Du devoir d'avoir des enfants

           Cycle : la Paracha selon le Mechekh 'Hokhma 

                               

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Noa'h- Du devoir d’avoir des enfants

 

 

La parasha de Noah’ voit le commandement de pirya-verivya – l’obligation d’avoir des enfants répétée ( Bereshit, IX, 7)

Le Mesheh-Hohma profite de cette répétition pour s’interroger sur le fait que cette obligation incombe uniquement à l’homme et non à la femme (Cf Rambam – Ilh’ot Ishout, Chap XV). Cette distinction entre homme et femme quant à cette mitsva peut paraitre totalement artificielle, puisque par définition, l’un comme l’autre sont nécessaires à sa réalisation. Pourtant quelques nuances existent d’un point de vue légal (comme, par exemple, l’autorisation de moyens contraceptifs) et ces nuances sont mises en relief dans son commentaire…

Le Mesheh-Hohma fait deux propositions pour expliquer cette distinction. L’une comme l’autre partent d’un constat que la Torah n’oblige à aucun moment à des actes extrêmes. L’auteur propose comme exemples pour étayer sa thèse le fait que la chasteté absolue n’est pas prônée par la Torah, ou que les jeûnes ne sont que limités etc… Preuve est, selon lui, que la Torah ne peut pousser à des extrémités.

Continuant cette idée, le mesheh-hohma propose que puisque la grossesse et l’accouchement sont des moments de potentiels dangers ou, tout au moins, de douleur, il ne peut y avoir de mitsva obligeant de manière absolue a enfanter… Etrange constat que de dire que les femmes ne veulent avoir des enfants. Le Mesheh-Hohma en a conscience et nuance : si les femmes aspirent à enfanter – faisant fi des dangers et des douleurs- , c’est là un phénomène naturel assurant la perpétuité de l’espèce humaine! Réflexion moderne à notre sens ! Un phénomène naturel et non légal ! La loi de la Torah ne peut venir et contraindre ici… Cette explication permet d’expliquer, continue le Mesheh-Hohma, la facilite avec laquelle Rabbi Hiya permet à sa fille de prendre une potion contraceptive… ( Yebamot 66b).

Se baser sur le fait que la naissance est associée à des douleurs pour la femme ne peut être vrai qu’après la faute de Bereshit… Le mesheh-hohma va donc se servir de ce point pour appuyer son explication. Il nous invite à constater que si avant la faute d’Adam et Hava, l’injonction d’enfanter est dite au pluriel, donc aux deux (Bereshit I, 28), elle est répétée a l’homme seul à la fin du livre (Bereshit, XXXII, 11) ! Et enfin, dans notre parasha, bien que dite au pluriel, elle est précédée du verset “Et Dieu s’adressa à Noah’ et ses fils” (Bereshit IX, 1) – preuve pour le Mesheh-Hohma que la faute d’Adam et Hava (et la malédiction s’en suivant) créent bien un changement dans les sujets concernés par cette mitsva

Au-delà de la douleur et du potentiel danger associés à la grossesse et a l’accouchement, le Mesheh-Hohma fait le constat d’une seconde “extrémité” à laquelle serait confrontée la femme si elle était contrainte à la mitsva d’enfanter…

Qu’en serait-il si la femme constatait après des années de mariage que son mari est stérile ? Si la mitsva d’enfanter était contraignante pour elle, elle se verrait dans l’obligation, dit le Mesheh-Hohma de se séparer de son époux et de tenter de se remarier… Voilà, nous dit notre auteur, une autre “violence” que la Torah ne voulait pas imposer…

Face à cette seconde explication, on peut tout de suite demander si la violence n’est pas la même pour l’homme qui devrait, lui aussi, divorcer. Le Mesheh-h’oh’ma précise ce point : rien n’empêche l’homme, selon la Torah, de prendre une seconde épouse, tout en gardant sa première épouse – la violence s’en trouve, donc, amoindrie…

Cette dernière précision faite par le mesheh-hohma renvoie immédiatement à son commentaire dans la parasha de Bereshit (III,16) – Commentant le verset énumérant les “malédictions” que subit H’ava après la faute, le Mesheh-Hohma remarque que toutes sont de l’ordre du naturel et non du légal (e.g enfanter dans la douleur). Profitant de ce constat, notre auteur continue en remarquant que le Talmud dans Erouvine 100B, énumère parmi les malédictions post-faute, le fait qu’une femme ne peut avoir deux époux alors que l’inverse est permis…

Continuant son constat initial, le Mesheh-Hohma en conclut que l’interdiction de la polyandrie relève du naturel et non du religieux ou du légal: la polygamie féminine entrainerait  que les hommes se désintéresseraient de leur progéniture, ayant le doute constant de leur réelle paternité…[1]

Revenant à notre commentaire sur Noah’, le Mesheh-hohma conclut que la polyandrie ne pouvant être envisagée, il ne pouvait y avoir de contrainte de Mitsva pour une femme d’avoir des enfants…

