Les deux jours de Yom-Tov en galoute

 

Article écrit par Yona GHERTMAN

 

Les deux jours de Yom Tov en Diaspora : Yom Tov Shéni shel Galouyot

Si les discussions rabbiniques touchant à la question de l’évolution de la Halakha font appel bien souvent aux modalités juridiques rendant ou non possible l’innovation, il n’en va pas de même pour le sujet de Yom Tov shéni. En effet, aucun décisionnaire parmi les Rishonim ou les Aharonim n’a essayé de mettre en place une construction légale remettant en cause la raison initiale de l’institution du second jour de Yom Tov. Pourtant, cette obligation rabbinique n’a valeur pour beaucoup que d’un minhag. Au contraire, les Sages des différentes époques se sont montrés très exigeants quant au respect des règles associées à cette solennité. Ce présent article -qui ne se veut pas une source de Halakha- essayera donc de comprendre les enjeux de cette ordonnance rabbinique, afin de saisir pourquoi les autorités rabbiniques se sont elles fortement attachées à préserver cette institution, source de différences entre les habitants de la terre d’Israël et ceux de Diaspora

1/ Les raisons historiques des deux jours de Yom Tov d’après le Talmud

Le calendrier hébraïque contient des mois pouvant contenir entre 29 et 30 jours. Dans le cas d’un mois contenant 29 jours, la célébration du premier du mois –Rosh Hodesh- sera effectuée le premier du mois suivant. Par contre dans le cas d’un mois contenant 30 jours, le dernier jour du mois sera le premier jour de Rosh Hodesh et le premier jour du mois suivant sera considéré comme le second jour de Rosh Hodesh. D’après la Mishna[1], deux différents procédés furent mis en place afin d’indiquer la date exacte de ce jour aux habitants de Diaspora après qu’il ait été déterminé par le Grand Sanhédrin de Jérusalem :

A l’origine, on allumait des torches [de relais en relais, pour faire savoir aux gens quand Rosh Hodesh avait été sanctifié]. Quand les Cuthéens ont perturbé [ce processus, les Sages] ont décrété que des messagers sortiraient [et iraient diffuser la nouvelle] (…).[2]

La suite de cette mishna explique en détail le procédé d’allumage des torches. Toutefois, le principal élément sur lequel il convient de s’arrêter quelque peu est le passage d’un procédé à l’autre. La raison du changement semble tout simplement provenir du pragmatisme des Sages. Sûrement se sont-ils aperçus lors d’un cas où les Cuthéens –ou « Samaritains »-[3] dérangèrent l’annonce de Rosh Hodesh que ce mode d’information n’était pas sans danger. Aussi décidèrent-ils d’opter pour un procédé plus sûr : envoyer des mandataires du Sanhédrin pour annoncer aux habitants des provinces éloignées de Jérusalem la sanctification du mois[4]. Or, comme il ressort du commentaire de Rachi sur le traité Betsa, lorsque les torches étaient allumées, celles-ci pouvaient être vues de très loin. Par contre, lorsqu’un mandataire partait vers une province lointaine, il ne pouvait informer que les régions qu’il pouvait atteindre en quinze jours[5]. Etant donné que la sanctification du premier jour du mois permettait de déterminer également la date des jours solennels –Yom Tov- les habitants de la lointaine Diaspora se retrouvaient certaines fois dans une situation de doute, d’où l’institution des deux jours de Yom Tov.

2/ La discussion talmudique sur l’opportunité des deux jours de Yom Tov après la fixation du calendrier perpétuel

A la suite de la première mishna du traité Betsa, traitant du statut d’un œuf pondu un jour de Yom Tov[6], un enseignement relie le cas originel à la problématique des deux jours de Yom Tov :

[En ce qui concerne] les deux jours de Yom Tov en Diaspora[7], Rav a dit : [un œuf] qui a été pondu le [premier jour de Yom Tov] est permis le [deuxième jour de Yom Tov]. Mais Rav Assi a dit : [un œuf] pondu [le premier jour] est interdit [le second].

Allons-nous dire que Rav Assi pense que [les deux jours de Yom Tov] sont une seule [et même période de] sainteté[8] ? Et pourtant Rav Assi ne prononçait-il pas la Havdala entre [le premier jour de] Yom Tov et le suivant ?[9]

[En fait], Rav Assi avait un doute [quant à considérer les deux jours de Yom Tov comme une seule période de sainteté ou non,] et [c’est pour cela qu’] il agissait de façon stricte dans les deux situations[10].

R. Zeira dit : Il est plus logique de dire comme Rav Assi [que l’œuf est interdit le second jour], car aujourd’hui nous savons fixer Rosh Hodesh[11], et pourtant nous faisons deux jours [de Yom Tov][12].

Abayé a dit : Il est plus logique de dire comme Rav, car nous avons appris dans une mishna : « A l’origine, on allumait des torches [de relais en relais, pour faire savoir aux gens quand Rosh Hodesh avait été sanctifié]. Quand les Cuthéens ont perturbé [ce processus. Les Sages] ont décrété que des messagers sortiraient [et iraient diffuser la nouvelle] »[13]. [On peut donc déduire de cette mishna que] si les Cuthéens étaient éliminés, on observerait un jour [de Yom Tov, car il serait alors possible de revenir au système de signalisation par les torches]. Et, partout où les messagers arrivaient [lorsque ce système était en vigueur], on observait un jour [de Yom Tov][14].

Et maintenant que nous savons quand Rosh ‘Hodesh est fixé, pour quelle raison observe-t-on les deux jours ?

Parce qu’ils nous ont envoyé de là-bas [le message suivant][15] : faites attention de garder la coutume de vos pères qui est entre vos mains, [car peut-être qu’] un jour une autorité [non-juive] promulguera un décret [interdisant l’étude de la Torah] et vous en viendrez à vous tromper [dans les méthodes de calcul permettant de déterminer la date exacte des jours de Rosh Hodesh et de Yom Tov].[16]

Dans ce passage talmudique, les Amoraïm tentent de comprendre leur propre système. Ils discutent d’une mishna expliquant les raisons de l’institution de deux jours de Yom Tov en ayant conscience que ces raisons ne peuvent plus s’appliquer à leur génération. En effet, R. Zéira déclare : « Aujourd’hui, nous savons fixer Rosh Hodesh ». Rachi explique qu’un mode de calcul fut mis en place en Babylonie, permettant de savoir avec certitude si la lune devait apparaître ou non le trentième jour[17]. A la suite du texte, les rédacteurs de la Guemara déclarent : « Et maintenant que nous savons quand Rosh Hodesh est fixé ». Il n’est plus question ici de mode de calcul, mais bien du calendrier qui fut institué à la fin de l’époque des Amoraïm. Il y aurait donc deux périodes distinctes auxquelles notre passage fait allusion : une première période précédant l’institution du calendrier, et une seconde à l’époque du calendrier institué par le Nassi Hillel II au 4ème siècle de notre ère[18]. On remarquera que le dernier argument de notre passage -la crainte que le mode de calcul soit oublié à cause des persécutions- se rapporte à la dernière affirmation faisant allusion au calendrier perpétuel.

Il convient maintenant d’analyser les différents avis en présence afin de comprendre pourquoi la Loi de la mishna ne fut pas abrogée à l’époque du Talmud.

