Fabriquer la Loi

    FABRIQUER LA LOI



par Franck BENHAMOU


La question de la "fabrication de la Loi" est complexe. À l'époque du Temple de Jérusalem et du Sanhédrine, un organe représentatif d'une position officielle faisait entendre une voix impérative. La Loi était centralisée. L'auteur de cette étude s'interroge sur l'après-Sanhédrine, analysant -entre autres- les approches de Maïmonide et du Shoul'han Aroukh pour pallier au manque d'unité légale provoqué par les avatars de l'Histoire juive.

Cet article permet de répondre à des questions fondamentales sur le fonctionnement de la Halakha à notre époque : Quelle est l'autorité d'un "possek halakha" (décisionnaire) ? Existe-t-il de nos jours une autorité légitime qui pourrait imposer ses positions à tous les juifs, ou du moins à certains d'entre-eux ? 

 

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Date de dernière mise à jour : 05/07/2021

Commentaires

  • Gabriel Abensour
    J'ai adoré ce texte. Merci beaucoup !

    Tu aurais cependant pu rajouter quelques pages sur la tension entre "minhag" et "halakha psouka". Notament au sujet de la grande polémique entre Rav Ovadia Yossef et les rabbanim nord-africains.
  • Benjamin
    • 2. Benjamin Le 08/05/2013
    Cher Franck

    Merci pour ce texte tres interessant.

    Il me semble que dans la question de la legitimite d'une autorite (celle du shoul'han arouh' ou bien celle, recente du mishna-broura), ne peut faire l'economie d'une notion de "קבלו עליהם" - notion nebuleuse mais qui decrit un etat de fait etrange : tel ou tel ouvrage a un succes inespere dans le peuple et "s'impose" de par lui-meme.

    Pourquoi le sh"a, plus touffu, moins complet que le Mishne-torah a eu un plus grand succes?
    Pourquoi tout le monde ne jure que par le mishna-broura alors que le arouh'-ashoulh'an est plus complet et plus "incisif" dans son style?

    Cette question est laissee aux historiens.....

    Mais dans la legitimite de leur decision, cet etat de fait ne peut etre ignore...

    Comment gerer cette donnee? Comment la faire peser dans une decision ? Un psak de Maimonide est il reellement "egal" a celui du Mahar"i Kolon? Dans quel cas, oui, dans quel cas non?

    Apparemment, cette finesse n'a pas ete transmise dans les livres. Et n'a ete transmise qu'au contact aguerri des Maitres....La mise en garde contre un psak "purement livresque" est severe dans le Talmud, au point ou ses Sages n'hesitent pas a en donner la definition meme de l'ignare
    "Qu'est ce qu'un Am-haaretz? C'est celui qui a une connaissance livresque sans avoir frequente les eleves des Sages"

    Mais d'un autre cote, peut-etre est-ce la , le dernier des derniers souffles d'oralite de notre tradition....
    A l'heure d'internet et de l'acces universel aux donnees factuelles, quel souffle d'espoir!

    (ton texte m'a evoque d'autres remarques... עוד חזון למועד...)
    • yona-ghertman
      • yona-ghertmanLe 11/05/2013
      Benjamin, Merci pour ton commentaire. L'objectif de l'article de Franck n'est pas de remettre en cause la nécessité d'étudier avec un maître et d'apprendre à son contact. Cependant je te ferais remarquer qu'aussi importante soit la tradition par un Maître, cela ne rentre pas dans un cadre halakhique. Bien que le Rachba considère qu'à priori il est obligatoire de se plier aux décisions de son Maître avant même de réfléchir à tous les critères du pssak halakha (shoute haRashba 2, 322), l'autorité du Rav sur le plan halakhique n'est pas codifié par ailleurs. Même le Rambam qui dans son commentaire sur la Michna Avot 1, 16 écrit qu'il faut avoir un maître pour la horaha, ne reprend pas cela dans le Michné-Torah. Le rapport à l'oral dépasse le strict cadre halakhique dont parle Franck, c'est là une première remarque. Par ailleurs, nous sommes tous d'accord que le rapport aux maîtres est très important, mais celui-ci doit être concret de visu. Or lorsqu'un habitant de France suit une décision d'un "possek halakha" habitant à des milliers de kilomètres et ne le connaissant pas, ni le milieu dans lequel il vit, il en a le droit bien sûr, mais sans doute pas l'obligation,c 'est ce que montre -entre autres- Franck dans son article. Dans une telle configuration nous sommes bien loin de la "fréquentation des élèves des Sages" dont nous parle le Talmud. Yona
  • nathaniel
    • 3. nathaniel Le 08/05/2013
    Hazak Franck,
    La conclusion me laisse assez songeur: les juifs n'arrivent pas a avoir d'autorité halachique. Mais est ce souhaitable?
    Finalement, comme Benjamin et Frison (dans le blog mo) le disent, le contact humain et existentiel des talmidim ne serait il pas suffisant?
    C'est d'ailleurs finalement ce que nous enseigne les Avot dès les premières Michnaiot:"collez à la poussière de leurs pieds, faites de chez vous un lieu de réunion pour les talmidim"
    Par ailleurs, il me semble que le Hazon Ich écrit que la mitsva de chimouch talmidim est plus difficile aujourd'hui, sans doute du fait de la difficulté du lien social, et conseille de lire des livres sur les talmidim. A voir...
    Reste aussi à savoir qui sont les talmidim aujourd'hui...

