Le Nazir - ce fauteur

 

  PROJET RAMBAN* SUR LA PARACHA

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Le nazir – ce fauteur

 

La fin de la periode de Nezirout s’accompagne, entre autres, d’un sacrifice expiatoire – un h’atat. Si expiation il y a, c’est qu’il y a eu faute ! De quelle faute s’agit-il ? Le nazir ne serait-il pas un homme digne d’admiration ? Telle est la question posée par le Ramban.

Fort de cette question, ce dernier répond qu’il y a effectivement faute lorsque le nazir quitte son nezirat pour reprendre une vie de tout un chacun. Alors qu’il était nazir, il vivait dans un état de relative sainteté; état qu’il quitte actuellement et qui mérite donc un sacrifice expiatoire.

A la lecture de ce commentaire, on ne peut s’empêcher de penser à l’enseignement de Maimonide dans son traité des huit chapitres. Ce sacrifice est lui aussi commenté, mais la réponse proposée est radicalement différente : le sacrifice est là pour expier la faute du … nezirat ! Fidèle a son principe du « chemin médian » , Maimonide voit dans l’ascèse du nazir  une faute par excès qui nécessite réparation !

Démarche radicalement différente que celle de Nahmanide !

Lors du commentaire sur la parashat Kedoshim, nous avions déjà pu être témoins d’une discussion similaire entre les deux maitres : le monde et ses excès qui nous entourent sont-ils suffisamment « gérés » par le simple accomplissement des mitsvot ou nécessitent ils un surplus personnel. Le point de discordance semble être similaire.

Il nous faut tout de même remarquer que nous aurions pu attendre de l’école kabbaliste -dont le Ramban est clairement un héritier - une démarche différente : nous n’aurions pas été étonnés de voir un appel à « sanctifier » la nature, en embrassant au contraire son aspect matériel ! Or, ni dans notre parasha, ni dans la parashat kedoshim, le Ramban ne fait allusion à une quelconque possibilité de « sublimer » le matériel. Bien au contraire, par deux fois, il y voit un état dangereux duquel il faudrait s’échapper pour ne pas sombrer.

 

La question n’en est pas réellement une :  à nous de prouver que Nahmanide prône, comme d’autres écoles, une sublimation du matériel, mais tout de même…
A cette semi-question, nous proposons deux remarques/semblants de réponses…

  1. Il est notable que dans le commentaire de notre parasha, le Ramban emploie avant d’avancer son explication, le terme “al pi ha-pshat” – selon le sens pshat -. Nous savons que lorsque son explication est d’obédience kabbalistique, il emploie le terme “al dereh’ ha-emeth” – “selon le sens véridique”.
    Cela voudrait-il dire que son refus ou sa crainte de la nature non-sublimable n’est que selon le pshat. Selon le ‘dereh’ ha-emeth’, le Nazir ne serait pas fauteur en réintégrant le monde.
  2. Le corps semble être pour Maimonide une notion neutre. Les mitsvot nous en assurent une gestion sage et sensée ; et cet aspect ayant été « géré », nous pouvons nous concentrer sur ce qui est réellement important : le monde de l’esprit.
    Dès lors pour Maimonide, il n’y a aucune place pour une trop grande préoccupation du corps.
    Pour le Ramban, par contre, il semble que le corps, ses excès, soit un lieu où l’on peut et doit encore progresser, que l’on doit améliorer, (ou peut-etre sublimer)…

 

Benjamin Sznajder

 

* Moché ben Na'hman (Na'hmanide), Gérone 1194- Acre 1270

 

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