Les rabbins et le coronavirus

Les "rabbins du web" et le coronavirus

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Les évènements que nous vivons en ce moment feront peut-être partie des grandes crises de l’histoire. L’inquiétude est compréhensible. L’inconnue est la plus grande phobie. Or le véritable potentiel destructeur du virus covid-19 est une donnée aussi incertaine que le déroulement de notre avenir proche.

Les récentes mesures instituées en France bousculent notre train de vie. Nous n’en avons pas l’habitude. Car même si nous râlons souvent sur nos quotidiens, nous avons conscience d’être des privilégiés. Alors les questionnements sont nombreux : Que se passera-t-il sur le plan sanitaire ? Quelles seront les conséquences économiques à long terme ? Jusqu’à quand le monde sera-t-il paralysé ?

Pendant ce temps, une autre question interpelle le croyant : Quel est le sens de ces évènements ? Pour le croyant, il n’y a pas lieu de demander s’il y a ou non un sens. La réponse est évidente. Nos Sages se sont de tous temps interrogés. Lorsque des fléaux se sont abattus sur le peuple d’Israël, ils ont appelé à l’introspection. Après coup, ils ont également voulu tirer des leçons concrètes. C’est ainsi que le Talmud ‘ose’ nous renseigner sur les causes de la destruction  des deux Temples de Jérusalem. Entre autres.

Les rabbins de notre génération peuvent-ils en faire de même ? La réponse mérite d’être nuancée à plus d’un titre. Précisons en préambule que le respect dû au Rav est un principe primordial dans notre tradition. Même si des discours nous déplaisent, notre réaction doit toujours restée courtoise.

J’ai récemment entendu moi-même plusieurs propos qui m’ont dérangé. Le covid-19 serait d’après un « rabbin du web » une punition contre les Chinois qui ont des habitudes alimentaires contraires aux lois noa’hides (législation universelle) prohibant la consommation de la chair prélevée d’un animal vivant. Un autre a expliqué la fermeture des frontières en Israël comme une punition contre les juifs de Diaspora qui ne sont pas venus assez vite pour y préparer la venue du Messie… Ces ‘prêches’ sont affligeantes. Elles sont contraires à notre tradition, car elles ne cherchent pas à tirer une leçon constructive d’un malheur. Elles ne font que condamner arbitrairement. Plus encore, ce n’est pas au moment du désastre que nos maîtres ont apporté leurs analyses de la situation. Ils l’ont fait plus tard, avec le recul suffisant pour cela. Lorsque le danger est présent, la Michna dans le traité Ta’anith décrit en détail comment agir. On y trouve une multiplication des jeûnes, des prières, et des appels à la techouva. A ne pas confondre avec le jeu de « qui trouvera le premier pourquoi D.ieu laisse ce drame se produire »… Comment affirmer connaître avec certitude les causes de cette terrible maladie, et de la dure crise économique qu’elle engendre indirectement ? Comme si ces « rabbins du web » étaient les intimes de D.ieu qui leur dévoilait Ses secrets profonds...

Une autre musique revient fréquemment : la propagation du virus est le signe de l’arrivée imminente du Messie. Nous prions tous les jours pour sa venue. Cela constitue un principe immuable de notre foi. Alors espérons qu’il arrive rapidement, et que les souffrances susceptibles de l’accompagner nous soient épargnées. Ceci-dit, on notera qu’à travers l’histoire, de terribles fléaux se sont abattus sur le monde et sur le peuple juif, amenant avec eux leur lot d’effervescence messianique… La prophétie n’existant plus, qui peut affirmer avec une certitude absolue que telle ou telle crise en est le déclencheur ?

Cela n’enlève rien aux autres qualités des quelques rabbins qui tiennent ce genre de discours. Un mauvais mot n’enlève pas la valeur d’une personne… Comme le soulignait récemment R. Spiber : n’est-ce pas l’influence de la sur-communication agressive qui pousse à ce genre de raccourcis faciles « pour faire le buzz » ? 

N’oublions pas que dans le fond tous les rabbins sont d’accord sur l’attitude à adopter actuellement. Il est indispensable de prier et de faire techouva. Il l’est tout autant de suivre scrupuleusement les consignes annoncées par le gouvernement et les institutions dont nous dépendons.

Refoua chelema à tous les malades. Et que D.ieu nous protège.

Yona GHERTMAN

 

Billet publié dans l'édition du 20 Mars d'Actualité juive, exceptionellement on-line en raison du contexte : 
https://fr.calameo.com/books/00618747159df8ae3989b

 

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