"Quelle image allons-nous donner ?"

*Cycle : la Parasha selon le Nétisv

Naftali tzvi iehuda berlin ha natziv 1a 1

« Quelle image allons-nous donner de notre religion ? »

(Paracha Lekh-Lekha)

 

« Loth aussi, qui accompagnait Abram, avait du menu bétail, du gros bétail et ses tentes. Le terrain ne put se prêter à ce qu’ils demeurassent ensemble ; car leurs possessions étaient considérables, et ils ne pouvaient habiter ensemble. Il s'éleva des différends entre les pasteurs des troupeaux d'Avram et les pasteurs des troupeaux de Loth ; le Cananéen et le Phérezéen occupaient alors le pays.  Avram dit à Loth : Qu'il n'y ait donc point de querelles entre moi et toi, entre mes pasteurs et les tiens ; car nous sommes frères. Toute la contrée n'est-elle pas devant toi? De grâce, sépare-toi de moi (…) » (Béréchit 13, 6-9).

 

Loth est le neveu d’Avraham (alors appelé "Avram"). Il existe manifestement une certaine affection du patriarche à l’égard de son parent, qu’il considère comme « son frère ». Néanmoins, des désaccords persistants rythment leur installation en terre de Canaan.

 Dans le texte, le Netsiv interroge une première redondance sur ce point : à deux reprises dans le même verset, il est fait état de leur impossibilité à vivre ensemble : « Le terrain ne put se prêter à ce qu’ils demeurassent ensemble ; car leurs possessions étaient considérables, et ils ne pouvaient habiter ensemble ». Sur le fond, la suite est difficile à comprendre : si les deux hommes ne parviennent pas à cohabiter, ce sur quoi cette dernière répétition vient insister, pourquoi ne se séparent-ils pas d’emblée ? En effet, ce n’est qu’après la querelle entre les bergers respectifs d’Avraham et de Loth que leur séparation deviendra effective, à l’initiative d’Avraham.  Notre commentateur soulève en outre une autre question : Quel est l’intérêt de mentionner en plein milieu du récit que « le Cananéen et le Phérezéen occupaient alors le pays », puisque nous savons déjà dans quel territoire se trouvent les deux hommes, et quels sont les peuples l’occupant ?[1]

Selon le Netsiv, l’importance du bétail des deux hommes n’était pas la seule raison de leur séparation. Le texte montre certes dans un premier temps que cette situation est problématique, mais il répète dans un second temps que Loth et Avraham ne pouvaient vivre ensemble, c’est-à-dire, pour une raison autre : leurs natures opposées. Malgré tout, bien qu’Avraham perçoive Loth comme une charge à cause de leurs différences qui provoquent un malaise à chaque rencontre, ce n’est pas une motivation suffisante pour provoquer un éloignement entre eux.

La dispute entre les bergers va être l’élément déclencheur de la séparation. Ce n’est pas la dispute en elle-même qui est le plus grave, mais que « le Cananéen et le Phérezéen occupaient alors le pays ». Pour Avraham, il est intolérable que les habitants de cette terre promise vivent côte à côte sans se disputer, alors que lui, représentant du Dieu unique au milieu des polythéistes, soit le protagoniste d’une rixe. Ceci constitue un ‘Hiloul Hachem (profanation du nom de Dieu) car ses voisins risquent de penser que c’est précisément sa foi spécifique qui est à l’origine de ses problèmes.

Plus tard, lorsque Loth sera enlevé, Avraham ira à son secours, entendant que « son frère a été fait captif » (Béréchit 14, 14). L’affection est toujours présente, mais l’éloignement n’est en aucun cas remis en question. Une fois délivré, Loth et Avraham retournent chacun de leur côté. Le patriarche, modèle de bienveillance à l’égard des hommes, sait aussi établir une stricte séparation avec eux, lorsque la perception de sa foi, et donc du Dieu unique, risque d’être altérée. Mais au final, n'est-ce pas un acte de bonté envers ses proches parents de savoir établir une distance avec eux lorsque la proximité devient nocive pour chacun ?

 

Yona Ghertman

 

* R. Naftali Tsvi Yéhouda Berlin de Volozhin (1813-1893)

* Texte :

העמק דבר בראשית פרק יג פסוק

ו) ולא יכלו לשבת יחדו. הוא כפל לשון, ובא ללמדנו דלא משום שלא הספיקה מרעה הארץ לצאנם, כמו דכתיב להלן ל"ו ז' ולא יכלה ארץ מגוריהם לשאת אותם מפני מקניהם, אלא משום שהיו הטבעים רחוקים ולא היה לוט לצוותא לאברם כי אם מרחוק, אבל יחדיו לא יכלו לשבת, ובאשר היה רכושם רב היו מוכרחים לפגוע זה בזה, והיתה פגישתם למשא על אברם, ומ"מ לא מצא אברם עדיין לב להגיד לו להפרד עד שהגיע,

 ז) ויהי ריב. אירע מעשה שהיה לחרפה וחלול השם שהיה ריב בין הרועים, ותניא בספרי פ' תצא כי יהיה ריב בין אנשים וגו' אם בן הכות הרשע, אין שלום יוצא מתוך מריבה וכה"א ויהי ריב בין רועי וגו', מי גרם ללוט לפרוש מן הצדיק הוי אומר זו מריבה, וכה"א ועמדו שני האנשים וגו' מי גרם לזה ללקות הוי אומר זו מריבה, פי' חז"ל דבן הכות הרשע הגיע עבור הריב שדבר קשות כל כך עד שהתבוננו השופטים שראוי ללקות, וכך הענין בלוט שיצאו דברים מפי הרועים שאינם כדאי לשומען, [וכונת הספרי אין שלום יוצא מתוך מריבה, שזה אינו כתוכחה דאיתא ברבה פ' וירא שתוכחה מביאה לידי שלום ואהבה, אבל לא כן ריב]:

והכנעני והפריזי אז ישב בארץ. והיה חילול ה' בדבר שהרי ידעו גדולת וקדושת אברהם וביתו לשם ה', והנה המה הכנעני והפריזי יושבים בלי ריב ומחלוקת, ובין אברם ולוט יש ריב ויהא חילול השם לומר דאמונת אברהם מביא לזה, וזה הגיע שלא יכול אברם לסבול עוד:

 

 

 

 

 


[1] On pourrait aussi demander pourquoi dans ce verset sont mentionnés « le Canannéen et le Phérézéen », alors qu’au début de la Paracha le texte mentionne exclusivement le Canannéen : «Abram s'avança dans le pays jusqu'au territoire de Sichem, jusqu'à la plaine de Môré; le Cananéen habitait dès lors ce pays » (Béréchit 12, 6). Le Netsiv ne posant pas cette question, nous ne la traiterons pas dans le cadre de ce billet. Nous invitons toutefois le lecteur à apporter sa réponse dans un commentaire sur le blog.

   

 

 

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