De la genèse avant toute chose

 Cycle : la Paracha selon le Mechekh 'Hokhma

 

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De la Genèse avant toute chose

 

La lecture des commentaires sur la sidra de Béréchit est toujours passionnante : pas seulement à cause de la richesse du texte à commenter, mais parce que chaque commentaire essaie de poser –plus ou moins consciemment- les grands traits de ses problématiques. Le Méché'h ‘Ho’hma n’échappe pas à cette règle.

A au moins trois reprises dans sa lecture de Béréchit, il montre comment une interprétation erronée de la parole divine est source de problèmes majeurs, à tel point qu’on peut se demander si cette première paracha ne fonctionne pas comme une mise en garde contre les interprétations abusives, projectives ou partisanes. Donnons quelques exemples.

Lorsque le serpent veut encourager ‘Hava à consommer du fruit de l’arbre de la connaissance du bien et du mal, il lui dit « non, vous ne mourrez pas [en en consommant], car Dieu sait que le jour o vous en mangerez, vos yeux s’ouvriront, et vous serez comme Dieu connaissant le Bien et le mal » (3.4-5). La question qui se pose naturellement est de savoir comment ‘Hava a-t-elle pu croire en la parole du serpent, sachant que Dieu avait dit le contraire (2.16-17)? La réponse du Rav de Dvinsk suppose une relecture ingénieuse des paroles du serpent. Il écrit que « l’animal » a usé s’est adressé prioritairement à sa réflexion en réinterprétant la parole divine ; celle-ci dans son sens obvie visait à interdire de consommer du fruit défendu, mais sa ‘véritable’ intention était précisément qu’ils en consomment malgré l’interdit, par cet acte libre ils auraient montré leur désir le plus profond de s’approcher de Dieu, malgré les limites, malgré Dieu. « Non, le jour où vous en mangerez, [effectivement] vous en mourrez », le prix de la proximité avec Dieu serait d’être contre Dieu ! Malheureusement, quand ils en mangèrent, Dieu n’entre pas dans le détail et ne parla que de l’interdit d’en manger, tristement, ils comprirent que c’est leur désir qui parlait à travers le serpent. Lévinas usa d’une très belle expression : la tentation de la tentation pour parler de ce phénomène qui part ailleurs n’est pas récusé dans certains textes talmudiques, [et qui sont dits en filigrane dans le commentaire!, mais pas dans ces conditions].

Autre passage non moins célèbre, le meurtre d’Abel. Le verset introductif (4.5) semble lacunaire, puisqu’il dit « Caïn dit à Abel son frère ; alors qu’ils étaient dans le champ… » sans dire aucun contenu de parole. Chaque commentaire est confronté à cette difficulté. Notre auteur comprend que Caïn s’est parlé à lui-même. Que se serait-il dit ? Le sacrifice de Caïn a été refusé, devant sa colère, Dieu s’adresse à lui, et conclut ses paroles par « il t’en veut et toi tu le maitriseras » (4.7). Caïn a compris cela comme une autorisation à dominer son frère, alors qu’il s’agissait de dominer la faute ! Sans entrer dans la lecture précise du verset 4.7, qui est très difficile, le mécanisme psychologique de mésinterprétation est assez simple : plutôt  que de comprendre que la parole lui était adressée à lui, Caïn, par une espèce de refoulement, celle-ci est mise sur le dos de celui qui est la source de sa souffrance. Interprétation quasi-psychanalytique, mais qui traduit bien le combat à mener avec soi-même pour qu’un texte délivre son sens.

A une troisième reprise, mais moins explicitement, le Rav de Dvinsk entre dans cette problématique de la mésinterprétation, non pas de la parole divine, mais de Son geste. Après l’épisode de Caïn et Abel, le texte précise : « c’est alors qu’on cessa d’invoquer le nom de Dieu » (4.26). Quel est le lien avec l’histoire précédente ? C’est que les hommes, ont mal compris la raison de la mort d’Abel, qu’ils ont imputé au sacrifice abélien ! D’où leur détournement des sacrifices.

