Tsav : du discret au continu

PROJET RAMBAN* SUR LA PARACHA

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Tsav, du discret et du continu.

 

Nul ne se rappelle le contenu de la Paracha de Tsav. Engloutie dans le flot continu des lois relatives aux sacrifices qui agite le livre de Vayikra.

Certes on se rappelle du premier Rachi : « Le mot tsav (« ordonne ») implique toujours une idée de zèle, pour maintenant et pour les générations à venir. Rabi Chim‘on a enseigné : Le texte incite à d’autant plus de zèle qu’il y a risque de perte d’argent ». Au moment où le texte y est dit à Moïse, le Temple n’est pas encore érigé : le mot maintenant tombe à plat !  Pourquoi ne pas avoir utilisé ce terme dès le début du livre de Vayikra puisque l’on y parle d’animaux qu’on apporte sur ses propres deniers ? Rachi s’est contenté de recopier un commentaire antérieur sans y ajouter plus de précision.

Ramban commence son commentaire par une remarque. L’ordre inaugurant le texte est adressé aux cohanim : « Ordonne à Aaron et à ses fils ce qui suit : Ceci est la règle de l'holocauste. C'est le sacrifice qui se consume sur le brasier de l'autel, toute la nuit jusqu'au matin ; le feu de l'autel y doit brûler de même. » Alors que la paracha précédente était un ordre adressé aux enfants d’Israël. Il explique « car on va parler ici des gestes sacrificiels, et ceux sont les cohanim qui devront les exécuter ». Cette lecture oriente ainsi toute la paracha : alors que la section précédente consistait à insister sur la dimension volontaire et généreuse des sacrifices, marqués par des formules décrivant la générosité (« un homme qui apportera… »), ici on va parler technique. Pourtant on y trouve aussi des sacrifices obligatoires comme ceux qui viennent suite à un manquement, qui ne relèvent donc pas de la générosité. De même que dans Vayikra aussi on parle de gestes précis Il faut donc aller plus loin pour distinguer les objectifs de la paracha de Vayikra et de celle de Tsav.

Et c’est précisément l’objet de la suite du commentaire du Ramban qui questionne l’explication donné par Rachi du terme ‘Tsav’.

Fort de sa remarque (on s’adresse aux cohanim), il questionne Rachi : puisque le verset s’adresse au cohanim, comment se pourrait-il qu’il y ait un risque de perte d’argent, alors que ceux-ci ne sont que de simples exécutants des sacrifices appartenant aux enfants d’Israël ? Selon lui le texte apporté par Rachi ne vient pas donner une clé de lecture mais des possibilités de lecture : le terme ‘ordre’ est employé soit pour indiquer une injonction immédiate, soit pour indiquer que l’injonction est permanente, soit pour encourager dès lors qu’il y a des dépenses à faire pour l’accomplissement.

Le Ramban laisse au lecteur le soin de continuer le commentaire en choisissant lui-même la case qui convient. Le commandement en question n’étant pas immédiat, et précisant dans sa question que les cohanim n’ont pas de perte d’argent, ne reste que la troisième option : le commandement est perpétuel. Cette remarque éclaire l’ensemble de la paracha. En effet, si celle-ci s’oppose à celle de Vayikra ce n’est parce que la première serait placée sous le sceau du volontarisme –nous avons vu que c’était faux- mais parce que la paracha de Tsav vise une dimension de continuité du service divin. En effet, que ce soit des sacrifices volontaires ou liés à une faute, ceux-ci restent ponctuels, liés à tel ou tel évènement de la vie. Dans la paracha de Tsav, ce qui est en jeu c’est une présence perpétuelle au Temple. Or c’est exactement le thème du début du texte : un feu doit y demeurer perpétuellement.  Les images se bousculent : que serait-une maison où le feu s’éteindrait la nuit venue ? Que serait un Temple qui ne vivrait qu’au grès des passages aléatoires des fidèles ? Ainsi, les prêtres ont une obligation de mettre suffisamment de bois pour que ce feu soit constamment allumé. L’évacuation des cendres n’est pas –comme le voudrait Rachi- une simple nécessité technique, elle doit se faire dans les habits officiels de prêtrise : c’est que ce travail montre que le Temple fonctionne, qu’une présence y est assurée, on ne le laisse pas à l’abandon. On trouvera de nombreuses autres explications de notre auteur qui roulent sur ce thème. Mais c’est la structure même de la paracha qui y invite, puisque s’y intercale les sacrifices d’intronisation des prêtres qui sont le symbole même de cette présence perpétuelle. Son ordre même participe de ce principe.

