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  • Les recommandations parentales de Rivka et Itz'hak

    Cycle : la Paracha selon le Mechekh 'Hokhma* 

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    Paracha Toldote 

    Les recommandations parentales de Rivka et Itz’hak   

     

     

    « Et Rivka fut informée des paroles d’Essav, son fils aîné. Elle fit appeler Yaakov, son plus jeune fils, et lui dit : ‘Voilà Essav ton frère veut se venger de toi, en te faisant mourir. Et maintenant, mon fils, obéis à ma voix : va te réfugier auprès de Lavan mon frère, à ‘Haran. Tu resteras chez lui quelques jours, jusqu’à ce que s’apaise la fureur de ton frère. Jusqu’à ce que la colère de ton frère s’écarte de toi et qu’il aura oublié ce que tu lui as fait, je t’enverrai ramener de là-bas : pourquoi m’exposer à vous perdre tous les deux à la fois ?’.

    Rivka dit à Itz’hak : ‘Je suis dégoûtée de ma vie, à cause des filles de ‘Heth. Si Yaakov choisit une épouse parmi les filles de ‘Heth, telles que celles-ci, parmi les filles de cette contrée, que m’importe la vie ?’ »

    (Béréchit 27, 42-46)

    Itz’hak appela Yaakov et le bénit, puis il lui ordonna et lui dit : ‘Ne prends pas femme parmi les filles de Kénaan (…). Le Dieu tout puissant te bénira (…). Qu’il te donne la bénédiction d’Avraham à toi et à ta postérité avec toi (…)’

    (Béréchit 28, 1-4)

     

    Rivka et Itz’hak comprennent que Yaakov n’a plus sa place à leurs côtés, en Erets-Kénaan, où il est menacé de mort par son frère, Essav. Malgré leurs divergences de vue, le patriarche et son épouse sont d’accord pour envoyer Yaakov trouver femme dans le lieu natal de Rivka. Ils l’encouragent donc tous deux dans ce sens.

    La lecture de ce passage nous montre à priori un couple assez âgé s’inquiéter du devenir de leur enfant, menacé de mort. Ils agissent donc en parents soucieux du devenir de leur progéniture.

    Cependant, une première question se pose : La préoccupation du mariage est-elle vraiment à propos dans ce contexte ? Yaakov est menacé. La priorité est sa fuite dans un endroit sécurisé. N’est-il pas possible pour Rivka et Itz’hak de se préoccuper plus tard de sa future union, une fois le problème prioritaire réglé ?

    Selon le Mechekh ‘Hokhma, Rivka n’agit pas uniquement ici dans l’intérêt de son fils, comme une mère ‘normale’. Son discours et son insistance traduisent également une aspiration plus élevée : l’accomplissement de la prophétie. Si Yaakov se fait tuer par Essav, les prophéties prononcées avant la naissance des enfants ne se réaliseront pas. Or il a été annoncé : « Un peuple sera plus fort que l’autre, et l’aîné obéira au plus jeune » (Béréchit 25, 23). Ceci ne peut s’accomplir qu’à la seule condition que Yaakov ait une descendance.

    Mais comment peut-il se marier et avoir des enfants en restant auprès d’eux, tout en étant obligé de se cacher constamment à cause de son frère ? Aussi la seule possibilité d’aller dans le sens du message divin est-elle de l’envoyer au loin, et d’insister sur la nécessité de trouver femme une fois sur place.

    Le Rav de Dvinsk remarque encore que cette préoccupation ‘supérieure’ se retrouve aussi chez Itz’hak. Le patriarche n’agit pas uniquement comme un père ‘normal’ motivé par des sentiments paternels, mais également comme un protecteur du message prophétique. C’est pour cela qu’il emploie cette formule à priori étonnante : « Qu’il te donne la bénédiction d’Avraham ». A quelle bénédiction fait-il référence ? C’est que Yaakov prend désormais le chemin déjà écrit et annoncé par Dieu à son grand-père : « Ta descendance sera étrangère » (Béréchit 15, 13). En quittant le domicile paternel, il commence ainsi le futur chemin de l’exil, qui débute précisément chez Lavan.

    Nous pouvons donc supposer, à la suite du Mechekh ‘Hokhma, que la recommandation de se marier chez Lavan a également chez Itz’hak une connotation supérieure. Au-delà des conseils ‘classiques’ d’un père envers son fils, il l’incite pleinement à permettre l’accomplissement de la parole divine.

     

    Yona GHERTMAN

     

    *Rav Méïr Sim’ha haCohen de Dvinsk. 1843-1926

    Texte original :

    משך חכמה בראשית פרק כז

    (מב - מו) הנה עשו אחיך מתנחם לך להרגך, ועתה בני שמע בקולי וכו'. אם לוקח יעקב אשה מבנות חת... למה לי חיים. הענין, שנאמר לה בנבואה "ורב יעבד צעיר" (כה, כג), ואיך יהרוג עשו את יעקב?! אולם יכול להתקיים בזרעו כמו "לאום מלאום יאמץ" (שם שם). אך זה דוקא אם ישא אשה ויוליד בנים. לכן עכשיו "הנה עשו מתנחם (לך להרגך)", ואיך תוכל לישא אשה פה?! ברח לך אל לבן אחי אמך וקח אשה משם, ודו"ק.

    משך חכמה בראשית פרק כח

    (ד) ויתן לך את ברכת אברהם. ראה עתה כי הגירות מתקיים ביעקב, והוא פורע השטר, לכן אמר "ברכת אברהם", וזה אשר כרת עמו בברית בין הבתרים שאמר "כי גר יהיה זרעך" (טו, יג), "לזרעך נתתי את הארץ הזאת" (שם יח). וכמו שאמרו זאת הטענה בשלחם מלאכים אל מלך אדום, עיין רש"י ומדרש שם פרשת חוקת, ופשוט

  • L'union entre la droite et la gauche

     Cycle : la Paracha selon le Mechekh 'Hokhma

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    L’alliance de la droite et de la gauche

     

    On raconte que c’est à l’âge de 17 ans que Rabbi Méïr Sim’ha ha-Cohen de Dvinsk acheva la rédaction de son commentaire sur la Tora, Meshekh ‘Hokhma. Son père lui interdit de publier ce livre avant d’avoir auparavant achevé un ouvrage plus prestigieux pour un Talmid ‘Hakham, soit un ouvrage de ‘Hidoushé Halakha. Et c’est ainsi que nous avons eu le mérite de recevoir le recueil exceptionnel que constitue le Or Saméa’h sur le Mishné Tora de Maïmonide. Mais paradoxalement, l’ouvrage achevé dans la prime jeunesse de Rabbi Méïr Sim’ha ne sera publié que de manière posthume (1)

    … On a l’habitude de considérer le Meshekh ‘Hokhma comme l’un des sommets de la littérature rabbinique lituanienne, pétri qu’il est d’érudition et de subtilités talmudiques. Mais on oublie que l’héritage mitnaged comporte également un versant cabalistique exceptionnel, découlant notamment des œuvres du Gaon de Vilna lui-même, à l’instar de son commentaire sur le Sifra di-Tsniouta, puis de celles de ses plus grands élèves, à commencer par Rabbi ‘Hayim de Volozhine. En l’occurrence, aucune erreur n’est possible ici ! Rabbi Méïr Sim’ha ne dissimule pas un instant ses intentions. En effet, le tout premier passage du Meshekh ‘Hokhma est de nature purement ésotérique, citant tout d’abord la figure tutélaire de Na’hamanide, faisant référence au Sefer Yetsira, aux textes des « Anciens », et invoquant les concepts de Ein Sof, de Mo’hin ou le nombre des séfirot et les rapports entre les premières d’entre elles. Même si Meshekh ‘Hokhma n’est donc pas à proprement parler un commentaire ésotérique sur la Tora, la dimension cabalistique y revient de manière régulière, comme un filigrane. C’est le cas dans notre parasha, celle de ‘Hayé Sarah.

    * * *

    Pour rappel, Eli’ezer, serviteur d’Avraham, a été envoyé par son maître chercher femme pour son fils Yits’hak (Genèse 24:1-4). Sur le départ, Eli’ezer tient des propos à mi-chemin entre une prière et un contrat moral passé avec Dieu (24:12- 14) : « Et il dit : Seigneur, Dieu de mon maître Avraham ! Daigne me procurer aujourd’hui une rencontre et fais montre de bonté envers mon maître Abraham. Voici, je me trouve au bord de la fontaine et les filles des habitants de la ville sortent pour puiser de l’eau. Eh bien! la jeune fille à qui je dirai : “Veuille pencher ta cruche, que je boive” et qui répondra : ”Bois, puis je ferai boire aussi tes chameaux“, puisses-tu l’avoir destinée à ton serviteur Yits’hak et puissé-je reconnaître par elle que tu as fait montre de bonté envers mon maître ! ».

    A deux reprises, Eli’ezer évoque donc le ‘Hessed, la bonté de Dieu – et c’est à cette bizarrerie textuelle que s’attache Rabbi Méïr Sim’ha :

    « D’après la voie de la Vérité [ésotérique], l’explication en est la suivante : Yits’hak représente la dimension de Rigueur (Guevoura) or c’est par l’adhésion de la Guevoura et du ‘Hessed qu’est constituée la traverse centrale, le Emet (Vérité). C’est pourquoi lorsqu’il ressentit en Rivka la dimension de Bonté il déclara : “Béni soit Dieu qui n’a pas abandonné son ‘Hessed et son Emet” (24:27). C’est-à-dire que du mélange des dimensions de ‘Hessed et Guevoura est né la dimension de Emet, à savoir la dimension de Ya’akov. »

    Entre d’autres termes, selon le principe de correspondance entre les mondes supérieurs et les mondes inférieurs, l’union de Yits’hak et Rivka provoque en quelque sorte la synthèse de leurs dimensions spirituelles respectives et donne naissance matériellement à Ya’akov et spirituellement à la dimension de Emet. C’est une approche originale au sens où l’on considère plus classiquement que Ya’akov constitue la synthèse centrale du Emet en venant introduire l’harmonie entre les opposés que représentent son grand-père Avraham et son père Yits’hak. Il corrige le débordement de l’un et l’excès de l’autre et ouvre la voie à une possible rédemption du monde (2) . Débordement de bonté chez Avraham donnant naissance à Yishma’el, à qui il souhaite à tout prix de « vivre devant Dieu », excès de rigueur chez Yits’hak donnant naissance à Essav, à qui il souhaite délivrer sa bénédiction en qualité d’aîné. Dans les mots du Zohar (Terouma, 175a) :

    « Rabbi Shim’on enseigne : “Et la traverse centrale passera dans l’intérieur des solives, les reliant d’une extrémité à l’autre” (Ex. 26:28), il s’agit de Ya’akov, saint et parfait, comme nous l’avons établi, ainsi qu’il est écrit : “Et Ya’akov était un homme parfait, résidant dans les tentes.” Il n’est pas écrit “résidant dans la tente”, au singulier, mais “dans les tentes”, [les tentes] au nombre de deux, [et] qui unit l’une à l’autre. Ici également il est écrit : “Et la traverse centrale passera dans l’intérieur des solives, les reliant d’une extrémité à l’autre”, c’est-à-dire qui unit les deux [extrémités]. « Rabbi Shim’on enseigne : Je vois que la Sagesse (‘Hokhma) englobe le tout. Et que le ‘Hessed supérieur émane de la Sagesse. La Guevoura qui est le Din implacable, émane de la Bina. Ya’akov complète les deux côtés, les patriarches englobent le tout et Ya’akov englobe les patriarches. »

    Rabbi Shim’on expose clairement qu’Avraham, homme du ‘Hessed émane de la ‘Hokhma tandis que Yits’hak, homme de la Guevoura émane de la Bina. Il y a donc une relation d’émanation verticale entre les deux dernières des trois premières séfirot et les deux premières Midot, sans communication directe entre les côtés opposés. Ya’akov vient unir ‘Hessed et Guevoura, introduit une dimension médiane dans les midot. Et, ipso facto, il réalise la synthèse entre ‘Hokhma et Bina et matérialise en quelque sorte le lien d’émanation entre Da’at et Tif’eret, rattachant sa dimension originale aux séfirot de tête.

     Dans la lecture du Meshekh ‘Hokhma, la synthèse entre la Droite et la Gauche provient donc de l’union matrimoniale entre Yits’hak et Rivka. Et Ya’akov constitue la personnification de cette synthèse en tant qu’engendré par ses deux parents et non en tant que descendant de ses père et grand-père. Ce qui nous fournit une nouvelle lecture du verset suivant : « Yits’hak amena [Rivka] dans la tente de sa mère Sarah, il prit Rivka, elle fut femme pour lui et il l’aima et Yits’hak se consola [de la mort] de sa mère » (24:67), verset sur lequel Rashi commente d’après le Midrash : « Il l’amena dans la tente et voici qu’elle était Sarah, etc. » Dans la conjugalité Yits’hak découvre qu’il y a identité entre sa propre femme, Rivka, et Sarah, qui n’est plus ici sa mère, mais plutôt l’épouse d’Avraham, la dimension féminine du ‘Hessed (en accord avec le Midrash : « Avraham convertissait les hommes et Sarah convertissait les femmes… »). Le Midrash précise d’ailleurs : « Et voici qu’elle était Sarah » et non pas « Et voici qu’elle était sa mère » ou « semblable à sa mère » (ce qui aurait certes eu des résonances incestueuses). De cette union naîtra Ya’akov, qui, comme l’a dit le Zohar, « unit les tentes » – à proprement parler si l’on se réfère à ce commentaire de Rashi. La tente de Yits’hak se mélange avec celle de Sarah et la synthèse est opérée.

    Pour conclure, le Meshekh ‘Hokhma apporte deux nouvelles identifications de Rivka avec le ‘Hessed : - Sa chute du chameau en voyant Yits’hak (24:64) – c’est très littéralement l’effet du Pa’had Yits’hak, de la crainte qu’impose la figure de Yits’hak à la femme de ‘Hessed ; - Son exclamation : « Qui est cet homme-là qui va dans le champ ? » (24:65). Rabbi Méïr Sim’ha explique que le champ désigne « l’intensité du Din », ce pourquoi elle le désigne sous le terme de « halazé » qui marque la séparation et l’opposition entre elle et lui.

    * * *

    On peut enfin renchérir sans grand danger sur les paroles du Meshekh ‘Hokhma en remarquant que ce n’est qu’une fois Rivka identifiée comme l’épouse destinée à Yits’hak, aussi bien dans le premier que dans le second récit, qu’Eli’ezer n’évoque non plus le seul ‘Hessed de Dieu, mais son ‘Hessed et son Emet (24:27, 24:49). Il indique clairement que Dieu l’a mis sur « la voie du Emet » (24:28), sur la voie de la réalisation du Emet-Tif’eret dans le monde, via l’union entre Yits’hak et Rivka. Et déclare-t-il à la famille de Rivka, si vous refusez cette union, « dites-le moi et je me tournerai vers la Droite ou vers la Gauche » (24:49). Si vous vous opposez au mariage de Yits’hak et Rivka, la droite restera droite et la gauche restera gauche, l’harmonie cosmique ne pourra être réalisée. A quoi Lavan et Betouel répondent : « De YHWH la chose est sortie ». De la volonté de quel nom de Dieu émane la décision d’unir ces époux ? De YHWH, le nom de Dieu correspondant à la séfira Tif’eret. QED.

     

    Emmanuel Ifrah

     

    Notes

    1/ En effet, on aurait pu attendre le Meshekh ‘Hokhma soit publié immédiatement à la suite du premier volume du Or Saméa’h (Varsovie, 1902). Mais le Meshekh ‘Hokhma ne parut qu’après la disparition de Rabbi Méïr Sim’ha en 1926.

    2/ « Il est connu qu’Avraham représente la dimension du ‘Hessed le plus grand, sans aucune limite, tous sont bons à ses yeux et il n’y a que bien, ce pourquoi il demande à Dieu : “Si seulement Yishma’el pouvait vivre devant toi” – c’est-à-dire qu’il vive pour l’éternité devant toi, ce qui correspond à la dimension de Ein Sof illimitée, bien qu’Avraham sache ce qu’est Yishma’el, à cause de sa grande bonté, Avraham veut non seulement qu’il vive, mais qu’il vive dans un bien sans limite. C’est ce qui est enseigné [lorsqu’on compare Ya’akov aux autres patriarches] : “Pas comme Avraham dont est sorti Yishma’el”, dont il est sorti à cause de son débordement de bonté.

    « Mais il n’est pas juste qu’il en soit ainsi, car à la venue du Messie, si Dieu la veut, “La mort [devra] être éradiquée pour l’éternité”. “Et j’éliminerai l’esprit d’impureté de la terre.” Et il faut éradiquer tout mal de la terre, or si le monde est dirigé par la grande bonté [d’Avraham] comme il a été expliqué, le monde ne pourrait pas atteindre la dimension du Messie.

    « C’est pourquoi vient ensuite Yits’hak qui représente la dimension du Din, de la rigueur [afin de poser une limite à la bonté débordante d’Avraham]. Mais de Yits’hak également sort Essav en raison de sa rigueur trop implacable, [Essav à propos duquel il est écrit :] “Tu vivras par ton glaive.”

    « Mais “la couche de Ya’akov, [elle] fut parfaite”. [De lui ne sortirent que des enfants dignes de s’appeler “Fils de Ya’akov.” »

    (Tora Or du Admour ha-Zaken, Lekh Lekha, s.v. Anokhi Maguen Lakh) 

     

    *Rav Méïr Sim’ha haCohen de Dvinsk. 1843-1926

    Texte original :

    משך חכמה בראשית פרק כד
    (יד) (ובה אדע) כי עשית חסד עם אדוני. פירושו על דרך האמת (כד, יד): כי יצחק מדת גבורה, ומהתדבקות גבורה עם החסד נעשה בריח התיכון - אמת. ולכן כאשר הרגיש ברבקה מדת החסד אמר (פסוק כ"ז) "ברוך ה'... אשר לא עזב חסדו ואמתו" - שנולד מדת אמת מהתמזגות חסד וגבורה, וזה היא מידתו של יעקב. ולכן (פסוק ס"ד): "ותשא רבקה (את עיניה ותרא את יצחק) ותפל (מעל הגמל)"- מידת 'פחד יצחק'. וזה (פסוק סה) "מי האיש הלזה ההולך בשדה - עוצם הדינים - ותתכס", ודו"ק.

     

  • Les démons de minuit

                     Qui sont les vrais ‘démons de minuit’ ?

     

          Insomnie

     

    Dans notre rituel de prières, le « Shéma-Israël » [écoute Israël] a une place fondamentale, notamment car il retranscrit plusieurs idées essentielles du judaïsme : la reconnaissance de l’unité divine et du joug divin (1er paragraphe) ; l’acceptation des commandements (2nd paragraphe) ; la mitsva des tsitsit et la mention de la sortie d’Egypte (3ème paragraphe). Nous lisons ce texte le matin et le soir afin de reproduire l’indication de la Torah : « Tu les enseigneras à tes enfants, et tu en parleras, lorsque tu seras assis dans ta maison, lorsque tu marcheras en chemin, à ton coucher et à ton lever » (Devarim 6, 7). De ce verset, nous apprenons qu’il convient de lire le « Shéma-Israël » à l’heure habituelle du coucher (soir) et à l’heure habituelle du lever (matin).

    Il existe toutefois une autre lecture du « Shéma-Israël », instituée avant de s’endormir : « Celui qui entre dans son lit pour dormir prononce le ‘Shéma-Israël’ jusqu’à ‘véhaya im shamoou’ [le premier paragraphe], puis il prononce : ‘Béni soit Celui qui fait s’abattre les liens du sommeil sur mes yeux et la torpeur sur mes paupières [...] » (Berakhote 60b).

     Il y a donc une obligation supplémentaire, en plus de la récitation du soir, de lire le premier paragraphe du ‘Shéma’ avant de dormir, et de le précéder d’une bénédiction spécifique. Cette dernière se trouve dans nos livres de prière. On peut y lire notamment : « Ne nous amène pas à la faute, ni à l’épreuve ou à la honte. Que le bon penchant règne sur nous, et que tu nous sauves du mauvais penchant et des mauvaises maladies ; et que nous ne soyons pas épouvantés par les mauvais rêves et les mauvaises pensées ».

