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  • Tsav: le levain dans la pâte

                    

       Cycle : la paracha selon le Sforno*  

    Sforno 1

    Tsav : Le levain dans la pâte

     

    La Paracha de Tsav est la suite logique de Vayikra, la précédente paracha ; cette dernière, comme le souligne le Sforno*, ouvrait le 3ème livre de la Torah sur les détails sur la pratique des sacrifices, animaux comme végétaux, pouvant être approchés au Tabernacle de D’.

    Notre Paracha va donc décrire à présent la loi applicable à chacun d’entre eux ainsi que leurs différences, à l’instar des différences au niveau des actions et des intentions de chacun des « enfants du D’ vivant » (Osée, 1,10)

    Intéressons-nous à un type particulier de sacrifices : Le « sacrifice rémunératoire ». Le verset introduit ce type de sacrifices par un pluriel, זֶבַח הַשְּׁלָמִים.

    Selon le Sforno, cette expression au pluriel nous informe que même si tous les sacrifices rémunératoires font partie de la même catégorie des offrandes dite de « moindre sainteté », il y existe néanmoins des différences entre eux.

    Le sacrifice de remerciement, קרבן תודה, est ramené en tant qu’exemple par le Sforno. Ce dernier devra être obligatoirement composé de gâteaux de pain ‘hamets, car le remerciement du quidam au sujet du danger auquel il aura miraculeusement échappé aura forcément pour cause שאור שבעיסה, « le levain qui se trouve dans la pâte » (TB, Berahot, 17a).

    Cette expression talmudique désigne le mauvais penchant qui, à l’instar du levain qui digère et fait gonfler la pâte, provoque chez l’homme un entropique état propice à la faute, à l’inverse du calme et de la sérénité nécessaires à l’accomplissement de la Torah et des Mistvot.

    Le Sforno note toutefois que les sortes de gâteaux de Matsot, gâteaux non levés, seront plus nombreux que ceux de pain et plus les gâteaux de pain seront nombreux, plus le miracle dont a en a bénéficié celui qui en apporte l’offrande se propagera auprès de ceux qui seront, de facto, plus nombreux à en consommer.

    Ainsi, dans l’écho amplifié par le קרבן תודה de reconnaitre l’effet nocif du mauvais penchant, s’esquisse un appel à un chemin harmonieux, loin des extrêmes et de l’agitation qui fermente sournoisement dans l’esprit de l’homme et l’entraine vers la faute.

    Un enseignement subtilement relevé par le Sforno dans cette Paracha de Chabbat Hagadol précédant la fête de Pessah’, la fête de la liberté sur le hamets que nous possédons, aussi bien dans nos maisons que dans nos cœurs.

    Elie DAYAN

     

    *Rav 'Ovadiah Sforno, Italie 1480-1550

    Texte original :

    צַו אֶת אַהֲרֹן – זֹאת תּוֹרַת הָעֹלָה. אַחַר שֶׁהִגִּיד מַעֲשֶׂה הַקָּרְבָּנוֹת אָמַר הַתּוֹרָה הָרְאוּיָה לְכָל אֶחָד וְאֶחָד, אֲשֶׁר בָּהּ רָמַז חֵלֶק עִיּוּנִי בָּהֶם. וְאֵין סָפֵק כִּי יֵשׁ הֶבְדֵּל רַב בֵּין ״בְּנֵי אֵל חַי״ בִּפְעֻלּוֹתֵיהֶם וְכַוָּנוֹתֵיהֶם, דּוֹמֶה לַהֶבְדֵּל אֲשֶׁר בֵּין מִינֵי הַקָּרְבָּנוֹת.

