Le sens de la bénédiction

                     Cycle : la Paracha selon le SFORNO  

                  Sforno 1

                  Les Sens de la bénédiction

 

 

La Sidra de Toledot traite d’un épisode qui va voir la destinée de deux frères se séparant à jamais, lors de la bénédiction que Its’hak dont voulait faire hériter son fils ainé Essav’.

Le chapitre 27 nous présente un Its’hak à l’acuité visuelle abaissée lors de sa volonté de bénir Essav’.

Le Sforno* fait un parallèle avec ‘Eli le grand prêtre qui n’a pas protesté contre la mauvaise conduite de ses fils et dont les yeux « étaient immobiles et il ne pouvait plus voir ». Phénomène qui n’a atteint ni Avraham ni Yaakov dans leurs vieux jours. Sa vue lui a donc fait défaut lors de son contact avec Essav’ l’impie, comme le souligne le Talmud (Meguila 28b) et l’a amené à vouloir confier la bénédiction à ce dernier.

Plus loin, au 4ème verset, Its’hak demande à son fils de lui préparer un savoureux mets afin qu’il puisse le bénir après sa consommation. Le Sforno relève que cette demande devait servir à lui conférer un mérite considérable ; le goût d’un plat délicieux devait être le vecteur de sa destinée, par l’accomplissement du commandement de Kibbud Av, le respect du au père la bénédiction se serait pleinement déployée autour de Essav’.

A ce moment, Rivka décide de passer à l’action et pousse Yaakov à se présenter avant son frère devant Its’hak. Pour cela il a disposé des peaux de chevreaux afin d’imiter la pilosité de Essav’. Comme l’a remarqué le Sforno, la villosité de peaux de bêtes n’a rien de comparable avec une pilosité humaine, et même si un soin particulier de disposition a été appliqué par Rivka afin de ressembler le plus possible aux avant-bras de Essav’, il est probable que son toucher ait été atteint, lui aussi par l’âge.

Afin d’étayer cette dernière hypothèse, le Sforno cite un verset (Samuel II, 19,36) mettant en relief l’âge avancé de Barzilay et la diminution de la clairvoyance des 5 sens. Il est donc possible que Its’hak aurait été dupé par son vieil âge et allait donc commettre une erreur en confiant son héritage et celui de Avraham à Essav’.

La suite, lors de la confrontation de Yaakov’ avec son père va apparemment dans ce sens. Il est perturbé par la pilosité et par la voix de la personne qui se trouve devant lui « la voix est celle de Yaakov et les mains sont celles de Essav’ ». Son ouïe le perturbe. Qui donc a-t-il face à lui ? Serait-il encore trahi par sa vieillesse ?

Et pourtant, le Sforno nous révèle que le salut de Yaakov’ est venu de l’odeur de ses habits, en relevant un enseignement du Talmud (Berahot 43b) apprenant que l’âme tire profit de l’odeur, contrairement au corps qui n’en jouit aucunement.

L’âme de Yaakov’ l’intègre ne saurait mentir ; une délicieuse odeur, comme celle d’un champ dont la fragrance est bénéfique pour l’esprit et pour l’âme comme le souligne le Sforno.

 

Même si Its’hak a pu être perturbé par Essav’ l’impie et la sénescence de ses sens, l’odeur émanant de son fils a revivifié son âme, réveillé ses sens engourdis et suscité l’inspiration prophétique, telle la musique chez le prophète Elisha (Melahim II, 3,15).

C’est cette révélation qui a coupé court aux doutes d’Its’hak sur l’identité de la personne devant lui, l’odeur de paradisiaque du véritable héritier de la bénédiction, Yaakov’, qui a pu braver les brumes de l’âge et du turbulent Essav’.

 

Elie DAYAN

 

*Rav 'Ovadiah Sforno, Italie 1480-1550

 

Texte original :

 

וַתִּכְהֶיןָ עֵינָיו כְּמוֹ שֶׁקָּרָה לְעֵלִי שֶׁלֹּא מִחָה בְּבָנָיו, כְּאָמְרוֹ ״וְלֹא כִהָה בָּם(שמואל א ג׳:י״ג), וְנֶאֱמַר בּוֹ ״וְעֵינָיו קָמָה וְלֹא יָכוֹל לִרְאוֹת״ (שם ד׳:ט״ו). וְלֹא קָרָה זֶה לְאַבְרָהָם וּלְיַעֲקֹב שֶׁהָיוּ יוֹתֵר זְקֵנִים מִמַּה שֶּׁהָיָה יִצְחָק אָז וּמִמַּה שֶּׁהָיָה עֵלִי. בְּאַבְרָהָם כְּתִיב ״וַיּסֶף אַבְרָהָם וַיִּקַּח אִשָּׁה״ (בראשית כ״ה:א׳), וּבְיַעֲקֹב עִם כָּל צָרוֹתָיו וְדִמְעוֹת עֵינָיו כְּתִיב ״וַיַּרְא יִשְׂרָאֵל אֶת בְּנֵי יוֹסֵף״ (בראשית מ״ח:ח׳), אַף עַל פִּי שֶׁהָיָה רוֹאֶה בְּכֹבֶד, כְּאָמְרוֹ ״וְעֵינֵי יִשְׂרָאֵל כָּבְדוּ מִזֹּקֶן״ (בראשית מ״ח:י׳), בְּאֹפֶן שֶׁלֹּא הִכִּיר הַתְּמוּנָה הַפְּרָטִית.