A ) La « sainteté » du second jour de Yom Tov

A priori, la controverse opposant Rav à Rav Assi ne traite pas de la valeur du second jour du Yom Tov. Pourtant, leur désaccord concernant la possibilité de consommer le second jour un œuf pondu le premier jour de Yom Tov sera la base des raisonnements qui suivront. En effet, de leur débat les rédacteurs de la Guemara déduisent l’existence d’un problème de fond concernant la « sainteté » du second jour : « Allons-nous dire que Rav Assi pense que [les deux jours de Yom Tov] sont une seule [et même période de] sainteté ? ». A cette étape, nous voyons donc que Rav, qui pense que l’œuf peut être consommé le second jour, considère que ce jour d’institution rabbinique ne peut pas être comparé au premier jour, émanant de la Torah.

L’avis de Rav Assi est par contre moins certain : « Rav Assi avait un doute [quant à considérer les deux jours de Yom Tov comme une seule période de sainteté ou non] ». D’après Rachi, Rav Assi n’était pas sûr de l’intention des premiers Sages lorsqu’ils instituèrent les deux jours de Yom Tov :

S’agissait-il d’une ordonnance des Sages s’imposant [aux habitants] de Diaspora de génération en générations, [auquel cas] même si se multipliaient les Sages experts dans le calcul des mois, ils devraient [tout de même] observer les deux jours ? S’il en était ainsi, [le deuxième jour] serait une institution rabbinique [et les deux jours de Yom Tov seraient] comme un [seul] jour long. Ou alors, [les Sages] l’ont-il institué dans le doute, et l’un des deux [jours de Yom Tov se trouve être un jour] profane (…) ?[19]

Dans le traité Erouvin, la mishna présente une controverse similaire entre Rabbi Yéhouda et les Sages au sujet de la consommation de l’œuf le second jour de Yom Tov[20]. Rabbi Yéhouda déclare que l’œuf pourra être consommé même s’il est pondu le premier jour, alors que le reste des Sages considèrent qu’il sera interdit. Comme l’explique Rachi sur place, le fond de leur controverse concerne la valeur accordée au second jour[21]. C’est dans ce contexte qu’il faut comprendre le débat opposant Rav et Rav Assi : Le premier opte pour l’opinion de Rabbi Yéhouda, alors que le second préfère prendre en compte les deux opinions et user de sévérité afin de s’y conformer. Quant au fond du débat sur la valeur du second jour, il est dévoilé par Rachi dans son commentaire précité : Le jour supplémentaire découlait-il simplement du doute consécutif à la procédure des messagers ? Ou bien la mise en place de cette procédure sous-entendait-elle l’institution d’une nouvelle législation définitive pour tout ce qui concerne les dates des solennités de l’année ?

On remarquera donc que le doute prévalait sur cette question depuis l’époque des Tannaïm. Il n’y a pas en effet d’enseignement explicite concernant la sainteté des jours de Yom Tov. Les mishnaïot sur lesquelles se basent les discussions sur ce sujet concernent des aspects pratiques –la consommation de l’œuf- ou historiques –la mise en place de la procédure des émissaires[22]- mais aucun texte ne décrit la mise en place de l’institution du second jour de Yom Tov. Les doutes et controverses qui apparaissent dans le Talmud et chez les décisionnaires postérieurs[23] sont alors la conséquence de ce vide législatif dans la littérature des Tannaïm[24].

A la suite de notre passage, R. Zeira déclare suivre l’opinion stricte de Rav Assi en se basant sur la pratique observée à son époque, lorsque les modes de calcul permettaient déjà de déterminer avec certitude la date des solennités. En tout état de cause, il semble que le doute de Rav  Assi soit concrètement assimilable à la reconnaissance d’une seule et même période de sainteté pour les deux jours de Yom Tov. Certes, certains commentateurs expliquent que la preuve que R. Zeira cite à l’appui de l’opinion de Rav Assi ne porte que sur la dernière partie de l’enseignement de celui-ci, à savoir l’interdiction de l’œuf le second jour[25]. Pourtant, comme le remarque Rav Y. Mitrani (12ème-13ème siècle, Italie) l’opinion de Rav Assi rejoint en fin de compte l’avis d’autres Amoraïm agissant de façon stricte le second jour de Yom Tov car considérant les deux jours comme une seule et même période de sainteté[26].

B/ L’obligation de garder la coutume des pères

Abayé s’appuie sur une analyse de la mishna du traité Rosh Hashana pour conforter sa thèse, contraire à celle de R. Zeira. D’après lui, Rav a raison de considérer qu’un œuf pondu le premier jour de Yom Tov pourra être consommé le second jour. En effet, comme l’explique Rachi, les deux Amoraïm sont d’accord sur le fait que l’institution originelle était uniquement motivée par l’incertitude quant au jour exact de Rosh Hodesh[27]. Abayé déclare dans notre passage : « si les Cuthéens étaient éliminés, on observerait un jour [de Yom Tov, car il serait alors possible de revenir au système de signalisation par les torches]. Et, partout où les messagers arrivaient [lorsque ce système était en vigueur], on observait un jour [de Yom Tov] ». D’après cette lecture de la mishna, la mise en place du système des messagers apparaît comme une situation d’a posteriori non désirée initialement. Abayé remarque que le système de signalisation par les torches était bien plus efficace que celui des messagers. Il déduit alors que les Sages ayant décidé d’y mettre fin n’ont pas exclu la possibilité d’y revenir si « les Cuthéens étaient éliminés », c'est-à-dire, si l’obstacle à la pratique de ce système était écarté.

Peut-être pouvons nous comprendre l’intention d’Abayé à l’aide du commentaire de R. Ménahem Méiri (1249 –1310, Provence), connu simplement comme « le Méiri » :

(…) A Jérusalem [les habitants] n’observaient qu’un seul jour de [Yom Tov] ; et à l’époque à laquelle ils envoyaient des signaux d’un endroit à l’autre, même s’il y avait parmi eux des [habitants de provinces] très éloignées, ils savaient quand le mois était sanctifié [et] un seul jour était observé même en Diaspora. Puis même lorsque les Cuthéens ont perturbé le système de signalisation par les torches afin de les induire en erreur, et que [les Sages] instituèrent que des messagers sortent [diffuser la nouvelle de la sanctification du mois], partout où les messagers arrivaient, [les habitants] n’observaient qu’un seul jour. Par conséquent, même [les habitants des provinces] très éloignées n’observaient deux jours que dans le doute (…).[28]

Le célèbre commentateur provençal présente la mise en place progressive des deux jours de Yom Tov comme un cas de force majeure. Il souligne que l’observance d’un seul jour est la règle, l’observance d’un second jour l’exception. Par cette présentation, il soulève une question implicite : Si les Sages avaient prévu d’instituer le second jour pour les générations suivantes, pourquoi l’ont-ils limité uniquement aux lieux que les messagers ne pouvaient atteindre ? C’est à la lumière de cette interrogation qu’il faut alors comprendre les propos d’Abayé dans le Talmud : Les Sages ont été contraints de faire une exception dans les provinces éloignées de Jérusalem, mais cette exception n’était que temporaire. Aussi si le doute quant à la véritable date de Rosh Hodesh disparaissait dans ces endroits, la procédure des messagers n’aurait plus lieu d’être, et les habitants des provinces éloignées  se remettraient à n’observer qu’un seul jour de Yom Tov.