    וְאָמַר, וְזֹאת תּוֹרַת זֶבַח הַשְּׁלָמִים – וְהוֹדִיעַ שֶׁאַף עַל פִּי שֶׁכָּל הַשְּׁלָמִים קָדָשִׁים קַלִּים, מִכָּל מָקוֹם יֵשׁ חִלּוּק בֵּינֵיהֶם: שֶׁאִם הֵם עַל אודות הוֹדָאָה, יִהְיֶה עִמָּהֶם ״לֶחֶם״, בְּתוֹכוֹ מִין ״חָמֵץ״. כִּי אָמְנָם סִבַּת הַסַּכָּנָה אֲשֶׁר עָלֶיהָ הַהוֹדָאָה הוּא ׳שְׂאוֹר שֶׁבְּעִיסָה׳, מִכָּל מָקוֹם מִינֵי הַמַּצּוֹת רָבוֹת עָלָיו, וּבִרְבוֹת הַלֶּחֶם יִתְפַּרְסֵם הַנֵּס לְאוֹכְלִים רַבִּים

  • Paracha Vaykra avec le Sforno

    • Le 17/03/2018

       Cycle : la paracha selon le Sforno*  

    Sforno 1

    Parachat Vayikra

     5778

     

     

    Lévitique

    Chap 1, Vers. 4

     

    « Venirtsa lo lekhaper alav »

    « Il sera agréé pour faire propitiation sur lui »

     

    Cette sidra introduit la notion du « sacrifice » dans le culte d’Israël, acte lourd de sens dans la mesure où il est sensé expier la faute. A chaque type de faute son Korban. Il existe un aspect psychologique profond dans la démarche intellectuelle du pardon par le biais du Korban. 

    Le SFORNO explique qu’il existe deux types de fautes : celle de la pensée du cœur (hihour halev) et celle de l’acte.

    Bien que le Korban en soit pardonne, l’idée développée par le SFORNO rend compte d’une logique dans l’action du Korban au delà du pur rituel, qui pourrait nous paraître dépassé à notre époque.  

    La partie du Korban qui est entièrement consumée et qui « s’élève » avec la flamme de l’autel, la ola, ainsi que les parties grasses qui étaient brulées, minh’a, permettent le pardon des pensées du cœur. Ces pensées immatérielles et abstraites qui peuvent être à l’origine d’une chute profonde doivent être éradiquées, consumées par un travail de l’esprit.

    Tandis que les fautes liées à l’acte sont pardonnées par les parties du Korban données au Cohen en échange des membres du fauteur, on donne les parties de l’animal qui seront consommés par les serviteurs de D’ieu dont les actes sont dirigés vers le bien. 

    Comme il est dit dans Pessa’him 59b : « (quand) les cohanim mangent leur parts des sacrifices, les propriétaires sont pardonnés ».

    Il existe un lien profond accessible à la compréhension humaine entre la faute et son moyen de Kapara. Ce lien engage la responsabilité de l’homme.  Le moyen de réparation sera à la hauteur de la gravité de la faute.

    De nos jours, les sacrifices n’existent plus, les lois de la téchouva permettent de se faire pardonner. Mais une recherche intellectuelle et émotionnelle honnête des processus et des mécanismes de pensés permettant d’arriver jusqu’à la faute est plus que nécessaire si l’on veut arriver une réelle compréhension de nos fautes et se sentir soi même pardonné dans un premier temps, puis ne plus recommencer dans un deuxième temps (le pardon définitif).

    Le SFORNO insiste sur cette responsabilité de l’homme conscient de sa faute et de son moyen de réparation, au point que si le Cohen, vecteur du moyen de pardon, faute, il n’a pas péché de son propre cœur mais cela lui est arrivé par la « culpabilité du peuple » « léachmat haam ».

    L’élite de la génération est ainsi le reflet de la qualité morale de son peuple.