וַעֲשֵׂה לִי מַטְעַמִּים רָצָה בְּמַטְעַמִּים כְּדֵי שֶׁיִּתְעַסֵּק בְּכִבּוּד אָב, וּבָזֶה תָּחוּל עָלָיו הַבְּרָכָה. כִּי גַּם שֶׁלֹּא הִכִּיר בְּגֹדֶל רִשְׁעוֹ שֶׁל עֵשָׂו, מִכָּל מָקוֹם לֹא חָשַׁב אוֹתוֹ לְרָאוּי שֶׁתָּחוּל עָלָיו אוֹתָהּ הַבְּרָכָה שֶׁהָיָה בְּלִבּוֹ לְבָרְכוֹ. וְלָכֵן כְּשֶׁבֵּרֵךְ יַעֲקֹב אַחַר כָּךְ, שֶׁיָּדַע בּוֹ שֶׁהָיָה רָאוּי לַבְּרָכָה, לֹא שָׁאַל מַטְעַמִּים וְלֹא בִּקֵּשׁ דָּבָר וּבֵרְכוֹ תֵּכֶף, בְּאָמְרוֹ ״וְאֵל שַׁדַּי יְבָרֵךְ אתְךָ״ (להלן כ״ח:ג׳).

וְהַיָּדַיִם יְדֵי עֵשָׂו אֵין סָפֵק שֶׁהָיוּ הָעוֹרוֹת מְתֻקָּנִים בְּאֹפֶן שֶׁיִהְיֶה שְׂעָרָם דּוֹמֶה לִשְׂעַר הָאָדָם, כִּי אָמְנָם רַב הַהֶבְדֵּל בֵּין שְׂעַר הָאָדָם לִשְׂעַר הַגְּדִי אִם לֹא יְתֻקַּן הַרְבֵּה בִּמְלָאכָה. וְהִנֵּה הֵעֵיד כִּי הָיוּ ״יָדָיו כִּידֵי עֵשָׂו אָחִיו שְׂעִירוֹת״, וְעִם זֶה אוּלַי נֶחֱלַשׁ בּוֹ גַּם חוּשׁ הַמִּשּׁוּשׁ, כְּעִנְיַן ״אִם יִטְעַם עַבְדְּךָ אֶת אֲשֶׁר אכַל״ (שמואל ב י״ט:ל״ו).

וַיָּרַח אֶת רֵיחַ בְּגָדָיו לְהַרְחִיב אֶת נַפְשׁוֹ בְּתַעֲנוּג הָרֵיחַ, כְּאָמְרָם זִכְרוֹנָם לִבְרָכָה: אֵיזֶהוּ דָּבָר שֶׁהַנְּשָׁמָה נֶהֱנֵית מִמֶּנּוּ, וְאֵין הַגּוּף נֶהֱנֶה מִמֶּנּוּ, הֱוֵי אוֹמֵר זֶה הָרֵיחַ (ברכות מ״ג:).

וַיְבָרֲכֵהוּ כְּעִנְיַן ״וְהָיָה כְּנַגֵּן הַמְּנַגֵּן וַתְּהִי עָלָיו יַד ה׳⁠ ⁠״ (מלכים ב ג׳:ט״ו).

רְאֵה רֵיחַ בְּנִי אַתָּה ״בְּנִי״, ״רְאֵה״ וְהִתְבּוֹנֵן שֶׁזֶּה הָרֵיחַ הוּא כְּרֵיחַ שָׂדֶה שֶׁמִּלְבַד הַמְּצִיאוּת הַמַּסְפִּיק לוֹ לִהְיוֹתוֹ מָזוֹן לְאֵיזֶה בַּעַל חַיִּים, הוֹסִיף עָלָיו טוֹבַת הָרֵיחַ הַמְּהַנֶּה וּמוֹעִיל לָרוּחַ הַחִיּוּנִי וְהַנַּפְשִׁי, וְזֶה מִדַּרְכֵי טוּבוֹאֲשֶׁר בֵּרֲכוֹ ה׳.

 

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