Dans la seconde controverse présentée dans notre passage, celle opposant R. Zeira à Abayé, les rédacteurs de la Guemara remarquent qu’une difficulté majeure subsiste dans l’argumentation du dernier. C’est donc en réaction aux propos d’Abayé que s’applique le questionnement du Talmud : « Et maintenant que nous savons que Rosh Hodesh est fixé, pour quelle raison observe-t-on deux jours [de Yom Tov] ? ». En réalité, cette question s’impose d’elle-même pour tout lecteur attentif : D’après l’opinion commune de Rav et d’Abayé, l’institution du second jour de Yom Tov aurait du automatiquement être annulée lors de la mise en place du calendrier perpétuel du Nassi Hillel[29]. Pourtant, les questions posées au sujet de la consommation le second jour de l’œuf pondu le premier jour de Yom Tov montrent qu’il n’en était rien. En effet, même d’après ceux qui autorisent de consommer cet œuf le second jour, il ressort que le second jour était bel et bien observé car dans le cas contraire, la question n’aurait pas eu lieu d’être[30] !

Aussi la Guemara répond-t-elle qu’un message fut envoyé par les Sages de la terre d’Israël à ceux de Babel leur enjoignant de conserver  l’observance du second jour même si les raisons initiales n’existaient plus. Le pragmatisme des Sages est une nouvelle fois à l’origine de cette décision. En effet d’après eux, si les règles de calcul permettant d’écarter toute erreur dans le calendrier sont connues pour l’instant, rien ne garantit que cela soit toujours le cas.

Le message envoyé aux Sages de Babylonie paraît donc être avant tout un conseil de prudence. Pourtant, c’est bien ce « message » qui explique que les communautés juives orthodoxes observent aujourd’hui encore ce second jour de Yom Tov. Toute la problématique  provient du contenu du message envoyé à Babel : « faites attention de [garder] la coutume de vos pères qui est entre vos mains »[31]. D’un côté il ressort de cette formulation que l’observance du second jour relève du minhag –coutume- mais de l’autre, le ton du message ressemble à une  injonction. Les questions que vont se poser les Rishonim sur ce sujet vont donc se centrer principalement sur la « valeur » du message envoyé par les Sages de la terre d’Israël : S’agit-il d’un décret ayant valeur d’obligation légale, ou bien du simple conseil de respecter un ancien minhag dépourvu de ses motivations originelles ?

3/ Le second jour de Yom Tov : Coutume ou décret[32] ?

A/ Les avis des Rishonim sur la valeur du second jour de Yom Tov

A propos d’une discussion sur les jours de Yom Tov dans lesquels la prière du Hallel[33] doit être récitée entièrement, Rabbénou Tam[34] écrit que même si « le second jour de Yom Tov n’est rien d’autre qu’un minhag, on récite [pourtant] la bénédiction [du Hallel] »[35]. Le Tossafiste considère le second jour de Yom Tov de cette manière car il se base sur la lecture du passage du traité Betsa : « faites attention de garder la coutume de vos pères »[36]. Il ne considère donc pas le message des Sages de la terre d’Israël comme une injonction obligeante, mais uniquement comme un conseil. L’unique indication halakhique découlant de ce message est donc d’après Rabbénou Tam la valeur de  minhag accordée au second jour de Yom Tov.

D’autres Rishonim lisent par contre le passage du traité Betsa d’une manière différente, à l’image du Méiri. Ainsi, dans son commentaire sur le traité Souka[37], ce dernier écrit que la bénédiction prononcée avant la lecture du Hallel le second jour de Yom Tov s’explique car son observance relève du « minhag derekh takana », c'est-à-dire d’une coutume ayant valeur de décret. On constatera tout de même que le Méiri ne classe pas explicitement ce jour en tant qu’obligation rabbinique, et continue  à employer le terme de « minhag ». L’expression employée sous-entend par contre que ce minhag n’est pas assimilable aux autres car l’importance qui lui fut accordée explicitement par les Sages lui donna une force obligatoire exceptionnelle par rapport aux « simples » coutumes.

Maïmonide quant à lui s’écarte davantage de l’appréciation de Rabbénou Tam et parle clairement d’une « Takanat Hakhamim », c'est-à-dire d’un décret des Sages :

A notre époque à laquelle ni le Sanhédrin ni aucun tribunal en terre Israël ne fixe ce compte [des mois], la stricte loi aurait voulu qu’un seul jour [de Yom Tov] soit observé partout comme en Israël, même dans les endroits les plus éloignés de la terre d’Israël. [En effet de nos jours] tous se basent sur le même compte [pour fixer le calendrier]. Toutefois il s’agit d’un décret des Sages / takanat Hakhamim [que les habitants de Diaspora] fassent attention [de garder] la coutume de leurs pères qui est entre leurs mains [en observant tout de même le second jour de Yom Tov][38].

Il ressort donc des paroles du Rambam que le message dont il est question dans le traité Betsa serait en fait un décret, une « takana ». Certes, il est également question d’un minhag, mais l’obligation de le respecter imposée par les Sages prend le dessus sur l’obligation générale de respecter les minhagim[39]. Toutefois, force est de constater que cette formulation du Rambam n’a pas de grandes incidences sur la Halakha d’après sa pensée légale. En effet, il écrit par ailleurs : « Si un tribunal a émis une guezéra, institué une takana[40] ou établi un minhag, et que la chose s’est appliquée en Israël, et qu’après lui se lève un autre tribunal désirant annuler la première chose, déraciner cette takana, cette guezéra ou ce minhag, il ne peut le faire à moins d’être plus grand que le précédent en nombre et en sagesse[41] (…) »[42].

Aussi même si le Rambam avait le même avis que Rabbénou Tam sur la valeur de l’institution du second jour, cela ne signifierait pas pour autant qu’il considérerait sa modification comme étant chose aisée. D’ailleurs on remarquera que même si Rabbénou Tam considère le second jour comme un « simple minhag » il n’est pas question pour lui de le remettre en cause. Au contraire, le Sage du Moyen-âge pense qu’il convient de réciter la bénédiction sur la récitation du Hallel en ce second jour, à l’instar des obligations d’ordre rabbinique[43]. Or, d’après le Talmud il convient lors de la récitation d’une bénédiction précédant un commandement d’ordre rabbinique de prononcer la formule : « Béni es-Tu Eternel qui nous a ordonné de (…) ». A priori, cette formulation parait étonnante car l’ordre lui-même provient des Sages et non directement de Dieu. La Guemara répond qu’étant donné que la Torah enjoint de suivre les recommandations des Sages, tout ordre émanant d’eux est comparé à un ordre divin[44]. Dès lors, nous voyons que d’après Rabbénou Tam, le « simple minhag » du second jour de Yom Tov est tout de même assez important pour que soit prononcée en ce jour la formule « Béni es-Tu Eternel qui nous a (…) ordonné de prononcer le Hallel » alors même que cet « ordre » n’est que la conséquence de la mise en place d’une coutume par les Sages.