    L’obligation de lire le ‘Shéma’ avant de se coucher -ou du moins le premier paragraphe- est bien distincte de sa récitation en entier une fois la nuit tombée. Selon le Talmud, les Sages ont institué cette récitation supplémentaire avant de dormir afin de protéger des « êtres malfaisants / mazikine » (Berakhote 5a). De qui s’agit-il ? On pourrait choisir de s’orienter vers une explication mystique et y voir une protection contre les ‘mauvais esprits’ et autres ‘démons de minuit’. Toutefois une telle approche aurait le désavantage de déresponsabiliser l’homme face à lui-même. Aussi je me permettrais une autre explication plus rationnelle, et surtout… plus ‘parlante’ :

    Un voisin gendarme m’expliquait récemment qu’il avait beaucoup de mal à s’endormir le soir en raison des horreurs qu’il voyait régulièrement dans son travail. Il me faisait notamment référence à la soirée du 14 Juillet 2016, durant laquelle il était en service à Nice… A niveaux variables, les tensions et les préoccupations de la journée s’accumulent et ressortent dès que le calme du coucher se fait sentir. Ce sont nos propres démons qui nous empêchent de dormir. Aussi les Sages ont-ils exigé que nous nous endormions en prononçant des paroles de Torah et de réconfort. L’objectif étant de s’endormir en gardant en tête que tous nos problèmes, aussi dérangeants soient-ils, peuvent être surmontés en prenant le recul nécessaire : la reconnaissance du joug divin.

    C’est d’ailleurs dans cet esprit que les Sages enseignent : « Le Satane, le Yetser hara et l’ange de la mort  sont une seule entité » (Baba Bathra 16a)… La première source de conflit n’est pas l’autre mais soi-même. L’agent déviateur (satane), le penchant vers le mal (yetser hara) et les pulsions mortifères (ange de la mort) sont une même déclinaison de nos ‘démons’ intérieurs. En prendre conscience constitue le premier pas vers l’amélioration.

     

    Yona GHERTMAN

     

    * D'après un billet paru dans Actualité-Juive

  • Education et enseignement

      Cycle : la Paracha selon le Mechekh 'Hokhma

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    L’éducation des enfants, ce n’est pas l’enseignement de la Thora

     

    En février 2017, l’ancien Grand Rabbin d’Angleterre, Jonathan Sacks, a publié une série de 13 vidéos fournissant 13 principes pour être « an inspired parent ».[1]

    Dans la 6ème de ces vidéos, l’accroche est simple et percutante : « Quel est le mot hébreu pour éducation ? Hinoukh, n’est-ce pas ? Non, tout faux ! Le mot hébreu pour éducation, c’est Talmud Thora. Talmud Thora, c’est le judaïsme que vous apprenez grâce à vos enseignants. C’est le judaïsme que vous apprenez en écoutant. C’est le judaïsme que vous apprenez par vos lectures. C’est le judaïsme que vous apprenez aux travers des livres et des salles de classe. Hinoukh, signifie autre chose (….) Hinoukh veut dire « apprendre par la pratique, learning by doing ».

     Au-delà de l’intérêt de cette vidéo et de la défense de l’éducation informelle par les mouvements de jeunesse que promeut le Rav Sacks[2], l’information cruciale de cette entame, c’est qu’il y aurait deux Mitzvot différentes, par leur substance et par leur conséquence.
    D’un côté l’enseignement de la Thora (Talmud Thora) qui est une obligation de la Thora, qui ne s’appliquerait qu’aux fils (et pas aux filles)[3]. De l’autre une Mitzva d’éduquer ses enfants, de leur apprendre progressivement à pratiquer les Mitzvot, à les leur faire apprécier et à s’assurer qu’ils suivront la voie indiquée par la Thora pour les juifs du monde entier.

    Cette dichotomie est intéressante mais problématique :

    1. D’abord, si la source de la Mitzva de Talmud Thora est bien identifiée (Velimadetem ete benekhem), il n’en n’est pas de même pour cette Mitzva de Hinoukh.  Elle semble être une Mitzva deRabbanan (instituée par les Sages) pour laquelle, il n’existerait aucune trace dans les 5 livres du Pentateuque.[4]
    2. Ensuite, cela induirait que la Mitzva de Talmud Thora n’est pas exhaustive, qu’il ne s’agit pas d’une Mitzva éducationnelle complète captant la totalité de ce que le vocable « éducation » recouvre, au point de lui adjoindre une autre Mitzva, dont les contours restent à définir, mais qui resterait indispensable pour bâtir un jeune juif (ou une jeune juive) digne de ce nom

     

    Le Mechekh Hokhma aborde ces questions de façon sibylline dans un de ses commentaires de la Paracha Vayera.

    Introduisons le passage de la Paracha en question. Dieu a prévu de détruire Sodome et Gomorhe, les anges chargés de l’opération sont sur le point de s’y rendre après avoir rendu visite à Avraham. Et là, apparaît une sorte de monologue intérieur divin, probablement unique en son genre dans toute la Thora, où Dieu se parle à lui-même.

    « Vais-je taire à Avraham ce que je veux faire ? Avraham ne doit-il pas devenir une nation grande et puissante et une cause de bonheur pour toutes les nations de la terre ? »

    « Car si je l’ai aimé, c’est pour qu’il prescrive à ses fils et à sa maison après lui d’observer la voie de Dieu en pratiquant la vertu et la justice ; afin que l’Eternel accomplisse sur Avraham, ce qu’il a déclaré à son égard ».[5]

    Formidable passage, où Dieu sait qu’il devra « endurer » une discussion sans issue avec Avraham sur l’avenir de Sodome (elle sera détruite malgré l’intervention d’Avraham), mais qu’il la lui doit compte-tenu de la mission et du destin qui lui est promis.

    Le Mechekh Hokhma, dans son commentaire sur ce passage, qu’il existe en effet une Mitzva de Hinoukh indépendante de celle du Talmud Thora. Jusque-là, il ne dit rien de neuf. C’est par exemple ce qu’indique déjà Maïmonide dans son code de lois[6] en s’appuyant sur des discussions variées du corpus talmudique, référence d’ailleurs ramenée par le Mechekh Hokhma.[7] Mais il innove pourtant en faisant de ce passage la source scripturaire de cette Mitzva. En allant à l’encontre (ou en complément) de Maïmonide, qui voit l’origine de cette Mitzva dans un passage des Proverbes[8], le Rav Meir Simha Hacohen indique que le principe même de la Mitzva de Hinoukh, d’éducation de ses enfants, se situe dans ce verset où Dieu avoue la raison ultime de la distinction spécifique d’Avraham et de sa descendance après lui. De la même façon qu’Avraham a éduqué ses enfants et ses proches à suivre un chemin de vertu et de justice, chaque juif après lui devra encourager sa progéniture à « faire » et du coup, à apprendre.

    Cette Mitzva d’éducation n’est donc pas juste une mesure technique garante d’efficacité, mais au contraire le cœur et le principe essentiel de la raison pour laquelle Avraham a été distingué. Pourquoi Avraham a été choisi pour porter le projet divin ? Parce qu’il est un éducateur et ce n’est pas un hasard si Avraham est l’unique personnage de toute la Thora à mériter ce qualificatif. L’éducation informelle n’est donc pas juste une méthode intéressante, c’est au contraire le vecteur incontournable par lequel le projet abrahamique peut se déployer.

    On pourrait prendre le risque d’extrapoler ce Hidouch du maître de Dvinsk :

    • L’étude et la pratique de la Thora seules ne suffisent pas à accomplir complètement l’objectif que poursuit Dieu pour le peuple juif. Il faut y ajouter une dimension existentielle où l’exemplarité et la volonté de faire vivre au quotidien des valeurs non pas théoriques mais passant par la pratique régulière deviennent essentielles

     

    • L’objectif suprême, tant de l’étude et la pratique de la Thora que de l’éducation par l’exemple, sont de faire des hommes et des femmes pratiquant Tsedaka ouMichpat, traduits plus haut par « Vertu et Justice ». Où l’on retrouve aussi une forme d’inspiration du discours prophétique ultérieur, parfois occultée par nos sociétés plus formatées pour l’efficacité, l’intensité existentielle ou la volonté de protection des « dangers extérieurs »

     

    • Le Mechekh Hokhma le dit explicitement : autant la Mitsva d’enseigner la Thora est réservée aux garçons, autant cette Mitzva de Hinoukh s’adresse autant aux garçons qu’aux filles[9], preuve que si le chemin est différent, il n’est pas question de laisser quiconque de côté lorsque se pose la question centrale de l’éducation de la jeunesse et de son caractère quasiment exclusif dans la matérialisation de l’humanité de demain.

     

    FRISON

     

    *Rav Méïr Sim’ha haCohen de Dvinsk. 1843-1926

    Texte original :

    משך חכמה בראשית פרק יח פסוק יט

    (שם, שם) כי ידעתיו למען אשר יצוה את בניו ואת ביתו אחריו וכו'. הנה חינוך מצוה לבנים במצות עשה לא נזכר, רק עשה ד"ולמדתם את בניכם", הוא בתלמוד תורה. ואמרו בנזיר דף כט, א דהאב חייב לחנך בנו במצוות, ואין האשה חייבת לחנך בנה במצוות, פירוש דהוה כמו מצות עשה של תלמוד תורה, דהאשה פטורה. ויעוין אורח חיים סימן שמ"ג בביאורי הגר"א ובמגן אברהם. ומקור מצות חינוך במצות עשה, מקורו בזה הפסוק מאברהם אבינו שצוה את בניו בקטנם על המצוות. קרא ד"חנוך לנער על פי דרכו" (משלי כב, ו) שהביא הרמב"ם בסוף הלכות מאכלות אסורות [ושם לענין איסורים] הוי מדברי קבלה, אבל העיקר מאברהם. וכאן משמע שאף לבנות מצוה על האב. ויעוין מגן אברהם, דרק בנזיר אין מצוה על בתו, וכן משמע בגמרא שם, ואין מקום להאריך:

     


    [2] Le Rav Sacks raconte notamment une anecdote savoureuse. Il a été amené à rencontrer toute l’équipe du Département éducatif de l’Université Hebraïque de Jérusalem. Plutôt que de se présenter normalement, il a été décidé que chacun dirait pourquoi ils ont décidé d’embrasser une carrière dans l’éducation juive. Tous, sans exception (y compris le Rav Sacks), ont mentionné l’importance de leur passage en mouvement de jeunesse. Mouvements de jeunesse qui précisément ne faisaient l’objet d’aucun département universitaire au sein des différentes chaires de science de l’éducation !

    [3] « Tu l’enseigneras à tes fils ». Exégèse rabbinique : et donc pas à tes filles

    [4] C’est par exemple l’avis du fondateur du mouvement Habad, Rabbi Schneour Zalman de Liady dans son Choulkhan Aroukh Harav, Yoré Déa 246 :

    [5] Genèse 18 : 17-19

    [6] Michné Thora – Hilkhot Maakhalot Asourot 17:28

    [7] Le Rav de Dvinsk est un des plus grands commentateurs de Maïmonide à travers la 2ème de ses œuvres maîtresses : le Or Sameah

    [8] Proverbes 22 :6

    [9] Le Mechekh Hokhma prend ainsi position dans une discussion talmudique dans Nazir 29a entre Rabbi Yokhanan et Rech Lakich où on pourrait déduire de la position de ce dernier que la Mitzva de Hinoukh ne s’applique pas aux filles

  • Lekh-Lekha : D'un Dieu qui apparaît

      Cycle : la Paracha selon le Mechekh 'Hokhma

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          D’un Dieu qui apparait

     

    C’est avec une certaine appréhension que je me lance dans la retranscription d’un commentaire du Méché’h ‘Ho’hma sur la section de Lé’h Lé’ha.

    « Dieu est apparu à Avraham, et lui dit ‘à ta descendance je donnerai cette terre’, il construisit à cet endroit un autel à Dieu qui lui est apparu ».   Bien sûr Dieu n’est pas visible, c’est pourquoi Onkelos traduit de façon un peu vague ‘Dieu s’est révélé à Avraham’. La plupart des commentateurs qui se sont attaqué aux anthropomorphismes[1] de la Torah s’y sont pris de la même façon : en écrasant le sens littéral pour flouter la signification jugée ‘trop corporelle’ de certains termes.

    Le Rav de Dvinsk va ébaucher à ce sujet dans son commentaire une démarche peu orthodoxe et qu’il ne développera pas de part ailleurs.

    Il part d’un verset de Job[2] « et de ma chair je vais scruter Dieu ». Comment la chair permet-elle de ‘scruter’ Dieu ? Il rappelle tout le discours (la litanie ?) sur la chair comme ce qui fait écran à Dieu. Pourtant, en émaillant son discours, notre auteur donne un sens précis à ces considérations. Il écrit ‘selon moi l’âme elle-même atteint ce qu’est véritablement Dieu, Son existence, la crainte qu’Il inspire, le respect qu’Il requiert’. L’âme n’est pas une entité abstraite, c’est tout simplement l’intelligence[3]. Dans ce langage, ‘le corps’ signifie tout ce qui s’oppose à cette compréhension : la prétention humaine à ‘être’, sa propre existence, et le respect que l’on prétend nous être dû ! Alors comment comprendre qu’on puisse scruter Dieu à partir de « ça » ?

    Le Rav va jouer sur les mots, dans la pure tradition talmudique, un peu moqueuse des étymologies ‘sérieuses’.  En hébreu[4] le verbe ‘scruter’ a donné un nom commun : microscope ! Sans y voir aucune forme de preuve, juste une boutade, le Rav va développer la thèse que c’est à partir du corps que peut être ‘aperçu’ Dieu. Le corps selon lui va permettre d’obtenir une appréhension de Dieu plus précise que la pensée : la matière en effet a la capacité de s’épurer. Dans le texte : « la matière possède la possibilité de s’épurer jusqu’à ne plus former un écran entre la lueur qui filtre à travers la lucarne spirituelle sans que l’intelligence ne l’en empêche, et voir plus que ne pourrait le faire le ‘penseur’ abstrait de toute matière ». Pour éviter un contresens, précisons qu’il ne s’agit pas de ‘se lancer dans le corporel’, mais bien sûr de maintenir la pratique des commandements. C’est d’ailleurs cette tentation d’oublier la capacité à fauter qui conduisit Adam à passer du stade de ‘la vision de Dieu’ (avant la faute) à celle de ‘l’écoute’ (après la faute il est dit ‘ils écoutèrent Sa voix’). En effet précise-t-il, alors que par exemple les animaux ont cette capacité d’écouter Dieu[5], seuls certains hommes peuvent ‘voir Dieu’. En distinguant deux niveaux d’appréhension du divin, le Rav invite à la réflexion. Proposons, une façon de comprendre : la matière c’est ce qui résiste, pour employer un topos contemporain, lorsqu’on traverse cette résistance, chaque avancée est obtenue de haute lutte, et les armes de ce combat sont les mots de l’étude de la Torah, en déployant une langue capable de contourner les difficultés, le sujet s’éclaircit, laissant apparaitre une lucarne de vérité, l’orgueil personnel et la ‘subjectivité’ s’envolent. L’esprit enraciné dans le corps va jouer le rôle d’une lentille grossissante dont l’esprit seul serait incapable[6].

    C’est le sens de la fin du verset « et il fit un autel au Dieu qui lui est apparu » !

     

    Franck Benhamou

    *Rav Méïr Sim’ha haCohen de Dvinsk. 1843-1926

    Texte original :

    משך חכמה בראשית פרק יב פסוק ז

     

    (ז) ויבן שם מזבח לה' הנראה אליו. הענין הוא על פי מה שכתוב "ומבשרי אחזה א - לקי". הוא לדעתי כי הנפש עצמו משכיל רוחני משיג אמיתת השם יתברך, מציאותו ומוראו וכבודו. רק בשביל שמלובש בחומר גס מסך מבדיל חוצץ בינו לאביו שבשמים, נחוץ לנו התורה שהיא כלי המחזה [מיקראסקאפ] לזכך החומר ולהסיר מלבושיו הצואים, עד כי ישוב כמו טרם היולדו. [וזה מאמרם ז"ל: 'משחרב בית המקדש, מחיצה של ברזל מפסקת בין ישראל לאביהם שבשמים'. והכוונה מחיצת החומריי אשר יפסיק בין זוהר השגחתו באספקלריא המאירה לישראל]. ואם כן, הנראה כי זה ביכולת החומר להזדכך עד אשר לא מפסיק בין זוהר אשנבי הרוחני לבלי לחצוץ בהשכלתו, אבל לראות יותר מאשר יראה המשכיל בהיותו במציאותו בעצמו בלא לבוש הגשמי, זה אינו באפשרי. לכן אמר כי לא כן, כי כאשר יש כלי הבטה וכלי המחזה אשר יגדילו חוש הראות אלף פעמים כפי היותו, כן יש בכח השלם האלקי לזכך את החומר עד כי ישוב למחזה מלוטשה ובהירה מגדלת עיני הנפש אלף פעמים לאין מספר שתראה מראות אלקים. וזה "ומבשרי" - מן הבשר הוא החומר הגס - [ככתוב "לב בשר", "עיני בשר"] "אחזה", כמו על ידי מחזה מגדלת אלקי. ולכן אמר "אחזה" ולא "אראה", והוא ביאור ורעיון יקר.

    וזה נמצא כי דבר אלקים שמענו גם לנחש גם לדג, ומתייחס לקול אלקים, הוא השגת חפץ השם ורצונו בנמצא זה השומע בפרט, אך ראות כבוד אלקים לא מצאנו בנבראים הפחותים. ואדם הראשון קודם החטא, היה חומר זך ובהיר ודק, אשר לא חצץ מאומה בינו למראה כבוד ה', לכן הלך עירום. כי המשכיל הרוחני בל יצטרך לכסות בשר הערוה, ושוה לו למקום הנחת תפילין, כי לא היתה לו שום תאוה וענין רע. אך כאשר אכל מעץ הדעת נתהפך לחומר גס מובדל מאמיתת השגתו והתקרבות אלקים, וחומרו חצץ בכוחות רעים מולידים התאוה והכעס, נקימה דמיונות כוזבים [וזה כוונה שניה במאמרם ז"ל: ק"ל שנה היה מוליד רוחות ושידים]. לכן ידעו כי ערומים הם ויתבוששו, כי עתה היתה המקום לבשר ערוה, ולכן כתיב "וישמעו את קול אלקים" - רק שמעו קולו, ולא ראו כבוד ה'. "ויקרא ה'... איכה" (ג, ט), "ויאמר את קולך שמעתי בגן" (ג, י), היינו "שמעתי" ולא ראיתי כבודך, "ואירא כי עירום אנכי" (שם שם), היינו שחומרי חוצץ ומפסיק ביני לך אבי שבשמים.

    והנה מן אז לא מצאנו רק "ויאמר ה'", אבל לא "וירא ה'". רק כשבא אברהם לארץ ישראל, אז הזדכך חומרו עד כי שב כאדם קודם החטא. וזה הוא "וירא ה' אל אברהם ויאמר" - היינו שמתחילה ראה אותו. וזה כוונת הפסוק פה, "ויבן שם מזבח לה' הנראה אליו", היינו שראה אותו קודם האמירה, שלא חצץ החומר מאומה. וכן כוונת הפסוק "וארא אל אברהם יצחק ויעקב". וכן תמצא אצל כל אחד מהאבות "וירא אליו ה'", ודו"ק היטב.

     

    [1] Tradition dont le phare est Maïmonide mais précédé et succédé par de nombreux autres interprètes.

    [2] 12.7. L’interprétation qu’il en fait ne semble pas être liée au contexte qui voudrait voir dans ce chapitre de Job la magnification de la souffrance comme lieu même de la révélation. On connait l’origine de cette idée, et qu’elle est foncièrement étrangère au judaïsme. 

    [3] Ceci apparait dans le texte hébreu, sa forme et son contenu. Le MH réagit suit en cela Maïmonide qui définit précisément ainsi « l’âme » (Yessodei Hatorah 4.8).

    [4] Il s’agit de l’hébreu savant employé par les commentateurs juifs et non de l’hébreu moderne !

    [5] Le serpent en Béréchit 3.14 ou le poisson en Yona 2.11.

    [6] Même si parfois l’on s’enflamme, et l’on saute par-dessus son propre corps, le rav qualifierait cette démarche d’imaginaire. 

  • Du devoir d'avoir des enfants

               Cycle : la Paracha selon le Mechekh 'Hokhma 

                                   

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    Noa'h- Du devoir d’avoir des enfants

     

     

    La parasha de Noah’ voit le commandement de pirya-verivya – l’obligation d’avoir des enfants répétée ( Bereshit, IX, 7)

    Le Mesheh-Hohma profite de cette répétition pour s’interroger sur le fait que cette obligation incombe uniquement à l’homme et non à la femme (Cf Rambam – Ilh’ot Ishout, Chap XV). Cette distinction entre homme et femme quant à cette mitsva peut paraitre totalement artificielle, puisque par définition, l’un comme l’autre sont nécessaires à sa réalisation. Pourtant quelques nuances existent d’un point de vue légal (comme, par exemple, l’autorisation de moyens contraceptifs) et ces nuances sont mises en relief dans son commentaire…

    Le Mesheh-Hohma fait deux propositions pour expliquer cette distinction. L’une comme l’autre partent d’un constat que la Torah n’oblige à aucun moment à des actes extrêmes. L’auteur propose comme exemples pour étayer sa thèse le fait que la chasteté absolue n’est pas prônée par la Torah, ou que les jeûnes ne sont que limités etc… Preuve est, selon lui, que la Torah ne peut pousser à des extrémités.