       

    Yaacov Malka

     

    *Rav 'Ovadiah Sforno, Italie 1480-1550

    Texte original :

    ספורנו ויקרא פרק א פסוק ב
    מן הבהמה. אם יקריב בהמה לא יהיה רק ממין בקר או צאן ולא שום מין חיה, אף על פי שהיא בכלל בהמה, כאמרו זאת הבהמה אשר תאכלו וגו' איל וצבי וגו' (דברים יד, ד - ה). והמכוון באלה הפרשיות הוא לפרש מיני מביאי הקרבן ומיני הנקרבים ומיני הקרבנות וסבות ההקרבה. ופירש שקרבנות נדבה מקבלים אותם מכל אדם אפילו מן הגוים, כמו שביאר אחר כך באמרו ומיד בן נכר לא תקריבו את לחם אלהיכם מכל אלה כי משחתם בהם מום בם (להלן כב, כה), והנה משמודים גרועים מן הגוים, בפרט משמודים לע"ז ולחלל שבתות בפרהסיא. ופירש שמיני הנקרבים הם בקר וצאן בבהמה, ותורים ובני יונה בעופות, וסולת ושמן ולבונה. ופירש שמיני הקרבן מהם עולה שלמים ומנחה, הבאים לפעמים נדבה, ומהם חטאת ואשם שאינם באים אלא חובה. ומזה התבאר ענין קין באמרו ואל קין ואל מנחתו לא שעה (בראשית ד, ה) כי היה הוא מכת המינים שאין מקבלים מהם קרבן, כמו שהוכיח סופו על תחלתו, ושהיתה מנחתו ממין בלתי ראוי להקרבה. וכן בנח באמרו וירח ה' את ריח הניחוח (שם ח, כא) אמר שקבל אותו החלק מקרבנותיו שהיה ראוי לריח ניחוח, בהיותו מן המין הראוי להקרבה, אבל לא קבל כל קרבנו שהיה מכל הבהמה הטהורה ומכל העוף הטהור (שם שם כ). ויובן גם כן מה שרצה באמרו זבח ומנחה לא חפצת אזנים כרית לי (תהלים מ, ז) ובאמרו למה לי רב זבחיכם (ישעיהו א, יא) וכאלה רבים בספרי הקדש. כי אמנם ראוי שיהיה המביא הקרבן אדם כשר להביא, בוחר במין הראוי לקרבן, הנאות להשיג התכלית אשר בסבתו בא להקריב, ויסמוך את ידו על קרבנו כמתנפל ומתפלל שיהיה עונו על ראש הקרבן, כענין בשעיר המשתלח, ובזה יוציא לאיזה פעל של הכנעה את מחשבת התשובה אשר בלבו ונרצה לו לכפר עליו (להלן פסוק ד). ובהיות מיני החטא קצתם במחשבת הלב בלבד וקצתם גם במעשה הנה לכפרת הרהור הלב יאות אותו החלק אשר יעלה בלהב המזבח, והם העולה ואימורי הקרבנות ואזכרת המנחות. ולכפרת המעשה יאותו חלקי הקרבן הנתן לכהנים, וזה שתמורת איברי החוטא שהתעסקו בפעולת הרע ינתן חלק [איברי הקרבן לעובדי האל] המתעסקים בעבודתו, כאמרו ואותה נתן לכם לשאת את עון העדה לכפר עליהם (להלן י, יז) וכן אמרו ז"ל שהכהנים אוכלים ובעלים מתכפרים (פסחים נט, ב). ובהיות הפועל הרע הראוי להתכפר בקרבן קצתו עם כובד עון כמו חייבי כריתות וקצתו קל מזה אבל עם איזה חלול בקדש, הנה לחלק הראשון יאות החטאת, לחטא את הנפש שנטמאה בחיוב כרת כאמרו ונכרתה הנפש ההיא (שמות יב, טו), ולחלק השני יאות האשם להעביר חלול אשר אשם לו, וזה בהכנעת הקרבן עם התשובה, ותורה אחת להם. אמנם קרבן השלמים הוא כמשתף הבעלים עם משרתי האל לעבדו שכם אחד. ובהיות החוטאים על מדרגות מתחלפות, מהם מוכנים להכשל בחטא ומהם רחוקים מזה ויקרה בהם על המעט, היה הדיבור בהם על אופנים מתחלפים וקרבנותיהם מתחלפין, ולכן על הכהן המשיח, מפני שהוא רחוק שיכשל בחטא, אמר  

  • Mishkan : Venons-en à la conclusion !

    Cycle : la paracha selon le Sforno*  

    Sforno 1

    Vayakel-Pékoudé

    Mishkan : venons-en à la conclusion !