B/ La gravité de la transgression du second jour de Yom Tov dans la Halakha

Le traité Pessahim du Talmud de Babylone rapporte qu’un certain Sage transgressa le second jour de Yom Tov et fut châtié par un châtiment corporel infligé par Rav Yossef. Après avoir présenté une courte discussion entre ce dernier et Abayé, la Guemara conclut en rapportant l’enseignement de Rav et Shmoël selon lequel toute personne qui transgresse le second jour de Yom Tov doit être frappée de nidouï –bannissement de la communauté-. Seuls les Sages qui transgresseraient les interdictions relatives à ce jour seraient passibles d’une sanction physique[45].

Il ressort des commentaires de Rachi et du Rav I. Elfassi –plus connu sous l’acronyme « Rif »[46]- que la sanction infligée au Sage est moins sévère que le nidouï. En effet, la « bastonnade » infligée au Sage n’était pas une procédure publique à l’inverse du bannissement, considéré comme particulièrement infamant[47]. Le Talmud enseigne donc que la transgression du second jour de Yom Tov est frappé de la peine de nidouï, une sanction si terrible que les Sages refusèrent de l’infliger à leurs confrères, « afin que l’honneur de la Torah [qu’ils représentent] soit sauvegardée »[48].

Se basant sur un enseignement du traité Berakhot du Talmud de Babylone[49], Maïmonide établit dans le Mishné Torah une liste de vingt-quatre transgressions des commandements rabbiniques dont la sanction est la peine de nidouï. Cette sanction n’étant pas apposée sur toutes les transgressions de commandements rabbiniques, mais uniquement sur ces vingt-quatre cas, on en déduit logiquement que les interdictions visées sont considérées comme empruntes d’une gravité exceptionnelle. Parmi les infractions mentionnées, le Rambam comptabilise la violation du second jour de Yom Tov :

[Est passible de la peine de nidouï] celui qui profane le second jour de Yom Tov même s’il ne s’agit que d’un minhag[50].

Rav A. H. Botton (1560-1605), l’auteur du commentaire sur le Mishné Torah, le Léhém Mishné, s’interroge sur l’emploi du terme « minhag » à propos du second jour de Yom Tov. En effet, comme nous l’avons vu précédemment, le Rambam considère que l’obligation de respecter la solennité de ce jour est le fait d’une takana, c'est-à-dire d’un décret émanant  des Sages[51]. Le Rav Botton explique donc pour dénouer cette contradiction interne au Rambam que ce dernier pense bel et bien que l’institution du second jour est une obligation rabbinique, mais qu’il la nomme ici « minhag » car elle trouve sa source dans la « coutume des pères » comme cela est expliqué dans le traité Betsa[52].

R. Méir Simha de Dvinsk (1843-1926, Lituanie) explique quant à lui les propos du Rambam de la manière suivante : « [Est passible de la peine de nidouï celui qui profane le second jour de Yom Tov même s’il ne s’agit que d’un minhag] c'est-à-dire, [même] aujourd’hui alors que nous sommes compétents sur le calcul des mois »[53]. Cette explication prend tout son sens lorsque mise en rapport avec le contexte initial de la halakha du Rambam, c'est-à-dire, la discussion des amoraïm rapportée dans le traité Pessahim. Il y est en effet enseigné : « Rav et Shmoël disent tous deux [que celui qui profane] les deux jours de Yom Tov est mis en nidouï / à l’index »[54]. Il est important de rappeler que l’un des deux enseignants mentionnés ici –« Rav »- considère par ailleurs dans le traité Betsa qu’un œuf pondu le premier jour de Yom Tov peut être consommé le second car les Sages ne lui ont pas attribué une sainteté particulière. Les rédacteurs de la Guemara déduisaient logiquement de ses propos que selon lui, le second jour de Yom Tov aurait du être complètement annulé une fois le calendrier fixé définitivement si les Sages d’Israël n’avaient pas demandé aux juifs babyloniens de conserver le « minhag de leurs pères »[55]. Or, nous voyons ici dans le traité Pessahim que Rav considère que la transgression de l’injonction de conserver ce minhag est punissable de la peine de nidouï, même si sa raison d’être a complètement disparu.

La même constatation peut être faite par rapport à Abayé qui partage l’avis de Rav dans le traité Betsa. En effet, l’amora qui cite l’enseignement de Rav et Shmoël dans le traité Pessahim n’est autre qu’Abayé. Par conséquent, Rav et Abayé soutenant que l’institution du second jour de Yom Tov ne reposait à leur époque que sur un minhag soutenaient par ailleurs que l’obligation de conserver cette pratique était de première importance.

R. Botton et R. M.S de Dvinsk tentaient initialement de comprendre pourquoi le Rambam présente la sanction de nidouï le second jour de Yom Tov en précisant que l’institution de ce jour en tant que solennité est un minhag. A priori, cette précision n’était pas nécessaire, premièrement car il n’y a rien d’exceptionnel dans la littérature rabbinique à ce qu’un minhag ait une force obligatoire[56] ; et deuxièmement car le texte du traité Pessahim sur lequel se base Maïmonide ne rapporte pas cette précision. Aussi comprennent-ils que cette formulation permet de mettre l’accent sur la nécessité de respecter la « coutume des pères » même si la raison a disparu. Malgré tout, le minhag est placé au même niveau que les interdits d’ordre rabbinique frappés de nidouï.

C’est également dans cet esprit qu’il faut comprendre les propos des deux célèbres codificateurs R. Yaakov Ben Asher (1270-1340) et R. Yossef Karo (1488-1575) :

Tour : Et pour nous, qui observons deux jours de Yom Tov, tout [travail] interdit le premier [jour] l’est également le second[57].

Shoulkhan Aroukh : En Diaspora, où l’on observe deux jours de Yom Tov à cause du doute, tout [travail] interdit le premier [jour] l’est également le second[58].

R. Yossef Karo dans son commentaire sur le Tour, le Beit Yossef, indique explicitement que R. Y. Ben Asher déduit cette loi directement de l’enseignement du traité Pessahim relatif à la mise en nidouï de celui qui transgresserait le second jour de Yom Tov[59]. On peut en effet déduire des mots du Talmud que la volonté des Sages est que l’observance du second jour soit similaire à celle du premier, puisque Rav et Shmoël déclarent punissable tout celui qui transgresserait « les deux jours de Yom Tov ». Cette formulation, dont l’objectif premier est de souligner l’importance du respect du second jour, montre donc accessoirement que son observance doit être calquée sur celle du premier. Ainsi selon le Shoulkhan Aroukh, même si quelques permissions existent le second jour en raison de son statut inférieur[60], la règle générale est qu’il existe une obligation de respecter les interdits du premier jour.

4/ Réflexion sur les motivations profondes de l’institution de Yom Tov Shéni  

Dans son commentaire sur le Shoulkhan Aroukh au sujet de l’obligation de respecter les lois de Yom Tov le second jour, le Rav Israël Meïr Kagan (1838-1933) écrit dans son ouvrage, le Mishna Beroura :

Et bien qu’aujourd’hui nous sommes compétents dans la fixation des mois selon le calendrier qui est entre nos mains, de toute manière les Sages ont craint que le mode de calcul soit oublié à cause de toutes les souffrances et errances de le Diaspora, et qu’on en vienne [à se tromper et à compter un mois] plein [de 30 jours] comme étant restreint [29 jours], ou [à se tromper et à compter un mois] restreint [de 29 jours] comme étant plein [30 jours] et qu’on en vienne à manger du Hamets à Pessah. Et par rapport à cela [les Sages] ont laissé la situation en Diaspora telle qu’elle était dans les jours anciens[61].

