Projet Ramban : Tazria

 PROJET RAMBAN* SUR LA PARACHA

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Ramban continuateur de Rabbi Yéhouda Halévy.

Sur la tsaraat.

 

Quant à la nature des plaies –tsaraat­- dont il est question dans la Torah, deux écoles d’interprétation s’affrontent : ces plaies sont-elles ‘naturelles’[i] ou ‘miraculeuses’[ii] ? Les deux écoles semblent admettre que toute maladie est liée à une faute. C’est pourquoi la disparition de ces plaies donne lieu à des sacrifices. Comment alors comprendre ce débat ?

Comme personne ne sait tout à fait identifier ce que sont ces plaies, la voie interprétative est libre : selon son idéologie on pourra prendre telle option. Ramban[iii] opte pour un caractère miraculeux de ces plaies. Pour cela il se fait l’élève de Rabbi Yéhouda Halévy dont il reprend –presque mot à mot[iv] le commentaire, mais sans le citer-. Il affirme que les plaies sont liées à un retrait[v] de la présence divine. Ce retrait laisse une trace sous forme de tache. Indiquant à la personne qui s’estimerait innocente, la nécessité de faire un bilan personnel.

 Pourtant Ramban va apporter une nuance à cette démarche : en tant qu’au prise avec le texte et s’adressant des lettrés juifs, il ne peut se contenter de généralité sur « la religion méprisée ».  Les ‘plaies des maisons’ sont introduites ainsi : ‘et Je mettrai une plaie dans la terre de votre héritage’[vi] ; le Ramban y voit que les plaies sont dirigées par Quelqu’un pour quelqu’un ; il s’agit donc d’un message adressé. Or c’est seulement en Israël qu’une telle modalité est possible : c’est seulement en Terre sainte que le manque de moralité se traduit par un effet concret. Dans d’autres territoires, une telle plaie n’existe tout simplement pas.  Dans les autres pays, Dieu n’est pas assez présent pour que son absence soit signée d’une marque. Comme le dit le Kouzari les plaies sur « les vêtements et les maisons sont une des manifestations de la présence divine ». Et pour le Ramban, cette manifestation ne peut se produire que dans la terre élue : Rabbi Yéhouda Halévy ne récuserait pas cette interprétation. Ainsi lorsqu’un texte[vii] indique que « les plaies des maisons ne peuvent être considérées comme source d’impureté si elles se produisent durant la phase de conquête de la terre », il ne s’agit pas d’une loi, mais bien d’un fait : « il n’est pas possible que des plaies surgissent à ce moment, car l’esprit des hommes n’est pas disponible au divin pour permettre sa Présence ». Cette langue n’est pas courante, la plupart du temps, les versets sont interprétés d’une façon juridique et non factuelle.

Fort de cette remarque, Ramban est prêt à dire (malgré l’absence de preuve textuelle directe) qu’il faut étendre cette réflexion aux plaies des vêtements comme l’affirmait le Kouzari. En effet, nul verset ne permet d’affirmer que les plaies des vêtements ne se sont jamais produites qu’en terre d’Israël ; mais le simple fait de passer sous silence la localisation géographique des plaies des vêtements suffit à notre auteur pour prétendre qu’elles n’eurent effectivement lieu qu’en terre sainte ; la langue du verset est factuelle, or le fait est que jamais il ne s’est présenté de plaie des vêtements hors d’Israël, donc pas besoin d’en parler. Pourtant le verset insiste pour les plaies des maisons sur le fait qu’elle ne peut se produire que dans la ‘terre de votre héritage’, alors pourquoi ne pas user du même procédé pour les plaies des vêtements ? Notre auteur remarque une insistance dans la description des plaies des vêtements : « le vêtement, ou la peau qui aurait dans sa trame ou sa chaine une plaie »[viii] est répétée plusieurs fois, comme s’il fallait insister pour bien marquer les esprits d’une telle possibilité. Ainsi le géronais va prêter main forte à Rabbi Yéhouda Halévy avec toutes les ressources possibles du texte.

