Mishkan : Venons-en à la conclusion !

Cycle : la paracha selon le Sforno*  

Sforno 1

Vayakel-Pékoudé

Mishkan : venons-en à la conclusion !

 

Avec les sections de Vayakhel et Pékoudé, nous en venons à la conclusion d’une quinzaine de chapitres consacrés à la construction du Mishkan – le « Tabernacle », à la réalisation de ses ustensiles et à la confection des vêtements des prêtres.

Le Sforno nous donne opportunément quelques clés de lecture en clôture de ces passages très techniques qui, d’une certaine manière, constituent une déception par rapport à la promesse initiale du texte. En effet, la section de Terouma avait commencé sur une lancée très élevée et spirituelle : « Ils me feront un sanctuaire et je résiderai en eux » pour ensuite se perdre à notre étonnement dans les méandres d’un cahier des charges de matériaux, de mesures, d’architecture intérieure et extérieure, au point que notre impression était d’avoir complètement perdu de vue la dimension immatérielle et première de l’entreprise.

« Les plus sages de cœur parmi les réalisateurs de l’ouvrage composèrent les dix tapis de l'enceinte, en lin retors, étoffes d'azur, de pourpre et d'écarlate, artistement damassés de chérubins. » (Shemot 36:8). Le Sforno commence par nous rappeler que le Mishkan a été construit par « les plus Sages d’entre les enfants d’Israël » ; il s’agit d’un ouvrage qui exigeait de l’habileté artisanale ou artistique, mais également de la Sagesse au sens propre du terme, la faisabilité de certains objets paraissant tout bonnement hors de portée dans le monde réel.

On voit dès lors qu’une dimension spirituelle s’est systématiquement entremêlée avec la dimension matérielle, tout comme les fils d’ors étaient tressés avec ceux de couleurs « naturelles ».

Mais le Sforno poursuit en répondant à la question classique : pourquoi répéter à nouveau tout ce qui a déjà été énoncé dans Térouma ? « Pour t’enseigner qu’ils firent tout ce qu’ils firent dans la seule intention de répondre à la volonté de l’Ordonnateur et à Sa fin ». On ne parle plus ici d’artisans répondant à un cahier des charges, mais de Sages visant non pas le moyen demandé par Dieu (le Mishkan) mais sa finalité même.

Et d’ailleurs, « l’arche sainte, qui est l’ustensile le plus unique, le plus particulier, fut réalisé par Betsalel qui était lui-même le plus grand parmi les Sages, comme l’on enseigné nos maîtres : “Betsalel savait associer les lettres par lesquelles furent créés les cieux et la terre” ».

Tous ces détails minutieux n’étaient donc comme nous le rappelle Sforno que l’expression de l’association entre les Cieux et la terre, entre la présence de Dieu et le monde matériel. Si nous n’avions donc vu que des détails techniques dans les derniers chapitres du livre de Shemot, c’était donc en raison de notre propre superficialité. Repartant de la conclusion, la clé de lecture annoncée en préambule est bien confirmée et donne sens au tout : סופו נעוץ בתחילתו.

D’où la particularité des éléments du Mishkan qui revêtent une dimension d’éternité et, contrairement au Temple de Salomon ou à celui « de Cyrus », ne tombèrent jamais entre les mains d’ennemis (38:21).

Mais par quelles vertus ?

  1. Parce que dans le Mishkan reposaient les Tables de la Loi
  2. Parce qu’il fut réalisé sous les ordres de Moshé
  3. Parce qu’Itamar en assurait la garde
  4. Parce qu’il fut construit par Bestalel, l’homme le plus Sage mais également le plus Juste, grâce auquel la présence de Dieu résida dans cette œuvre.

Aucun des deux Temples ne sut réunir l’ensemble de ces qualités spirituelles.

En ce sens, le Mishkan continue  pour l’éternité à incarner la présence de Dieu au sein des œuvres de l’homme et donc, d’une certaine manière, la figuration de l’idéal du monde voulu par le Créateur.

 

Emmanuel Ifrah – 03/2018

 

*Rav 'Ovadiah Sforno, Italie 1480-1550

Texte original :

 

ספורנו שמות פרק לו פסוק ח
(ח) ויעשו כל חכם לב בעושי המלאכה. היותר חכמים שבהם עשו את המשכן שהיה מעשה חושב על צורות שונות משני עבריהם, כמו שהזכירו ז"ל, ולא היו היריעות עבות כמו הפרכת. וכפל בפרשה זו כל האמור למעלה בצווי בפרשת תרומה, להודיע שעשו הכל בכיון לעשות כרצון מי שצוה ולתכליתו. והארון שהיה המיוחד שבכלים נעשה על ידי בצלאל שהיה הגדול שבכלם, כאמרם ז"ל יודע היה בצלאל לצרף אותיות שבהם נבראו שמים וארץ (ברכות נה א):

 

ספורנו שמות פרק לח פסוק כא
(כא) אלה פקודי המשכן. כל אחד מחלקי המשכן הכתובים למעלה הם אותם הפקודים שנאמר עליהם ובשמות תפקדו את כלי משמרת משאם ביד איתמר (במדבר ד, לב - לג). וזה כי כל אחד מהם היה ראוי להיות נחשב ולהקרא בשם באשר הוא זה הפרטי, לא בלבד באשר הוא מזה המין, וכל שכן שצדק זה על כל אחד מכלי הקדש אשר במשא בני קהת. ולזה לא נפסדו, כאמרם ז"ל שמא תאמר אבד סברם ובטל סכוין, תלמוד לומר עצי שטים עומדים שעומדים לעד ולעולמי עולמים (יומא עב א) וגם כן לא נפל דבר מהם ביד האויבים, על הפך מה שקרה למקדש שלמה וכליו כמבואר בחרבן בית ראשון על ידי נבוזראדן, שלא נזכר שם דבר מעניני משכן משה רבנו ע"ה (דבהי"ב לו, ז, ו - יח):
משכן העדות. ספר מעלות זה המשכן שבשבילם היה ראוי להיות נצחי ושלא ליפול ביד אויבים. ראשונה, שהיה משכן העדות, שהיו בו לוחות העדות. ב', אשר פקד על פי משה. ג', שהיתה עבודת הלויים ביד איתמר, כי אמנם משמרת כל חלקי המשכן ביד איתמר היתה. ד', ובצלאל בן אורי בן חור למטה יהודה עשה, שהיו ראשי אומני מלאכת המשכן וכליו, מיוחסים וצדיקים שבדור, ובכן שרתה שכינה במעשי ידיהם ולא נפל ביד אויבים. אבל מקדש שלמה שהיו עובדי המלאכה בו מצור, אף על פי ששרתה בו שכינה נפסדו חלקיו, והוצרך לחזק את בדק הבית (מ"ב כב, ה - ו) ונפל בסוף הכל ביד אויבים. אבל בית שני שלא היה בו גם אחד מכל אלה התנאים לא שרתה בו שכינה ונפל ביד אויבים, כי אמנם בית שני לא היה משכן העדות, שלא היו בו לוחות העדות, ולא פוקד כי אם על פי כורש (עזרא א, א - ג) ולא היו שם בני לוי, כמו שהעיד עזרא באמרו ואבינה בעם ובכהנים, ומבני לוי לא מצאתי שם (שם ח, טו) ומן המתעסקים בבנינו היו צידונים וצורים, כמבואר בספר עזרא (ג, ז):

 

 

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