    Continuant cette idée, le mesheh-hohma propose que puisque la grossesse et l’accouchement sont des moments de potentiels dangers ou, tout au moins, de douleur, il ne peut y avoir de mitsva obligeant de manière absolue a enfanter… Etrange constat que de dire que les femmes ne veulent avoir des enfants. Le Mesheh-Hohma en a conscience et nuance : si les femmes aspirent à enfanter – faisant fi des dangers et des douleurs- , c’est là un phénomène naturel assurant la perpétuité de l’espèce humaine! Réflexion moderne à notre sens ! Un phénomène naturel et non légal ! La loi de la Torah ne peut venir et contraindre ici… Cette explication permet d’expliquer, continue le Mesheh-Hohma, la facilite avec laquelle Rabbi Hiya permet à sa fille de prendre une potion contraceptive… ( Yebamot 66b).

    Se baser sur le fait que la naissance est associée à des douleurs pour la femme ne peut être vrai qu’après la faute de Bereshit… Le mesheh-hohma va donc se servir de ce point pour appuyer son explication. Il nous invite à constater que si avant la faute d’Adam et Hava, l’injonction d’enfanter est dite au pluriel, donc aux deux (Bereshit I, 28), elle est répétée a l’homme seul à la fin du livre (Bereshit, XXXII, 11) ! Et enfin, dans notre parasha, bien que dite au pluriel, elle est précédée du verset “Et Dieu s’adressa à Noah’ et ses fils” (Bereshit IX, 1) – preuve pour le Mesheh-Hohma que la faute d’Adam et Hava (et la malédiction s’en suivant) créent bien un changement dans les sujets concernés par cette mitsva

    Au-delà de la douleur et du potentiel danger associés à la grossesse et a l’accouchement, le Mesheh-Hohma fait le constat d’une seconde “extrémité” à laquelle serait confrontée la femme si elle était contrainte à la mitsva d’enfanter…

    Qu’en serait-il si la femme constatait après des années de mariage que son mari est stérile ? Si la mitsva d’enfanter était contraignante pour elle, elle se verrait dans l’obligation, dit le Mesheh-Hohma de se séparer de son époux et de tenter de se remarier… Voilà, nous dit notre auteur, une autre “violence” que la Torah ne voulait pas imposer…

    Face à cette seconde explication, on peut tout de suite demander si la violence n’est pas la même pour l’homme qui devrait, lui aussi, divorcer. Le Mesheh-h’oh’ma précise ce point : rien n’empêche l’homme, selon la Torah, de prendre une seconde épouse, tout en gardant sa première épouse – la violence s’en trouve, donc, amoindrie…

    Cette dernière précision faite par le mesheh-hohma renvoie immédiatement à son commentaire dans la parasha de Bereshit (III,16) – Commentant le verset énumérant les “malédictions” que subit H’ava après la faute, le Mesheh-Hohma remarque que toutes sont de l’ordre du naturel et non du légal (e.g enfanter dans la douleur). Profitant de ce constat, notre auteur continue en remarquant que le Talmud dans Erouvine 100B, énumère parmi les malédictions post-faute, le fait qu’une femme ne peut avoir deux époux alors que l’inverse est permis…

    Continuant son constat initial, le Mesheh-Hohma en conclut que l’interdiction de la polyandrie relève du naturel et non du religieux ou du légal: la polygamie féminine entrainerait  que les hommes se désintéresseraient de leur progéniture, ayant le doute constant de leur réelle paternité…[1]

    Revenant à notre commentaire sur Noah’, le Mesheh-hohma conclut que la polyandrie ne pouvant être envisagée, il ne pouvait y avoir de contrainte de Mitsva pour une femme d’avoir des enfants…

     

    Benjamin SZNAJDER

     

    *Rav Méïr Sim’ha haCohen de Dvinsk. 1843-1926

    Texte original :

    משך חכמה בראשית פרק ט פסוק ז
    (ז) פרו ורבו וכו'. לא רחוק הוא לאמר הא שפטרה התורה נשים מפריה ורביה וחייבה רק אנשים, כי משפטי ה' ודרכיו "דרכי נועם, וכל נתיבותיה שלום", ולא עמסה על הישראלי מה שאין ביכולת הגוף לקבל. ומכל דבר האסור, לא מנעה התורה בסוגה ההיתר, כמו שאמרו פרק כל הבשר. ומשום זה לא מצאנו מצוה להתענות רק יום אחד בשנה, וקודם הזהירה וחייבה לאכול. וכן לא מנעה המשגל מכל בניה לבד ממשה רבינו, לפי שלו היה צריך לגודל מעלתו ולזהירות גופו. ויותר מזה, במלחמה, בעת הנצחון, לגודל החום והרחבת הלב, ידע א - ל דעות כי אז לא יתכן לעצור בעד הרוח בעת חשקו באשה יפת תואר, והתירה התורה יפת תואר אשת איש, וכמאמרם ז"ל: 'לא דיברה תורה אלא כנגד יצר הרע'. וכבר האריך בזה מחבר אחד.
    ומצאנו איך היה זאת לאבן פינה לאבות הקבלה, שפטרו מיבום מי שמתו בניו אח"כ, משום "דרכיה דרכי נועם". ואם כן, נשים שמסתכנות בעיבור ולידה, - ומשום זה אמרו מיתה שכיחא, עיין תוספות פג, ב ד"ה מיתה שכיחה - לא גזרה התורה לצוות לפרות לרבות על האשה. וכן מותרת לשתות כוס עקרין, וכעובדא דיהודית דביתהו דרבי חנינא סוף הבא על יבמתו. רק לקיום המין עשה בטבעה שתשוקתה להוליד עזה משל איש. ומצאנו לרחל שאמרה "הבה לי בנים, ואם אין מתה אנכי". ובזה ניחא הך דאמר רב יוסף פרק הבא על יבמתו (סה, ב), דאין נשים מצוות בפריה ורביה מהכא, "אני א - ל ש - די פרה ורבה" (בראשית לב, יא), ולא קאמר "פרו ורבו". היינו דבאדם וחוה שברך אותם קודם החטא שלא היה לה צער לידה, היה מצות שניהם בפריה וברביה, ואמר להם "פרו ורבו" (שם א, כח). אבל לאחר החטא שהיה לה צער לידה, והיא רוב פעמים מסתכנת מזה, עד כי אמרו (בשעה שכורעת לילד קופצת) אשה ונשבעת שלא תזדקק (לבעלה, לפיכך אמרה תורה תביא קרבן - נדה לא, ב). לכן בנח, אף דכתיב "ויאמר להם פרו ורבו", הלא כתיב קודם (שם) "ויברך את נח ואת בניו", אבל נשיהם לא הזכיר, שאינם בכלל מצוה דפרו ורבו. וביעקב קאמר "פרה ורבה", וזה נכון. ובמהרש"א סנהדרין נט הניח זה ב"ויש ליישב", וכוון לה, ודו"ק.
    עוד יתכן לאמר בטעם שפטרה התורה נשים מפריה ורביה, משום דבאמת הלא הטביעה בטבע התשוקה, ובנקבה עוד יותר, כמו שאמרו (קדושין מא, א): 'טב למיתב טן דו (מלמיתב ארמלו'), ודי במה שהיא מוכרחת בטבע. ועל כן דעיקר המצוה היא כמו דתנן ביבמות (סא, א) לא יבטל אדם מפריה ורביה אלא אם כן יש לו בנים (בית שמאי אומרים שני זכרים, ובית הלל אומרים זכר ונקבה שנאמר, "זכר ונקבה בראם"), דאם נשא אשה ולא ילדה, מחויב ליקח אשה שיש לה בנים. ומדרך התורה לבלי לגדור הטבע, וכיוצא בזה אמרו "דרכיה דרכי נועם" כמו שכתבתי. ולכן לגזור על האשה כי תנשא לאיש ולא יוליד תצא מאהוב נפשה ותקח איש אחר, זה נגד הטבע לאהוב השנוא ולשנוא האהוב. ורק האיש, שיכול לישא עוד אחרת, עליו הטילה התורה מצוה. וזה המשך המאמרים שאמר רבי אליעזר ברבי שמעון סוף פרק הבא על יבמתו, ודו"ק.

     


    [1] Cette explication est très proche des explications du  Rambam dans son Guide des Egarés, III, 49… Il est meme étonnant que ce dernier ne soit pas cité.

  • De la genèse avant toute chose

     Cycle : la Paracha selon le Mechekh 'Hokhma

     

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    De la Genèse avant toute chose

     

    La lecture des commentaires sur la sidra de Béréchit est toujours passionnante : pas seulement à cause de la richesse du texte à commenter, mais parce que chaque commentaire essaie de poser –plus ou moins consciemment- les grands traits de ses problématiques. Le Méché'h ‘Ho’hma n’échappe pas à cette règle.

    A au moins trois reprises dans sa lecture de Béréchit, il montre comment une interprétation erronée de la parole divine est source de problèmes majeurs, à tel point qu’on peut se demander si cette première paracha ne fonctionne pas comme une mise en garde contre les interprétations abusives, projectives ou partisanes. Donnons quelques exemples.

    Lorsque le serpent veut encourager ‘Hava à consommer du fruit de l’arbre de la connaissance du bien et du mal, il lui dit « non, vous ne mourrez pas [en en consommant], car Dieu sait que le jour o vous en mangerez, vos yeux s’ouvriront, et vous serez comme Dieu connaissant le Bien et le mal » (3.4-5). La question qui se pose naturellement est de savoir comment ‘Hava a-t-elle pu croire en la parole du serpent, sachant que Dieu avait dit le contraire (2.16-17)? La réponse du Rav de Dvinsk suppose une relecture ingénieuse des paroles du serpent. Il écrit que « l’animal » a usé s’est adressé prioritairement à sa réflexion en réinterprétant la parole divine ; celle-ci dans son sens obvie visait à interdire de consommer du fruit défendu, mais sa ‘véritable’ intention était précisément qu’ils en consomment malgré l’interdit, par cet acte libre ils auraient montré leur désir le plus profond de s’approcher de Dieu, malgré les limites, malgré Dieu. « Non, le jour où vous en mangerez, [effectivement] vous en mourrez », le prix de la proximité avec Dieu serait d’être contre Dieu ! Malheureusement, quand ils en mangèrent, Dieu n’entre pas dans le détail et ne parla que de l’interdit d’en manger, tristement, ils comprirent que c’est leur désir qui parlait à travers le serpent. Lévinas usa d’une très belle expression : la tentation de la tentation pour parler de ce phénomène qui part ailleurs n’est pas récusé dans certains textes talmudiques, [et qui sont dits en filigrane dans le commentaire!, mais pas dans ces conditions].

    Autre passage non moins célèbre, le meurtre d’Abel. Le verset introductif (4.5) semble lacunaire, puisqu’il dit « Caïn dit à Abel son frère ; alors qu’ils étaient dans le champ… » sans dire aucun contenu de parole. Chaque commentaire est confronté à cette difficulté. Notre auteur comprend que Caïn s’est parlé à lui-même. Que se serait-il dit ? Le sacrifice de Caïn a été refusé, devant sa colère, Dieu s’adresse à lui, et conclut ses paroles par « il t’en veut et toi tu le maitriseras » (4.7). Caïn a compris cela comme une autorisation à dominer son frère, alors qu’il s’agissait de dominer la faute ! Sans entrer dans la lecture précise du verset 4.7, qui est très difficile, le mécanisme psychologique de mésinterprétation est assez simple : plutôt  que de comprendre que la parole lui était adressée à lui, Caïn, par une espèce de refoulement, celle-ci est mise sur le dos de celui qui est la source de sa souffrance. Interprétation quasi-psychanalytique, mais qui traduit bien le combat à mener avec soi-même pour qu’un texte délivre son sens.

    A une troisième reprise, mais moins explicitement, le Rav de Dvinsk entre dans cette problématique de la mésinterprétation, non pas de la parole divine, mais de Son geste. Après l’épisode de Caïn et Abel, le texte précise : « c’est alors qu’on cessa d’invoquer le nom de Dieu » (4.26). Quel est le lien avec l’histoire précédente ? C’est que les hommes, ont mal compris la raison de la mort d’Abel, qu’ils ont imputé au sacrifice abélien ! D’où leur détournement des sacrifices.

    Certes, il a fallu des générations de commentateurs pour habituer les hommes à lire le message divin de façon plus intériorisée. Mais l’on conçoit que la Torah, n’hésite pas, lors des premiers chapitres, à mettre en garde son lecteur, car particulièrement la parole divine est mal comprise, parlant à l’homme dans sa plus profonde intimité.

    Franck Benhamou

     

    *Rav Méïr Sim’ha haCohen de Dvinsk. 1843-1926

    Texte original :

     

    משך חכמה בראשית פרק ג פסוק ד

    (ד - ה) לא מות תמותון, כי יודע אלקים כי ביום אכלכם ממנו וכו'. הענין מבואר כי הנחש בא במושכל, לאמור להם כי אין כוונת הבורא לבלי אכול ממנו, רק רצונו שתאכלו ממנו, ואז תבואו להתקרבות לאלקות בענין נפלא להתגבר על הרע ולבטלו. ואך רצון השם היא, כי מאהבת המושכל והחשק להתקרבות אלקות לדעת טוב אמתי, תעשו זאת במסירת נפש. וחפץ אבדת החיים הזמני והנצחי, רק כדי לעשות להתקרב לאלקות, ואז תצליחו ותשכילו, ולכן ציוה לכם שאם תאכלו תמותו. ואף על פי כן, 'כל מה שיאמר בעל הבית עשה, חוץ מצא' (פסחים פו, ב) - ממחיצתו [כמו שפירשו המחברים], 'ואין אנו משגיחים בבת קול' (ברכות נב, א), ומוסרין עצמם באבידת שני העולמים רק בשביל הנחיל כבוד אלקים והתקרבותו, וזה על דרך עבירה לשמה. והוא באמת חפץ השם האמתי. וזה שאמר "לא מות תמותון", פירוש, "לא" כאשר אתם דוברים, רק "מות תמותון", פירוש שתמיתו עצמכם [כמאמרם ז"ל כל הממית עצמו על דברי תורה], כדי להשיג התקרבות לאלקות האמתית. וזה, "כי יודע אלקים כי ביום אכלכם ממנו (ונפקחו עיניכם והייתם כאלקים יודעי טוב ורע"), שהוא חפץ האמיתי מהשם יתברך [ואפשר "יודע", לשון "אוהב", כמו "כי ידעתי" את אברהם]. ולבסוף, כאשר אכל, התחבא ונתרחק מאלקים. וזה שאמר הבורא אליו "אשר צויתיך לבלתי אכל ממנו", שזה הוא חפצי האמיתי, ושלימות רצוני, לא כאשר הערימך הנחש ודו"ק:

    משך חכמה בראשית פרק ד פסוק ח

    (ח) ויאמר קין אל הבל אחיו, ויהי בהיותם בשדה. יתכן כי קין אמר אל לבו, שכוונת השם יתברך בדברו "ואליך תשוקתו ואתה תמשל בו" שכיוון אל הבל אחיו, שהבל משתוקק אליו לאבדו ולהכחידו מן העולם, אבל "ואתה תמשל בו", היינו שקין ימשול עליו, ולא פירש דברי השם שמכוונים אל החטא וכביאור התרגום. וזה "ויאמר קין אל הבל אחיו" שאמר בלבו שמכוון השם יתברך "אל הבל אחיו". ולכן אמר השם יתברך "קול דמי אחיך צועקים אלי", ירצה שהוא בדבריו כביכול גרם לחרת אפו של קין על הבל. ודו"ק.

    משך חכמה בראשית פרק ד פסוק כו

     והנה אחרי שהבל נהרג עבור הקרבנות, פסקו אנשי הדור להקריב קרבנות, והוחל לקרא כולם בשם ה', רצונו לומר, מה שפירסמו עבודת השם יתברך והשגחתו על ידי הקרבנות, וכמו שכתוב בלך אצל אברהם ובתולדות גבי יצחק "ויבן מזבח ויקרא בשם ה'". ומוסב "אז" על שלמעלה. וכיוצא בזה בפרשת עקב בעת הבדיל ה' את שבט הלוי, יעוין שם. וזה נכון בכוונת אונקלוס ודו"ק

  • L'éloge du converti

     Cycle : la Paracha selon le Mechekh 'Hokhma*  

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    Vézot haberakha : L’éloge du converti

     

    La dernière Sidra de la Torah, l’ultime bénédiction de Moshé Rabbenou, אִישׁ הָאֱלֹהִים, l’Homme de Dieu, a dispensé avant sa mort au peuple, tribu par tribu, juste avant sa disparition.

    A Zevouloun, le remarquable mécène de Issah’ar l’étudiant, Moshé Rabbenou promet réjouissance dans ses voyages commerciaux et à Issah’ar dans ses tentes, signe d’une entente prospère et symbiotique entre ces deux frères dans leur noble dessein ; puis il continue avec une bénédiction quelque peu étrange, sans grand rapport avec ce qui a été dit précédemment :

    « Ils convoqueront des nations sur la montagne et ils y offriront de justes sacrifices »

    Selon Rachi, le sens simple qui ressort de ce verset concerne le reste des tribus d’Israël, qui seront convoqués en temps et en heure lors des fêtes, au Mont Moriah, futur siège de Temple de Dieu où se réjouira le peuple autour des sacrifices offerts par les pèlerins ainsi que pour les fêtes.

    Le Mecheh’ ‘Hokhma* nous fait part d’une toute autre lecture, fort audacieuse : les peuples mentionnés par le verset seraient des convertis, qui seront convoqués au même titre que les 12 tribus pour y offrir des sacrifices en l’honneur de Dieu.

    Non seulement ils seront acceptés parmi les enfants d’Israël au sein du service divin, continue le Mecheh’ ‘Hokhma, mais en plus ils sont comparés à Avraham le premier des patriarches, le tout premier homme à avoir abjuré la foi païenne de ses pères et de ses pairs, envers et contre le monde entier. Il est le premier converti de l’Histoire. Il est celui qu’on surnomme « הר », une montagne, imposante et majestueuse, repère et soutien de tout un peuple.

    Ainsi, selon le Mecheh’ ‘Hokhma, chaque authentique converti parmi les nations dans l’Histoire sera digne d’être comparé à Avraham, leur mérite sera tel que le même attribut, « הר », leur sera accordé, avec un niveau de proximité qui ne sera en rien différent d’un descendant biologique des 12 tribus.

    Une subtile allusion peut-être, à ne pas occulter la grandeur et la noblesse de ces « peuples » voulant s’abriter sous les ailes de la présence divine. Ces convertis surpassent même les enfants d’Israël qui ont assisté à la révélation Sinaïque avant d’accepter cette Torah que nous allons à nouveau conclure.

    Des êtres acceptant le joug de cette Torah sans avoir rien vu de tout cela sont donc semblables à Avraham, notre père, la puissante montagne sur laquelle nous reposons, l’homme qui n’a également rien eu besoin de voir pour accepter pleinement le joug du Tout-Puissant.

     

    Elie DAYAN

     

     

    *Rav Méïr Sim’ha haCohen de Dvinsk. 1843-1926

     

    Texte original :

    עמים הר יקראו עיין בספרי שהן מתגיירין ולכן אמר עמים הר יקראו כמו אברהם שהיה תחילה לגרים וקראו הר. ויתכן דכוון אל מה שהתפלל שלמה וגם הנכרי כי יבוא מארץ רחוקה כו', וזה הבדל בין ישראל בארץ שבים כי יתפללו שם דרך ארצם הם נענים, אבל הנכרי מוכרח לבוא ואז נענה, לכן אמר עמים הר כי יבואו ויקראו יהיו נענים בתפלתם, לכן אמר עמים הר יקראו משום דמעלות בפ"ק דכלים, הר הבית מקודש כו' החיל מקודש ממנו שאין נכרים וט"מ נכנסים לתוכו, לכן רק בהר יקראו ולא בחיל ומעלות דאורייתא ביומא דף מ"ד ע"ב.

  • La vie en dur

     Cycle : la Paracha selon le Mechekh 'Hokhma*  

     

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    La vie, en dur.

    « Mensongère est la grâce, désigne la génération de Moïse et de Josué ». Texte anodin issu du traité Sanhédrine[1] commentant un verset de ‘la femme vaillante’ célèbre chapitre des Paraboles[2]. En même temps qu’un texte sans concession : la Torah décrit la vie des gens dans le désert comme idyllique, pas de souci de pain quotidien, de vêtements, de boisson. Mais les Sages ne sont pas dupes : vivre dans de telles conditions n’est qu’une illusion de vie, grâce mensongère !  La Torah ne serait-elle praticable que pour des gens nantis, et dont les besoins sont assurés de par ailleurs ? Le texte se poursuit en commentant le verset « l’épouse craignant Dieu est seule digne de louange » par une illustration : « il s’agit de la génération de Rabbi Yéhouda qui n’avait qu’une couverture pour six personnes et s’en protégeait pour étudier la Torah ». A contrario ne faudrait-il voir dans la Torah qu’un exercice masochiste ? La question est grave, elle touche toute la pratique des mitsvot.

