Parler à la Syna
- Par yona-ghertman
- Le 17/05/2016
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Comme une irrésistible envie de parler à la syna
Le phénomène est suffisamment massif pour ne pas laisser indifférent : pourquoi a-t-on tellement envie de parler à la synagogue ? même les plus silencieux dans leur famille ont soudainement retrouvé leur langue !
Certes c’est répétitif, et souvent pas très intéressant, sans compter que pour certains l’hébreu semble plus compliqué que l’égyptien, qui pourtant n’est pas trop aimé de Dieu. Mais il me semble qu’il y a un problème plus profond.
Petit détour par la paracha, dont le titre est si peu évocateur : "parle-émor". Difficile de se rappeler de quoi ça "parle" d’autant que les trois thèmes abordés ne parlent pas beaucoup : l’interdit pour les cohanim d’aller au cimetière hormis pour les proches, une description de tous les défauts physiques qui invalident les prêtres, puis l’énumération des tares animalières empêchant leur montée sur l’autel. On comprend que ce chabbat ça va parler, et pas de la paracha…La mise en apposition des défauts des hommes et de l’animal produit un sentiment cocasse qu’il est intéressant d’analyser. En attendant, une question gauchiste me taraude : pourquoi Dieu ne pratique-t-il pas une politique d’intégration de l’handicap ? N’aurait-il pas été plus beau de voir comment l’homme difforme possède sa place dans le Temple ? Le Rabbin n’aurait-il pas été fier de montrer que les juifs ont été les premiers à pratiquer une politique sociale ? D’autant que c’est Dieu lui-même qui a créé l’homme et ses défauts. N’est-il pas facile d’éliminer l’homme ou l’animal qui dérange pour présenter une vision idyllique de l’action divine ?
L’erreur est courante : ce qui se passe au Temple n’est pas uniquement destiné à Dieu, mais aussi à ramasser le peu de spiritualité qui traine chez l’homme. Or il en traine peu, très peu, et le peu qui traine se laisse facilement balayé par la « beauté » toute pompeuse des institutions qui tentent de l’enserrer. Et donc l’esprit du spectateur venu apporter son sacrifice va s’attacher à des petits détails : la couleur de la peau du cohen, la tache sur son nez, ou la patte un peu décalée de l’agneau sacrifié. Tous ces petits détails qui font le sel de la vie, et qui vont former les anomalies à partir desquelles vont germer toutes les conversations des visiteurs du Temple. Le corps est menacé par le Temple, par toute cette beauté et ce sublime : sa défense de parler. Combat éternel entre le corps et l’âme, défaut de corps contre excès de chair.
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