Comprendre les signes de l’Éternel

 

בס״ד

PROJET RAMBAN* SUR LA PARACHA

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Projet Ramban – Parachat Balak

 

La parachat Balak relate l’une des histoires les plus étonnantes de la Torah. Une fois n’est pas coutume, le peuple d’Israël ne sera pas le principal protagoniste du récit, mais Balak roi de Moab et surtout Bilam sorcier et prophète des Nations qui tenteront vainement de maudire le peuple élu ! Parmi les multiples rebondissements de cette histoire, l’épisode de l’ânesse de Bilam demeure certainement le plus fameux exemple de l’impuissance des ennemis d’Israël à mettre en œuvre leurs sinistres desseins.           

Alors que l’Eternel avait avertit Bilam par deux fois par le biais de songes prophétiques de ne pas accepter les offres alléchantes de Balak pour aller « bénir » le peuple hébreu, ce dernier cède aux tentations  et part rejoindre le roi de Moab afin de lui offrir ses services de puissant sorcier. Mais voilà que sur le chemin, un ange armé d’un glaive leur barre la route ; la bête est saisie de terreur alors que Bilam ne voit rien avec ses yeux de chair et de sang.

 

וַיִּחַר-אַף אֱלֹהִים, כִּי-הוֹלֵךְ הוּא, וַיִּתְיַצֵּב מַלְאַךְ יְהוָה בַּדֶּרֶךְ, לְשָׂטָן לוֹ; וְהוּא רֹכֵב עַל-אֲתֹנוֹ, וּשְׁנֵי נְעָרָיו עִמּוֹ

וַתֵּרֶא הָאָתוֹן אֶת-מַלְאַךְ יְהוָה, וַתִּלָּחֵץ אֶל-הַקִּיר, וַתִּלְחַץ אֶת-רֶגֶל בִּלְעָם, אֶל-הַקִּיר 

וַתֹּאמֶר הָאָתוֹן אֶל-בִּלְעָם, הֲלוֹא אָנֹכִי אֲתֹנְךָ אֲשֶׁר-רָכַבְתָּ עָלַי מֵעוֹדְךָ עַד-הַיּוֹם הַזֶּה--הַהַסְכֵּן הִסְכַּנְתִּי, לַעֲשׂוֹת לְךָ כֹּה; וַיֹּאמֶר, לֹא 

וַיְגַל יְהוָה, אֶת-עֵינֵי בִלְעָם, וַיַּרְא אֶת-מַלְאַךְ יְהוָה נִצָּב בַּדֶּרֶךְ, וְחַרְבּוֹ שְׁלֻפָה בְּיָדוֹ; וַיִּקֹּד וַיִּשְׁתַּחוּ, לְאַפָּיו..

 

Mais Dieu étant irrité de ce qu'il partait, un ange du Seigneur se mit sur son chemin pour lui faire obstacle. Or, il était monté sur son ânesse, et ses deux jeunes esclaves l'accompagnaient…

L'ânesse, voyant l'ange du Seigneur, se serra contre le mur, et froissa contre le mur le pied de Balaam, qui la frappa de nouveau…

 Et l'ânesse dit à Balaam: "Ne suis-je pas ton ânesse, que tu as toujours montée jusqu'à ce jour? Avais-je accoutumé d'agir ainsi avec toi?" Et il répondit: "Non.

Soudain, le Seigneur ouvrit les yeux de Balaam, et il vit l'ange du Seigneur debout sur la route; l'épée nue à la main; il s'inclina et se prosterna sur sa face…(Bamidbar chap. 22 ; V. 22, 25,30 ;31)

 

Le Ramban dans son commentaire sur la paracha, s’interroge sur la nature de la vision de l’ânesse de Bilam. En effet, les anges n’ont point de corps physique et seuls les êtres ayant atteints le niveau de la prophétie tel que Daniel ou un niveau proche de ce dernier sont capables de les voir ou de sentir leur présence. Il faut donc expliquer selon le Ramban, que l’ânesse de Bilam n’a point vu l’ange mais seulement senti un danger imminent ou une présence menaçante l’empêchant de continuer son chemin.

Cependant, Rabbi Moché Ben Nahmanide soulève l’hypothèse que l’Eternel a pu aussi ajouté au miracle de la parole de l’ânesse un deuxième miracle à savoir une capacité à pouvoir voir de ses yeux des êtres de cette nature.