     

    Avec les sections de Vayakhel et Pékoudé, nous en venons à la conclusion d’une quinzaine de chapitres consacrés à la construction du Mishkan – le « Tabernacle », à la réalisation de ses ustensiles et à la confection des vêtements des prêtres.

    Le Sforno nous donne opportunément quelques clés de lecture en clôture de ces passages très techniques qui, d’une certaine manière, constituent une déception par rapport à la promesse initiale du texte. En effet, la section de Terouma avait commencé sur une lancée très élevée et spirituelle : « Ils me feront un sanctuaire et je résiderai en eux » pour ensuite se perdre à notre étonnement dans les méandres d’un cahier des charges de matériaux, de mesures, d’architecture intérieure et extérieure, au point que notre impression était d’avoir complètement perdu de vue la dimension immatérielle et première de l’entreprise.

    « Les plus sages de cœur parmi les réalisateurs de l’ouvrage composèrent les dix tapis de l'enceinte, en lin retors, étoffes d'azur, de pourpre et d'écarlate, artistement damassés de chérubins. » (Shemot 36:8). Le Sforno commence par nous rappeler que le Mishkan a été construit par « les plus Sages d’entre les enfants d’Israël » ; il s’agit d’un ouvrage qui exigeait de l’habileté artisanale ou artistique, mais également de la Sagesse au sens propre du terme, la faisabilité de certains objets paraissant tout bonnement hors de portée dans le monde réel.

    On voit dès lors qu’une dimension spirituelle s’est systématiquement entremêlée avec la dimension matérielle, tout comme les fils d’ors étaient tressés avec ceux de couleurs « naturelles ».

    Mais le Sforno poursuit en répondant à la question classique : pourquoi répéter à nouveau tout ce qui a déjà été énoncé dans Térouma ? « Pour t’enseigner qu’ils firent tout ce qu’ils firent dans la seule intention de répondre à la volonté de l’Ordonnateur et à Sa fin ». On ne parle plus ici d’artisans répondant à un cahier des charges, mais de Sages visant non pas le moyen demandé par Dieu (le Mishkan) mais sa finalité même.

    Et d’ailleurs, « l’arche sainte, qui est l’ustensile le plus unique, le plus particulier, fut réalisé par Betsalel qui était lui-même le plus grand parmi les Sages, comme l’on enseigné nos maîtres : “Betsalel savait associer les lettres par lesquelles furent créés les cieux et la terre” ».

    Tous ces détails minutieux n’étaient donc comme nous le rappelle Sforno que l’expression de l’association entre les Cieux et la terre, entre la présence de Dieu et le monde matériel. Si nous n’avions donc vu que des détails techniques dans les derniers chapitres du livre de Shemot, c’était donc en raison de notre propre superficialité. Repartant de la conclusion, la clé de lecture annoncée en préambule est bien confirmée et donne sens au tout : סופו נעוץ בתחילתו.

    D’où la particularité des éléments du Mishkan qui revêtent une dimension d’éternité et, contrairement au Temple de Salomon ou à celui « de Cyrus », ne tombèrent jamais entre les mains d’ennemis (38:21).

    Mais par quelles vertus ?

    1. Parce que dans le Mishkan reposaient les Tables de la Loi
    2. Parce qu’il fut réalisé sous les ordres de Moshé
    3. Parce qu’Itamar en assurait la garde
    4. Parce qu’il fut construit par Bestalel, l’homme le plus Sage mais également le plus Juste, grâce auquel la présence de Dieu résida dans cette œuvre.

    Aucun des deux Temples ne sut réunir l’ensemble de ces qualités spirituelles.

    En ce sens, le Mishkan continue  pour l’éternité à incarner la présence de Dieu au sein des œuvres de l’homme et donc, d’une certaine manière, la figuration de l’idéal du monde voulu par le Créateur.