Certes, il a fallu des générations de commentateurs pour habituer les hommes à lire le message divin de façon plus intériorisée. Mais l’on conçoit que la Torah, n’hésite pas, lors des premiers chapitres, à mettre en garde son lecteur, car particulièrement la parole divine est mal comprise, parlant à l’homme dans sa plus profonde intimité.

Franck Benhamou

 

*Rav Méïr Sim’ha haCohen de Dvinsk. 1843-1926

Texte original :

 

משך חכמה בראשית פרק ג פסוק ד

(ד - ה) לא מות תמותון, כי יודע אלקים כי ביום אכלכם ממנו וכו'. הענין מבואר כי הנחש בא במושכל, לאמור להם כי אין כוונת הבורא לבלי אכול ממנו, רק רצונו שתאכלו ממנו, ואז תבואו להתקרבות לאלקות בענין נפלא להתגבר על הרע ולבטלו. ואך רצון השם היא, כי מאהבת המושכל והחשק להתקרבות אלקות לדעת טוב אמתי, תעשו זאת במסירת נפש. וחפץ אבדת החיים הזמני והנצחי, רק כדי לעשות להתקרב לאלקות, ואז תצליחו ותשכילו, ולכן ציוה לכם שאם תאכלו תמותו. ואף על פי כן, 'כל מה שיאמר בעל הבית עשה, חוץ מצא' (פסחים פו, ב) - ממחיצתו [כמו שפירשו המחברים], 'ואין אנו משגיחים בבת קול' (ברכות נב, א), ומוסרין עצמם באבידת שני העולמים רק בשביל הנחיל כבוד אלקים והתקרבותו, וזה על דרך עבירה לשמה. והוא באמת חפץ השם האמתי. וזה שאמר "לא מות תמותון", פירוש, "לא" כאשר אתם דוברים, רק "מות תמותון", פירוש שתמיתו עצמכם [כמאמרם ז"ל כל הממית עצמו על דברי תורה], כדי להשיג התקרבות לאלקות האמתית. וזה, "כי יודע אלקים כי ביום אכלכם ממנו (ונפקחו עיניכם והייתם כאלקים יודעי טוב ורע"), שהוא חפץ האמיתי מהשם יתברך [ואפשר "יודע", לשון "אוהב", כמו "כי ידעתי" את אברהם]. ולבסוף, כאשר אכל, התחבא ונתרחק מאלקים. וזה שאמר הבורא אליו "אשר צויתיך לבלתי אכל ממנו", שזה הוא חפצי האמיתי, ושלימות רצוני, לא כאשר הערימך הנחש ודו"ק:

משך חכמה בראשית פרק ד פסוק ח

(ח) ויאמר קין אל הבל אחיו, ויהי בהיותם בשדה. יתכן כי קין אמר אל לבו, שכוונת השם יתברך בדברו "ואליך תשוקתו ואתה תמשל בו" שכיוון אל הבל אחיו, שהבל משתוקק אליו לאבדו ולהכחידו מן העולם, אבל "ואתה תמשל בו", היינו שקין ימשול עליו, ולא פירש דברי השם שמכוונים אל החטא וכביאור התרגום. וזה "ויאמר קין אל הבל אחיו" שאמר בלבו שמכוון השם יתברך "אל הבל אחיו". ולכן אמר השם יתברך "קול דמי אחיך צועקים אלי", ירצה שהוא בדבריו כביכול גרם לחרת אפו של קין על הבל. ודו"ק.

משך חכמה בראשית פרק ד פסוק כו

 והנה אחרי שהבל נהרג עבור הקרבנות, פסקו אנשי הדור להקריב קרבנות, והוחל לקרא כולם בשם ה', רצונו לומר, מה שפירסמו עבודת השם יתברך והשגחתו על ידי הקרבנות, וכמו שכתוב בלך אצל אברהם ובתולדות גבי יצחק "ויבן מזבח ויקרא בשם ה'". ומוסב "אז" על שלמעלה. וכיוצא בזה בפרשת עקב בעת הבדיל ה' את שבט הלוי, יעוין שם. וזה נכון בכוונת אונקלוס ודו"ק

 

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