Shimshone et le conflit israélo-palestinien

Shimshone, le conflit israélo-palestinien, et ses répercussions en France

Paix

 

Comme beaucoup de juifs français, je suis les informations concernant le conflit israélo-palestinien avec un œil inquiet. Ma principale inquiétude concerne son importation en France et le malaise qui parcourt la communauté juive française. Mais au-delà de ce sentiment, je suis particulièrement interpellé par les informations contradictoires circulant dans les différents médias. En discutant avec des juifs français, je m’aperçois que la majorité considère les médias nationaux, voire la France elle-même, comme anti-israélienne et pro-‘Hamas. Or, lorsque je discute avec des français d’origine arabe, je m’aperçois qu’ils accusent les mêmes médias nationaux d’être pro-israéliens. 

Mon objectif n’est pas de déterminer « la vérité », d’une part car je suis conscient que « ma vérité » n’intéresse pas le lecteur qui a la sienne propre ; et d’autre part car ce blog n’est pas un support journalistique, mais un moyen de diffuser l’étude de la Torah. Je vous propose donc d’aborder ce sujet à l’aide d’une réflexion sur un passage du livre des Juges.

Samson

 

Le Livre des Juges (sefer Shofetim) suit le livre de Josué (sefer Yeochoua), faisant lui-même suite au Pentateuque (‘Houmash).  Il y est question d’une période historique trouble. Les Bné-Israël étaient dans leur terre, mais ils s’y faisaient dominer par les nations environnantes, car ils ne servaient pas convenablement Dieu. Régulièrement, un élan de repentir les prenait, et Dieu envoyait alors un Juge (Shofet), c’est-à-dire en l’espèce, un dirigeant capable de maintenir sa population dans une autonomie plus ou moins absolue.

Shimshone est l’un de ces dirigeants.  Le personnage est énigmatique. Bien que consacré à Dieu dès sa naissance, sa première volonté d’adulte est d’épouser une jolie femme philistine. Or, les Philistins étaient alors la puissance occupante en terre d’Israël. Certes, le Radak[1] précise et argumente que cette femme fut convertie avant son mariage avec Shimshon[2], et le Metsoudate David[3] montre par une lecture serrée des versets qu’elle fut choisie notamment en raison de son intelligence[4]. Toutefois le fait surprend. Ses parents sont d’ailleurs les premiers surpris, mais le suspense s’arrête avec l’affirmation du texte lui-même : « Or, ses parents ne savaient pas que cela venait de Dieu, et qu’il cherchait une occasion de nuire aux Philistins qui dominaient alors sur Israël » (14, 4).

Le Metsoudate David explique qu’une frappe de Shimshone sur les positions philistines aurait entraîné des représailles sur les Bné-Israël. Il cherchait donc à les provoquer pour les frapper en raison d’un prétexte personnel qui n’impliquerait pas son peuple. C’est effectivement ce qu’il ne tarde pas à faire. Pendant les jours de festins suivant ses noces, il lance une devinette à ses hôtes philistins avec un enjeu financier à la clef. Lui-seul connaît la réponse et les autres le comprennent. Ils menacent sa nouvelle épouse de représailles si elle ne leur transmet pas la réponse. Cette dernière interroge donc Shimshone avec insistance. Finalement le secret est lâché et les hôtes répondent donc correctement à sa devinette. Il se met alors dans un semblant de colère et déclare : « Si vous n’aviez pas labouré ma génisse, vous n’auriez pas deviné mon énigme » (14, 18).  L’interprétation du Ralbag[5] semble la plus évidente : il accuse les hommes présents au festin, ou au moins l’un d’entre eux, d’avoir eu une relation sexuelle avec sa femme. Il profite donc de cette colère feinte pour massacrer trente philistins.

 

Après avoir quitté cette femme quelque-temps, il revient finalement vers la maison de son père, où il apprend qu’elle est désormais mariée à un autre homme. Criant à la trahison, il met le feu aux champs des Philistins. Lorsque ces derniers apprennent la raison de cette dernière attaque, ils s’en prennent à la femme et à son père qu’ils brûlèrent. Shimchone intervient après cela pour s’en prendre de nouveau à eux. Avant de procéder à un autre massacre contre les Philistins il se justifie : « Puisque vous agissez de la sorte, il faut que je me venge sur vous-mêmes, et alors je serai tranquille » (15, 7). Le Radak explique qu’il leur reprochait en réalité de ne pas s’être opposés à priori au remariage de celle qui était encore son épouse. Leur vengeance après coup n’était pas liée à son honneur, mais à la colère ressentie au sujet des dommages causés sur leurs champs.

