, plus complexe des relations humaines. Le Nom de Dieu est proclamé, la famille de Jacob partage un seul et même message spirituel, mais pour autant tous les problèmes humains, sociaux ou politiques, n’en sont pas mécaniquement résolus. Le monothéisme n’est pas une baguette magique et ne prétend pas l’être. C’est au contraire avec lui que commence un travail, que devient possible une construction en surmontant les défauts et limites de l’âme et des comportements humains.

    Malgré les vicissitudes, les rivalités, les rancœurs, les luttes, tous les frères sont réunis « en souvenir devant Dieu ».

     

    Emmanuel Ifrah – 11/2018

     

     

    *Rav 'Ovadiah Sforno, Italie 1480-1550

    Texte original : 

    ספורנו בראשית פרק לז פסוק ב


    והוא נער. ומפני נערותו חטא להביא דבת אחיו כי לא נסה ולא התבונן לאחרית דבר אף על פי שהיה אז משכיל מאד ושהיה אחר כך מורה לזקני הדור כאמרו וזקניו יחכם וזה כאמרם ז"ל (תהלים קה, כב) ולא בדרדקי עצה (שבת פט ב):


    (יח) ויתנכלו אותו להמיתו. הנה לשון נכל יורה על המצאה להרע כמו אשר נכלו לכם (במדבר כה, יח). אמר שחשבו את יוסף בלבם נוכל להמית ושבא אליהם לא לדרוש שלומם אלא למצוא עליהם עלילה או להחטיאם כדי שיקללם אביהם או יענישם האל יתברך וישאר הוא לבדו ברוך מבנים ולשון התפעל יורה על ציור הדבר בנפש כמו אתה מתנקש בנפשי (ש"א כח, ט) מצייר בלבבך מוקש על נפשי ולשון להמיתו שימית הוא את אחיו כמו לעשותכם אותם (דברים ד, יד) לעברך בברית (שם כט, יא). ובזה הודיע מה היה למו בהיות כלם צדיקים גמורים עד שהיו שמותם לפני ה' לזכרון איך נועדו לב יחדו להרוג את אחיהם או למכרו ולא נחמו על הרעה כי גם כשאמרו אבל אשמים אנחנו על אחינו לא אמרו שתהיה אשמתם על מכירתו או מיתתו אלא על אכזריותם בהתחננו. והנה הגיד הכתוב כי ציירו בלבם וחשבו את יוסף לנוכל ומתנקש בנפשם להמיתם בעולם הזה או בעולם הבא או בשניהם והתורה אמרה הבא להרגך כו' (סנהדרין עב א):