     

    Emmanuel Ifrah – 03/2018

     

    *Rav 'Ovadiah Sforno, Italie 1480-1550

    Texte original :

     

    ספורנו שמות פרק לו פסוק ח
    (ח) ויעשו כל חכם לב בעושי המלאכה. היותר חכמים שבהם עשו את המשכן שהיה מעשה חושב על צורות שונות משני עבריהם, כמו שהזכירו ז"ל, ולא היו היריעות עבות כמו הפרכת. וכפל בפרשה זו כל האמור למעלה בצווי בפרשת תרומה, להודיע שעשו הכל בכיון לעשות כרצון מי שצוה ולתכליתו. והארון שהיה המיוחד שבכלים נעשה על ידי בצלאל שהיה הגדול שבכלם, כאמרם ז"ל יודע היה בצלאל לצרף אותיות שבהם נבראו שמים וארץ (ברכות נה א):

     

    ספורנו שמות פרק לח פסוק כא
    (כא) אלה פקודי המשכן. כל אחד מחלקי המשכן הכתובים למעלה הם אותם הפקודים שנאמר עליהם ובשמות תפקדו את כלי משמרת משאם ביד איתמר (במדבר ד, לב - לג). וזה כי כל אחד מהם היה ראוי להיות נחשב ולהקרא בשם באשר הוא זה הפרטי, לא בלבד באשר הוא מזה המין, וכל שכן שצדק זה על כל אחד מכלי הקדש אשר במשא בני קהת. ולזה לא נפסדו, כאמרם ז"ל שמא תאמר אבד סברם ובטל סכוין, תלמוד לומר עצי שטים עומדים שעומדים לעד ולעולמי עולמים (יומא עב א) וגם כן לא נפל דבר מהם ביד האויבים, על הפך מה שקרה למקדש שלמה וכליו כמבואר בחרבן בית ראשון על ידי נבוזראדן, שלא נזכר שם דבר מעניני משכן משה רבנו ע"ה (דבהי"ב לו, ז, ו - יח):
    משכן העדות. ספר מעלות זה המשכן שבשבילם היה ראוי להיות נצחי ושלא ליפול ביד אויבים. ראשונה, שהיה משכן העדות, שהיו בו לוחות העדות. ב', אשר פקד על פי משה. ג', שהיתה עבודת הלויים ביד איתמר, כי אמנם משמרת כל חלקי המשכן ביד איתמר היתה. ד', ובצלאל בן אורי בן חור למטה יהודה עשה, שהיו ראשי אומני מלאכת המשכן וכליו, מיוחסים וצדיקים שבדור, ובכן שרתה שכינה במעשי ידיהם ולא נפל ביד אויבים. אבל מקדש שלמה שהיו עובדי המלאכה בו מצור, אף על פי ששרתה בו שכינה נפסדו חלקיו, והוצרך לחזק את בדק הבית (מ"ב כב, ה - ו) ונפל בסוף הכל ביד אויבים. אבל בית שני שלא היה בו גם אחד מכל אלה התנאים לא שרתה בו שכינה ונפל ביד אויבים, כי אמנם בית שני לא היה משכן העדות, שלא היו בו לוחות העדות, ולא פוקד כי אם על פי כורש (עזרא א, א - ג) ולא היו שם בני לוי, כמו שהעיד עזרא באמרו ואבינה בעם ובכהנים, ומבני לוי לא מצאתי שם (שם ח, טו) ומן המתעסקים בבנינו היו צידונים וצורים, כמבואר בספר עזרא (ג, ז):

     

  • Peuple à la nuque raide

     Cycle : la paracha selon le Sforno*  

    Sforno 1

     

        Ki-Tissa : "Un peuple à la nuque raide"

     

    C’est dans cette Paracha que nous trouvons la fameuse expression relative au peuple « à la nuque raide ».