    Le Méché’h ‘Ho’hma rappelle un élément souvent évoqué par les commentateurs médiévaux : l’épouse, c’est la matière[3]. Aucun antiféminisme ici, juste un rapport duel entre la forme qui a besoin d’une matière pour se poser, et une matière qui n’est qu’un élément volatile sans une forme qui l’habille. Le texte des paraboles, ne vise aucunement ‘la femme’, mais un mode d’être requis aussi pour l’homme. Le coup de génie des Sages, c’est de voir que l’excès de bienfait dont a été l’objet la génération du désert, les a portés à un haut niveau spirituel, mais a biaisé le jeu de l’humanité,  anesthésiant leur libre-arbitre[4]. La Torah doit se vivre à travers les fourches caudines du réel.

    Notre auteur alors précise ‘c’est pourquoi, une telle génération requérait Moïse [comme dirigeant]’. Au passage de cette petite remarque, on voit le pouvoir questionnant du Rav de Dvinsk ; qui aurait questionné sur la pertinence de Moïse comme dirigeant du peuple ? C’est que dans l’esprit de notre auteur, Moïse est un homme de miracles, qui vit au-dessus de la contingence, appelé par le Zohar ‘l’époux de la Présence’[5]. Or cette génération devait avoir un tel dirigeant : recevoir la Torah, demande un tel investissement, un tel chamboulement dans l’existence, qu’il fallait ‘faire une pause’, c’est l’objectif de la manne, du désert…

    Vivre dans le désert n’est pas une fin pour la Torah, juste un moyen. Ce commentaire, il le tisse à partir d’un verset de Haazinou. « Lorsque j’invoque le nom de Dieu, grandissez notre Dieu »[6]. Verset énigmatique qui laisse filtrer une lueur s’il est interrogé : Dieu est désigné dans la première partie du verset par le tétragramme, alors qu’il est appelé Elokim, dans sa seconde partie. Pourquoi ? Car le tétragramme figure le Dieu qui fait des miracles, Elokim renvoie à un comportement plus discret de la divinité, intervenant à travers la nature. Le verset peut se lire ainsi « Alors que moi [Moïse] j’évoque le nom transcendant, vous, grandissez Elokim ». Car c’est la grandeur de Dieu que de montrer que la Torah est une loi divine qui est praticable dans un monde sans illusion, ni miracle. Une telle vie peut seulement être qualifiée de spirituelle, car en tension avec le matériel.

     

    Franck BENHAMOU

     

    *Rav Méïr Sim’ha haCohen de Dvinsk. 1843-1926

    Texte original :

     

    משך חכמה דברים פרק לב פסוק ג

    (ג) כי שם ה' אקרא הבו גודל לא - להינו. פירוש על דרך מושכל, כי העיקר התכליתי אשר יתנהג האומה באופן טבעי מושגח פרטי. וזה כי יקצרו ויאספו דגנם, וראשית כל אשר לו, יובא בית ה' ולמשרתיו הקדושים. ושלוש פעמים בשנה יעזבו כל אשר להם תחת כנפי הבטחון האלהי ויבואו להיראות פני ה'. וכאשר יישירו לכת תוסיף הארץ לתת פריה, ותהיה חיתת ה' על הגויים סביב, ובכל מפעל ומצעד יזכיר ויברך שם הבורא יתברך. וחיים כזה הוא חיים רוחניים, ויקר שעה אחת מכל חיי העולם הבא לכל מתבונן. לא כן בימי משה אשר נפרצו גבולות הטבע ונהרסו מבצרי ההנהגה התמידית, רק לא פעלו מאומה, והמן יורד, וכל אחד רואה עמוד הענן וכבוד ה', וה' הולך לפניהם - הלזה יקרא תכליתי?! הלא אין זה רק חיי העולם הבא, חיים של מלאכים, וכמאמרם ז"ל (מכילתא בשלח יז): לא ניתנה תורה אלא לאוכלי מן. וכבר חז"ל בעמדם על ענין זה הפליגו לדבר ודרשו (סנהדרין כ, א) ברוח קדשם (משלי לא, כא) "שקר החן" - זה דורו של משה ויהושע, "והבל היופי" - זה דורו של חזקיה, שגם בו היה נס ופלא במפלת סנחריב וכיוצא בזה, בעמידת הצל וכיוצא בזה. "אשה יראת ה' היא תתהלל" - זה דורו של ר' יהודה ברבי אילעי שהיו ששה תלמידים מתכסים בטלית אחת ועוסקים בתורה (עכ"ל הגמרא). וזה "אשה" - היא החומר, שהחומר פעל פועל א - להי. לא כן בדורות הללו, כמעט בטלה הבחירה ונהרסו מפעלי החומר. אך למה נצרכו לזה אם אין זה התכלית האמיתי?! אולם כאשר יסוד התורה "אנכי" ו"לא יהיה לך", כן יסוד האמונה והאומה הוא ארבעים שנה האלו, כי בזמן כזה יכלו לפרש התורה היטב ולזכך נפשותם עד היותם יותר במעלה כאישים הנבדלים, והשרישו האמונה והנפש הא - להי בזרעם אחריהם. וגם זה המופת על האמת לקלי הדעת כמו שכתב רמב"ם. ולכך הוצרכו למשה. וזה באבות לא נראה הקדוש ברוך הוא בהנהגה נסיית, רק אברהם נתן "ארבע מאות (שקל כסף עובר לסוחר") עבור כברת ארץ. וזה (שמות ו, ג) "ושמי ה' לא נודעתי להם". לא כן במשה "איש הא - להים" בעלא דמטרוניתא [זוהר הקדוש (רלו, ב)] שהוא ביטול מוסדות הטבע, אשר היא המטרוניתא המנהגת בתבל [הגר"א]. ולכן אמר להם משה: דעו כי בכם יהיה הנהגה טבעית אשר נקרא בשם "א - להים". רק "כי שם ה' אקרא" - שזה הנהגה נסית - "הבו גודל לאלהינו", שבזמן שישראל עושים רצונו של מקום מוסיפים כוח בפמליא של מעלה, הוא הנהגה טבעית אשר היא הפמליא של מעלה, והבן

     

    [1] 20a.

    [2] Le verset commenté est dans Paraboles 31.21.

    [3] Voir par exemple Guide des Egarés, introduction.

    [4] Sans doute pas tout à fait, en témoigne les révoltes diverses et variées. Mais ce point demande à être discuté.

    [5] 236b

    [6] Dvarim 32.3.

  • Nitsavim-Vayelekh d'après le Mechekh-Hokhma

     Cycle : la Paracha selon le Mechekh 'Hokhma*    

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    Nistavim-Vayelekh

           Avant de céder la place à son successeur Yehoshou’a, Moshé réunit tout le peuple pour leur rappeler leur alliance avec Hashem avant qu’ils ne traversent le Jourdain. Moshé met en garde les Bnei Israël et leur conseille de respecter correctement et entièrement ce pacte amorcé au Sinaï. Il précise (Nitsavim 29:17): “Il pourrait se trouver parmi vous un homme ou une femme, une famille, une tribu, dont l'esprit infidèle aujourd'hui déjà à l'Éternel se déterminerait à servir les dieux de ces nations… C'est-à-dire qu'après avoir entendu les termes de cette imprécation, cet homme se donnerait de l'assurance dans le secret de son cœur, en disant: "Je serai en paix - shalom, tout en me livrant à la passion de mon cœur" et alors la passion assouvie entraînerait celle qui a soif. L'Éternel ne consentira jamais à lui pardonner!”.

    De quel raisonnement est-il ici question? Une première lecture laisse entendre que l’on parle ici d’un fils d’Israël qui s’illusionne et pense pouvoir suivre des voies douteuses sans en subir les conséquences, tout en “étant en paix”. Le Meshekh 'Hokhma a une lecture plus profonde. L’homme qui s’illusionne ici n’entend pas dévier purement et simplement de la Torah. Il se convaint ou est convaincu que la grandeur atteinte en étudiant la Torah ou en priant n’est pas ultime car lorsqu’un homme se place dans ce cadre-là, il n’est plus tenté par l’erreur et perd en mérite. C’est plutôt en allant “dans les rues et les marchés, en s’unissant à des femmes interdites” et en gardant malgré tout un profond attachement et une crainte du divin qu’il peut atteindre l’ultime “shalom” – “complétude, perfection” car alors il aura éveillé sa tentation à l’erreur.

    Là, la Torah le met en garde: “L'Éternel ne consentira jamais à lui pardonner!”. Ce raisonnement rappelle celui d’Adam qui, d’après certains commentateurs, voulait manger de l’Arbre de la Connaissance du Bien et du Mal afin d’intégrer la tentation au Mal qui était alors extérieure à lui. L’acte qui s’en est suivi a été lourd de conséquences, lesquelles durent encore aujourd’hui. L’homme répète apparemment les mêmes erreurs en ajoutant de la complexité à une injonction finalement simple et non équivoque: observer les commandements divins. 

     

    *Rav Méïr Sim’ha haCohen de Dvinsk. 1843-1926

    Texte original :

    משך חכמה דברים פרק כט פסוק יז
    (יז - יח) פן יש בכם שרש וכו' והתברך בלבבו לאמר שלום יהיה לי כי בשרירות לבי אלך למען ספות הרוה את הצמאה. יתכן על דרך דרוש: כי הספרי (פיסקא מו) דורש (לעיל יא, טו) "וסרתם" מן הדרך, ללכת לעבוד "אלהים אחרים", כיון שסרתם מן הדרך, שוב אתם עובדים אלהים אחרים. והנה יש אנשים אשר אומרים: מה זה דרך התקרבות לאלקים, האם זה פלא כי יעצום עיניו ויגדור התאוה וירבה בלימוד ויתמיד בתפילה ובתשבחות, ויהיה דבוק על ידי זה לה'?! אלא יתערב ברחובות ובשווקים, ויתיחד עם נשים האסורות, וילך בשרירות לבו, ובכל זאת יוסיף אומץ ביראת ה' האחוזה עמוק בלבבו כגחלת בשלהבת, אז יעלה מעלה עד אין מספר. לזה אמר הכתוב "פן יש בכם וכו' לאמר שלום יהיה לי" [פירוש, אימתי אשיג רום המעלה ותכלית שלמות] "כי בשרירות לבי אלך" לחמם התאוה ולהגדיל המדורה. ואז יהיה התועליות "למען ספות הרוה את הצמאה", פירוש כמו חזיר וכיו"ב שנפשו של אדם קצה בהם ואין לאדם שכר על הפרישה, אם אוסיף על תאותי ואגרה יצרי בהם, הלא הוא הכל, איפוא, חדא, ואטול שכר כולם. "לא יאבה ה' סלוח לו, כי אז יעשן אף ה' וכו'".

     

  • La véritable techouva vis-à-vis de l'autre

      Yamim-Noraïm : la Téchouva.

    Gamliel yehoshua

         

    Rabban Gamliel et les ingrédients pour une véritable téchouva vis-à-vis de l’autre

     

    L’histoire de la discorde entre Rabbi Yeochoua et Rabban Gamliel fait partie des récits les plus célèbres du Talmud. Dans le traité Berakhote 27b-28a, il est rapporté que Rabban Gamliel, alors Nassi (dirigeant) de la prestigieuse académie de Yavné, et au-delà, de tout Israël, a humilié son collègue, R. Yeochoua, au sujet d’une question de halakha. Pour le sanctionner de s’être prononcé publiquement contre son propre avis, il l’a obligé à rester longtemps debout devant lui, pendant qu’il enseignait à ses élèves en restant assis.  Selon la Guemara, ce n’était pas la première fois qu’une telle chose arrivait. A deux reprises déjà, Rabbi Yeochoua dut se plier aux décisions humiliantes du Nassi Rabban Gamliel à son encontre.

    C’en était trop pour les Sages de Yavné, qui décidèrent finalement de démettre Rabban Gamliel de ses fonctions, pour le remplacer par un plus jeune maître : Rabbi Eléazar ben ‘Azaria, tout juste âgé de dix-huit ans. Cette partie de l’histoire est sans doute la plus connue, puisqu’elle est en partie rapportée et largement commentée dans la Haggadah de Pessa’h

    La première décision de R. Eléazar ben Azaria en tant que Nassi, fut d’ouvrir les portes de la maison d’étude à tous, alors que R. Gamliel était bien plus sélectif. Lorsque ce dernier vit que la nouvelle politique de Yavné permit de rajouter des bancs, et donc des élèves motivés au beth-hamidrash, il s’exclama alors : « Qu’à Dieu ne plaise ! Peut-être ai-je empêché la diffusion de la Torah [lorsque j’avais instauré des critères sélectifs] ».

    La Guemara insiste bien : tout le monde allait alors étudier, et l’effervescence de l’endroit était incroyable. Même Rabban Gamliel continuait à venir tous les jours. On apprend d’ailleurs qu’il continuait ses débats avec Rabbi Yeochoua, capable désormais de s’imposer face à lui grâce à la force de ses idées et raisonnements, sans être contraint de s’effacer devant l’argument d’autorité.

    Après une étude entre les deux maîtres, Rabban Gamliel se décide finalement à rendre visite à son collègue. Et là, un dialogue surprenant intervient entre les deux hommes. Découvrant que les murs de la maison de R. Yeochoua sont noircis, R. Gamliel en déduit qu’il doit être charbonnier. Rabbi Yeochoua lui répond alors -très durement- que l’état de son domicile est ainsi, tout simplement car il n’a pas les moyens de faire autrement : « Malheur à la génération dont tu étais le dirigeant, car tu ne connaissais pas le malheur des Sages, comment ils vivaient et gagnaient leur subsistance ». Rabban Gamliel s’excuse platement, mais R. Yeochoua ne veut rien savoir dans un premier temps. Il accepte finalement les excuses de l’ancien Nassi, après insistance de la part de ce dernier.

    Le récit continue. De nombreux autres détails se trouvent par ailleurs dans sa trame, mais j’ai voulu présenter uniquement l’essentiel en ce qui concerne le sujet de la techouva vis-à-vis de l’autre.

    Rabban Gamliel nous montre que la qualité d’un homme n’est pas dans l’absence d’erreurs, mais dans le fait de savoir les assumer. Il avait sûrement ses raisons pour humilier Rabbi Yeochoua, et les commentateurs de ce passage talmudique ne manquent pas de les mettre en avant. Il n’en reste pas moins qu’il y a eu faute, au moins sur la forme.

    Examinons maintenant les différentes étapes de la réaction de Rabban Gamliel après avoir été démis de ses fonctions :

    1/ Lorsqu’il se rend compte que la politique d’étude tout juste instaurée par Rabbi Eléazar ben ‘Azaria permet une plus grande diffusion de la Torah, il en éprouve des scrupules et s’interroge sur le bienfondé de son attitude d’antan.

      C’est là une première condition de la techouva : Savoir se remettre en question.

    2/ Alors qu’il a été renvoyé de la place de dirigeant, il continue à venir étudier comme n’importe quel étudiant, en reprenant la place de l’élève. Il accepte donc la décision des Sages et s’y plie, malgré la honte qu’il ressent sûrement.

    C’est là une seconde condition : Avoir l’humilité d’accepter la critique constructive en mettant sa fierté de côté.

    3/ Bien qu’ayant recommencé à parler avec Rabbi Yeochoua dans le cadre du Beth-Hamidrash, il va jusqu’à chez lui pour lui demander pardon, au lieu de se contenter de cet échange informel pour en déduire un rétablissement normal de leur relation.

    C’est là une troisième condition : Avoir l’humilité d’aller vers l’autre en avouant explicitement ses erreurs précédentes.

    Ces trois conditions ont un préalable : être capable d’assumer ses actes.

    La morale de l’histoire est donc :

    La Torah ne nous demande pas d’être des anges, elle nous demande d’être des menshs !

     

    Yona GHERTMAN

  • Mechekh 'Hokhma Ki-Tavo

    Cycle : la Paracha selon le Mechekh 'Hokhma*  

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    Rôle et légitimité d'Israël vis-à-vis de D. et des nations




    Deutéronome chap. 26 v.17-19


    « Tu as distingué Hashem aujourd’hui pour qu’Il soit D. pour toi, pour marcher dans Ses voies et observer Ses décrets, Ses commandements et Ses statuts, et écouter Sa voix. Et Hashem t’a distingué aujourd’hui pour que tu sois pour Lui un peuple précieux, comme Il te l’a dit, et pour observer tous Ses commandements. Et pour te rendre supérieur à tous les peuples qu’Il a faits, pour la louange, la renommée et la splendeur, et afin que tu sois un peuple saint pour Hashem ton D. comme Il a dit »



    « Pour que tu sois pour Lui un peuple précieux etc. »

    Quelle est la nature de ce qui rend Israël si précieux? C’est à travers la Torah et les mitsvot nous répond le Mesheh Hohma. La Torah elle-même affirme: « vous les garderez et vous les mettrez en pratique car c’est votre sagesse et votre intelligence aux yeux des peuples » (Deut 4,.6).

    « Pour te rendre supérieur (…) pour la louange, la renommée et la splendeur ».


    C’est la sagesse divine qu’Israël puise à travers l’étude de la Torah qui l’élève parmi le rang des nations. Les richesses spirituelles et matérielles dont Israël jouit lorsqu’il respecte les préceptes divins sont donc les plus belles des louanges car elles sont la preuve tangible de la véracité des voies de D. Aussi, les valeurs sociales issues de la Torah puis véhiculées par Israël rehaussent la renommée de D. dans le monde et participent à la glorification de Son Nom. Ces trois qualités asseyent la légitimité d'Israël à sa place de peuple élu. A travers la Torah et les mitsvot, D. fait don à Israël des moyens qui lui sont nécessaires à son accession au rang de peuple de D. Cette accession s’inscrit dès lors dans un ordre quasi-naturel, c’est à dire, ne procédant pas d’un décret divin purement et simplement, mais s’appuyant sur une solide légitimité.
    Lorsque ce tableau est complet, Israël est à sa place dans l'ordre du monde et exerce de manière légitime et parfaite la fonction que D. lui a attribué.



    « Et afin que tu sois un peuple saint »


    En ne se mêlant pas aux peuples et en ne copiant pas leurs actions: nous devons être distingués et séparés dans la sainteté et la pureté. Même une fois qu’Israël a mérité sa place d'Israël, nous devons constamment garder à l’esprit que nous sommes les porteurs du message divin et nous devons nous préserver des influences extérieures qui seraient susceptibles de venir nous détourner de la voie que D a prévue pour nous.

    C’est là la nature intrinsèque d’Israël: être un peuple à part, le peuple de D, celui qui Le représente ici bas et Le glorifie par ses actions, celui qu’Il a choisi pour être les dépositaires et les vecteurs de Sa Vérité et de Sa gloire.
    Lorsqu’un Israël rompt les liens qui le lient à la torah et aux mitsvot, il perd ses repères et s'éloigne petit a petit de son identité originelle. A l’instar d’un enfant qui aurait fait une fugue, cet individu va chercher à se rattacher à un nouveau système social qui ne coïncidera pas avec ce qu’il est. C’est ainsi qu’Israël, lorsqu’il faute et s’éloigne de son Créateur, va tenter de retrouver une identité la où elle n’est pas: plaire aux nations, s’intégrer jusqu’à s’assimiler, adopter des moeurs qui ne sont pas les siennes, nouer des liens maritaux avec eux, etc.

    Lorsqu’Israël assume et remplit pleinement son rôle, ces dérives n’ont pas lieu d’être car Israël colle alors à sa nature, au projet que D a prévu pour lui, et à ce que les nations attendent de lui d’être.
    Goethe disait: « Nous ne supporterons pas les juifs parmi nous. Comment pouvons-nous leur permettre de s’attribuer une partie de notre patrimoine culturel alors qu’ils rejettent leurs propres sources et origines et ne leur montrent aucune fidélité ? ». Donnons lui tort aujourd’hui en nous rattachant à notre nature divine originelle et à notre rôle d’Ambassadeurs de D sur Terre, apprenons à reconnaitre et à incarner la richesse, l’universalité et l’intemporalité du message de la Torah. Ainsi nous resterons le peuple précieux de D, et nous ferons rayonner Sa Gloire dans le monde, jusqu’au jour proche où « Ado-naï sera un et Son Nom sera un ».

    Amen.

    Jonathan Krief

     

    *Rav Méïr Sim’ha haCohen de Dvinsk. 1843-1926

    Texte original :

    משך חכמה דברים פרק כו
    להיות לו לעם סגולה וכו'. - הוא בתורה ובמצוות. "ולתתך עליון (על כל הגויים אשר עשה) לתהילה ולשם ולתפארת" (פסוק יט) - פירוש בחכמה ובעושר ובנימוס ובסדר נאה. (שם) "ולהיותך עם קדוש" - הוא לבלי התערב בגויים ולבלי לעשות כמעשיהם, רק מופרש ומובדל בקדושה ובטהרה. כי בשעה שהמה בשפלות בעונותינו הרבים, רוצים למצא חן בעיני עמי הארצות, וכמקולקלין שבהם עשית (סנהדרין לט, ב), ויש אשר יתחתנו עמהם. לא כן בשעה שיהיו "לתהילה" וכו' ו"לעליון", יהיו "עם קדוש" - מופרש ומובדל.

