En ces temps électoraux...

En ces temps électoraux...

8303870 silhouette de deux bouffon

 

    En ces temps électoraux, la Méguila d’Esther reste d’une actualité qui ne cesse d’interroger : elle continue à parler de nos politiques et des politiciens de toutes les époques.

Qu’est-ce que raconte cette histoire ?

Elle commence par les festins d’un roi, 300 jours de fête, vie de château et luxe des détails d’un roi dont la démesure grotesque n’égale que l’aveuglement. Mais l’affaire eut été insignifiante si elle ne tourna pas exactement comme elle était prévue : le roi, ‘bien en mal’ de sa reine, exige qu’elle se présente au palais. De son refus, une loi s’édicte : la loi éternelle et machiste qui imposerait le silence aux femmes, et, par un coup de dés, donnerait la parole -enfin - aux hommes. Loi dont l’inapplicabilité eut été sans conséquence, si ce n’est que son énoncé montre à quel point les gouvernants pour cacher leurs propres travers, promulguent des lois à coup de matraque...Bien sûr, avec un sérieux risible, qui montrera bientôt comment les femmes se jouent des lois des hommes et de leur silence imposé. Soit.

Mais un autre gouvernant apparait sur la scène, un homme du palais, qui s’entend en affaires royales, connait les coulisses des coups d’état : le bien nommé Mordé’hay. Inflexible de caractère, il ne se prosterne pas : il fait son provocateur. S’en suit un terrible décret : extermination de tous les autres …juifs. Que ne s’eut-il pas prosterné !

Pour rendre son geste moins insignifiant, les sages inventent une idole cachée dans le cœur d’Hamane : Mordé’hay aurait refusé de se prosterner à l’idole. Mais pas d’idole dans le texte, et c’est bien devant l’homme Hamane que Mordé’hay refuse de se prosterner.  

Lorsqu’on voit les rouages,  prétendument bien huilés du pouvoir, tourner sans coup férir, on aimerait bien en rire, si ce n’est que l’on sait qu’on en sera la cible le lendemain. Mais bien sûr dans une démocratie, une loi ne se prend pas à la légère : bien des statistiques les étayent, et justifient leurs nécessités. Sans doute, les mêmes statistiques qui prédisent la victoire du dernier poulain médiatique ?

Le roi se laisse convaincre, lui qui si malheureux d’avoir envoyé sa tendre épouse au bûcher, n’a de cesse que de se refaire une santé : exterminer un peuple, voilà l’impérieuse nécessité. Mais les choses se précipitent : et tout s’inverse. Non que l’inversion ne soit plus sérieuse que son contraire : mais au moins il y a des rebondissements. Le décret est annulé. Morts des enfants, combats de rue, on aimerait bien que tout cela n’eut pas exister, la politique c’est sérieux… ça fait des morts. Et l’on conçoit que pour être à l’image de Dieu et à la hauteur de cette histoire, il suffit de rire des plans des hommes et de leurs certitudes. « Alors qu’il est aux nues, [Dieu] se joue de l’homme et de son cavalier » (d’après Job 39.18). Chaque livre biblique acquiert son éternité à sa manière : la Méguila d’Ester a choisi le pamphlet. 

 

FRANCK BENHAMOU

 

Ajouter un commentaire