Il ressort de ce commentaire que la raison initiale avancée par la Guemara est reprise telle quelle au début du 20ème siècle par le décisionnaire le plus respecté de son époque. D’après plusieurs Aharonim dont R. Moshé Sofer, le « Hatam Sofer » (1762-1839), cette raison est essentielle car s’il n’était question uniquement de la « coutume des pères », l’institution aurait été annulée depuis longtemps[62]. En effet, dans son commentaire sur le traité Betsa, le Hatam Sofer écrit qu’étant donné que le minhag ne s’était pas étendu dans tout Israël, n’importe quel tribunal aurait pu l’annuler si sa raison avait disparue[63].

Ces deux sommités du monde orthodoxe considéraient donc qu’il existait encore un risque que le compte des mois soit oublié à cause des tribulations des juifs en Diaspora. On peut s’étonner de cette crainte : Plus d’un millénaire et demi après l’injonction des Sages d’Israël envers ceux de Diaspora, l’Histoire a pourtant montré qu’aucune persécution n’a eu pour conséquence l’oubli de ce calcul. De plus, nous remarquons que même la « Shoah », qui était une persécution organisée à grand échelle n’a pas remis en cause le calcul des mois. Enfin, avec le développement de l’outil informatique à la fin du 20ème siècle, des calendriers perpétuels se sont transformés en fichiers électroniques éparpillés aux quatre coins de la planète.  Dans ce contexte, il parait quasiment improbable d’imaginer que le mode de calcul soit oublié, même si d’autres persécutions à grande échelle se développaient.

Dès lors, il parait légitime de se demander : Pourquoi la Halakha n’a-t-elle pas évolué sur ce point dans le monde orthodoxe ; et serait-il légalement possible pour les décisionnaires du 21ème siècle de « supprimer » ce second jour de Yom Tov ?

Certes, certains responsables du mouvement réformé « conservative » -ou « massorti »- ont émis des avis allant dans le sens de la cessation de l’observance du second jour de Yom Tov. Toutefois les arguments légaux avancés avaient surtout pour but de légitimer une pratique déjà répandue dans le mouvement réformé américain : l’observance d’un seul jour au lieu de deux jours de Yom Tov. En effet, alors que certains de leurs collègues concluaient leurs papiers en considérant que la valeur de « décret » du second jour le rendait inamovible, Philipe Sigal et Abraham J. Erlich déclarèrent que la valeur de « minhag » lui étant accordée permettait d’annuler cette solennité[64]. Or, comme cela a été démontré ci-dessus, les mêmes amoraïm considérant que l’observance du second jour se basait sur un minhag considéraient par ailleurs que sa transgression était passible de nidouï/ bannissement.

Sigal et Erlich supposaient également qu’une des raisons profondes de la différence de pratique entre le territoire d’Israël et la Diaspora était la mainmise de Jérusalem sur les autres territoires[65]. Or, la raison avancée explicitement dans le Talmud –la crainte que le compte des mois soit oublié- était sensée expliquer pourquoi Rav et Abayé continuaient à observer deux jours de Yom Tov alors que la raison initiale avait disparu. Etant donné que ces deux derniers Sages évoluaient en Babylonie qui était un centre autonome de Torah, ils auraient très bien pu décider de ne pas se fier aux anciennes recommandations des Sages de Jérusalem si la logique leur avait paru dépassée.

Enfin, les deux auteurs américains avançaient qu’à une époque où le calendrier est fixé définitivement, il n’y a plus aucune raison de considérer comme valable le raisonnement avancé dans le Talmud[66]. Cet argument est surprenant, car comme expliqué plus haut dans ce travail, l’étonnement de la Guemara sur la conservation du minhag se comprenait à la lumière de l’institution du calendrier perpétuel par Hillel[67]. De plus, la prolifération des moyens informatiques dans les années 60 –lorsque fut écrit cet avis- n’était pas vraiment plus importante qu’à l’époque de l’auteur du Mishna Beroura pour être davantage certains que les calendriers ne pourraient être perdus.

Le véritable motif qui a donc mené Sigal et Erlich à tirer la conclusion que le second jour de Yom Tov n’avait plus sa place dans le système halakhique est annoncé au début de leur article. En effet, leur papier commence par un constat de la situation américaine dans les années 60. Il y est ainsi décrit la difficulté d’observer ce second jour pour les travailleurs et les élèves fréquentant l’école publique. Leurs conclusions résumées ci-dessus sont donc davantage une tentative de légitimer l’abandon d’une pratique qui dérange, qu’un avis s’appuyant sur des considérations halakhiques.

Malgré tout, la question posée précédemment sur le motif profond du minhag  actuellement en vigueur subsiste. Le Rav M.S de Dvinsk, dans son ouvrage Meshekh Hokhma, s’interroge sur la pertinence de la raison avancée dans la Guemara, et sur laquelle tous les décisionnaires se sont basés jusqu’au Michna Beroura : La crainte que le calendrier ne soit oublié. Logiquement, écrit le Rav de Dvinsk, cette crainte aurait du également exister pour la terre d’Israël, et non uniquement pour les communautés de Diaspora.

Aussi répond-t-il dans un premier temps d’une manière technique, en expliquant que du fait que le minhag ait perduré en Diaspora même après que la procédure des témoins ait perdu son utilité, celui-ci fut maintenu. A l’inverse en terre d’Israël où l’observance des deux jours n’existait pas à l’époque des « témoins », il n’était donc pas question de « coutume des pères ». Il n’y aurait donc, d’après cette explication aucune raison légale pour observer deux jours en terre d’Israël, à la différence de la Diaspora, où la pratique trouve sa légitimité dans le « minhag ».

Cependant pour l’auteur, cette explication n’explique en rien la raison profonde de l’observance des deux jours de Yom Tov en Diaspora. Partant du principe rapporté au nom du Gaon de Vilna, selon lequel les décrets des Sages contiennent des motifs non dévoilés, l’auteur du Meshekh Hokhma suppose que la raison mentionnée dans le traité Betsa n’est pas la seule explication au maintien des deux jours. Se basant alors sur les propos de Maïmonide, selon lesquels le temple et le Sanhédrin seront rétabli à Jérusalem avant la venue du Messie, il déduit que les Sages auraient volontairement laissé la situation telle qu’à l’époque de la Mishna afin que la procédure des témoins soit rapidement retrouvée dès que le Temple de Jérusalem sera reconstruit[68].

On pourrait opposer à cette démonstration que la mishna du traité Rosh Hashana commence en rappelant que la « procédure des torches » était la première en vigueur à l’époque du Temple afin de déterminer le nouveau mois[69]. Or, cette procédure permettait de n’observer qu’un seul jour de Yom Tov à Jérusalem comme en Diaspora. Dès lors, même en acceptant le principe que les Sages aient pu établir un rapport entre la reconstruction du Temple et l’observance des deux jours, on ne  comprend pas bien en quoi cela expliquerait précisément le maintien des deux jours mis en place en même temps que la « procédure des envoyés ». En effet, cette dernière était à l’origine une solution d’a posteriori comme le souligne le Talmud dans le traité Betsa[70].