Qu’on me permette ici un écart. Pour nous modernes, pas de sacrifices ou de feu qui brûle constamment. Mais il me semble que l’opposition pointée par Ramban trouve un écho assez simple dans nos vies : on distingue deux types de croyants ceux qui entrent dans la routine de la pratique et ceux qui préfèrent se réserver aux ‘grands moments’. Ces deux façons de vie religieuse sont en principe tout à fait compatibles, mais l’on se rend compte qu’en pratique les deux types de personnes décrites sont souvent différents. Les unes se méfiant des ‘grands moments’ et les autres se méfiant de la routine. Le texte de la Torah me semble-t-il reconnait cette différence, et confie la ‘avoda’ (le service) à une caste, de tel sorte que le Temple semble étranger à celui qui apporte un sacrifice ponctuellement. Mais simultanément, le ‘grand moment’ ne se perdrait-il pas dans une gestuelle sacrificatoire ?

 

Franck Benhamou.  

 

 

* Moché ben Na'hman (Na'hmanide), Gérone 1194- Acre 1270

Texte original :

 

 

רמב"ן ויקרא פרק ו

(ב) אמר הכתוב בפרשת ויקרא (לעיל א ב) דבר אל בני ישראל, כי שם יצוה בהבאת הקרבנות, וישראל מביאים אותם, וכאן אמר "צו את אהרן", כי ידבר במעשה הקרבנות, והכהנים יעשו אותם:

וכתב רש"י אין צו אלא זרוז מיד ולדורות. אמר רבי שמעון ביותר היה צריך הכתוב לזרז במקום שיש בו חסרון כיס. ומדרשו של רבי שמעון (תורת כהנים ריש הפרשה) אינו על זו הצואה, כי כאן אין בו חסרון כיס לבני אהרן המצווים בה, אבל יש להם ריוח ושכר בכל הקרבנות, גם בעולה. אבל אמר תנא קמא אין צו אלא זירוז מיד ולדורות, לומר שהפרשיות שירצה הכתוב לזרז בהם ולומר שיעשה מיד וינהג הדבר לדורות יאמר בהן צו, ובשאר הפרשיות יאמר דבר אל בני ישראל או אמור להם, ובא רבי שמעון לחלוק ולומר שפעמים יבא הלשון הזה בדבר שאינו מיד ולדורות בעבור שיש בו חסרון כיס, כגון הצואה האמורה בשמן המאור (להלן כד ב), וכגון שאמר הכתוב (במדבר לה ב) צו את בני ישראל ונתנו ללוים ערים לשבת. ויתכן שנאמר שיש בצו זה חסרון כיס לכהנים בעבור "זה קרבן אהרן ובניו" (פסוק יג) הנמשך בצואה זו. אבל בתחלת ספרי (נשא א) בענין מחלוקת היא שנויה שם:

רמב"ן ויקרא פרק ו

ואש המזבח תוקד בו - יאמר שתוקד במזבח כל הלילה, כי מצוה שישימו ביום עצים הרבה כדי שלא יתאכלו לגמרי ויכבה האש ממנו. ולפי דעתי, מה שאמר (פסוק ו) אש תמיד תוקד על המזבח לא תכבה, מצוה לכהנים בקיום האש, כמו שאמר (פסוק ה) ובער עליה הכהן עצים, וצוה שיזהרו בזה ויערכו אש ועצים הרבה שתוקד האש תמיד כל היום וכל הלילה, והזהיר בלאו שלא תכבה לעולם. והנה אם נתעצלו הכהנים וכבתה האש עברו בלאו, ומפני זה אמרו רבותינו (יומא מה ב) שהיתה מערכה שניה לקיום האש

רמב"ן ויקרא פרק ו

(ג) ולבש הכהן מדו בד - היא הכתונת, ומה תלמוד לומר מדו, שתהא כמדתו. "על בשרו", שלא יהא דבר חוצץ בינתיים. לשון רש"י:

והנה תרומת הדשן צריכה בגדי כהונה, ואין עבודה בשני הבגדים מהם. אבל הזכיר אלה השנים לדבר שנתחדש בהם כאן. לומר שתהא הכתונת כמדתו, והענין לומר שאם היו מסולקין [או] קצרים ואינן מגיעין עד רגליו, ועבד בהן עבודתו פסולה. ולמד שלא יהא בינו ולא בין המכנסים לבשרו כלום. והוא הדין שצריכה כל בגדי כהונה, כי כיון שהזכיר הכתוב שהיא צריכה בגדים למדנו שהיא צריכה ארבעה להדיוט ושמנה לכהן גדול

 

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