Les prédispositions morales à la conversion
par Yona GHERTMAN
[Le roi David] a dit : Il existe trois signes chez ce peuple : la miséricorde (ra’hamim) ; la retenue (baychanain) et la bonté (gomlé ‘hassadim).
La miséricorde, ainsi qu’il est écrit : « Et il te donnera de la miséricorde, et il te prendra en pitié, et il te multipliera » (Devarim 13, 18)
La retenue, ainsi qu’il est écrit : « Pour que ma crainte soit sur vos faces » (Shémote 20, 17)
La bonté, ainsi qu’il est écrit : « Afin qu’il enjoigne ses enfants et sa maison [à le suivre dans le chemin de Dieu, en pratiquant justice et charité] » (Béréchit 18, 19).
Ainsi, celui qui possède ces trois signes est apte à rejoindre ce peuple.
(TB Yebamote 79a)
Avant de reprendre ce texte afin d’apporter des précisions sur les différents points et références mentionnés, situons-le dans son contexte :
Le point de départ est un verset du livre de Samuel à propos d’un peuple Cananéen auquel les Bné-Israël ont été maintes fois confrontés durant l’époque biblique : « Le roi appela les Guiv’onim ; les Guiv’onim ne font pas partie des bné-Israël » (II Samuel 21, 2).
Selon le sens premier de ce verset, il faut comprendre que les Guiv’onim convoqués par le roi David ne sont pas des Bné-Israël, mais une faction des « Emoréens rescapés [de la conquête de Canaan sous Josué] » (Ibid.).
Les Sages du Talmud proposent de lire à un second niveau :
« Le roi appela les Guiv’onim et leur dit : les Guiv’onim ne font pas partie des bné-Israël ».
D’après cette lecture, il ne s’agit plus d’une précision du texte à vocation informative, mais d’une déclaration solennelle prononcée par David à l’égard de ces gens : « Vous ne faites pas partie de notre peuple, et vous ne pourrez jamais en faire partie".
Quelle est la raison d’un rejet si catégorique ?
La suite de la Guemara répond à cette question en relatant l’histoire des Guiv’onim :
Vivant en terre d’Israël en respectant les conditions imposées aux peuples cananéens qui furent épargnés par Josué lors de la conquête de la terre, ils sont situés près de la ville de Nov, un endroit peuplé par des Cohanim (prêtres). Ces derniers subviennent aux besoins des Guiv’onim en contrepartie de leurs services en tant que coupeurs de bois et puiseurs d’eau.
Leur situation s’aggrave brutalement lorsque les Cohanim de Nov sont massacrés par le roi Shaoul qui les soupçonne de se révolter contre son autorité. Les Guiv’onim, désormais privés de leurs bienfaiteurs, se retrouvent donc sans subsistance.
Lorsque David devient roi, il se trouve confronté à une grande famine. En s’enquérant auprès de Dieu, il apprend que ce fléau n’est autre que la conséquence de l’attitude de Shaoul envers les Guiv’onim. Aussi le roi se rend-t-il auprès de cette population pour leur montrer que le nouveau royaume est pleinement à son écoute. La proposition qu’il leur fait et la réponse qui lui est apportée par la suite détermineront sa décision quant au refus d’accepter les Guiv’onim dans la communauté d’Israël :
David dit aux Guiv’onim : « Que dois-je faire pour vous et quelle expiation vous offrir pour que vous bénissiez l’héritage de l’Eternel ? ».
Les Guiv’onim lui répondirent : « Nous n’avons ni argent ni or à réclamer de la maison de Shaoul ; ni aucun homme à faire mourir en Israël ».
Et il dit : « Que voulez-vous donc ? Je vous l’accorderai ».
Ils dirent au roi : « L’homme qui nous extermina, qui avait prévu notre ruine, notre disparition totale du territoire d’Israël, qu’on nous livre sept de ses fils, nous les pendrons devant l’Eternel (…) ».
(II Samuel 21, 3-6).
Selon la Guemara, bien qu’ayant accédé à leur requête comme il s’en était engagé, le roi David se dit à cet instant qu’une telle demande marque une absence totale de compassion. C’est alors qu’il prononce l’enseignement sur les « trois signes » caractérisant les bné-Israël. En l’espèce, c’est l’absence de miséricorde démontrée par la demande vengeresse des Guiv’onim qui les exclue à jamais d’intégrer le peuple d’Israël.
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Date de dernière mise à jour : 03/03/2020
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