Le jubilé : jubilation de courte durée

Cycle : La parasha d’après le Netsiv*  

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Le jubilé : jubilation de courte durée

 

La paracha de Béhar traite de nombreux sujets liés au monde agricole, parmi eux, le jubilé. C'est sur ce dernier que nous allons nous attarder dans ce court texte, pour tenter d'exploiter le sens que lui donne le Netsiv (25;10,13 et 18).

Pour en résumer les principaux caractères, lors du jubilé, les esclaves juifs sont libérés, et les terres reviennent à leurs propriétaires d'origine. Ces règles comportent certaines exceptions, mais nous nous limiterons pour le moment à l'image générale qui se dessine à la lecture des versets de la Torah (Lévitique, 28, 8-18). De par ailleurs, on pratique, lors de cette année les règles habituelles de l'année sabbatique concernant le chômage de la terre.

Une explication répandue consiste à déceler dans ces pratiques une visée socialiste. Qui dit socialiste dit politique, il s'agirait donc de résoudre le problème des inégalités sociales en rendant la liberté aux esclaves, en laissant les fruits du champ à tous, et en rétablissant le partage initial de la terre sensé être équitable.

Cependant, sans nier le bienfondé que peut contenir cette lecture, une autre dimension, peut-être plus proche de la lettre de la Torah est révélée par le Netsiv concernant le sens de cette Mitsva.

Le Netsiv souligne tout d'abord que le sens du mot Yovel (jubilé) est « déplacement »[1] ou même dans un hébreu plus moderne « déménagement ». Puis, il souligne que l'expression réitérée à de nombreuses reprises concernant le jubilé est celle du « retour » (25,10 et 13) dans sa terre et dans sa famille. Rav Berlin précise également que retrouver sa propriété est une obligation pour celui qui l'aurait vendue (en raison de l'obligation de s'installer sur la terre d'Israël), alors que revenir dans sa famille n'en est pas une. Enfin, il souligne que du point de vue militaire, c'est une année de repos, où la seule protection serait l'étude, car mêmes les champs limitrophes qui constituent les frontières sont abandonnés.

Pour tenter d'unifier quelque peu l'image qui semble ressortir de tous ces éléments, nous émettrons quelques remarques.

Tout d'abord, il est intéressant de souligner que deux idées paradoxales sont exprimées : d'une part l'accent est mis sur le déplacement, le mouvement, d'autre part ce mouvement ne paraît être qu'un retour à une place naturelle, à un ordre préétabli et à la mise en place d'une stabilité politique.

De plus, l'accent mis dans le commentaire du Netsiv sur la notion de « retour » suscite des questions : quel est l'intérêt de ce rétablissement ? Pourquoi ne pas préférer une éternelle évolution, un mouvement perpétuel ?

Pour apporter un éclaircissement à tout cela, notons simplement que pour ceux qui les vivaient dans un autre temps, et pour nous à travers l’étude, ces pratiques font réfléchir sur le rapport que l'on entretient avec la place que l'on a et avec nos origines. La Torah ne nous demande pas de rester en place, de conserver les positions préétablies et d'abolir l'esclavage ou les transferts de propriété. Nul doute ne demeure sur le fait que la fin du jubilé arrivée, les transactions reprendront, les pauvres redeviendront les esclaves des riches etc... C'est pour cela que l'on ne peut parler de ce retour qu'en termes de déplacement et de mouvement. Il ne s'agit là que d'une étape. On va retrouver sa terre, donc sa tribu, revivre sa liberté naturelle, vivre un certain calme. C'est l'occasion pour l'homme de se recentrer, de se rappeler d'où il vient et constater où il est, voir ce qu'il est devenu et prendre conscience de certains décalages. Mais il ne s'agit là que d'un cycle que chacun ne vivra probablement qu'une seule fois dans sa vie. Peut-être que cela suscitera en lui des interrogations, peut-être que l'on peut espérer ici un aiguillage nouveau dans le train de sa vie ?

Tsvi-Eliahou Lévy

 

 

[1] יובל (Yovel) venant du mot הובלה (hovala).

 

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