De la relativité du kavod dû aux hommes
- Par yona-ghertman
- Le 24/05/2017
- Dans Parasha
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Cycle : la Paracha selon le Mechekh 'Hokhma*
De la relativité du kavod dû aux hommes
"Alors s’avancera la Tente d’assignation, le camp des Léviim, au centre des camps. Comme ils camperont, ainsi ils marcheront : chacun à sa place, suivant sa bannière".
(Bamidbar 2, 17)
Le début du second chapitre de Bamidbar décrit l’ordre du campement dans le désert. La tribu de Yehouda en tête, les tribus sont placées d’une manière spécifique, selon les quatre points cardinaux. Auprès de Yehouda se tiennent Issakhar et Zévouloun, ces trois tribus ouvrant la marche (v. 3-9). Alors que le texte continue la description de l’ordre de campement, et qu’il arrive au centre des camps, où se trouvent les Léviim, il précise : « Comme ils camperont, ainsi ils marcheront : chacun à sa place, suivant sa bannière ». Nous apprenons ainsi que l’ordre de campement est conservé lors de la marche dans le désert.
Le Mechekh ‘Hokhma s’interroge sur l’honneur (kavod) accordé par cet ordre. Quand ce kavod doit-il s’appliquer ? Une lecture précise de notre verset l’entraîne à énoncer un principe général : Le kavod des hommes ne s’applique qu’en présence du kavod de Dieu. En effet, l’ordre de préséance présenté dans ce chapitre de Bamidbar est d’actualité alors que la Tente d’assignation se trouve au centre des camps : « Alors s’avancera la Tente d’assignation, le camp des Léviim, au centre des camps ».
Ce constat est l’occasion pour le Rav de Dvinsk de développer son idée à l’aide de deux exemples talmudiques :
. Un premier texte[1] apprend que le Cohen a préséance pour monter en premier lors de la lecture de la Torah, ainsi que dans d’autres situations. Or, celles-ci sont liées au fait d’honorer la Torah, et donc Dieu.
. Selon un second texte[2], lorsque plusieurs personnes doivent passer par une même porte, il n’est question de laisser le kavod que pour celles qui sont pourvues de Mézouza ou dans les lieux de cultes (Beth haKnesset et Beth haMidrash), mais non pour un trajet dans un chemin quelconque[3].
Pour conclure, notre auteur rapporte brièvement une dernière discussion talmudique[4] à propos de la validité du pain de proposition (lé’hem hapanim), qui est l’une des offrandes du Tabernacle (michkhan) : lorsque le campement se met en marche, les éléments du Tabernacle sont démontés et portés par les Léviim durant le trajet. Toutefois, le pain de proposition reste posé sur sa table (shoul’han) même pendant le voyage. Or, si ce pain consacré sort du Tabernacle, il est systématiquement invalidé. D’où la question de la Guemara : Considère-t-on que le Tabernacle démonté garde sa sainteté durant le voyage, auquel cas les pains de proposition resteraient valables ? Le Mechekh ‘Hokhma s’arrête sur un argument de la thèse affirmative se fondant sur notre verset : « Alors s’avancera la Tente d’assignation ». Il faut lire : « Même lorsqu’elle avance, elle reste la Tente d’assignation ».
D’après cette lecture, l’idée initiale est confirmée : le kavod lié à la disposition des camps reste d’actualité même pendant la marche dans le désert, précisément car la Tente d’assignation qui se trouve au centre du campement garde sa sainteté pendant les déplacements.
Au-delà de l’aspect technique de ce commentaire, nous retiendrons essentiellement l’idée de fond : l’honneur dû aux hommes de Torah est lié précisément à la Torah. Or dans un contexte complètement indépendant de la Torah, tous sont égaux[5].
Yona GHERTMAN
*Rav Méïr Sim’ha haCohen de Dvinsk. 1843-1926
Texte original:
משך חכמה במדבר פרק ב פסוק יז
(יז) ונסע אהל מועד מחנה הלויים בתוך המחנות, כאשר יחנו כן יסעו איש על ידו לדגליהם. הענין, דכבוד לא שייך רק כשהם במקום מלך הכבוד, אז היה יהודה בכור לדגלים וראובן שני לו. וכן מחוקי הנימוס, כשיש נכבד, אז צריכים לישב במשטר וסדר. ולכן בפרק הניזקין הפליגו רז"ל בשמירת הסדר בקריאה לספר תורה - החשוב קודם. ורמז לזה מצאנו בפרק שלושה שאכלו (ברכות מז, א): אין מכבדים אלא בפתח שיש בה מזוזה, וכל שכן בתי כנסיות ובתי מדרשות, לפי שכבוד אינו רק במקום מכובד. ואין מכבדים בדרכים. לכן אמר כאן שסדר הדגלים הוא לסדר חנייתם אצל אוהל מועד, הסדר הזה יהיה בעת המסעות גם כן, שאינו דומה לשאר דרכים שאין כבוד ואין סדר למעלה ולקדימה, משום שאהל מועד נוסע בתוך המחנות, ומלך הכבוד שרוי בתוכם, אם כן צריכים להיות בסדר חנייתם על ידו. ולזה כוונו רז"ל במנחות צה א: "ונסע אהל מועד" - אעפ"י שנסע, אוהל מועד הוא ואינו נפסל לחם הפנים ביוצא. היינו שקדושת אהל מועד ומעלתו לא נסתלקה בנסיעתם. וכוונו לדרוש זה מעומק הכוונה, לא מן הלשון
[1] TB Guittin 59a.
[2] TB Berakhot 57a.
[3] Les Tossafistes rapportent un autre texte laissant entendre que le kavod s’applique même en chemin. Selon Rabbénou Tam, il convient en fait de faire une distinction lorsque plusieurs personnes sont en chemin, de manière séparée, ou en groupe. Dans ce dernier cas, si plusieurs marchent ensemble, alors le talmid ‘hakham doit effectivement être placé à une place d’honneur au sein du groupe (voir TB Yoma 57a et Tossfot, rapporté par le Rav Kuperman dans ses notes sur ce commentaire du Mechekh ‘Hokhma).
[4] TB Mena’hot 95a.
[5] Bien que ce commentaire n’ait pas une portée halakhique, on notera que de vraies questions de Halakha peuvent se poser à ce sujet. Par exemple : si le Rav cherche une place de parking pour aller au Beth haMidrash doit-on lui laisser la sienne ? Et s’il cherche cette place pour aller faire ses courses ?
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