     

  • Petite trahison entre amis...

    Cycle : la Paracha selon le Mechekh 'Hokhma 

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    Petite trahison entre amis

    « Quand tu marcheras en corps d'armée contre tes ennemis, tu devras te garder de toute action mauvaise. » (Dvarim 23.10). Ce verset semble être une simple introduction aux lois relatives à la ‘sainteté’ du camp militaire, car « Dieu marche au centre de ton camp »[1]. Or le Talmud[2] interpellé par l’homophonie entre davar-chose et davar-parole, apprend de ce verset qu’il est interdit de dire ‘une méchante parole’ sur autrui. Les questions suscitées sont multiples, une fois passée la stupéfaction : pourquoi apprendre cet interdit ici ? Pourquoi ne pas se contenter d’un autre verset ‘ne va pas colporter dans ton peuple’[3] ?

    Le Méché’h ‘Ho’hma ne pose pas explicitement ces questions : il y répond. Qu’est-ce qu’une ‘méchante parole’ en période de guerre ? C’est trahir le secret militaire, et c’est de cela que parle le premier verset. Il n’est donc plus superflu : il vise un interdit nouveau qui harmonise l’ensemble du texte. En effet, celui-ci énonce à sa suite deux autres règles : obligation de sortir se tremper pour qui aurait eu une pollution nocturne et obligation de propreté du camp. Dans les deux cas, il s’agit de sortir du camp, avec les risques que cela comporte, notamment être pris par l’ennemi et forcé à ‘parler’.

    Le sages s’empareraient-ils de ce verset et le généralisent abusivement en interdisant tout colportage, même dans un cadre non militaire ? Il n’en n’est rien : en fait notre auteur distingue deux types de colportage qui enserrent l’ensemble de la problématique du lachone ara. Une méchante parole proférée à l’encontre d’autrui, et une parole qui vise à révéler les secrets à l’extérieur de sa communauté. Les enjeux sont fondamentalement différents en ce qu’ils touchent deux couches identitaires distinctes : identité personnelle et appartenance à un peuple. Ainsi ce verset nuance et réoriente l’interdit de colporter : il ne s’agit pas d’interdire toute mauvaise parole mais toute parole de traitrise, que celle-ci vise les relations interpersonnelles ou communautaires. Deux versets qui se complètent et se précisent mutuellement. La lecture de la page talmudique attenant s’en trouve éclairée puisque contrairement à son habitude, après avoir exhibé les deux sources, il ne questionne pas la nécessité de ce duo de versets.

    A partir de là, le Rav de Dvinsk n’a plus qu’à utiliser sa distinction dans plusieurs directions. Il rappelle que parfois l’expiation de fautes au Temple n’est pas liée à un sacrifice, mais à un culte, comme par exemple l’encens[4]. Or il existe deux types d’encensement une quotidienne et une à kipour dans le saint des saints. Le premier type correspond aux mauvaises paroles qui auraient été dites sur son prochain, au sein de la communauté, à son propos le Talmud fait d’ailleurs remarquer « que nul n’est épargné de cette faute »[5], d’où son culte journalier. Par contre la trahison reste exceptionnelle. On l’aura compris notre auteur fait bouger le paradigme de la ‘méchante parole’ pour le déplacer sur le terrain de la trahison, quotidienne, entre amis !

    Franck Benhamou.

     

    *Rav Méïr Sim’ha haCohen de Dvinsk. 1843-1926

    Texte original :

    משך חכמה דברים פרק כג
    ונשמרת מכל דבר רע. לא רחוק לומר שכוונת הפסוק שלא לגלות מסתורין של המלחמה, ושלא לספר ארחם ורבעם לשום איש. ומזה יאות שלא להניח לשום אדם לצאת מן המחנה שמא ישיגוהו שונאיהם וימלטו מפיו תחנותם, וכמו שהגיד המצרי לדוד בסוף שמואל - א, ל, יג - טו. וזה בכלל "דבר רע" שאמרו בספרי: אפילו דיבור רע, וזה לשון הרע, וכיוונו למה שכתבתי. ולזה אמר רק (פסוק יא) "כי יהיה בך איש אשר לא יהיה טהור מקרה לילה ויצא אל מחוץ למחנה וכו'". וכן מצינו בירושלמי פאה (פרק א הלכה א): אזהרה ללשון הרע מנין, "ונשמרת מכל דבר רע". אמר רבי, לא תני ר' ישמעאל "לא תלך רכיל בעמך". הענין דיש שני לאוין להירושלמי על שני סוגי לשון הרע [יעויין כתובות מו, א] - אחד על לשון הרע בתוך בני ישראל עצמם מזה לזה, וזה "לא תלך רכיל בעמך", בעם בני ישראל. והשני, לשון הרע מחוץ למחנה ישראל, וזה פשט המקרא "כי תצא (מחנה על אויביך) ונשמרת מכל דבר רע", שלא לגלות מסתורין, כמו שכתבתי. ועל זה באו שתי כפרות: האחד קטורת על לשון הרע שבסתר, כדמפרש זבחים דף פח, ב. וזה על לשון הרע שבתוך מחנה ישראל, שבזה יש אבק לשון הרע שאין אדם ניצל בכל יום, 'וכולם באבק לשון הרע' (זבחים שם). אמנם קטורת שלפני ולפנים הוא על לשון הרע שמחוץ למחנה ישראל, שלא נודע לישראל, 'בלתי לה' לבדו', ועל שני הבדים, וזה פעם אחת בשנה (ויקרא טז, לד). וזה היה סיבת הגלות של מצרים כמו שאמרו (שמות רבה לשמות ב, יד) "אכן נודע הדבר", וסיבת גלות של בבל בשניה כמו שאמרו: אקמצא ובר קמצא חרב (ירושלים). והוא מביא לידי חלול השם, החמור מעון עבודה זרה כמו שאמרו ירושלמי נדרים פרק ג. ולכן אף מחשבה שקולה כמעשה, ומחשבה אין יודע רק השם לבדו, וזה לפני ולפנים, ש"כל אדם לא יהיה באהל" - אפילו מלאכים שפניהם פני אדם, כדאמר בירושלמי יומא (א, ה), ושם מכפר. והנה גם הגאוה מקור לעבודה זרה, כמו שכתוב (דברים ח, יד) "ורם לבבך ושכחת (את ה' אלקיך המוציאך מארץ מצרים"), ונידון על המחשבה ודנים עליה. לכן אמרו בירושלמי (יומא פרק ז הלכה ג): מפני מה אין כהן גדול משמש בבגדי זהב, משום הגאוה, א"ר סימון על שם (משלי כה, ו) "אל תתהדר לפני מלך". והוא מפני שהשי"ת דן על המחשבה.

     

    [1] Dvarim 23.15.

    [2] Talmud de Jérusalem 1.4.

    [3] Vayikra 19.16.

    [4] Zva’him 88b.

    [5] Baba Batra 164b. 

     

     

     

     


     

  • Mechekh 'Hokhma Chofetim

           Cycle : la Paracha selon le Mechekh 'Hokhma 

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    La liberté couronnant la lettre :

    parole différée, parole différente

    (paracha Shoftim)

     

    par Yoel Hanhart

     

    Impossible de s’orienter au sein de la loi juive sans se référer à la distinction entre ordonnances thoraïques (deoraïta) et rabbiniques (derabanan). Techniquement parlant, en cas de conflit entre les deux catégories, les premières ont la préséance sur les secondes. Une batterie de stipulations propres au deoraïta semble clairement indiquer que hiérarchie il y a au niveau des valeurs qui les fondent. Ainsi, en cas de doute, on sera flexible quant à un ordre rabbinique, au contraire d’un commandement apparaissant expressément dans la Thora, pour lequel on fera preuve de rigorisme.

    Mais la question est loin d’être purement technique. En abordant frontalement ces concepts, on s’oblige à réfléchir à ce que peut bien signifier l’idée même d’une ordonnance édictée par les Sages. Cette réflexion pourrait se décliner en plusieurs interrogations, fondamentales :

    • Si Ha-Chem veut de l’homme qu’il agisse d’une certaine manière, pourquoi ne pas explicitement tout lui indiquer dans la Thora ?
    • Ou, pour le formuler en voyant dans la Loi une théophanie, que peut bien signifier une Révélation si elle a besoin d’être ultérieurement complétée ? Que nous dit-elle, si ce n’est du Législateur, du moins du rapport qu’Il entend entretenir avec Ses sujets ? Car c’est bien de cela qu’il s’agit : à un moment donné après que la Thora fut remise, les Rabbins sont autorisés à édicter des ordonnances qui, de ce simple fait, prennent force de loi.
    • Dans mon rapport au commandement, par-delà les points techniques que nous avons évoqués, dans mon vécu le plus intime, y a-t-il in fine une différence à établir entre prescriptions rabbiniques et thoraïques ? Après tout, les deux types me contraignent tout autant.
    • Considérer qu’il y aurait une différence de valeur ne serait-il pas déjà pondérer les commandements ? Au nom de quoi devrais-je m’empêcher de peser ces catégories de commandements à l’aune de la compréhension que je peux avoir d’eux : selon qu’ils sont posés comme des axiomes dans le cadre de la plus grande hétéronomie qui se puisse concevoir, celle de la Thora remise par Ha-Chem aux Juifs par l’intermédiaire de Moché, ou comme des évolutions rendues nécessaires par l’évolution de la société, au gré du jugement autonome que les Sages d’Israël portent sur leur temps ? Pire, en historicisant le droit hébraïque, n’est-on pas déjà en train d’attribuer à telle ou telle prescription un coefficient de vérité, selon qu’elle a été édictée par Ha-Chem ou par les hommes, porte ouverte à tous les réformismes ?

     

    Lire la suite : 

    Mechekh hokhma shoftimmechekh-hokhma-shoftim.pdf

     

    *Rav Méïr Sim’ha haCohen de Dvinsk. 1843-1926

    Texte original :

     

    משך חכמה דברים פרק יז
    (יא) לא תסור מן הדבר אשר יגידו לך וכו'. ראיתי לברר בזה דעת הרמב"ם בשרשיו, דעל כל דבר מדברי חכמים הוא עובר ב"לא תסור". והרמב"ן האריך בעוצם פלפולו לדחות זה מראיות רבות, עצמו מספור. וכללי השגתו, דאם כן היה ראוי להחמיר בספיקן, וביטול דרבנן מפני דאורייתא, ואתי דרבנן ומבטל דאורייתא בתערובת. והאריך למאוד בענינים אלו וחידש בהם שיטה אחרת. ואנכי עפר ואפר תחת רגליו, אומר כי לשיקול דעתי האמת כדברי הרמב"ם. והעיקר הוא זה: כי התורה רצתה אשר מלבד ענינים הנצחיים והקיימים לעד, יתחדש ענינים, סייגים, ואזהרות, וחומרות, אשר יהיו זמניים, היינו שיהיה ביד החכמים להוסיף על פי גדרים הנמסר להם [שבאופנים אלו ניתן להם רשות]. ואם יעמוד בית דין אחר גדול בחכמה ובמנין ובהסכם כלל ישראל כפי הגדרים שיש בזה, הרשות בידם לבטל. ולמען שלא ימצא איש אחד לאמר אני הרואה ואינני כפוף לחכמי ישראל, נתנה תורה גדר "לא תסור וכו'", שאם לא כן יהיה התורה מסורה ביד כל אחד, ויעשו אגודות אגודות, ויתפרד הקשר הכללי, מה שמתנגד לרצון השם, שיהיה עם אחד לשמוע לחכמים. ואם לא ישמעו עוברים ב"לא תסור מן הדבר אשר יגידו לך ימין ושמאל". ואם כן המצוה דוקא לשמוע מה שיאמרו. אבל הענין בעצמו שאמרו וחידשו, אפשר דאינו מתקבל אל רצון הבורא, ואם יעמוד בית דין אחר הגדול ויבררו טעותם, או שהוא דבר שאין הצבור יכול לעמוד, ויעשו היפך מזה, מותר. וכמו: ר' יהודה דשרי משחא, ופרוזבול דאמר שמואל אבטליניה. וכן מאמר ר' גמליאל: על הישנות אנו מצטערים. ואף אם יכוונו האמת, כפי מה שהוא רצון הבורא באמת, בכל זאת לא רצה השם יתעלה לעשותו חק נצחיי מטעמים הכמוסים בחקר אלו - ה, רק שיהיה מעצת החכמים וברצונם, ורצה דוקא שנשמע בקולם, אבל לא בפרטי הדברים. ומצאנו דוגמתו בתורה ענין דומה לזה, מה שהחמירה תורה לשמוע בקול מלך יותר ממה שהחמירה לשמוע בקול חכמים, וחייבן מיתה בדברי קדשו (יהושע א, יח) "כל אשר ימרה את פיך מות יומת". ובכל זאת, לדוגמא, שמעי בן גרא, היה מצווה מן השם לשמוע בקול שלמה, לבלי לצאת מקיר העיר וחוצה, וחייב מיתה על זה. אבל האם רצה השם שיאמר זה שלמה, ואם היה חפצו יתברך בפרט הזה?! שמה איכפת לרחמנא אם יצא, הלואי לא אמר שלמה זה, ולא היה מסבב לקחת בת פרעה, ולסבב חרבן הבית וגלות ישראל. ככה שמה התורה לחוק לבני ישראל לשמוע בקול חז"ל כקול המלך - מאן מלכי, רבנן. אבל בפרטי הענין אין רצונו בציווי פרטי [ומצאתי כן בביאור לרבינו משה פרק יא מהלכות ברכות הלכה ג: נמצא ענין הדברים והצעתן כך הוא וכו', יעויין שם]. וזה פירוש הירושלמי סוכה (פרק ג הלכה ד) דיום ראשון מברך "על נטילת לולב", ושאר יומי מברך "על מצות זקנים" - דהמצוה לשמוע בקולם.
    ומעתה נבאר כל השגותיו: כי מספקא לן בדברי תורה, שמא הוא חזיר, אם כן אף אם לא צוה הבורא על ספק, בכל זאת שמא הוא חזיר, אם כן אכלנו חזיר דבר המתועב באמת. אבל בספק עירוב, אם כן כיון שהענין הזה אינו בפרט רצון הבורא, רק שצוה לשמוע אליהם, וכיון שעל זה לא דברו, אם כן לא נקרא מי שאינו עושה כן, אינו שומע בקולם, ומדוע לא יהיה מותר?! וכן קטן נאמן, כיון שאינם עושים זה מפני שאין שומעים בקולם, אם כן תו לא עברו על "לא תסור". [וכן לא שייך על זה (משלי יב, כא) "לא יאונה לצדיק כל און", כי כשאינו יודע, אינו עושה איסור כלל וכלל. ועיין תוספות שבת שהעירו מהא דר' ירמיה אישתלי וטעים מידי קודם הבדלה. ויש לדבר בזה הרבה, ואין כאן מקומו]. וכן נדחה מפני דאורייתא, כי אם הם אמרו, אבל לא אמרו שזה הוה נצחי, רק אם יעמדו בית דין גדול בחכמה ויסכים דעתם הנאות יותר לפי הזמן לומר היפוכו, הרשות בידם, אם כן איך תיבטל מפני זה דבר דאורייתא?! וזה חזק יותר בסברא ממה שמצאנו דעשה דממון, לפי שניתנה במחילה - קילא. ויתר הפרטים עיין בחידושי להלכות עדות בס"ד
    ובזה סרה תמיהתו מדוע לא יקובל שמצוות דרבנן אשר תקנו חכמים יהא נכלל בכלל תרי"ג, דכמו שיש סברא לומר שכל מצות מלך ופקודתו יהא נחשב בכלל תרי"ג, ככה תקבל השכל שיהיו סוגי חז"ל בכלל תרי"ג מצוות. וגם בתורה המה סמוכים - פרשת זקן ממרה (ח - יג) לפרשת המלך (יד - כ). וכאשר תעיין בדברי הרמב"ם בספריו, תראה כי דברי המה דבריו. וה' ינחני בדרך אמת.
    ירושלמי ברכות פרק א' הלכה ד'. דברי תורה, יש בהם איסור (ויש בהם היתר), יש בהם קלים ויש בהם חמורים, אבל דברי סופרים כולם חמורים הם. (תדע לך שהוא כן דתנינן תמן, האומר אין תפילין לעבור על דברי תורה - פטור), חמש טוטפות (להוסיף על דברי סופרים - חייב). פירוש, דדברי תורה, האיסור בעצמו אסור, והוי העובר כמו שהוא חולה, והיא מטמא הנפש. לכן יש בהם קלים ויש בהם חמורים, כמו במאכלות שיש שמזיקים החולה ויש שממיתים אותו. אבל דברי סופרים, הם אינם נידונים מצד עצמותם, רק מצד המצוה שאסור למרוד, "ולא תסור וכו'", והוה כמרד. אם כן כולם חמורים, שבכל דבר הוא מורד! ולזה אתי שפיר, דמוכר לו דברים האסורים באכילה מדין תורה, אינו מנכה לו מן הדמים שאכל, שהאכילה - אף שלא מרד - מכל מקום גרמה מחלה בנפש. לא כן האסורים מדברי סופרים, מנכה לו מן הדמים, שהאכילה בעצמותה אינה מזקת, לו, רק המרד - וכאן לא מרד. וכזה כתב בנתיבות (חושן משפט) סימן רל"ד. והיינו דוקא רק במתעסק, דבכל מקום אינו חייב, רק בחלבים ועריות שכן נהנה. אבל שוגג קרוב למרד דהוה ליה לדייק ולדעת, לכן אמר בגיטין נג, ב דבדרבנן קנסו שוגג אטו מזיד, וברור.
    נראה לומר טעם על דרך מושכל על הא דאין למדים קל וחומר מדברי סופרים [עיין ידים]. דדוגמא דיליף בתורת כהנים קל וחומר שיהא סוכות חייב במצה, ובקידושין (ד, ב) יליף מה שפחה שאינה נקנית בביאה (נקנית בכסף, זו שנקנית בביאה אינו דין שתקנה בכסף). וכן במסכת דרך ארץ (רבה פרק א): אשת איש שאני אסור בה, אינו דין שיהא אסור בבתה וכו', יעויין שם. דקל וחומר אין לו מקום בעומק העיון בסברא, שיחוייב ההפכיות לפי משפט הנושאים למבין עומק טעמם [דוגמא לזה בברכות כג, ב: הא מילתא תיתי בתורת טעמא ולא תיתי בתורת קל וחומר וכו']. רק ה - י"ג מדות נמסרו מסיני שבהן ידונו ויקישו וילמדו, והבורא יתברך הבלתי בעל תכלית ידע כי להסיר אופני הטעות אשר יפלו בשכל האדם כאשר לא ידע עומק דעת עליון, גילה יתור או רמז למען לא נבוא לכלל טעויות. וכל מה שאין עליו הוראה בתורה, נלמד בהנך י"ג מידות. לא כן דברי סופרים, אשר שכל האנושי ברוח הקודש השורה עליו, אם כי השיגו האמת, אולם להקיף כל מה שנוכל ללמוד באופנים ענינים זרים ולהסיר הטעויות בתיבה מיותרת או במלה זרה, קשה זה לשכל האנושי התכליתי, ועוד כי באו בעל פה, מה שאין באפשרי לדייק התיבות. לכן אמרו: אין דנים קו"ח מדברי סופרים [ובזה יהיה גם קצת טעם למה אין דנים קו"ח מהלכה]. וכן במסכת דרך ארץ, קו"ח של ר"י בן תודאי היה נכון אם היה איסור אשת איש מצד קורבה. אבל איסור אשת איש מצד שהיא אשת עמיתו. והאיסור בבת אשתו, אין זה איסור מצד אחר, רק מצד שכבר נשא אמה ואסור באשה ובתה - זה הוא סיבת איסורה, ולא תקרא בה בשם איסור בת אשתו, רק אשה ובתה. לכן בבת אחותו מותר, וכיוצא בזה. אם כן לפי עומק הסברא אין כאן קו"ח כלל, ובתורה מפורש להיפוך, לכן נדהו רבן גמליאל, ונכון ודייק היטב.
    והנה מצאנו כמה פעמים בש"ס (ברכות מא, ב ועוד): מדרבנן, וקרא אסמכתא בעלמא. ונראה לבאר על פי מאמר תמוה במנחות כט, ב: בשעה שעלה משה (למרום, מצאו להקב"ה שיושב) וקושר כתרים (לאותיות. אמר לפניו: רבש"ע מי מעכב על ידך? אמר לו, אדם אחד יש שעתיד להיות בסוף כמה דורות, ועקיבא בן יוסף שמו, שעתיד לדרוש על כל קוץ וקוץ) תילי תילין של הלכות. (אמר לפניו: רבש"ע, הראהו לי! אמר לו: חזור לאחוריך. הלך וישב בסוף שמונה שורות), ולא היה יודע מה הוא אומר. (תשש כוחו. כיון שהגיע לדבר אחד, אמרו לו תלמידיו: רבי מנין לך? אמר להם: הלכה למשה מסיני. נתיישבה דעתו. חזר ובא לפני הקדוש ברוך הוא, אמר לפניו: רבש"ע, יש לך אדם כזה) ואתה נותן תורה על ידי?! אמר לו: שתוק, (כך עלה במחשבה לפני). (עכ"ל). והביאור דהבחירה חופשית, וידיעת ה' יתברך בשעה שאינה מתגלית לנבראים אינה מכרחת הבחירה, רק ידיעת הנברא והעלול מכרחת הבחירה. והשי"ת בידיעתו הבלתי תכליתית וצופה ומביט על זמן העתיד כעל ההוה בהשויה גמורה - ועל זה מורה שם הוי"ה, ששלושה זמנים האלה הם כאחד אצלו בלי קדימת אחד לחבירו, שדבר זה אין בכוח נברא להשיג איך הוא, ראה כי לפי מצב ישראל יתבוללו ישראל בגלותם בבבל בעמים, וחצים מדבר אשדודית. וזה יהא סיבה לשכחת התורה. ואז לפי העת ולקיום האומה, יהא הכרח לאסור בשולי גוים. ועל זה רמזה התורה (דברים ב, כח) "אוכל בכסף תשברו". אבל לא שדבר זה מן התורה, רק השי"ת בידיעתו העתיד בהסכימו על מפעלות גדולי האומה העתידים, רמז בחכמתו העליונה בתורה בתגין וכיו"ב. ושום נברא לא יכול להשיג טרם יהיה הדבר רמז הענין. כי אם ידע, הלא תהא הבחירה נעדרת ויוכרחו לישא נשים נכריות וכיו"ב. וזה אמר עקיבא בן יוסף וכו', כמו דדריש מוא"ו ד"וגרושה" לרבות חלוצה, וכן כיו"ב. דזה אחרי שאסרו חכמים לפי צורך מצב האומה והדת, מצא שידיעה העליונה העתידיות רמזה בתורה. וזה שאמרו (מנחות שם) "ולא היה יודע מה הוא אומר", שלא היה יכול לידע, שאילו ידע, היה ידיעתו מכרחת. וזה "כך עלה במחשבה לפני" - שלא דרש דברים שלא כוונתי ולא רמזתי בתורה, רק שהמחשבה שלי שאינה מכרחת הבחירה, כך עלה במחשבה, אמנם לא תוכל לידע. ואחר שיצא הדבר למציאות, יתגלה לר' עקיבא וחבריו.