 

L’histoire de Shimshone ne s’arrête pas là. Il nous semble toutefois que ce passage que nous venons de cerner constitue un tout dissociable du reste du récit et porteur de messages spécifiques.  Imaginons maintenant un instant, dans l’esprit du Midrash, qu’un tribunal ait été saisi après ces faits. Quelles auraient été les réactions des parties ?

 

Philistins : Shimshone a commis des massacres chez nous.


Shimshone : J’ai simplement réagi à leur crime d’avoir laissé mon épouse se remarier alors que nous n’étions pas divorcés.


Philistins : Si nous n’avons rien dit, c’est que Shimshone était alors parti après avoir massacré trente hommes de chez nous.

Shimshone : Si j’ai tué ces hommes, c’est que l’un d’entre eux a eu une relation sexuelle avec mon épouse sous la contrainte, et personne d’entre eux ne l’en a empêché.

Philistins : C’est un mensonge ! Il n’y a jamais eu une telle relation.


Shimshone : Même s’ils disent qu’il n’y en a pas eu,  il n’en reste pas moins qu’ils m’avaient alors volé en répondant correctement à ma devinette, après avoir extorqué la réponse à mon épouse.


Philistins : Si nous avons agi ainsi, c’est qu’il a volontairement posé une question à laquelle lui-seul connaissait la réponse. En réalité, il n’est venu depuis le début que pour nous frapper, et tous ses prétextes sont fallacieux.


Shimshon : Aurais-je dû frapper les Philistins directement, et ainsi risquer leur vindicte sur mon peuple ? N’oublions pas qu’ils nous dominent. Puisqu’ils sont en position de force, il était de mon droit d’user de supercherie pour les attaquer.

Brain

Qu’aurait répondu le juge siégeant dans le tribunal ? La réponse est évidente, car le tribunal n’est autre que Dieu, et Son esprit se pose sur Shimshone à chaque nouvelle attaque contre les Philistins[6]. En revanche, si l’inspiration divine n’était pas mentionnée du tout, la réponse aurait été beaucoup plus difficile à trouver. Chacun est persuadé d’avoir raison, et effectivement, chaque critique de Shimshone et des Philistins apparaît légitime.

Il n’est pas chose aisée d’avoir du recul pour les protagonistes des conflits. Même avec du recul et un sens de la nuance affirmé, le vrai philosophe ne saurait taire sa vertu et ne pas répondre aux coups portés.  Le lecteur aura compris le parallèle avec le conflit israélo-palestinien. On ne peut pas toujours demander aux parties de philosopher sur les événements, mais on peut certainement agir sur les mentalités des communautés qui les vivent indirectement. Nous avons la chance de bénéficier d’une sérénité suffisante. Profitons-en pour réfléchir aux meilleurs moyens de la conserver en évitant tout conflit et toute haine, aussi inutiles qu’improductives.

Yona GHERTMAN

[1] R. David Kim’hi, Narbonne 1160-1235 ; grammairien et commentateur de la Bible.

[2] Dans son commentaire sur Juges 13, 4. Voir dans le même esprit Rambam, Issouré Bia 13, 17.

[3] R. David et R. Yehiel b. David Altschuller, Europe de l’Est, 18ème siècle ; commentateurs bibliques.

[4] Dans son commentaire sur Juges 14, 7.

[5] R. Levi ben Guerchom (Gersonide), Bagnols, France, 1238-1344 ; commentateur biblique et philosophe.

[6] Le verset témoigne que Shimshone est « saisi de l’esprit de Dieu » lorsqu’il attaque les Philistins (cf. Juges 14, 19).

Commentaires

  • mess
    • 1. mess Le 29/12/2016
    Bonjour, je n'ai jamais pensée qu'il n'y avait pas de solutions problème.
    mais depuis quelques jours je pense que la seul solution
    et une seul État n'y palestinien n'y israélien mes laïc .
  • Nath
    • 2. Nath Le 20/07/2014
    Question:
    "l esprit divin " semble du côté de simshon.
    Est ce à dire que c est simshon qui a raison?
    Le fait d " être envoye par dieu" donne t il raison sur tout?
    Approche perso:
    En ayant une discussion avec un maghrébin assez intelligent il y a qq années, j ai plus l impression que les discussion autour de cela reviennent à: qui a été crée le premier la poule ou l'œuf? Qui a commencé, les israéliens ou les palestiniens?qui était la en premier ? Etc....
    Bref, discussion totalement stériles insolubles, en raison du manque d objectivité de tous et du fait que chacun jugera en fonction aussi de ses origines, juive ou arabe.
    C est peut être pourquoi a la fin de ton article tu imagines que l inspiration divine n est pas mentionee du côté de simshon, sans doute pour avoir un regard neutre et objectif sur son histoire avec les philistins. MAis est ce possible d être totalement objectif et neutre dan ce conflit?

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