Toutefois, l’idée d’une raison autre que celle mentionnée dans le Talmud ne doit pas être rejetée car elle pourrait permettre de saisir pourquoi les Amoraïm insistèrent tant sur la sanction de l’inobservance du minhag de Yom Tov shéni. Une piste forte intéressante se retrouve dans le Midrash sur le Cantique des cantiques :

L’assemblée d’Israël a dit devant le Saint Béni Soit-Il : « J’observe deux jours de Yom Tov en Diaspora car je n’ai pas observé correctement l’unique jour de Yom Tov en terre d’Israël. Je pensais que j’obtiendrai un double salaire par rapport aux deux jours, mais je ne reçois le salaire que d’un seul ». Rabbi Yo’hanan récitait à ce sujet [le verset suivant] : « Et Moi aussi, Je leur ai donné des lois dépourvues de bénéfice/ ‘houkim lo tovim (…) » (Ezéchiel 20, 25)[71].

Il ressort de ce midrash que ses rédacteurs percevaient le second jour de Yom Tov comme une sanction. Au-delà des difficultés que présente ce texte[72], une idée essentielle apparaît : le second jour de Yom Tov fut institué après la formation des communautés de Diaspora.

L’exil de la terre d’Israël est considéré dans la littérature biblique comme la conséquence de la destruction du Temple, provoquée par les fautes du peuple[73]. Lors de la reconstruction du second Temple, le Livre de Néhémie relate avec moult détails les embûches provoquées par les Samaritains afin de gêner les travaux[74]. Il est fort probable que la gêne occasionnée par ces derniers au sujet de la « procédure des torches » date de cette époque, c'est-à-dire, tout au plus du début de la période du second Temple.

Dès lors, en plus des raisons légales de la mise en place du second jour de Yom Tov, celui-ci aurait permis de rappeler dès le début de la période du second Temple qu’il existe une différence entre la vie en terre d’Israël et la vie en Diaspora. Le texte du Deutéronome montre avec force que l’Exil est uniquement une situation d’a posteriori causée par les fautes du peuple : « L’Eternel les a rejetés de leur terre, en colère, en fureur, en courroux, et les a jetés dans un autre pays, comme en ce jour »[75]. Ce verset, s’inscrivant dans les malédictions inscrites dans la Torah insiste sur le fait que l’Exil fait partie de ces malédictions. Aussi les lois qui s’y appliquent spécifiquement peuvent-elles être appelées « des lois dépourvues de bénéfice » selon les termes du verset d’Ezéchiel cité par le midrash.

L’idée n’est pas de stigmatiser les habitants de Diaspora par rapport à ceux vivant en terre d’Israël, mais de pointer du doigt l’existence même de la Diaspora. Peut-être les Sages ne désiraient-ils pas mettre en place une uniformisation des solennités juives afin de ne pas laisser croire que l’Exil est une situation d’a priori. Dans cet esprit, l’institution du second jour de Yom Tov aurait donc permis de montrer aux habitants de Diaspora comme à ceux de la terre d’Israël que les conséquences de la destruction du premier Temple se ressentent constamment. La conséquence en l’espèce, était la dispersion des juifs à travers le monde. Il fallait donc que le second jour de Yom Tov soit perçu comme une sanction ; comme une pénalité s’appliquant à tous les juifs, de l’Inde à l’Ethiopie, permettant de rappeler que l’Exil n’est pas dans son essence un état agréable.

Dans ces conditions, les Sages prirent toutes leurs précautions pour que le second jour de Yom Tov ne puisse pas être annulé par des moyens légaux, même en l’absence de sa raison initiale. C’est donc ainsi qu’ils décidèrent de mettre à l’index toute personne profanant cette solennité afin d’insister sur l’importance de conserver ce minhag,  dont l’annulation remettrait en cause la séparation voulue entre Jérusalem et la Diaspora.

           

 

[1] TB Rosh Hashana 22b.

[2] Ibid. Mishna traduite et explicitée dans l’édition Art Scroll du traité Rosh Hashana, p.22b4.

[3] En 722 avant notre ère, le royaume d’Israël est détruit par l’Assyrie, sa population, formée de dix tribus, est déportée. Le roi d’Assyrie transplante alors dans l’ancien royaume du Nord, des Babyloniens, des Kouthéens et des Araméens. On appelle cette population « Samaritains ». Ils adoptent une partie de la Loi écrite d’Israël tout en gardant leurs propres divinités (voir Marianne Picard, Juifs et Judaïsme, Pacej, 1987, 2e édition, Paris 1990, p.41). Leur histoire est contée dans le second livre des Rois (17, 24-41). Dans cet épisode biblique, les peuples païens déportés en Israël furent attaqués par des lions, parce qu’ils n’observaient pas la « Loi du Dieu du pays », autrement dit, la loi juive. A la suite de quoi ils se convertirent au judaïsme tout en restant attachés à leur culte idolâtre.

Le Talmud (TB Kétouvot 29 a) rapporte une discussion rabbinique sur la valeur légale de leur conversion. Certains les considèrent comme de vrais prosélytes, mais d’autres pensent qu’ils n’étaient que des « convertis des lions », leur pseudo-conversion n’étant qu’une réaction de peur devant les attaques des lions, sans aucune valeur ; d’après cette dernière opinion, ils n’étaient pas vraiment juifs (voir également sur le sujet TB Sanhédrin 85 b ;  Tossfot sur Yébamot 24b. et ‘Houlin 3b.).

[4] Au sujet de l’acceptation du témoignage des témoins et des modalités de la « sanctification » du mois, voir TB Rosh Hashana 23b-26a.

[5] Rachi, commentaire sur TB Betsa 4b, s.v « massiin massouot » et « shéiou shlouhim yotsim ».

[6] « Un œuf qui a été pondu Yom Tov, Beit Shamaï disent : il est permis de le consommer [pendant Yom Tov]. Mais Bet Hillel disent : il est interdit de le consommer [pendant Yom Tov] (…) » (M Betsa 1, 1). Cet enseignement traite des lois du « Nolad » -littéralement : « qui vient de naître »-  qui est une catégorie spéciale dans les règles de « mouktsé» (à propos des différentes catégories d’objets « mouktsé » -c'est-à-dire ne pouvant pas être déplacés Shabbat- voir R. Israël M. Kagan, Michna Broura, Méirat Enaïm HaMénoukad, Mifal Shoné Halakhot, 2007; première édition Radin, 1907, Introduction au chapitre 308, p.104b). Les objets qui ont pour la première fois atteint leur état actuel d’utilisation pendant Yom Tov sont considérés comme « Nolad ». Puisqu’ils ne pouvaient pas être préparés pour être utilisés en ce jour, ils sont considérés comme « mouktsé ». Un œuf nouvellement pondu rentre dans cette catégorie, puisqu’il n’existait pas au début du Yom Tov (d’après le commentaire de l’édition Art Scroll du traité Betsa, p.2a, note 19).

[7] Comme nous l’avons vu supra (voir p. 2, note 5), l’institution des deux jours de Yom Tov concernait exclusivement la Diaspora, puisque seuls les habitants des provinces étaient susceptibles d’avoir un doute quant à la date exacte du jour (voir p. 2, note 5).

[8] Voir infra l’explication de cette question (pp.4-5).

