Les vacances

  PROJET RAMBAN* SUR LA PARACHA

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Les vacances

 

Les versets de Bamidbar 10.35 et 10.36, sont encadrés de deux signes, des noun renversés. Ce détail graphique n’a pas manqué d’intriguer le Talmud (Chabbat 116 a) :

« Ces versets, Dieu les encadra de signes pour indiquer qu’ils ne sont pas à leur place ; ils ont été déplacés à cet endroit, pour faire interruption entre deux crises. La seconde c’est lorsque Dieu sévit parmi le peuple à cause de leurs plaintes (11.1-2). La première est signifiée par le verset 10.33 « et ils quittèrent le mont divin » : en effet Rav Hama y voit que les enfants d’Israël se détournèrent de Dieu ».  

Texte déplacé pour indiquer la mise en mouvement du camp ! Mais aussi pour interrompre, pour créer un trou dans le flot de l’histoire. De nombreuses questions se posent sur ce texte. Explicitons-les.

  1. Le verset indiquant que les enfants d’Israël quittèrent le mont Sinaï n’indique aucune crise, il est purement factuel, comme on aime à le dire aujourd’hui. Comment comprendre que Rav Hama y décèle une faute du peuple ?

 Rachi commentant ce texte explique que les plaintes ont commencé moins de trois jours après leur départ du mont Sinaï, c’est pourquoi il doit être considéré comme une fuite de devant Dieu. Le deuxième moment de crise (les plaintes) ne serait donc que le dévoilement d’un problème déjà en germe au pied du mont Sinaï. Dans un premier temps Ramban essaye de comprendre Rachi : peut-être que dès leur départ du mont Sinaï les enfants d’Israël avaient l’intention de se plaindre. Mais notre auteur qualifie cette tentative « d’insipide et inodore ». Il rapporte alors un Midrash « les hébreux étaient contents de leur départ du mont Sinaï, comme un enfant qui se sauve de l’école, ils se disaient ‘quittons cet endroit, Dieu pourrait encore ajouter des commandements, ils quittèrent le mont de Dieu, signifie qu’ils le quittèrent parce que c’était le mont de Dieu. C’est donc l’emploi explicite du terme mont de Dieu en lieu et place de son appellation courante de mont Sinaï qui ouvre la voie.

  1. Dans le même chapitre 11 de Bamidbar, il est question de deux crises successives. Pourquoi fallait-il interrompre seulement celles qui sont ici désignées (la fuite du mont divin et les plaintes) ?  Ramban répond qu’il n’existe pas trois crises qui se suivent ; l’existence d’un groupe de trois crises indiquerait une dynamique prégnante, comme si la crise était la norme, comme si le mode de fonctionnement des hébreux était la rébellion. C’est donc pour casser une telle description que le verset s’ingénie à déplacer ces deux versets.

 

  1. La troisième question est l’usage dans ce texte talmudique du terme pouranout traduit jusqu’ici par ‘crise’ ; mais usuellement celui-ci est traduit par ‘punition’, or la fuite du mont divin, ne s’est accompagné d’aucune punition. C’est pourquoi Ramban propose une idée qui n’apparait ni dans le texte talmudique, ni dans le texte midrashique : la punition de cette fuite consista à ne pas rentrer immédiatement en terre sainte, retard qui rendit possible la faute de explorateurs.

Cette interprétation du texte talmudique est à la rencontre de deux thèmes chers à Ramban : le texte biblique garde une forme chronologique, il ne faut pas chercher la faute dans un texte postérieur ; d’autre part, y est évoqué la centralité de la terre d’Israël ; centralité exigeante puisqu’il faut avoir quitté l’enfance pour pouvoir y séjourner : d’avoir entendu les commandements comme un fardeau dont il faut se délester, nécessite un séjour plus long dans le désert.

Ce qui est reproché ici au peuple n’est pas tant leur manque d’étude que la façon d’accueillir ses devoirs. Attitude incompatible avec l’habitation en Israël. Les Sages prendront le contrepied de cette attitude « Dieu a multiplié les commandements adressés aux juifs afin qu’ils en bénéficient » (Michna Makot 3.16)

Reste encore une question formelle sur le Ramban : c’est que le texte talmudique indique la nécessité de séparer entre la première crise et la seconde, sans faire mention d’une prétendue troisième crise. Il semble donc bien que le texte talmudique n’ait pas encore livré tous ses secrets…

Franck Benhamou.

 

* Moché ben Na'hman (Na'hmanide), Gérone 1194- Acre 1270

Texte original : 

 

קודש (שבת קט"ז א'), לשון רש"י. ולא פירש לנו הרב מה הפורענות הזו שהוצרך להפסיק בה, כי לא נזכר כאן בכתוב פורענות קודם "ויהי בנסוע הארון". ולשון הגמרא שם, פורענות שנייה "ויהי העם כמתאוננים" (להלן י"א א'), פורענות ראשונה דכתיב "ויסעו מהר ה'" (פסוק ל"ג), ואמר רבי חנינא: מלמד שסרו מאחרי ה'. וכתב הרב בפירושיו שם, בתוך שלושת ימים למסעם התאוו תאוה האספסוף להתרעם על הבשר כדי למרוד בה'. ואלו דברי תימה, שהרי פורענות "ויהי העם כמתאוננים" כתובה ראשונה ושל תאוה - שניה, ושתיהן סמוכות. אולי סבר הרב שנכתבו שלא כסדרן, רמז על הראשונה באמרו "מהר ה'", כי שמא מעת נסעם חשבו לעשות כן, והפסיק וכתב את השניה, ואחר כך חזר לראשונה. ואין בזה טעם או ריח. אבל עניין המדרש הזה מצאו אותו באגדה, שנסעו מהר סיני בשמחה כתינוק הבורח מבית הספר, אמרו שמא ירבה ויתן לנו מצות, וזהו "ויסעו מהר ה'", שהיה מחשבתם להסיע עצמן משם, מפני שהוא הר ה', וזהו פורענות ראשונה. והפסיק, שלא יהיו שלוש פורעניות סמוכות זו לזו, ונמצאו מוחזקים בפורענות. וקרא החטא פורענות, אף על פי שלא אירע להם ממנו פורענות. ושמא אלמלא חטאם זה היה מכניסם לארץ מיד.

 

 

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