     

     

  • Paracha Rééh- Mechekh 'Hokhma

                           Cycle : la Paracha selon le Mechekh 'Hokhma 

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                      Lois noahides et lois des juifs : des mondes séparés ?

    Le Talmud, (Sanhédrin 59a) se demande pour quelle raison l’interdiction de consommer le אבר מן החי (un animal vivant ou l’un de ses membres) est écrite à deux reprises dans la Torah, une avant le don de la Torah et une après? Ce à quoi le Talmud répond que selon Rabbi Dossa, cela permet que ce commandement s’applique à la fois aux juifs et aux non-juifs (cet interdit fait effectivement partie des sept lois noahides). En effet, Rabbi Dossa a énoncé la règle suivante : Toute règle dans la Torah adressée aux non-juifs puis aux juifs (c.à.d. avant le don de la torah puis après  celui-ci) s’applique aux juifs et aux non-juifs. Si en revanche, celle-ci n’est adressée qu’aux non-juifs (c.à.d. qu’elle est écrite avant le don de la Torah), elle ne s’applique qu’aux juifs. Le Talmud s’étonne alors : Si elle (cette règle) n’est adressée qu’aux non-juifs, elle ne devrait s’appliquait qu’aux non-juifs ? Et le Talmud de répondre : Il n’existe pas une chose qui soit interdite au non-juif et permise au juif. En d’autres termes, si une chose n’a été dite qu’avant le don de la Torah, et donc qu’aux non-juifs, on est contraint de dire qu’elle était d’abord donnée à tous, puis que les juifs se sont spécifiés dans son accomplissement. Il est en effet impossible, selon ce texte, d’imaginer que les non-juifs possèdent un élément dans leur ordre moral qui soit absent des obligations du juif.

    Comparons à présent cela avec la lecture du Sifri sur un verset de notre Paracha (12,23):

    « Mais évite avec soin d'en manger le sang; car le sang c'est la vie, et tu ne dois pas absorber la vie avec la chair ».

    De la fin de ce verset, le Sifri apprend l’interdit précité de אבר מן החי (de consommer un animal vivant ou l’un de ses membres), car ce serait l’expression d’une absorption de la vie avec la chair.

    Ayant rapporté cette interprétation, le Sifri se questionne sur l’utilité de son propre commentaire, car cet interdit pourrait tout simplement être appris par un raisonnement à fortiori : Si les juifs n’ont pas le droit de consommer le lait et la viande cuits ensemble alors que les non-juifs ont le droit, il est évident que les juifs n’ont également pas le droit de consommer la chair d’un animal vivant qui est interdite même aux non juifs ! Ce à quoi le Sifri répond que ce raisonnement n’aurait pu être suffisant, car il existe d’autres choses interdites aux non-juifs et permises ou non-sanctionnées chez le juif (comme le vol d’un bien d’une valeur insignifiante).

    Le Méchékh’ H’okh’ma fait remarquer que l’on ne répond par le principe précité que si l’interdit avait été adressé uniquement aux non-juifs (c.à.d. avant le don de la Torah), il ne se serait appliqué après le don de la Torah qu’aux juifs. En effet, ce principe dépend justement de l’idée selon laquelle il ne peut exister une chose interdite aux non-juif et permise au juif. Mais comme nous l’avons mentionné plus haut le Sifri ne partage manifestement pas ce point de vue. Il nécessite donc un autre raisonnement pour justifier la répétition de ce commandement dans la Torah, alors que selon le Talmud, la répétition est nécessaire de prime à bord pour que les non-juifs restent concernés par le commandement.

    Le Sifri tient donc la position inverse et pense que si le commandement n’avait pas été répété, il aurait effectivement pu ne s’adresser qu’aux non-juifs.

    Nous nous retrouvons donc face à un différend fondamental très intéressant entre le Talmud et le Sifri, sur le sens des lois noahides. En effet, selon le Talmud, elles ne sont qu’une introduction aux lois des juifs qui les incluent dans leur totalité, ce qui est ce que l’on pense à priori. Mais selon la voie nouvelle que nous offrirai le Sifri, il s’agirait d’un ensemble de commandement distinct des lois de juifs ne se recoupant pas forcément. Il y aurait alors peut-être un message différent adressé aux nations qui serait indépendant  du notre. Reste à savoir lequel… 

     

    Tsvi-Elyahou Lévy

     

    *Rav Méïr Sim’ha haCohen de Dvinsk. 1843-1926

    Texte original :

     

    משך חכמה דברים פרק יב
    (כג) ולא תאכל הנפש עם הבשר. ספרי פסקא סימן עו. "ולא תאכל הנפש עם הבשר" - זה אבר מן החי. והלא דין הוא, ומה בשר בחלב שמותר לבני נח, אסור לישראל, אבר מן החי שאסור לבני נח, אינו דין שיהא אסור לישראל וכו', יעויין שם. קשה לי, לוא יהא דניליף בקל וחומר, אם לא כתב קרא לאו לאבר מן החי, אז יהיה נאמרה לישראל ולא לבני נח, מידי דהוה אכל מצוה שנאמרה לבני נח ולא נשנית בסיני, דלישראל נאמרה ולא לבני נח. אם כן מוכרח הכתוב למיהדר קראי, כדי שיהיה 'נאמרה ונשנית בסיני', ונאמרה לבני נח גם כן. וליכא למימר דהא דידעינן מקל וחומר הוי כנאמרה ונשנית, זה אינו, דהא הגמרא משני בכי האי גוונא בסנהדרין נט, ב דלמילתייהו הוא דנשנית. וצריך עיון. שוב ראיתי כי הוא גמרא ערוכה שם נט, א על אבר מן החי לפרש"י שם, דלכן נשנה אבר מן החי כי היכי דתהא נאמרת ונשנית. ומיפת תואר ליכא יוכיח, דלאו בני כיבוש נינהו. ומהספרי הזה מוכח דאיכא מידי דלישראל שרי ולעו"ג אסור, וכמו יפת תואר, ולא סבר דעו"ג לאו בני כיבוש נינהו, ולכך אם נאמרה ולא נשנית, הוה אמינא דלבני נח נאמרה ולא לישראל, וכמו יפת תואר, כמו דפריך הגמרא שם בסנהדרין, יעויין שם. ולפי זה אתי שפיר פסק רבינו משה שפסק כרב אחא בר יעקב דמפרכסת אסורה לבני נח, כמו שמפורש בהלכות מלכים פרק ט הלכה יב - יג. והוא מן הספרי הנ"ל, ונכון. ואולי דהנך ברייתות דגמרא דסברי מי איכא מידי וכו' אזלו בשיטת איסי בן עקיבא דמכילתא פרשת משפטים גבי (שמות כא, יד) "וכי יזיד איש על רעהו להרגו", "רעהו" - פרט לעו"ג. יעויין שם, ודייק, וצריך עיון עוד.
    שם בספרי: אף אתה אל תתמה על אבר מן החי, שאף על פי שאסור לבני נח שיהא מותר לישראל. צריך עיון לשיטת הריצב"א בשבועות דף כה, דעשה דשאינה זבוחה איכא. אם כן אסור משום עשה דשאינה זבוחה, ותו נילף בקל וחומר דיהיה איסור לאו. ועונשין מן הדין בכי האי גוונא היכא דאיכא עשה, כמו שכתב הרב המגיד בהלכות מאכלות אסורות, יעויין שם. ונראה דקאי למאן דאמר אין שחיטה לעוף מן התורה, ואיסור אבר מן החי איכא אף בעוף, יעויין שם. ולזה ליכא איסור דשאינה זבוחה, ואבר מן החי איכא. [וחכם אחד העיר דלפי זה מוכח דאסור אבר מן החי לבן נח בעוף. ועיין רמב"ם וכסף משנה בזה].

     

  • Une réflexion sur le destin juif à partir des bénédictions quotidiennes. Ekev.

    Une réflexion sur le destin juif à partir des bénédictions quotidiennes. Ekev.

     

    Ekev contient le verset qui enjoint de prier après un repas – c’est le birkat hamazon­-[i]. Le Talmud[ii] déduit ‘puisque l’on doit bénir Dieu une fois que l’on a mangé, n’est-il pas logique de le bénir aussi avant de manger ?’. Le Rav de Dwinsk ne comprend pas ce raisonnement : bénir après le repas, signifie un remerciement à Celui qui a gratifié la nourriture, pourquoi serait-il logique de le faire aussi avant le repas ? Quoi de plus naturel que de dire une bénédiction pour remercier Dieu d’avoir donné de la nourriture, toutes les religions prévoient un rituel pour cela, et ceci peut se faire aussi bien avant qu’après le repas. Notre auteur explique que  la bénédiction qui suit le repas relève d’une considération supplémentaire : une fois repu, une personne est pleine de confiance et d’orgueil, elle risque au contraire d’oublier Celui qui a gratifié l’homme de ses capacités[iii]. Deux raisons donc pour bénir Dieu après le repas, en accord avec le mouvement du texte de Ekev. Le Talmud[iv] ne s’arrête pas là : il veut déduire à partir du raisonnement précédent la nécessité de bénir Dieu avant et après l’étude. Le Rav de Dwinsk continue à déployer son idée dans cet autre cadre : il rappelle que la Torah est appelée un ‘poison’[v] , en effet dit-il celle-ci devient un poison si on l’utilise à ses propres fins, pour être Rabbin ou Sage, ou plus généralement pour en tirer quelque orgueil. On retrouve donc le même souci à l’origine de la bénédiction de la nourriture et de la bénédiction de la Torah. Mais ce raisonnement vise, contrairement au cas de la nourriture, à justifier la bénédiction qui précède l’étude : il s’agit d’une disposition dans laquelle l’étudiant doit se mettre pour ne pas entrer dans ces travers.

    Le Talmud élargit, dans cet page,  son travail de justification : en particulier il explique l’origine de la bénédiction ‘celui qui est bon et qui produit le bon’[vi]. Cette bénédiction a été instaurée lorsque la puissance occupante a autorisé à enterrer les dépouilles de ceux qui sont morts lors de l’épisode de Bar Ko’hba. Rappelons que les grands maitres de la génération ont cru voir en cet homme le messie. Le Méché’h ‘Ho’hma s’étonne : pourquoi créer une bénédiction pour cet évènement ponctuel ? n’était-ce pas qu’une simple erreur ? Il rappelle un détail sympathique : on dit cette bénédiction lorsqu’on prend un meilleur vin au cours d’un repas[vii] ! Pourquoi cette circonstance serait-elle particulièrement propice à dire cette bénédiction ?

    A la suite de l’histoire de Bar Ko’hba, les sages ont vu, à travers  les corps privés de sépultures, une image: le peuple juif s’éteindra[viii] dans l’anonymat des nations. Lorsque la puissance du moment a autorisé à enterrer les cadavres, les Sages ont compris que la survivance du peuple juif emprunterait des voies détournées, comme par exemple le cœur des rois compatissants ‘car le cœur des gouvernants est dans les mains de Dieu’[ix], dit le verset. Ce qui leur permit de donner du crédit aux paroles des prophètes qui annonçaient la venue d’un homme providentiel délivrant le peuple juif. Alors pourquoi le vin ? Le Midrash dit péremptoirement ‘les gentils ne sont jamais en exil’[x] : il signifie par-là que les peuples où qu’elles se trouvent se sentent chez elles ne serait-ce qu’en partageant le vin (éventuellement de l’ennemi !). Or cette loi qui interdit de partager le vin de l’autre peuple, conduit Israël à une forme d’exil radical qui ne se retrouve pas chez d’autres diasporas. Bénir particulièrement le vin, c’est rappeler que ces lois peu tenables devraient conduire à la disparation des juifs en exil, si ce n’est que ‘la Providence est en exil avec son peuple’.

    Franck Benhamou.

     

    [i] Dvarim 8.10 : ‘et tu mangeras et tu seras rassasié et tu béniras ton Dieu’.

    [ii] Bra’hot 48 b.

    [iii] C’est la suite du chapitre expliqué par le Méché’h ‘Ho’hma : voir Dvarim 8.17 et 8.18.

    [iv] Bra’hot 48b.

    [v] CHabbat 88 b. J’avoue que je n’avais jamais compris ce texte avant la lecture du commentaire fait ici qui en plus d’être éclairant montre un regard à la fois social et psychologique.

    [vi] Hatov Véhamétiv.

    [vii] Bra’hot 59b.

    [viii] Le terme dans le texte est véritablement une fin sans retour, le Rav imagine donc un monde où le peuple juif aurait totalement été éradiqué. C’est tout à fait étonnant et mérite d’être signalé.

    [ix] D’après Proverbes 21.1.

    [x] Midrash E’ha Rabba 1.29.

    משך חכמה דברים פרק ח

     

    (י) ואכלת ושבעת וברכת וכו'. מנין לברכת המזון מן התורה, שנאמר ("ואכלת ושבעת וברכת" - זו ברכת הזמון, "את ה' אלקיך" זו ברכת הזן - לפי גירסת הגר"א) וכו'. אין לי אלא לאחריו, לפניו מנין? אמרת קל וחומר, כשהוא שבע מברך, כשהוא רעב, לא כל שכן?!... ואין לי אלא ברכת המזון, ברכת התורה מנין? אמר ר' ישמעאל קל וחומר, על חיי שעה מברך, על חיי עולם הבא לא כל שכן?! [פרק שלושה שאכלו, (ברכות) מח, ב]. ובפרק מי שמתו אמר ר' יוחנן: למדנו ברכת התורה לאחריה מן ברכת המזון מקל וחומר, וברכת המזון לפניה מן ברכת התורה מקל וחומר. ומסיק שם דברכה שלפניה הוא מדרבנן, וכן בדברי תורה. וטעמא נראה, דאם נעיין על התשלום על גמול הטוב שגמל לו הקדוש ברוך הוא אז הוא קו"ח מעליא: - מה על חיי שעה מברך, על חיי עולם לא כל שכן?! וכן מה כשהוא שבע מברך, כשהוא רעב לא כל שכן?! שזה תודה וברכה עבור גמולו שגמל אליו השי"ת. אך באמת אין הברכה על זה בלבד, רק הוא ענין ומכוון אחר, שכשאוכל ושבע אז הוא עלול לבעט, וכמו שאמר הכתוב (פסוקים יב - יד) "פן תאכל ושבעת וכו' ושכחת את ה' אלקיך". מלי כריסי זני בישי (ברכות לב, א). לכן צוה השי"ת שכשיאכל וישבע, יזכיר שם אלקים בתודה ויברכנהו ויזכור כי "הוא הנתן לך כח לעשות חיל" (להלן פסוק יח) ומידו לוקח האוכל למלאות נפשו כי ירעב. וזה שאמר בסמוך (יב - יח) "השמר לך פן תשכח וכו' פן תאכל ושבעת וכו' ורם לבבך ושכחת וזכרת וכו' כי הוא הנתן לך כח לעשות חיל". הראה לנו טעם הברכה, שלא יקשיח לבבו מדרכי השי"ת ועדותיו. וזה יתכן דוקא כשהוא שבע, לא כשהוא רעב.

    אכן בדברי תורה מעיקרא כי עביד, אדעתא דנפשיה עביד (פסחים סח, ב), שלומד ליעשות רב לקנות חכמה. ואם לא יזכיר השי"ת, כי התורה היא חיינו ואורך ימינו, ובה חנן את נפש הישראלי באצילות חכמתו יתברך, יתגאה ויעשנה קרדום להתעטר בה, ויוכל היות סם מות למשמאילים בה (שבת פח, ב), וכמו שאמרו על זה "יערף כמטר לקחי" שדברי תורה ממיתים אותם. לכן צוה השי"ת "כי שם ה' אקרא - הבו גודל לאלקינו", ובזה יבוא לקיום התורה לשמה וללמוד אותה לשם יוצרה, ומכשירתו ונהנים ממנו וכו'. וכמו שאמרו (נדרים פא, א) שלא ברכו בתורה תחילה, ועיין ר"ן שם. אבל כשלמד, אז אינו צריך ברכה, כי "מצאי מצא חיים" (משלי ח, לה), ודעסיק בה אצולי מצלא דלא ליתי לידי חטא, וכמו שאמרו פרק ג דסוטה, עיין שם. והתורה שמו של הקדוש ברוך הוא, והדבק בה דבוק בשמו יתברך, כי מעון השי"ת היא התורה, וכמו שאמרו: צמצמן בין שני בדי ארון, להראות כי נפש כל בני ישראל כלול בתורה הקדושה, ועליהם כולם כאחד כשהם מחוברים עם העדות שורה עליהן שכינתו ומופעת עליהן באורה. וזה דברי הגמרא ערכין (ד, א): הכל חייבים בזימון - (כהנים לויים וישראלים). כהנים, פשיטא! לא צריכא דקאכלי קדשים, סד"א (שמות כט, לג) "ואכלו אותם אשר כופר בהם" אמר רחמנא, והא כפרה היא, קמ"ל "ואכלת ושבעת" אמר רחמנא, והא איתנהו. פירוש, דסד"א כיון שזה האכילה הוא ענין דתי וחוק ומצוה, ואם כן האכילה זו אינה גורמת לידי עון, ואינו צריך לברך, קמ"ל דאף באכילת קדשים צריך שלא יהא דעתו זחה עליו. כי אף על פי שמצוות לאו ליהנות ניתנו, בכל זאת הנאת הגוף דאיכא בהדיה לא בטיל - וכמו שאמרו בראש השנה (כח, א) בנודר מן המעין שטובל בימות הגשמים ולא בימות החמה, דהנאת הגוף אינה בטלה - ועלול לשבוע ולשכוח ולהשתקע בגסות וחמריות, אף כשהאכילה היא מצוה וקרובה לענין אלקי. ודייק היטב.

