Ruth : un modèle pour la conversion au judaïsme

Ruth : un modèle pour la conversion au judaïsme 

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Le Livre de Ruth décrit le parcours de Naomi, suivant son mari au pays de Moab, quittant le pays de Juda où s’était déclarée une famine (1, 1). Sur place, son mari -Elimelekh- et ses deux fils -Ma’hlon et Kilion- meurent. Naomi se retrouve donc seule avec ses deux belles-filles originaires de Moab, Orpa et Ruth (1, 3-7). Elle décide alors de retourner dans le pays de Juda, en terre d’Israël, et propose dans un premier temps à ses deux brus de retourner auprès de leur famille moabite. Attachées à leur belle-mère, celles-ci répondent d’abord : « Non, nous irons avec toi vers ton peuple » (1, 10).

Les exégètes sont partagés sur la portée de cette déclaration. Alors que certains n’y voient qu’un désir de se rapprocher du peuple sans pour autant accepter de se soumettre aux lois de la Torah (Malbim), d’autres y voient une réelle demande de conversion (Alchekh).

La réponse de Naomi est la suivante :

« Retournez mes filles. Pourquoi viendriez-vous avec moi ? Ai-je d’autres fils dans mes entrailles, qui puissent devenir des époux pour vous ? Retournez, mes filles, partez, car je suis trop vieille pour avoir un mari. Même si je disais : Il me reste de l’espoir et même si je devais avoir un mari cette nuit, et même porter des fils, les attendriez-vous jusqu’à ce qu’ils soient devenus adultes, et vous attacheriez-vous à eux en n’épousant personne d’autre ? Non mes filles ! Je suis remplie d’amertume à votre sujet, car la main de Dieu s’est appesantie sur moi».

(1, 11-13).

Naomi refuse d’être accompagnée par ses deux belles-filles, étrangères au peuple d’Israël. Cependant le discours montre que refuser ne signifie pas ici simplement repousser, mais aussi et surtout responsabiliser.

Naomi avertit Orpa et Ruth de ce à quoi celles-ci doivent s’attendre si elles la suivent. Orpa n’insiste pas plus, apparemment convaincue par le discours de Naomi (1, 14). Etrangement, les Sages stigmatisent cette attitude (Berakhot 7b ; Sota 42b), comme s’ils attendaient d’Orpa qu’elle argumente davantage pour rejoindre le peuple d’Israël ; comme s’ils attendaient du converti potentiel qu’il assume les responsabilités qu’on lui enseigne. L’inverse provoque au contraire une déception.

Ruth, quant à elle, persévère dans sa volonté de suivre sa belle-mère. Cette dernière lui montre à plusieurs reprises que ce n’est pas dans son intérêt de la suivre.  Si bien que le texte témoigne à propos de Naomi et sa belle-fille : « Lorsqu’elle la vit décidée à la suivre, elle cessa d’argumenter » (1, 18). Le Talmud déduit que l’acceptation de la conversion de Ruth fait suite à une sérieuse discussion entre les deux femmes, à travers laquelle il est apparu limpide à Naomi que sa bru intégrait le véritable enjeu à devenir juive (Yebamot 47b).  La clef de sa sincérité est dans le verset suivant : « Ne me force pas à te quitter, à m’en retourner et à ne pas te suivre, car partout où tu irais, j’irai, où tu habiteras j’habiterai ; ton peuple est mon peuple et ton Dieu est mon Dieu (…) » (1, 16).

Ruth n’avait-elle pas déjà proclamé en même temps que sa sœur qu’elle désirait intégrer le peuple d’Israël ? Certes. Mais cette fois elle apporte une précision fondamentale : « ton Dieu est mon Dieu ». C’est que rejoindre le peuple juif est un moyen, une nécessité, mais cela n’est pas suffisant. La finalité est de se rapprocher de Dieu par l’accomplissement des mitsvote et de l’étude de la Torah.

 

Yona GHERTMAN

 

Pour approfondir le sujet : Yona Ghertman, Une identité juive en devenir : la conversion au judaïsme, Lichma 2015, 255 pages

 

*Billet paru dans l'hebdomadaire Actualité juive, Mai 2017

 

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