[9] La Havdala est la bénédiction que l’on prononce après la sortie de Shabbat ou de Yom Tov ; elle exprime la transition entre les jours solennels et les jours de semaine « ordinaires » (d’après le commentaire de l’édition Art Scroll du traité Betsa, p.4b2, note 20). Voir infra l’explication de cette question (pp.5-6).

[10] Rav Assi se montrait plus strict quant à la récitation de la Havdala, puisqu’il  agissait comme si le second jour était profane. Il est question ici de « sévérité » car Rav Assi accomplit un acte –la récitation de la Havdala- qu’il aurait pu s’abstenir d’accomplir s’il avait considéré avec certitude que le second jour de Yom Tov était également un jour solennel. D’un autre côté, il se montrait plus strict en interdisant l’œuf pondu le second jour de Yom Tov, alors qu’il aurait pu l’autoriser s’il avait considéré avec certitude que le second jour de Yom Tov était profane.

[11] Voir infra, pp.6-8

[12] R. Zeira insinue que les deux jours de Yom Tov sont une institution perpétuelle des Sages perdurant même en l’absence de sa motivation initiale. Voir infra une réflexion plus détaillée sur cette idée (pp.4-6).

[13] TB Rosh Hashana 22b, voir supra (p.1).

[14] La mishna indique donc que les deux jours de Yom Tov n’étaient pas considérés « rabbiniquement » comme une seule et même période de sainteté pour toutes les générations à venir, mais qu’en fait ils avaient été établis à cause de l’incertitude liée à la date exacte de Rosh Hodesh. Cette mishna constitue donc une preuve pour Rav. En effet, la règle indulgente enseignée par ce dernier à propos de l’œuf pondu le second jour découle du fait qu’en réalité, l’un des deux jours n’était pas un Yom Tov (d’après le commentaire de l’édition Art Scroll du traité Betsa, p.4b3, note 33). A l’écoute de cet enseignement d’Abayé, les rédacteurs du Talmud vont tout de suite se demander comment Rav peut-il faire concorder son argument avec le fait qu’un calendrier perpétuel était déjà établi à son époque. En effet d’après son argumentation, les deux jours de Yom Tov auraient dû être abolis, or tel n’était pas le cas.

[15] C'est-à-dire que les Sages d’Israël -qui eux n’observaient qu’un jour de Yom Tov- ont envoyé ce message aux Sages de Diaspora afin de les inciter à conserver les deux jours malgré la disparition de la motivation initiale.

[16] TB Betsa 4b (d’après la traduction de l’édition Art Scroll du traité Betsa, p.4b2-4b3).

[17] Rachi, commentaire sur Ibid., s. v. « kayam ».

[18] Voir R. M. Holder, History of the Jewish People from Yavneh to Pumbedisa, Mesorah Publications ltd, 1994, première édition 1989, pp.184-185 et M. Picard, Juifs et Judaïsme, Tome 2, Biblieurope, p.52.

[19] Rachi, commentaire sur Ibid., s. v « méssapéika lé ». Traduit de l’hébreu.

[20] TB Erouvin 39a.

[21] Rachi, commentaire sur Ibid., s. v. « vélo hodou ».

[22] TB Roch Hachana 22b, voir supra p.1.

[23] Voir infra p.8s.

[24] Ce qui n’est pas le cas pour l’institution du second jour de Rosh Hashana, voir TB Betsa 5.

[25] Voir le commentaire de l’édition Art Scroll du traité Betsa, p.4b3, note 25. En effet, Rabbi Zeira ne serait pas d’accord avec R. Assi sur la prononciation de la Havdala entre le premier et le second jour de Yom Tov (voir supra p.2).

[26] R. Y. Mitrani, Tossfot Rid, commentaire sur TB Betsa 4b, s. v. « vé Rav Assi amar ». Les avis rapportés par l’auteur sont ceux mentionnés dans le traité Erouvin (voir supra p.5, note 20).

[27] Rachi, commentaire sur Ibid. s. v. « kévatéi déRav ». Abayé et Rav considéraient donc que l’intention des Sages n’était pas de fixer l’institution des deux jours de Yom Tov pour les générations à venir.

[28] R. M. Méiri, Beit HaBehira, Hidoushim al HaShass, commentaire sur TB Betsa 4b.

[29] Voir supra p.4.

[30] D’ailleurs la double controverse entre Rav et Rav Assi, puis entre Rabbi Zeira et Abayé est rapportée dans le Talmud parmi deux autres cas dans lesquels Rava  -Amora postérieur- tranche la Halakha selon l’opinion de Rav face à ses interlocuteurs (TB Betsa 4b et 5b : « amar Rava hilkhatéi kavatéi déRav (…) »). Il semble donc que lorsque le Talmud présente la controverse, celle-ci est déjà tranchée selon l’opinion de Rav qui considère que les deux jours de Yom Tov n’ont pas la même sainteté. Malgré cela, l’institution du second jour de Yom Tov semble toujours perdurer.

[31] Voir également TJ Erouvin 3, 9 : « Rabbi Yossi a écrit aux habitants de la Diaspora : Même si les Sages de la terre d’Israël ont fixé le calendrier des solennités, ne changez rien au minhag de vos pères (…) ».

[32] Il faut établir une distinction entre les guezérot, qui sont des décrets institués afin d’établir une « barrière » de protection vis-à-vis des interdits de la Torah et les Takanot, qui sont des institutions plus générales, dont l’objectif premier n’est pas forcément d’établir une « barrière ». Par commodité, j’emploierai dans cet article le mot général de « décret », car la nuance entre les deux concepts ne porte pas à conséquence en l’espèce. Toutefois, pour un approfondissement de la différence entre Guezéra et Takana, voir Encyclopédie Talmudique Tome 5, « guezéra », pp.529-540.

[33] « Hallel » signifie « Louange », la récitation du Hallel correspond à la lecture d’un certain nombre de Psaumes lors des différentes solennités du calendrier hébraïque. Voir TB Pessahim 117a-119a et R. Elie Munk, Le Monde des Prières, C.L.K.H, Paris, édition de 2001. Première publication : Paris 1958 , pp.279-282.

[34] R. Yaakov Ben Meïr (12ème siècle, Ramerupt-Troyes). Rabbénou Tam fait partie des Tossafistes, auteurs de commentaires imprimés dans toutes les éditions du Talmud.

[35] Rapporté dans Tossfot, commentaires sur TB Berakhot 14a, s. v. « yamim » et sur TB Souka 44b, s. v. « kan baMikdash » ; Voir également le commentaire du Ran sur Ibid., s. v. « itamar Rabbi Yohanan ».

[36] Commentaire sur TB Souka 44b, Ibid.

[37]R. M. Méiri, Beit HaBehira, Hidoushim al HaShass, commentaire sur Ibid.

[38] Rambam, Mishné Torah, Hilkhot Kidoush HaHodesh  5, 5. Traduit de l’hébreu.

[39] Au sujet de l’obligation de respecter les minhagim, voir Yalkout Shimoni, commentaire sur Proverbes 22, 28 ; TB Pessahim 50b ; TB Houlin 93b ; Tour Or Ha ‘Haïm 455 et 651 ; Mishna Beroura 468, 11 ; etc.…

[40] Voir supra, note 32.

[41] Les modalités d’annulation d’un décret doivent être l’objet d’un autre développement.  

