Migrants : la théorie juive du droit d'asile

« Migrants » : la théorie juive du droit d’asile

 

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Une photo qui émeut le monde déclenche des réactions et décisions politiques jusque-là très timides. Au-delà de l’émotion légitime provoquée par la diffusion insistante de l’image dans les médias, une véritable réflexion « juive » s’impose.

Le peuple juif a été opprimé et voit encore le spectre de l’antisémitisme. La haine et le rejet ont eu souvent pour cause l'étrangéité de la communauté juive ou, selon les époques et les lieux, la remise en cause de sa citoyenneté. Aussi le bon sens élémentaire nous dicterait-il de prendre parti pour un accueil des étrangers dont l’intégration est de facto refusée par un chauvinisme primaire, ce qui rejoindrait la lettre de la Torah : « Il sera pour vous comme un de vos compatriotes, l’étranger qui séjourne avec vous, et tu l’aimeras comme toi-même, car vous avez été étrangers dans le pays d’Egypte (…) » (Lévitique 19, 34).

Le principe ne saurait néanmoins occulter son application dans une terre d’Israël régie selon les règles de la Torah, aussi théorique soit-elle de nos jours. La détresse des demandeurs d’asile dans leurs pays respectifs est-elle une raison suffisante pour les accueillir ? Examinons en premier lieu les propos de Maïmonide afin de proposer des éléments de réponse :

 « Lorsque le peuple juif détient le pouvoir [en terre d’Israël], il nous est interdit de tolérer un idolâtre parmi nous. Même un résident temporaire ou un marchand ambulant ne doivent pas être autorisés à traverser notre pays avant d’avoir accepté les sept lois universelles ordonnées à Noé et à ses descendants (…) » (Hilkhote Avoda Zara 10, 6).

« Les sept lois universelles ordonnées à Noé » représentent dans la littérature rabbinique une législation commune à l’humanité.  Son respect peut permettre une cohabitation fraternelle entre juifs et non-juifs en terre d’Israël. L’inverse implique un refus du droit d’y résider et de bénéficier des avantages sociaux accordés à chaque « compatriote ».

Ainsi l’étranger doit-il être aimé et protégé comme un frère lorsqu’il accepte d’intégrer un système de valeurs compatible avec la loi juive. Dans le cas contraire, il s’agit d’un interdit de l’accueillir. Sa situation personnelle, aussi dramatique soit-elle, ne saurait atténuer cette prohibition, la préoccupation d’une société harmonieuse prévalant alors sur les considérations humanitaires.

Comment s’assurer effectivement que l’étranger accepte cette législation universelle ? Ne doit-on pas craindre que chaque demandeur d’asile prétende intégrer les valeurs recommandées, dans le seul objectif de fuir la misère ou l’oppression ?

C’est que « l’acceptation » dont fait état Maïmonide n’est pas une simple profession de foi, mais un véritable engagement devant un tribunal rabbinique, dont les membres mènent auparavant une enquête sur la sincérité de la personne se présentant devant eux. Aussi l’accueil de l’étranger sur le territoire se fait lorsque les autorités sont certaines que sa volonté d’intégration est réelle.

Si cette « théorie juive du droit d’asile » ne saurait résoudre tous les problèmes liés au phénomène des migrants en Europe, notamment sur le plan logistique, la réflexion de fond qu’elle sous-tend peut être transposée à l’actualité. Alors que les uns mettent exclusivement l’accent sur la catastrophe humanitaire des étrangers rejoignant notre continent, nous proposons de prendre en compte également la nécessité d’une acceptation réelle des valeurs du pays d’accueil. Notons d’ailleurs que « compatible » ne signifie pas « identique », la volonté de respecter la loi n’excluant pas l’apport d’une culture différente. Mais lorsque d’autres fantasment sur les risques de l’immigration, nous rappelons alors qu’il appartient aux pouvoirs publics de vérifier la volonté d’intégration du postulant à la citoyenneté. S’il s’avère que le migrant désire s’intégrer, il n’y a plus de restrictions à son accueil, ni à celui des milliers d’autres qui l’accompagnent avec les mêmes intentions.

 

Yona Ghertman

* Billet paru dans l'hebdomadaire "Actualité juive" le 09/09/2015

Commentaires

  • Gam Zou Letova
    J'aime.
    Enfin un peu de bon sens et de raison au milieu de tous ces avis (pour ou contre) dictés uniquement par des sentiments.
    Hazak.

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