La connaissance des lois des plaies s’identifie ainsi à distinguer ce qui relève de la maladie et ce qui relève d’un message adressé. Diagnostiquer une « plaie », c’est renvoyer l’homme à son for intérieur, sans échappatoire. Si l’on suit l’opinion que les plaies peuvent aussi exister en tant que simples maladies, une échappatoire est laissée à l’homme qui peut se dire « ce n’est rien », maintenant ainsi toujours ouvert le choix de ne pas écouter le message. Par contre, si comme Ramban, on admet qu’il s’agit d’un miracle, cela suppose un interventionnisme explicite du divin dans le monde des hommes. Et devant cette conséquence, le géronais ne reculera pas : il dira la même chose concernant la femme ‘sota’. Pour autant cette immixtion du divin dans le monde humain, compris comme un privilège, ne sera pas perçue comme une violation du territoire humain que si l’homme est prédisposé à une telle grandeur : en Israël, une fois réglée la question territoriale.

 

 

Franck Benhamou

 

[i] Ibn Ezra, Guersonide, Abravanel.

[ii] Maïmonide, Rabbi Yéhouda Halévy, et plus tard Sforno.

[iii] Voir commentaire sur Vayikra 13.47 et 13.52. Nous commentons surtout le premier passage.

[iv] Voir Le Kuzari 2.62, mais aussi 2.58, p.75 de l’édition Verdier.

[v] Il emploie le mot ‘contraction’ de la présence, mot qui n’est pas rapporté par Ramban.

[vi] Vayikra 14.34.

[vii] Torat Cohanim Métsora 5.3.

[viii] 13.47 ; 13.51 ;13.53 ; 13.56 et 13.58.

 

רמב"ן ויקרא פרק יג (מז)

והבגד כי יהיה בו נגע צרעת - זה איננו בטבע כלל ולא הווה בעולם, וכן נגעי הבתים, אבל בהיות ישראל שלמים לה' יהיה רוח השם עליהם תמיד להעמיד גופם ובגדיהם ובתיהם במראה טוב, וכאשר יקרה באחד מהם חטא ועון יתהוה כיעור בבשרו או בבגדו או בביתו, להראות כי השם סר מעליו. ולכך אמר הכתוב (להלן יד לד) ונתתי נגע צרעת בבית ארץ אחוזתכם, כי היא מכת השם בבית ההוא. והנה איננו נוהג אלא בארץ שהיא נחלת ה', כמו שאמר (שם) כי תבאו אל ארץ כנען אשר אני נותן לכם לאחוזה, ואין הדבר מפני היותו חובת קרקע, אבל מפני שלא יבא הענין ההוא אלא בארץ הנבחרת אשר השם הנכבד שוכן בתוכה:

 

ובתורת כהנים (מצורע פרשה ה ג) דרשו עוד, שאין הבית מטמא אלא אחר כבוש וחלוק, ושיהא כל אחד ואחד מכיר את שלו. והטעם, כי אז נתישבה דעתם עליהם לדעת את ה' ותשרה שכינה בתוכם. וכן אני חושב בנגעי הבגדים שלא ינהגו אלא בארץ, ולא הוצרך למעט מהן חוצה לארץ כי לא יארעו שם לעולם. ומפני זה עוד אינם נוהגים אלא בבגדים לבנים לא בצבועים, כי אולי הצבע הוציא הכיעור ההוא במקום ההוא כטבעו ולא אצבע אלהים היא, ולפיכך הצבועים בידי שמים מטמאין כדברי רבי שמעון (נגעים פי"א מ"ג):

 

ועל דרך הפשט, מפני זה יחזירו הכתוב בכל פסוק ופסוק "הבגד או העור או השתי והערב", כי הדבר נס. ולרבותינו בהם מדרשים וכולם בתורת כהנים:

 

רמב"ן ויקרא פרק יד (לד) אמר הכתוב בנגעי הבתים ונתתי נגע צרעת - לרמוז כי יד ה' תעשה זאת, לא טבע כלל, כמו שפירשתי (לעיל יג מז):

 

 

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