[42] Ibid., Hilkhot Mamrim 2, 2. Traduit de l’hébreu.

[43]Voir commentaire de Tossfot sur TB Souka 44b, s. v. « kan baMikdash ».

[44] TB Shabbat 23a se basant sur Deutéronome 17, 11 et 32, 7. Voir Rachi sur TB Shabbat 23a, s. v. « milo tassour » et  Rambam, Mishné Torah, Hilkhot Berakhot 11, 3. Pour un exposé des différentes interprétations de l’interdiction de s’écarter des paroles des Sages, voir R. Elie Munk, La Voix de la Torah, 5 volumes, fondation Odette S. Lévy, 1976, Le Deutéronome, pp.164-166.

[45] TB Pessahim 52 a.

[46] R. I. Elfassi, Fez/Espagne, 1013-1103

[47] Voir les commentaires de Rachi sur TB Pessahim 52a, s. v. « mémino » et  du Rif, Hilkhot Rav Elfass, 149 b., commentaire sur Ibid.

[48] Rachi, op. cit.

[49] TB Berakhot 19a.

[50] Rambam, Mishné Torah, Hilkhot Talmoud Torah, 6, 14, cas n°11.

[51] En l’espèce, l’auteur du Léhem Mishné ne compare pas l’emploi de ce terme avec celui de « takana » employé par le Rambam dans Mishné Torah, Hilkhot Kidoush HaHodesh  5, 5, mais avec l’emploi du terme « divréi sofrim » -indiquant de manière générale les obligations d’ordre rabbinique- employé dans Ibid., Hilkhot Yom Tov 1, 22 : « Tout ce qui est interdit le premier jour de Yom Tov est également interdit le second même s’il s’agit d’une obligation d’ordre rabbinique /divréi sofrim ».

[52] TB Betsa 4b, voir supra p.4. Il semblerait donc que le Rav Botton comprenne que Maimonide considère que le second jour a la valeur d’un « minhag derekh takana /coutume ayant valeur de décret» à l’instar du Méiri (voir supra p.9).

[53] R. Méir Simha HaCohen de Dvinsk, Sefer Or Saméah, commentaire sur Mishné Torah, Hilkhot Talmoud Torah, 6, 14. L’auteur renvoie également vers une autre halakha dans laquelle le Rambam emploie le mot « minhag » à propos du second jour de Yom Tov (Mishné Torah, Hilkhot Yom Tov 6, 14).

[54] TB Pessahim 52b. Voir supra p.11.

[55] TB Betsa 4b, rapporté supra pp.3-4.

[56] Voir supra, note 39.

[57] R. Y. Ben Asher, Arbaa Tourim, Or HaHaïm 496, 1.

[58] R. Y. Karo, Shoulkhan Aroukh, Ibid.

[59] R. Y. Karo, Beit Yossef, commentaire sur Arbaa Tourim, Ibid.

[60] Voir supra (pp.4-6)  la discussion sur la « sainteté » associée au second jour et la conclusion de Rava, ainsi que TB Betsa 7a ; Ibid. 22a ; Tour Shoulkhan Aroukh, Or HaHaïm 496, 2 et commentaires.

[61] Mishna Beroura 496, 1. Traduit de l’hébreu.

[62] R. Moshé Sofer, Hidoushéi Hatam Sofer al HaShass, Betsa 5b, s.v. « mi lo modé ».

[63] Cette affirmation est à relier à une controverse entre Rishonim et Aharonim quant  à savoir si un décret peut être annulé une fois sa raison disparue. En l’espèce, même les décisionnaires soutenant l’opinion inverse du Hatam Sofer auraient considéré que la seule raison de la « coutume des pères » n’aurait pas expliqué le maintien de cette coutume par la suite. En effet, d’après cet avis, les Sages auraient nécessairement émis le décret obligeant à respecter la coutume en émettant la condition que celui-ci perde sa valeur obligatoire si la procédure des messagers venait à disparaître (voir les différents avis rassemblés dans Encyclopédie Talmudique, Yom Tov Shéni Shel Galouyot, 23, 1, 2).

[64] Philipe Sigal et Abraham J. Erlich, A responsum on Yom Tov shéni shel galuyot, dans Proceedings of the Committee on Jewish Law and Standards of the  Conservative Movement,1927-1970, volume III, United Synagogues Book Service , pp.1247-1258,  p.1254. On notera que l’affirmation rapportée sur cette même page au nom de R. Moshé Isserless –comme quoi un décret dont la raison initiale a disparu serait  nul et non-avenu- ne correspond pas aux réels propos de l’auteur (voir Rama, Shoulkhan Aroukh Or HaHaïm 339, 3).

[65] Ibid., p.p.1250-1251. Les auteurs déduisent cette raison de l’interdiction faite aux Sages de Diaspora de fixer eux-mêmes Rosh Hodesh (TB Berakhot 63a ; Rambam, Mishné Torah, Hilkhot Talmoud Torah, 6, 14, cas n°16).

[66] Ibid., p.1253.

[67] Voir supra pp.6-7

[68] Voir R. M.S de Dvinsk, Meshekh Hokhma, Parasha Bo, s. v. « HaHodesh Hazé Lakhem » ; voir également R. E. Y Waldenberg, Tsits Eliézer, 22, 99. On notera que cet argument –les Sages auraient refusé de faire évoluer une procédure qui retrouverait toute son utilité lors de la reconstruction du Temple- se retrouve dans le Talmud à propos des décrets de Rabban Yo’hanan Ben Zakaï (voir TB Betsa 5b).

[69] Voir supra pp.1-2.

[70] Voir notamment le commentaire du Méiri cité supra p.7.

[71] Shir HaShirim Rabba 1, 6, 5. Traduit de l’hébreu. Voir une version quelque peu différente de ce texte dans Pessikta déRav Kahana 14 et Yalkout Shimoni 358.

[72] Tout d’abord, le midrash présente « l’assemblée d’Israël », c'est-à-dire les habitants de la terre d’Israël et les habitants de Diaspora. Toux ceux-là avouent n’avoir pas respecté correctement le Yom Tov et comprennent alors la mise en place du second jour comme une sanction. Or, d’après ce raisonnement, la sanction aurait du s’étendre également aux habitants de la terre d’Israël inclus dans l’appellation « assemblée d’Israël », et non seulement aux habitants de Diaspora. Par ailleurs, le verset du Livre d’Ezéchiel rapporté littéralement « Et Moi aussi Je leur ai donné des lois qui ne sont pas bonnes » soulève la problématique théologique du « mal » pouvant provenir de Dieu. Enfin, ce midrash pris dans son ensemble s’oppose clairement au texte du Talmud selon lequel l’objectif initial de l’institution du second jour était d’éviter que les habitants de Diaspora n’en viennent à transgresser des lois de la Torah à cause d’une erreur de calcul dans la date du premier du mois.

[73] Sur le lien entre l’exil et la destruction, voir par exemple le premier chapitre du Livre des Lamentations :  I, 2 : « Juda est allé en exil, accablé par la misère et une dure servitude (…) » ; I, 8 : « Jérusalem a gravement péché, aussi est-elle devenue une vagabonde (…) ».

[74] Voir notamment Néhémie III, 33-38.

[75] Deutéronome 29, 27.

 

 

Date de dernière mise à jour : 23/08/2023

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