Toujours est-il que cet épisode aurait du faire rebrousser chemin à Bilam. En effet, le Ramban explique qu’il y avait dans la nature de cet épisode et du miracle accompli à son ânesse, un message clair pour le sorcier :

Si l’Eternel a le pouvoir de faire parler une simple bête, il lui sera d’autant plus aisé de maîtriser la parole d’un humain. Bilam aurait du donc comprendre dès cet instant que sa bouche ne pourrait jamais sortir des paroles hostiles à l’encontre d’Israël.

Dans la suite de ses explications, le Ramban démontre que Bilam n’a jamais été un vrai prophète ; en effet, c’est D.ieu qui lui ouvre les yeux pour qu’il puisse voir l’ange qui se tient devant lui. De même, si Bilam avait vraiment acquis le niveau de la prophétie, il n’aurait point été tué par le glaive comme cela se produira par la suite ; il est même défini dans le livre de Josué (Josué 13,22) comme « Bilam fils de Béor, le sorcier » et non « le prophète ». Il faut donc conclure que les seules paroles prophétiques qui sortiront de sa bouche à la fin de notre paracha, ne lui seront délivrées qu’en l’honneur et pour la gloire d’Israël, le reste de ses prodiges n’étant le fruit que de ses sorcelleries.

Les deux explications du Ramban, concernant l’incapacité de comprendre les signes de D.ieu et le niveau de prophétie de Bilam, sont en réalité intrinsèquement liés. En effet la sagesse du prophète consiste aussi à donner la juste interprétation aux évènements qui l’entourent et à la parole de D.ieu. Sans cela, il ne peut devenir le réceptacle de la parole divine.

Bilam ne saisit pas le sous-entendu de la parole miraculeuse et soudaine de son ânesse.

Le prophète Yona (Jonas) dans une autre mesure et un autre contexte, se plaint à l’Eternel que ce dernier veuille épargner la ville de Ninive et ses idôlatres, et ce malgré leur téchouva (repentir) de façade. Voila que l’Eternel lui donne une leçon en desséchant un arbre qui avait poussé miraculeusement et qui l’abritait jusque là des fortes chaleurs ambiantes :

L'Eternel répliqua: "Quoi! tu as souci de ce ricin qui ne t'a coûté aucune peine, que tu n'as point fait pousser, qu'une nuit a vu naître, qu'une nuit a vu périr et moi je n'épargnerais pas Ninive, cette grande ville, qui renferme plus de douze myriades d'êtres humains, incapables de distinguer leur main droite de leur main gauche, et un bétail considérable!

 Par ce message, l’Eternel éclaire Yona sur sa conduite dans ce monde ! Le prophète regrette « la trop grande » miséricorde du Créateur qui ne devrait pas s’étendre aux idolâtres. L’Eternel lui répond alors que sa miséricorde s’étend  même sur le bétail des gens de Ninive et à plus forte raison sur des être humains. Mais la leçon va plus loin encore :

Hachem  démontre à Yona que  lui-même s’apitoie sur un arbre pour lequel il n’a fourni aucun labeur. Le Kykayon, le ricin, qui le protégeait du soleil avait poussé miraculeusement. Pourquoi Yona  se lamentait maintenant sur un végétal qui n’était que l’expression de la Miséricorde « décriée » de D.ieu ?

La parole de l’Eternel dans ces deux épisodes se véhicule à la fois par des songes ou des visions prophétiques, ou bien par la nature d’un miracle vécu qui doit amener le témoin de ce dernier à une réflexion profonde. Le manque flagrant de sagesse du sorcier, qui désobéit à la fois à la parole divine et qui ne saisit rien aux évènements extraordinaires qui le frappent, nous conduit aussi à conclure qu’il n’a en réalité jamais été un prophète.

Le Rambam dans son commentaire sur le traité des Perkei Avot (Maxime des Pères), définit la sagesse comme condition obligatoire pour recevoir la prophétie au même titre que la richesse (qui peut s’exprimer par la suffisance de ce que nous possédons) et la vaillance (à maîtriser ses pulsions).Si la prophétie a de nos jours disparue, la sagesse, elle nous est toujours accessible et notamment pour nous aider à interpréter les évènements que nous traversons dans nos vies. Bilam est devenu le symbole de l’inutilité des miracles s’ils ne sont pas vécus et interprétés par des cœurs ouverts à la sagesse de D.ieu.