    Dans la bouche de l’Eternel, ce n’est pas un compliment. Dit au moment où le peuple commet la faute du veau d’or, Dieu est sur le point de vouloir exterminer son peuple: Alors l'Éternel dit à Moïse: "Va, descends! Car on a perverti ton peuple que tu as tiré du pays d'Égypte!  De bonne heure infidèles à la voie que je leur avais prescrite, ils se sont fait un veau de métal et ils se sont courbés devant lui, ils lui ont sacrifié, ils ont dit: ‘Voilà tes dieux, Israël, qui t'ont fait sortir du pays d'Égypte!’" L'Éternel dit à Moïse: "Je vois que ce peuple est un peuple à la nuque raide. Donc, cesse de me solliciter, laisse s'allumer contre eux ma colère et que je les anéantisse, tandis que je ferai de toi un grand peuple!"

    Caractéristique répétée à plusieurs autres reprises dans le texte de la Thora, ce qui en fait une sorte de marque de fabrique déposée de ce peuple.

    Mais que reproche donc Dieu exactement à ce peuple pour qu’il en vienne à souhaiter son anéantissement total ? Car il s’agit bien d’une phrase terrible, qu’on ne sait plus vraiment comment lire après une tentative presque réussie d’extermination totale du peuple juif.

    Le Sforno sur l’expression « Peuple à la nuque raide » explique : « Leur nuque est comme un tendon de fer qui les empêche d’entendre une quelconque parole en provenance d’un maître de vérité. Considérant cela, il n’y a aucun espoir qu’ils puissent se repentir »

    Dieu aurait bien aimé accepter un repentir mais la « nature profonde » du peuple les empêche de se repentir. Nous ne sommes en vérité pas beaucoup plus avancés.

    Essayons d’avancer avec un commentaire du Ari Zal, quasi-contemporain du Sforno et très marqué également par l’expulsion des Juifs d’Espagne. La nuque, nous dit le Ari Zal est la zone du corps où se rejoignent la tête, le torse où se situe le cœur et les bras. Autrement dit, comme l’exprime bien Henri Infeld, le lieu où se rejoignent l’intellect, l’affect et la capacité d’action. Une nuque raide indiquerait une incapacité chronique à mettre en adéquation la compréhension conceptuelle des sujets ou un élan du cœur avec l’action qui devrait en découler.

    Un maître de vérité, nous dit le Sforno, c’est un maître qui serait capable, par la parole, de changer l’action d’un homme. Mais nous ne sommes pas dans le registre de la magie ou même dans une expérience à dimension charismatique. Le maître de vérité est une personne qui l’a cherchée et a trouvé une forme de trésor véritable qu’il s’efforce de transmettre. Cela passe parfois par l’intellect et la conviction logique et rationnelle. Cela transite aussi (et peut-être est-ce indispensable) par une expérience émotionnelle vécue qui donne la certitude à celui qui la ressent d’être sur le bon chemin. Mais un maître sans élève, est-ce encore un maître ? Un maître avec des élèves qui certes valident la grandeur et la véracité de l’enseignement du Maître, mais qui ne savent pas embrayer sur une activation de leur corps vers un accomplissement concret, n’est-ce pas un échec pour le maître ? Et dans ce cas, le plus logique n’est-il pas de se tourner vers d’autres élèves qui sauront faire ce chemin ?

    C’est peut-être bien ce qui guette le peuple juif tout le long de son histoire : sera-t-il capable de développer son intellect ? A n’en pas douter, c’est même une des caractéristiques les plus courantes que l’on accole aux juifs. Ont-ils un cœur et sont-ils en mesure de ressentir des sentiments ? Depuis le rédacteur des Psaumes jusqu’aux Hassidim, la réponse est positive. Feront- ils de ces expériences de pensée ou de cœur des actes concrets en parfaite adéquation avec la volonté divine ? Voici le défi qui guette les Juifs de tout lieu et de toute époque.

    Il n’est donc pas anodin que ce que verra Moïse (le prophète défenseur du peuple à la nuque raide) de la gloire de Dieu, sera précisément, selon le Midrach, le nœud des Téfilines  de Dieu, autrement dit, la nuque de Dieu et donc, dit le Sforno sur ce passage, la façon qu’a Dieu d’intervenir de l’histoire en fonction de son appréhension du monde.