 

Benjamin SZNAJDER

 

*Rav Méïr Sim’ha haCohen de Dvinsk. 1843-1926

Texte original :

משך חכמה בראשית פרק ט פסוק ז
(ז) פרו ורבו וכו'. לא רחוק הוא לאמר הא שפטרה התורה נשים מפריה ורביה וחייבה רק אנשים, כי משפטי ה' ודרכיו "דרכי נועם, וכל נתיבותיה שלום", ולא עמסה על הישראלי מה שאין ביכולת הגוף לקבל. ומכל דבר האסור, לא מנעה התורה בסוגה ההיתר, כמו שאמרו פרק כל הבשר. ומשום זה לא מצאנו מצוה להתענות רק יום אחד בשנה, וקודם הזהירה וחייבה לאכול. וכן לא מנעה המשגל מכל בניה לבד ממשה רבינו, לפי שלו היה צריך לגודל מעלתו ולזהירות גופו. ויותר מזה, במלחמה, בעת הנצחון, לגודל החום והרחבת הלב, ידע א - ל דעות כי אז לא יתכן לעצור בעד הרוח בעת חשקו באשה יפת תואר, והתירה התורה יפת תואר אשת איש, וכמאמרם ז"ל: 'לא דיברה תורה אלא כנגד יצר הרע'. וכבר האריך בזה מחבר אחד.
ומצאנו איך היה זאת לאבן פינה לאבות הקבלה, שפטרו מיבום מי שמתו בניו אח"כ, משום "דרכיה דרכי נועם". ואם כן, נשים שמסתכנות בעיבור ולידה, - ומשום זה אמרו מיתה שכיחא, עיין תוספות פג, ב ד"ה מיתה שכיחה - לא גזרה התורה לצוות לפרות לרבות על האשה. וכן מותרת לשתות כוס עקרין, וכעובדא דיהודית דביתהו דרבי חנינא סוף הבא על יבמתו. רק לקיום המין עשה בטבעה שתשוקתה להוליד עזה משל איש. ומצאנו לרחל שאמרה "הבה לי בנים, ואם אין מתה אנכי". ובזה ניחא הך דאמר רב יוסף פרק הבא על יבמתו (סה, ב), דאין נשים מצוות בפריה ורביה מהכא, "אני א - ל ש - די פרה ורבה" (בראשית לב, יא), ולא קאמר "פרו ורבו". היינו דבאדם וחוה שברך אותם קודם החטא שלא היה לה צער לידה, היה מצות שניהם בפריה וברביה, ואמר להם "פרו ורבו" (שם א, כח). אבל לאחר החטא שהיה לה צער לידה, והיא רוב פעמים מסתכנת מזה, עד כי אמרו (בשעה שכורעת לילד קופצת) אשה ונשבעת שלא תזדקק (לבעלה, לפיכך אמרה תורה תביא קרבן - נדה לא, ב). לכן בנח, אף דכתיב "ויאמר להם פרו ורבו", הלא כתיב קודם (שם) "ויברך את נח ואת בניו", אבל נשיהם לא הזכיר, שאינם בכלל מצוה דפרו ורבו. וביעקב קאמר "פרה ורבה", וזה נכון. ובמהרש"א סנהדרין נט הניח זה ב"ויש ליישב", וכוון לה, ודו"ק.
עוד יתכן לאמר בטעם שפטרה התורה נשים מפריה ורביה, משום דבאמת הלא הטביעה בטבע התשוקה, ובנקבה עוד יותר, כמו שאמרו (קדושין מא, א): 'טב למיתב טן דו (מלמיתב ארמלו'), ודי במה שהיא מוכרחת בטבע. ועל כן דעיקר המצוה היא כמו דתנן ביבמות (סא, א) לא יבטל אדם מפריה ורביה אלא אם כן יש לו בנים (בית שמאי אומרים שני זכרים, ובית הלל אומרים זכר ונקבה שנאמר, "זכר ונקבה בראם"), דאם נשא אשה ולא ילדה, מחויב ליקח אשה שיש לה בנים. ומדרך התורה לבלי לגדור הטבע, וכיוצא בזה אמרו "דרכיה דרכי נועם" כמו שכתבתי. ולכן לגזור על האשה כי תנשא לאיש ולא יוליד תצא מאהוב נפשה ותקח איש אחר, זה נגד הטבע לאהוב השנוא ולשנוא האהוב. ורק האיש, שיכול לישא עוד אחרת, עליו הטילה התורה מצוה. וזה המשך המאמרים שאמר רבי אליעזר ברבי שמעון סוף פרק הבא על יבמתו, ודו"ק.

 


[1] Cette explication est très proche des explications du  Rambam dans son Guide des Egarés, III, 49… Il est meme étonnant que ce dernier ne soit pas cité.

 

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