 

Shmouel CHOUCROUN

 

 

 

* Moché ben Na'hman (Na'hmanide), Gérone 1194- Acre 1270

Texte original : 

 

רמב"ן במדבר פרק כב פסוק כג
(כג) ותרא האתון את מלאך ה' - מלאכי השם השכלים הנבדלים לא יראו לחוש העינים, כי אינם גוף נתפש במראה, וכאשר יראו לנביאים או לאנשי הרוח הקודש כדניאל ישיגו אותם במראות הנפש המשכלת כאשר תגיע למעלת הנבואה או למדרגה שתחתיה, אבל שיושגו לעיני הבהמה אי אפשר. על כן תוכל לפרש "ותרא האתון", כי הרגישה בדבר מפחיד אותה מלעבור והוא המלאך אשר יצא לשטן, כענין ולבי ראה הרבה חכמה ודעת (קהלת א טז), שיאמר על ההשגה לא על הראות. וכאשר אירע בה הנס ושם לה הבורא הדבור, אמרה לבלעם (פסוק ל) ההסכן הסכנתי לעשות לך כה, אבל לא ידעה למה עשתה עתה כן כי לאונסה נעשה בה כך, ולפיכך לא אמרה לו "הנה מלאך השם עומד לנגדי וחרבו שלופה בידו" כי לא עלתה השגתה לדעת זה כלל:
ואמר ותרא את מלאך ה' וחרבו שלופה בידו, לא שתראה חרב אף כי מלאך, אבל ירמוז הכתוב כי מפני היות המלאך נכון להכות בה חרדה חרדה גדולה נדמה לה כאלו באים לשחוט אותה. ואם נאמר כי המלאכים הנראים בדמות אנשים, כאשר הזכרתי בפרשת וירא (בראשית יח ב), יושגו אף לעיני הבהמות, אם כן איך לא יראנו בלעם, ולא הוכה בסנורים. אבל יתכן, שהוסיף בהשגת עיניה מי שהוסיף בה הדבור וראתה כאדם, ולא הזכיר בה הכתוב "ויגל השם עיני האתון" כאשר הזכיר באדוניה (פסוק לא), כי הענין כולו באתון נס גדול כבריאה חדשה בנבראים בין השמשות ואינו נקרא גלוי עינים בלבד. אבל רבותינו (אבות פ"ה מ"ו) לא יזכירו בנסים רק פתיחת פיה:
וטעם הנס הזה, להראות לבלעם מי שם פה לאדם או מי ישום אלם, להודיעו כי השם פותח פי הנאלמים, וכל שכן שיאלם ברצונו פי המדברים, גם ישים בפיהם דברים לדבר כרצונו כי הכל בידו, ולהזהירו שלא ילך אחר נחש וקסם ויקללם בהם, כי מנחש וקוסם היה: 

רמב"ן במדבר פרק כב פסוק לא
(לא) ויגל ה' את עיני בלעם - מזה הכתוב נלמד כי בלעם לא היה נביא, אלו היה נביא איך יצטרך לגלוי העינים בראיית המלאך כאשר יאמר הכתוב במי שלא הגיע לנבואה כנער אלישע (מ"ב ו יז) והגר המצרית (בראשית כא יט), ולא יאמר כן בנביאים, וכך קראו הכתוב (יהושע יג כב) בלעם בן בעור הקוסם. ומה שאמר הוא (פסוק ח) כאשר ידבר ה' אלי, יקרא ידיעתו העתידות בקסמיו "דבר ה'". אבל לכבוד ישראל בא אליו השם בלילה ההוא, ואחרי כן זכה לגלוי עינים בראיית המלאך ודבר עמו, ובסוף עלה למעלת מחזה שדי (להלן כד ד טז), והכל בעבור ישראל ולכבודם. ואחרי ששב לארצו היה קוסם, כי כן יקראנו הכתוב במיתתו (יהושע יג כב) ואת בלעם בן בעור הקוסם הרגו בחרב, וחלילה שישלחו יד בנביא השם. וכך אמרו במדרש במדבר סיני רבה (כ יט), בלעם נזקק לרוח הקדש, וכשנזדווג לבלק נסתלקה ממנו רוח הקדש וחזר להיות קוסם כבתחלה, לפיכך צווח רם הייתי והורידני בלק:

 

 

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