    A bientôt

    Nath
  • Emmanuel Bloch
    • 4. Emmanuel Bloch Le 08/05/2013
    Joli article sur un sujet delicat effectivement. Bravo.
    Pour ceux qui aiment la langue de Shakespeare, je recommande aussi cet ouvrage :
    http://www.amazon.com/Rabbinic-Authority-Personal-Autonomy-Orthodox/dp/0876685815

    Par rapport aux idees de l'article: s'agissant du Talmud, l'autorite du Babli n'est apparemment pas allee de soi. En premier lieu, le Babli n'a tres probablement pas ete ecrit pour etre un texte juridiquement contraignant. Il n'a atteint ce statut que nettement plus tard.

    De plus, il a ete en concurrence avec le Yerouchalmi, surtout a partir du Moyen Age (avant, du temps des Geonim, le fait que la Babylonie et Israel appartiennent a deux empires distincts a limite les zones de friction entre les deux grands corpus talmudiques). Selon Israel Ta-Chema, en Allemagne au 10e-11e siecle, c'etait le Yerouchalmi qui etait suivi, pas le Bavli !

    J'abonde ainsi dans le sens de Benjamin, la canonisation des textes legaux juifs est une question d'historiens. Les circonstances du cas d'espece jouent un role preponderant. Mais c'est reellement passionnant, et cela fait encore debat aujourd'hui. A preuve le dernier livre de Talia Fishman, qui a recu l'un des prix les plus prestigieux pour un livre juif publie en langue anglaise, et qui a neanmoins ete attaque par le prof. Hayyim Soloveitchik comme ne valant pas le prix du poids de son papier (sa critique est l'une des plus incisives que j'ai lues de ma vie dans des cercles universitaires, elle vaut le coup d'oeil !)

    http://www.amazon.com/Becoming-People-Talmud-Tradition-Medieval/dp/0812243137/ref=sr_1_1?ie=UTF8&qid=1368025262&sr=8-1&keywords=talia+fishman

    Bref. Merci de cette contribution dans un debat qui ne cesse de fasciner. Encore :)
  • Franck Benhamou
    • 5. Franck Benhamou Le 09/05/2013
    Gabriel, effectivement. Il faudrait recenser les cas, c est en tout cas un exemple qui va dans le sens de l article puisqu il montre bien que c est le minhag qui gouverne de nos jours. Et pas forcément les hahamim.
  • Franck Benhamou
    • 6. Franck Benhamou Le 09/05/2013
    Benjamen, le problème est assez important, je n'ai pas voulu aller trop loin. Cependant les raisons quinfont que tel ou tel livre passe a la postérite sont assez etonnantes, pour le ShA l invention de l imprimerie alliee a une période de troubles. Pour le mishna broura la problématique liée à la guerre... Mais la guerre qui se joue actuellement n'est pas au niveau du livre mais du web! En effet les psakim se font par le web malgré cequ' on puisse en penser. C est pourquoi plutôt que de fermer les yeux il faudrait "réguler", il est évident qu'on a changé de paradigme pour le psak! Même si on peut le déplorer. En effet tout élimination de la dimension de torah chebeal pe introduit un dogmatisme que seule la frequentation d un maitre peut limiter, malgré les aléas de cette rencontre.
  • Benhamou
    • 7. Benhamou Le 12/05/2013
    Bonjour Emmanuel, permet moi de mettre un peu les pieds dans le plat. Concernant ta remarque sur la canonisation des textes qui reviendrait aux historiens. Il me semble que cette question relève du juridique, car si le Babli a été "canonisé", il faut en rendre compte peut-être pour des raisons historiques, mais en posant l'histoire comme juge, on s'épargne une réflexion sur l'autorité des textes pour nous, hic et nunc. En effet, la référence que j'ai pu trouvé relativement à cette question est celle du kessef michné cité dans l'article, cependant, elle me parait plutôt controuvée. Des arguments comme la souplesse du raisonnement talmudique, ou le fait qu'il est postérieur et aurait intégré me semblent des éléments qui permettent de justifier que c'est un des textes les moins dogmatique de toute la tradition juive qui a la plus grande portée juridique! C'est ce point là qui donne le plus à penser, sur l'histoire et lo'histoire du judaïsme en particulier.

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