    ויש להבין מה שאמרו (ברכות מח, ב) "הטוב והמיטיב" ביבנה תקנוה על הרוגי ביתר וכו'. דצריך הסבר, דעל ענין פרטי תקנו חכמים ברכה קבועה. ועוד, דעל שינוי יין צריך לברך "הטוב והמיטיב" (שם נט, ב), וזה פלא מדוע רק על יין?! ועיין תוספות פסחים ורא"ש ברכות בזה. והביאור, דכל ברכת המזון נתקנה על בנין האומה אשר נבנית ציבחר ציבחר באצבע ההשגחה, וזה בהשגחה פרטית במן במדבר, ונזדככו נפשותם כל ארבעים שנה, ולמדו מושכלות אלקים, וכמאמרם (מכילתא בשלח יז): לא ניתנה תורה אלא לאוכלי מן. והיה להם ארץ, וירושלים מרכז הארץ, ובית המקדש ששכן שמו עליו, והתנהג בנסים רצופים תמיד. אמנם "הטוב והמיטיב" תקנו על קיום האומה הבודדת במועדיה להיות הולכת בגולה זה אלפיים שנה, והיא קיימת ברוחה ובהודה ותפארתה, ו"כל כלי יוצר עליה לא יצלח" (ע"פ ישעיה נד, יז). והנה אחר החורבן חשבו כי קיומה בלתי אפשרי, ועתידה לכלות ולנדוד כהצוענים בלא תפארת אדם, כאשר ראו כי בביתר לא נושעו על ידי מלכות בן כוכבא, שגדולי עולם היו מוטעים בו. אמנם כאשר ראו כי עמד מלך חסד אחד, ונגזר עליהם קבורה, כדאמרו ירושלמי תענית, הבינו כי ישראל שה אחד בין שבעים זאבים, ובחסד ה' על ידי מלכי חסד יחליף כח ויוסיף דעת, וכאשר יהמיון גלי ים לשוטפם יבוא הרוח וישקיטם על ידי מושלי ויועצי ארץ אשר לבבם ביד ה' המלאה חסד. לכן תקנו "הטוב והמיטיב" על קיום האומה. ומקיום האומה הפלאי למדנו כי נאמנו דברי נביאינו ודברי אבותינו אשר הנחילו לנו מורשה באמונת אומן כל ההנהגה האלקית בבנין ירושלים וארץ. לכן המלכיות של הני ברכות תיקנו להזכיר ב"הטוב והמיטיב". ולכן על יין תיקנו "הטוב והמיטיב", כי זה מפלאות תמים דעים אשר אומה כזו בנימוסים כאלה, אשר אסר להם החיתון, וכמו שאמרו (מדרש איכה רבה א, כט) על קרא (איכה א, ג) "גלתה יהודה": עכו"ם אינם גולים?! (אלא אף על פי שגולים אין גלותם גלות. עכו"ם שאוכלים מפתם ושותים מיינם אין גלותם גלות, אבל ישראל שאין אוכלים מפתם ואין שותים מיינם - גלותם גלות. עכ"ל). וישראל, שאם נגע עכו"ם ביינו אסור לו לשתות, ומדיח כוסו ג' פעמים, כמו שאמר המן. ובכל זאת הם מתקיימים בגולה - אין זה רק צדקת פזרונו בישראל. ובעל הבית יודע להפקיד כליו, ושכינה גלתה עמהם (מגילה כט, א) לסוכך עליהם בגדפין דילה, הוא כבוד השי"ת ויתעלה.

  • Les juifs sont-ils des convertis comme les autres ?

           Cycle : la Paracha selon le Mechekh 'Hokhma 

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    Les juifs sont-ils des convertis comme les autres ?

     

    Il est des ‘principes talmudiques’ dont la source n’est pas mentionnée directement dans la Guemara. Tel est le cas du principe assez connu sans être nécessairement compris : « Un converti est comme un enfant qui vient de naître »[1]. Plusieurs conséquences pratiques importantes en étant déduites[2], il a paru nécessaire aux commentateurs post-talmudiques de retrouver un fondement à cette assertion dans le Tanakh[3].

    C’est dans ce contexte qu’intervient une ma’hlokete fondamentale entre le Maharal de Prague et le Mechekh ‘Hokhma : Le changement de statut des Bné-Israël lors du don de la Torah est-il totalement assimilable à une ‘conversion’, à l’instar de celles qui seront accomplies plus tard par des non-juifs désireux de s’abriter sous les ailes de la présence divine ? Précisions, afin de mieux cerner cette problématique, que la Guemara apprend la procédure de la conversion du cérémonial précédant le don de la Torah : « De la même manière que vos ancêtres sont rentrés dans l’alliance par l’intermédiaire de la circoncision, de l’immersion rituelle et des sacrifices, eux également y rentreront par l’intermédiaire de la circoncision, de l’immersion rituelle et des sacrifices » (TB Keritoute 9a).

    En réalité, le débat en lui-même est moins sur les idées que sur le texte. Dans la paracha Béha’alotekha, il est ainsi écrit : « Et Moché entendit le peuple pleurer pour ses familles, chacun à l’entrée de sa tente (…) » (Bam. 11, 10). Rachi commente : « ‘Pour ses familles’ signifie ‘à propos des problèmes de famille’ [c’est-à-dire] à cause des relations sexuelles qui avaient été interdites ». Cette explication reprend notamment le Sifré : « Au moment où Moché leur a dit de se séparer des relations [dorénavant] interdites, ils en souffrirent. Cela nous enseigne [qu’en Egypte] les Hébreux épousaient leurs sœurs ou leurs tantes du côté maternel et paternel ».

    En d’autres termes, les Bné-Israël avant le don de la Torah étaient concernés par la législation des Bné-Noa’h en ce qui concerne les mariages intrafamiliaux. Or cette législation diffère de celle qui prévaut à partir du don de la Torah. Aussi certaines unions maritales consacrées légalement en Egypte entre les Hébreux devinrent illégales à partir de la révélation au Sinaï. Par conséquent, de nombreux couples furent obligés de se séparer, ce qui engendra un profond désarroi au sein du peuple.

    Cette lecture semble toutefois s’opposer au principe que nous avons vu plus haut : « Un converti est comme un enfant qui vient de naître ».  En effet, si les convertis entament un nouveau départ lors de leur conversion, et que les Bné-Israël sont considérés comme s’étant convertis lors de la révélation au Sinaï, alors pourquoi ne pas considérer que les liens familiaux ou maritaux antérieurs ont tout simplement disparus ? Il ne serait alors plus question de relations intrafamiliales interdites, et les couples pourraient rester ensemble même après le don de la Torah !

    En réaction à cette question, le Maharal de Prague[4] avance que le principe « un converti est comme un enfant qui vient de naître » - ne s’applique qu’à un converti qui a accompli sa démarche par lui-même. Puisqu’il n’était pas dans l’obligation de se convertir, mais qu’il a choisi de le faire, son choix créé une autre personne. Or les Bné-Israël qui ont été contraints de recevoir la Torah sont dans la continuité de leur existence précédente. Aussi le principe ne s’applique pas à eux, et l’interdit des relations intrafamiliales les concerne donc.

    Telle n’est pas la vision du Rav de Dvinsk, et son argument se fonde sur un passage de notre paracha. Dans la description de la révélation au Sinaï, Dieu rappelle qu’il a ordonné à Moché de transmettre aux Bné-Israël l’injonction suivante : « Va, dis-leur, retournez dans vos tentes » (Devarim 5, 27). Or, dans la symbolique talmudique, la ‘tente’ renvoie à ‘l’épouse[5]. Ce verset vient donc nous enseigner que chacun devait retourner vers son épouse après le don de la Torah, combien même celle-ci était sa proche parente, dorénavant interdite par la nouvelle loi entendue au Sinaï.

    Comment une telle chose est-elle possible ? C’est qu’effectivement, les Bné-Israël étaient alors semblables à des convertis. Ils venaient de re-naître, et cette re-naissance annulait de facto les précédents liens familiaux. Telle est ainsi d’après le Mechekh ‘Hokhma la source du principe : « un converti est comme un enfant qui vient de naître » …

    Dans ce cas, comment faut-il comprendre la tradition selon laquelle ils ont pleuré à cause des relations conjugales nouvellement interdites ? Selon lui, ceci n’est aucunement incompatible avec le principe de la conversion des Bné-Israël. Se fondant sur un autre passage talmudique[6], il explique que les pleurs concernaient l’interdiction des futures relations interdites, mais non l’annulation des unions déjà existantes.

    Ainsi, notre auteur apporte une contribution fondamentale à la question de la ‘conversion’ lors du don de la Torah. Au moment de la révélation, les Bné-Israël sont devenus des créatures nouvelles. Si leur préparation en vue de recevoir la Torah a tracé la voie à la démarche des futurs convertis, c’est tout simplement car eux aussi se sont alors convertis. Les hébreux ont acquis une nouvelle identité. Ils sont devenus des Bné-Torah.

    Yona GHERTMAN

     

     

    *Rav Méïr Sim’ha haCohen de Dvinsk. 1843-1926

    Texte original :

     

    משך חכמה דברים פרק ה

    (כז) שובו לכם לאהליכם. החתם סופר בחידושיו לעבודה זרה כתב כי נתקשה כל ימיו מהיכן הוציאו חז"ל (יבמות כב, א) הא דגר שנתגייר כקטן שנולד דמי, יעויין שם. ולדעתי פשוט, דיצא להם דמסתמא היה ליוצאי מצרים נשים הרבה שהיו מאותן שאין בני נח מוזהרין עליהן. ועמרם יוכיח שגדול הדור היה ונשא דודתו. וכן אמרו ביומא פרק יום הכיפורים בהנך דאסירי לא פריצי בהו. ועיין רש"י (יומא שם) שבכו על הנוספות, ואם לא היו רגילים לא היו בוכים. ואיך אמר רחמנא אחר מתן תורה "שובו לכם לאהליכם" - ואין אהלו אלא אשתו (מועד קטן ז, ב) - הלא אלו שנשאו קרובותיהם צריכים לפרוש מהם! ועל כרחך דגר שנתגייר כקטן שנולד דמי. והא דמוכיח ריש ביצה מהא דדבר שבמנין צריך מנין אחר להתירו, היינו דאי משום עריות שנשאו קודם, לא היה לו לאמר להם עד שיאמר האיסור על עריות קודם, וזה ברור. ויתכן, דקיימא לן דחרדה - שחרדו כל העם - מסלק הדמים, ולא יראו נשיהם דמים, ויהיו טהורות לבעליהן.

     

    [1] TB Ketoubot 11a

    [2] Voir notre ouvrage Y. Ghertman, Une identité juive en devenir : la conversion au judaïsme, Lichma 2015, p.170 et suivantes.

    [3] Voir Ibid., p.174 note 1.

    [4] Dans son commentaire Gour Arié, sur Béréchit 46, 10.

    [5] TB Moed Katan 7b.

    [6] TB Yoma 75a, d’après la lecture de Rachi.

  • Shabbat 'Hazon selon le Mechekh 'Hokhma

        Cycle : la Paracha selon le Mechekh 'Hokhma 

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    Parashat Devarim – Shabbat Hazon

     

    La Haftara de cette semaine annonce le 9 av arrivant. Dans son commentaire sur cette Haftara, le Mesheh-Hohma s’attarde sur une fonction –moins retenue- du Beth-Hamikdash : son aspect fédérateur.

    Le Mesheh-Hohma commence son commentaire par rappeler que si l’individu est (ou peut ne pas être) un rasha, la collectivité, elle ne l’est jamais ! Le groupe d’individus fait que les défauts individuels sont masqués et « neutralisés » les uns les autres.

    Cette idée est déjà présente dans h’azal qui remarquent que l’un des composant de la Ketoret est une plante malodorante : noyée dans la « collectivité » des autres composants, cette plante trouve sa place et participe même au résultat final…

    Le Mesheh-hohma continue, alors, en décrivant le Beth-hamikdash, non comme un lieu du service Divin, mais comme le lieu fédérateur du peuple Juif – le lieu dans lequel tout le monde se retrouve et sert Dieu a l’unisson.

    Le Beth-hamikdash devient donc le lieu dans lequel les écarts individuels sont oubliés, noyés dans la collectivité…

    Dès lors, finit le Mesheh-hohma, lorsqu’à la fin du second Temple, la société s’est disloquée, l’individualité et les conflits ayant repris le dessus, le Temple, n’ayant plus de raison d’être fut détruit…

    Rôle fédérateur du Temple, centralité (pour ne pas dire sainteté) de la collectivité, voilà autant de notions que l’on retrouve dans d’autres auteurs tels que le Maharal, le Kouzari ou le Rav Kook – il est donc d’autant plus notable de les lire sous la plume du Mesheh-hohma !

     

    Benjamin Sznajder

     

    *Rav Méïr Sim’ha haCohen de Dvinsk. 1843-1926

    Texte original :

    משך חכמה הפטרות פרשת דברים


    ישעיה א, יג) לא תוסיפו הביא מנחת שוא, קטרת תועבה היא לי וכו' לא אוכל און ועצרה.


    הענין, דמצאנו לרז"ל בכריתות (ו, ב): כל תענית שאין בה מפושעי ישראל אינה תענית, שהרי חלבנה ריחה רע, ומנאה הכתוב עם סממני הקטורת. הרי דדבר הפחות בעצמיותו, בכל זאת כשהוא מתערב באגודה כללית, הוא מתבשם ומועיל להוציא ריח נחוח מן הסמנים האחרים. ומצאנו שאמרו (סנהדרין עא, ב במשנה): פיזור לרשעים נאה להם ונאה לעולם. הרי שהאגודה מוסיף חיזוק לעושי רשעה. וכן מצאנו שאמרו (סנהדרין לט, א) כל בי עשרה שכינתא שריא. וכבר עמד על זה הר"ן בדרשתו. והנראה על פי מה שבארו בדין תרתי לריעותא, שאם הם משם אחד, שמורים שניהם על ניקוב הריאה וכיו"ב, אז הוי טריפה. אבל אם זה מורה על נקב, זה על קמט וכיו"ב - כשר. כן הדבר הזה: אם כל אחד בפני עצמו יש לו מדה פחותה, זה כלי וזה בעל לשון הרע, וזה בעל כעס. כשהם באגד אחד, אז יומתק מרירותם ויתבשם כל אחד מחבירו - זה ילמד מזה לפזר הונו, וזה לנוח מרגזו, וזה על שפם יעטה. אבל אם כולם מסכימים על תכונה רעה אחת, הלא אז תחזקנה מוסרותיהם, ומן קורי העכביש יהיו כעבותות עגלה. על זה אמרו: פיזור לרשעים נאה להם וכו', כי היא תרתי לריעותא משם אחד, כל אחד מחזק חבירו, והוי טריפה גמורה, וזה ברור.
    והנה ענין המקדש, לאחד כלליות ישראל ולבביהם אל מקום אחד, כמו שאמרו (ברכות ל, א) היה עומד (בחו"ל יכוון לבו כנגד ארץ ישראל... היה עומד בארץ ישראל, יכוון לבו כנגד ירושלים... היה עומד בירושלים, יכוון לבו כנגד בית המקדש... כנגד בית קדשי קדשים... כפורת...) נמצאו כל ישראל מכוונים את לבם למקום אחד. ולכן תמיד היתה שם ההנהגה הנסית, כמו שמנו (אבות ה, ה) עשרה נסים שנעשו בבית המקדש. ולהראות אף שכל פרטיי בפני עצמו אינו ראוי להיות מושגח פרטי בהנהגה פרטית בלתי טבעית, בכל זאת הקשר הכללי מעם ישראל ראוי הוא להיות מושגח בהשגחה נסיית, ששם אין פגם, שכולם מעלים ריח ניחוח - זה ביראתו, וזה באהבתו לישראל, וזה במסת ידו וזה בתורתו. וכמו שאמרו (בראשית רבה סה, יח) "וירח את ריח בגדיו" (בראשית כז, כז) - ריח בוגדיו - "כריח השדה אשר ברכו ה'". פירוש, שלהריח נגד עשו הרשע, האם יריח ריח רבי עקיבא וחבריו?! לכך הראהו הש"י מי שהוא בסוג אחד, כמו יקום בן צרידיא, ובכל זאת נכנסו בו דברי ר' יוסי בן יועזר כארס והקדימהו לגן עדן. וזה שאמר "כריח השדה אשר ברכו ה'". דבחקל תפוחין כל עלה כל עשב מעלה ריח, כן בצירוף הכללי גם הפושעים מושגחים ומעלים ריח.
    והנה מנחה אינה קריבה בשותפין, רק ביחיד (מנחות קד, ב), ובצבור באה מנחה, לפי שהצבור הוא בכלליותו כמו יחיד שהוא איש אחד, וכל אחד מועיל לחבירו כמו שכל אבר מועיל לחבירו, וכיוצא בזה. לכן כיון שהפסידו מעלת האחדות, וכל אחד רצה לבלוע לחבירו, והיו כקציני סדום ועמורה (ישעיה א, י), אם כן כל אחד נבדל בפני עצמו. אם כן "לא תוסיפו הביא מנחת שוא"! וכן קטורת, שכל אחד מתבשם מחבירו, וגם החלבנה ריח נחוח. אבל כשכל אחד מפוזר בפני עצמו, הלא "קטרת תועבה היא", כמו שהיא בפרטיותה, שחלבנה ריחה רע, ו"הקריבהו נא לפחתך וכו'"! "לי... לא אוכל און ועצרה", שיהיה אסיפה מאון, היינו שיסכימו כולם על תכונה אחת רעה.
    והנה בתוכחה יש שני סוגים, אחד מה שמתפעל אחד מחבירו כמו מאנשים ממי שהוא במדרגתו. מזה לא שייך שיקבלו דבריהם, רק באופן שיראה אם חבירו שמטופל בבנים ועני, ובכל זאת הוא נזהר מאונאה ומשקלות וכיוצא בזה - כל שכן הוא. ועוד אם חבירו מחומם הוא, ובפרקו הוא עומד ואין לו אשה, ובכל זאת הוא נזהר מלהסתכל בנשים - כל שכן הוא, וכיוצא בזה. ויש מה שדבריו נשמעים דברי תוכחה, כמו ששומע מגדול הדור וקדוש ה', אשר בזה לא שייך שהוא יתפעל ממנו, כי הוא אינו מסוגו וערכו, רק שדבריו נשמעים. ולזה אמרו בפרק כל כתבי (שבת קיט, ב): לא חרבה ירושלים אלא בשביל שלא הוכיחו זה את זה, שנאמר (איכה א, ו) "היו שריה כאילים לא מצאו מרעה", מה איל זה ראשו של זה בצד זנבו של זה (אף ישראל שבאותו דור כבשו פניהם בקרקע ולא הוכיחו זה את זה). דייקו "זה את זה", ולא כתבו "זה לזה", ונקיט רק סימן הפעול, היינו שלא נתפעלו זה מזה, כי בכללות האומה, בזה יש מעלה טובה ומדה ניאותה ובזה מידה זו. והמה למדו זה מזה חסרונו של זה, וזה לא למד המדה הטובה, רק הביט אל החסרון שיש בשל זה. וזה "ששמו ראשו של זה בצד זנבו של זה", שהביטו רק אל החסרון שיש בחבירו, והמה לא למדו שלמות זה מזה, אך למדו חסרונות ופחיתות זה מזה. ועל האופן השני אמרו (שבת שם): לא חרבה ירושלים אלא בשביל שביזו בה תלמידי חכמים. היינו אנשים חכמים שאינם מסוגם וערכם, שבזה לא שייך התפעלות, רק שיהיו דבריהם נשמעים לגודל מעלתם וערכם. על זה אמרו (שבת שם על יסוד דברי הימים - ב, לו, טז) "ויהיו מלעיבים במלאכי אלקים", הוא שאמרו שבשביל שהוא מלאך מופרש ומובדל מהליכות תבל ואורחותיו, לכן הוא אומר כן. לו היה לו טורח וטורד בהויות העולם, כי אז היה גרוע ממנו הרבה. ועוזא ועזאל שהיו מלאכי (חבלה שירדו לארץ בימי נעמה אחות תובל קין, ועליהם נאמר "ויראו בני האלהים את בנות האדם"). וכשירדו הרעו מהם. ולכן לא היו דבריהם נשמעים, ולכך לא היו תרופה למכתם מחליים במדות והנהגה - וחרבה ירושלים, תובב"א. 

     

  • Paracha Matot, selon le Mechekh 'Hokhma

      Cycle : la Paracha selon le Mechekh 'Hokhma 

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    Le siege de Beyrouth en 1982 –  Matot

     

    Le siège de Beyrouth a eu lieu pendant l'été 1982, dans le cadre de la guerre du Liban de 1982. Il s'est terminé par l'obligation faite à l'OLP de quitter le Liban, et à Israël de restituer le territoire envahi lors du siège, à l'exclusion d'une « zone de sécurité », bande de dix miles de large le long de la frontière israélo-libanaise, qui a été rendue au Liban en 2000.

    A l’issue de la guerre, le G.R Goren, bien que n’ayant plus les fonctions de Grand Rabbin de Tsahal écrit un article sur la légitimité ilh’atique du siège[1]….

    Y aurait il des lois relatives aux sièges? La parasha de cette semaine nous l’apprend au détour d’un verset anodin:

    “Ils firent la guerre à Midian, comme ordonné par Dieu à Moshe” (Bamidbar, XXXI, 7)

    Ce verset donne lieu à la loi suivante (reprise dans le codex de Maimonide):

    “Lorsque l’on assiège une ville, on n’entoure pas la ville des quatre côtés, mais au contraire, on laisse un côté ouvert, afin de laisser à ceux qui le veulent la possibilité de prendre la fuite. Cette loi, nous l’apprenons du verset de la Torah -“Ils firent la guerre à Midian, comme ordonné par Dieu à Moshe” – La tradition orale nous enseigne que tel était l’ordre de Dieu à Moshe” (Lois des Rois et de leurs guerres, VI, 7)

    Quelle est la raison de cette loi ? De prime abord, on serait tentés d’y voir une preuve de l’immense humanité exigée par la Torah, même en temps de guerre... Existeraient ils d’autres motivations ?

    Le Mesheh-h’oh’ma s’attache à cette question et fait remarquer, avant de répondre, que si cette loi a été recensée par le Rambam dans son Mishne Torah, elle est, par contre absente du Sefer Hamitsvot, du compte des 613 mitsvot. Cet “oubli” du Maitre est bien évidemment relevé par Nahmanide qui compte, lui, cette mitsva parmi l’un des 613 commandements.

    Pourquoi le Rambam n’a t-il pas compte cette mitsva dans son décompte des mitsvot? Le mesheh-hohma propose une explication : si, pour Nahmanide, la mitsva est avant tout humanitaire, le Rambam quant à lui, y voit une tactique de guerre (la population acculée , ne pouvant fuir, se battrait avec l’énergie du désespoir, mettant en danger les soldats d’Israel).

    Ainsi, explique le Mesheh-Hohma, le Ramban y voyant une mitsva prônant ce niveau d’humanite la decompte commen une mitsva parmi les 613. Pour le Rambam, par contre, cette alah’a ne saurait être plus qu’une tactique de guerre, et n’est ainsi en rien « absolue »  - les tactiques militaires sont, en fin de compte, laissées à l’appréciation des généraux… Cette loi serait comme les nombreuses loi de diététique énoncées par le Rambam: des conseils que les medecins du moment peuvent remettre en question, sans que l’on crie à l’heresie ou à l’infamie…

    La permission ou l’interdiciton du siège tel qu’il fut pratiqué à Beyrouth dépendrait-il d’une mahloket Rambam/Ramban ? Les lois « humanitaires » -comme les nomme le Mesheh-hohma- sont elles applicables aux « guerres d’obligation » ou uniquement aux « guerres facultatives » ?

    Voila l’unes des nombreuses questions que pose le GR Goren dans son article ; article qui se finit d’ailleurs par une réfutation « en bonne et due forme » de l’explication du Mesheh-Hohma… Mais cela dépasse le format qui nous est attribué.

     

    Benjamin Sznajder

     

    [1] Dans son livre Torath Hamedina

     

    *Rav Méïr Sim’ha haCohen de Dvinsk. 1843-1926

    Texte original :

    משך חכמה במדבר פרק לא פסוק ז
    (ז) ויצבאו על מדין כאשר צוה ה' את משה. הרמב"ן בספר המצוות מנה מצות עשה הך דדריש בספרי "כאשר צוה ה' את משה", שלא הקיפו אותה מד' רוחותיה. וטעם פלוגתתם, דהרמב"ן סובר דכמו דהיה מצוה לבקש לשלום, כן היא מצוה לחוס על נפשם ולהניח להם איזה צד להציל נפשם, ולהניח צד אחד פנוי להיות להם מקום לברוח. אבל הרמב"ם סובר דהוא אופן מאופני המלחמה, היינו למוד בחוקות המלחמה, שאם יקיפו אותם מכל צד, ומהתיאשם בחייהם כי יפלו ביד צר, יעמדו על נפשם בכל שארית כוחם ויוכלו לעשות חיל, כאשר ידוע בקורות העתים, שכמה פעמים בא מגודל היאוש הנצוח הגדול. לא כן אם יהיה להם אופן להציל את נפשם, אז לא ישליכו את נפשותם מרחוק, ויברחו. ואם כן אין זה שייך למצוה. ולעניות דעתי נראה כהרמב"ם, דבזה אתי שפיר בספרי (לפסוק ה) "וימסרו מאלפי ישראל": מגיד הכתוב שהיו בני אדם צדיקים וכשרים, ומסרו נפשם על הדבר. ר' נתן אומר: אחרים מסרום 'איש פלוני כשר - יצא', ('איש פלוני צדיק - יצא למלחמה'). ואח"כ איתא "ויצבאו על מדין" - הקיפוה מד' רוחותיה [פירוש, דלטעמיה אזיל, דמסרו נפשם על הדבר והלכו במסירות נפש, לכן לא חששו לשום תחבולת מלחמה נימוסית]. ר' נתן אמר: נתן להם רוח רביעית כדי שיברחו [פירוש, דלטעמיה אזיל, דהם לא רצו להלך, רק בעל כרחם נמסרו מאחרים, ואם כן לא רצו למסור נפשם ולהקיפם מד' רוחותיה]. וראיתי בספר המצוות להרמב"ן שהגירסא היתה לפניו "תן להם רוח רביעית"! לכן דריש זה למצוה. אבל גירסתנו "נתן" מחוור יותר, יעויין שם. וראה במלכים - ב, טו, טז: "אז יכה מנחם את תפסח ואת כל אשר בה (ואת גבולה מתרצה) כי לא פתח ויך (את כל ההרותיה בקע"). והבן ודייק בכל זה.

     


     

  • Paracha Pin'has selon le Mechekh 'Hokhma

      Cycle : la Paracha selon le Mechekh 'Hokhma 

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    La justice divine

     

    La paracha de Balak,  qui précède la notre, se termine par la faute du peuple d’Israël avec les filles de Moab, leur idolâtrie vers Baal Peor, et « un des enfants d’Israël s’avançant jusque devant le Ohel Mo’ed avec une fille de Midian. Une hécatombe s’en suit, arrêtée par Pinhas lorsqu’il tue ce couple devant le Ohel Mo’ed. Vingt-quatre mille des enfants d’Israël auront péri.

    Dieu donne légitimité à l’acte de Pin’has puis ordonne un recensement du peuple avant de donner les instructions sur la façon de répartir la Terre d’Israël. S’en suit alors un recensement de la tribu de Lévi.

    Parmi le commentaire du Mechekh Hokhma, deux  questions sont mises en avant. La première concerne la manière dont est retracée la descendance de Lévi. De nombreux détails sont donnés, dont le fait que deux des enfants d’Aharon aient trouvé la mort lors de la consécration du Michkan. Or, note le Mechekh Hokhma, non seulement cette information a déjà été donnée lors du dernier recensement au début de notre livre de Bamidbar, mais les détails ne sont pas identiques : Au début de Bamidbar il est indiqué qu’ils sont morts en approchant un feu profane, dans le désert de Sinaï

    במדבר פרק ג , ד : וַיָּ֣מָת נָדָ֣ב וַאֲבִיה֣וּא לִפְנֵ֣י ה' בְּֽהַקְרִבָם֩ אֵ֨שׁ זָרָ֜ה לִפְנֵ֤י ה' בְּמִדְבַּ֣ר סִינַ֔י וּבָנִ֖ים לֹא־ הָי֣וּ לָהֶ֑ם וַיְכַהֵ֤ן אֶלְעָזָר֙ וְאִ֣יתָמָ֔ר עַל־פְּנֵ֖י אַהֲרֹ֥ן אֲבִיהֶֽם: פ

    Alors qu’ici nous n’avons que l’élément du feu profane

    במדבר פרק כ, סא : וַיָּ֥מָת נָדָ֖ב וַאֲבִיה֑וּא בְּהַקְרִיבָ֥ם אֵשׁ־זָרָ֖ה לִפְנֵ֥י ה':

    Nous savons déjà pourquoi Nadav et Avihou sont morts, le préciser de nouveau n’est donc pas nécessaire. De plus pourquoi au début de Bamidbar est-il indiqué que ceci se passe Bemidbar Sinaï – dans le désert de Sinaï ? N’est-ce pas là aussi quelque chose que nous savons déjà ?

    Deuxième question,  la tribu de Lévi a toujours été plus petite en nombre que le reste des tribus. Du temps de l’esclavage en Egypte, la raison donnée était que contrairement aux autres tribus, ils n’étaient pas assujettis au même traitement que le reste du peuple. Ainsi le verset

    שמות פרק א ,יב :כַאֲשֶׁר֙ יְעַנּ֣וּ אֹת֔וֹ כֵּ֥ן יִרְבֶּ֖ה וְכֵ֣ן יִפְרֹ֑ץ וַיָּקֻ֕צוּ מִפְּנֵ֖י בְּנֵ֥י יִשְׂרָאֵֽל:

    « Plus on l’opprimait, plus sa population grossissait et débordait », ne s’appliquait pas à la tribu de Lévi.

    Mais une fois sortis d’Egypte, la croissance de cette tribu n’a plus de raison d’être différente des autres tribus.

    Non seulement cela, mais contrairement aux autres tribus, celle de Levi n’avait pas fauté avec le veau d’or, échappant donc à la rétribution divine. Sa petite taille n’en est que plus suspecte.

    Le Mechek Hokhma apporte ses explications à ces deux questions.

    Commençons par la fin : Comment expliquer la faible croissance démographique de la tribu de Lévi dans le désert.

    La différence entre le recensement du début du livre de Bamidbar, la deuxième année de la sortie d’Egypte, et celle-ci, 38 ans plus tard, n’est que de 1000 naissances (22,000 garçons et hommes de plus d’un mois contre 23,000 à la 40 ème année).

    Le Mechekh Hokhma nous renvoie au passouk lui-même indiquant pourquoi le recensement de la tribu de Lévi ne s’est pas fait avec les autres :

    במדבר פרק כו ,סב : וַיִּהְי֣וּ פְקֻדֵיהֶ֗ם שְׁלֹשָׁ֤ה וְעֶשְׂרִים֙ אֶ֔לֶף כָּל־זָכָ֖ר מִבֶּן־חֹ֣דֶשׁ וָמָ֑עְלָה כִּ֣י׀ לֹ֣א הָתְפָּקְד֗וּ בְּתוֹךְ֙ בְּנֵ֣י יִשְׂרָאֵ֔ל כִּ֠י לֹא־נִתַּ֤ן לָהֶם֙ נַחֲלָ֔ה בְּת֖וֹךְ בְּנֵ֥י יִשְׂרָאֵֽל:

    Ils n’ont pas été recensés avec les autres tribus parce qu’ils n’allaient pas recevoir de terres, contrairement aux autres tribus.

    Selon le Mechekh Hokhma, cette précision ne vient pas seulement indiquer pourquoi ils ne sont pas recensés avec les autres : comme ils ne rentrent pas dans la « loterie nationale » il n’est pas nécessaire de les compter à l’aube du partage (qui est proportionnel à la taille de chaque tribu). Elle ne vient pas non plus expliquer pourquoi leur recensement est différent : on ne compte que les hommes de plus de 20 ans pour toutes les autres tribus alors qu’ici il suffit d’avoir plus d’un mois. Ceci ne vient que mettre encore plus en relief le petit nombre de recensés Lévites. Et c’est ce point qui est mis en avant. Le passouk utilise la causation « ki » par deux fois : la première relie « âgés d’un mois et au-dessus » à « car ils n’avaient point figuré dans le recensement des enfants d’Israël », la deuxième relie les nombre de recensés – 23,000 donc, à « ne recevant pas de terre parmi les enfants d’Israël ».  Le premier « ki » indique donc juste que puisque nous pouvons comparer les deux recensements – celui de la deuxième année et celui que nous avons devant nous, il est logique de recenser de la même manière. Ainsi, puisqu’au premier recensement les hommes de plus de 20 ans furent recensés dans toutes les tribus sauf celle de Lévi où le critère est d’avoir plus d’un mois, il en est de même ici.

    Le deuxième « ki » lui, relie le nombre de Leviim agés de plus d’un mois (23,000 donc) au fait que cette tribu ne va pas recevoir de terre comme les autres tribus, mais plutôt des villes éparpillées parmi elles.  Si Dieu n’avait pas laissé la croissance démographique des Leviim se faire naturellement, mais au contraire les avait un peu « aidé », leur nombre aurait été élevé et aurait pu causer une nouvelle crise. Une grande tribu de Lévi voudrait en effet dire un plus grand poids sur le Peuple qui doit pourvoir à ses besoins. En les laissant croître de manière naturelle, le poids reste mesuré.

    La réponse à la première question, concernant les détails donnés concernant la mort des fils d’Aharon, est par nature évidemment différente et pourtant tant similaire à celle que nous venons de voir.

    Le Mechekh Hokhma explique que la raison pour laquelle la Torah indique que Nadav et Avihou sont mort dans le désert de Sinaï était qu’ils s’étaient déjà rendus passible de mort juste avant que Moché ne monte sur le Har Sinaï recevoir la  Torah

     שמות פרק כד פסוק יא :וְאֶל־אֲצִילֵי֙ בְּנֵ֣י יִשְׂרָאֵ֔ל לֹ֥א שָׁלַ֖ח יָד֑וֹ וַֽיֶּחֱזוּ֙ אֶת־הָ֣אֱלֹהִ֔ים וַיֹּאכְל֖וּ וַיִּשְׁתּֽוּ

    רש"י שמות פרק כד ,יא :ואל אצילי - הם נדב ואביהוא והזקנים:

    Alors pourquoi attendre jusqu’à la consécration du Michkan ? Parce que nous sommes à un grand moment heureux, celui du mariage entre Dieu et le Peuple ? La consécration du Michkan serait-elle un événement moins heureux ?

    La différence entre les deux événements était que lorsque Nadav et Avihou se sont rendus passible de mort, leur père Aharon n’avait pas fauté. S’ils devaient recevoir leur dû à ce moment, Aharon aurait souffert sans qu’il n’y ait une raison pour. Or Dieu est juste. A l’inauguration du Michkan par contre, Aharon devait sacrifier « un veau pour expier la faute par le veau » - le veau d’or. Il s’était déjà rendu coupable d’une faute et donc la souffrance engendrée par la mort de ses fils ne serait plus « gratuite » (le même raisonnement est appliqué au fait que ni Nadav ni Avihou n’avaient de fils, évitant ainsi que des fils n’ayant pas fauté souffrent par la faute de leurs pères).

    Bien que ces deux commentaires apportés par le Mechekh Hokhma se suivent et concernent tous deux le recensement de la tribu de Levi, ils ne paraissent pas avoir de lien. Et pourtant, en les examinant de plus près, les deux reflètent une même caractéristique : celle de montrer combien Dieu est juste est comprend la nature humaine. Dans les deux cas, la loi est rendue : le peuple d’Israël doit prendre soin que les besoins de la tribu de Lévi soient pris en charge, et la faute de Nadav et Avihou ne peut rester sans rétribution. Mais dans les deux cas, Dieu prévoie que cela soit fait de manière juste : que la pression financière ne pèse pas trop sur le peuple, et que la peine du décès ne survienne qu’une fois qu’Aharon se soit déjà rendu passible du courroux divin.

    צַדִּ֣יק ה' בְּכָל־דְּרָכָ֑יו וְ֝חָסִ֗יד בְּכָל־מַעֲשָֽׂיו )  תהלים פרק קמה יז)

    Nathalie LOEWENBERG

     

     

     

    *Rav Méïr Sim’ha haCohen de Dvinsk. 1843-1926

    Texte original :

    משך חכמה במדבר פרק כו

    (סא) וימת נדב ואביהוא בהקריבם אש זרה לפני ה'. (במדבר ג, ד)... "ובהקריבם וכו' במדבר סיני ובנים לא היו להם ויכהן אלעזר ואיתמר על פני אהרן אביהם". מדרש רבה פרשת אחרי (פרשה כ פיסקא י): אמר ר' מאיר, וכי במדבר סיני מתו?! אלא מלמד שמהר סיני נטלו איפופסין שלהם למיתה. משל למלך שהיה משיא בתו (ונמצא בשושבינה דבר של שמצה. אמר המלך: אם הורגו אני עכשיו אני) מערבב שמחת בתי, (אלא למחר שמחתי באה, והוא טב בשמחתי ולא בשמחת בתי. כך אמר הקדוש ברוך הוא: אם אני הורגם עכשיו, הריני מערבב שמחת בתי - למחר שמחתי באה. "בתי" - זו התורה, הדא הוא דכתיב - שיר השירים ג, יא - "ביום חתונתו וביום שמחת לבו", "ביום חתונתו" - זה הר סיני, "וביום שמחת לבו" - זה אהל מועד) (עכ"ל המדרש). יתכן על פי דברי המדרש דבפרשת קדושים (ויקרא רבה כד, ב): ר' ברכיה בשם ר' לוי אמר: הדא הוא דכתיב (תהלים צב, ט) "ואתה מרום לעולם ה'" - לעולם ידך בעליונה. בנוהג שבעולם, מלך בשר ודם יושב בדין, בזמן שהוא נותן דימו, כל העם מקלסים אותו, ובזמן שהוא נותן ספקולא, אין כל בריה מקלסת אותו, מפני שהם יודעים שיש שטף בדינו. אבל הקדוש ברוך הוא אינו כן, אלא בין במידת הטוב בין במידת פורענות - "ואתה מרום לעולם ה'", לעולם ידך בעליונה (עכ"ל המדרש). פירוש, דאם לבשר ודם יחטא אדם, הורגו לפי המשפט. אבל מה שיש צער לאביו שאין לו בן, זה שלא במשפט, אך בחנם. לא כן במלך מלכי המלכים הקדוש ברוך הוא, אם מעניש לאחד, כולם חייבים - הבן חייב והאב גם כן. וזה 'שיש שטף בדינו', שבמידת בשר ודם יש אחד מה שאינו חייב וסובל העונש. ולכן נדב ואביהוא שנתחייבו מיתה מהר סיני - שאכלו ושתו ויחזו אלקים (שמות כד, יא) - אבל הצער לאהרן לא היה בדין. לכן המתין עד כאן, שבא אהרן לכפר חטא העגל בעגל, וגם הוא חייב הצער לכפר על עון העגל שעשה. מה שאין כן אז, עדיין לא היה חייב אהרן. וזה "ובנים לא היו להם" - הא אם היו להם בנים לא מתו, בשביל שהבנים לא יהיו להם אב. ואי משום צער אלעזר ואיתמר שמתו אחיהם [שהם לא נתחייבו לא בעגל ולא במדבר סיני] - "ויכהן אלעזר וכו'", שהיה להם עילוי על ידי זה, שנתהוו כהנים במקומם. ולכן מתו בני אהרן, והבן.

    משך חכמה במדבר פרק כו

    (סב) ויהיו פקודיהם שלושה ועשרים אלף, כל זכר מבן חודש ומעלה, כי לא התפקדו בתוך בני ישראל, כי לא נתן להם נחלה בתוך בני ישראל. הקדמונים נתפלאו מדוע שבט לוי היה מעט במספרו נגד שארי השבטים. וראיתי שנותנים טעם שבת קול אמרה (שמות א, יב) "וכאשר יענו אותו כן ירבה וכן יפרוץ", והם לא היו בקושי השעבוד, לכן לא היו בכלל "כן ירבה וכן יפרוץ". אבל מדוע לא נתרבו במדבר תמוה, כי במנין הראשון (במדבר ג, לט) היו שנים ועשרים אלף! ורש"י הביא מן הירושלמי דיומא שנהרגו כמה משפחות. אולם לדעתי כי לו נתכנו עלילות, והיה צופה ומביט כי שבט לוי, לגיון של מלך, לא ינחלו נחלה, רק ערי מגרש בתוך בני ישראל. ואם בני לוי יהיו רבים במספר, הלא יצעקו מדוע נגרע חלקם, וגם על בני ישראל יהיה כבד הדבר לכלכל עם גדול כמוהו. וכאשר מצאנו בבני יוסף (יהושע יז, יד) שצעקו כי ה' ברכם בעם רב, והמקום צר להם לשבת. לכן היה מחכמת הבורא לבלי הרבות אותם על דרך נסיי, רק יהיה מספרם בדרך טבעי, והיו כ"ג אלף מבן חודש ומעלה. ויתכן לכלול זה בכוונת הפסוק: "ויהיו פקודיהם שלושה ועשרים אלף, כל זכר מבן חודש ומעלה", לכן היה מנינם מבן חודש, "כי לא התפקדו בתוך בני ישראל" שמנינם היה מבן עשרים. ולמה היה מנינם פחות כל כך רק כ"ג אלף במספר - "כי לא ניתן להם נחלה בתוך בני ישראל", לכן היו מעטים במספר, ולא חלה עליהם הריבוי המופלג מברכת אלקי. ובמנין ראשון היו נמנים מבן חודש, כדי לפדות הבכורים מבן חודש, לכן לא היו נמנים בתוך בני ישראל.