     

    FRISON

    *Rav 'Ovadiah Sforno, Italie 1480-1550

    Texte original :

    ספורנו שמות פרק לב פסוק ט
    ט) והנה עם קשה עורף הוא. גיד ברזל ערפם ולא יפנו לשמוע דברי שום מורה צדק, באופן שאין תקוה שישובו בתשובה:

     

     

  • Vivre au-delà du Ciel- Tetsavé

    • Le 22/02/2018

       

    Cycle : la paracha selon le Sforno*  

          Sforno 1

    Vivre au-delà du ciel

    Tétsavé

     

     

     « Je ferai résider Ma Présence parmi les enfants d’Israël et Je serai leur Dieu. Ils sauront que Je suis Hashem, leur Dieu, Qui les ai sortis du pays d’Egypte pour faire résider Ma Présence parmi eux; Je suis Hashem, leur Dieu. » (Chémot 29. 45 – 46). Ces versets concluent[1] les chapitres de la construction du tabernacle et de l’intronisation d’Aaron.

     

    Sforno commente : « et Je serai leur Dieu » signifie qu’Hashem « guide Son peuple directement, sans intermédiaire, qu’ils ne craignent pas les signes du ciel[2], car [Israël] est plus cher devant Moi [Dieu], car les [mouvements célestes] se produisent par des causes, et que de ce fait, [Israël] est éternel ».

    Essayons de reprendre la logique interne du commentaire.

    Les  enfants d’Israël jouissent d’une providence divine particulière. Comme le dit le verset « regarde donc vers les cieux » (Gen. 15 v.5) expliqué par le Midrash: « Hashem a élevé Avraham au-dessus des étoiles », c’est à dire qu’Il a signifié la possibilité d’être dirigé directement par Dieu. C’est Hashem Lui-même qui gère et intervient pour Israël, sans aucun intermédiaire (à la différence des autres peuples qui ont un ange attitré via lequel Hashem exerce Sa volonté). Ainsi que l’exprime le prophète Jeremie (10, v.2), cité par Sforno: « Voici ce que dit l’Eternel: ‘’N’adoptez pas les pratiques des nations, ni ne tremblez devant les signes célestes parce que les nations tremblent devant eux’’ ». Lorsque nous abandonnons nos idoles, lorsque nous servons Hashem, nous bénéficions de Sa providence de manière directe. Il nous place au-dessus des sphères et des influences cosmologiques, pour S’occuper personnellement de Son fils aîné, du peuple qu’Il a pris du sein d’un autre peuple et qu’Il a fait Sien lors de la sortie d’Egypte. C’est en se liant à l’Eternel qu’Israël acquiert son éternité, car toute chose liée à l’éternité est éternelle.

    Le verset 46 indique que la sortie d’Egypte visait à faire résider la présence divine au sein d’Israël. Le Tabernacle est la matérialisation de la proximité existant entre Israël et Hashem, il opère comme un rappel visible et constant du lien direct qui nous lie à l’Eternel. Le tabernacle est donc la concrétisation du lien tissé en Egypte, d’un lien au-delà du ciel.

    L’éternité d’Israël ne relève pas de l’histoire, de la psychologie ou de la sociologie, être juif n’est pas non plus un destin, mais relève d’un lien. Ce lien est signifié symboliquement par le tabernacle. Sa fragilité serait infinie s’il était tributaire de la pratique des commandements. Ce lien gagne son éternité parce qu’il peut être reconstruit par un simple don au Temple, ou un simple sacrifice.

    Jonathan Krief

     

    *Rav 'Ovadiah Sforno, Italie 1480-1550

    Texte original :

    ספורנו שמות פרק כט פסוק מה
    (מה) ושכנתי בתוך בני ישראל. לקבל עבודתם ברצון ולשמוע את תפלתם:
    והייתי להם לאלהים. מנהיג ענינם בלתי אמצעי, ומאותות השמים לא יחתו, להיותם נכבדים לפני יותר מן השמים שהנהגתם על ידי מניעיהם, ומזה יתחייב נצחיותם:

     


    [1] Au chapitre 30, il sera question de l’autel pour l’encens. Le Sforno expliquera que sa function n’est pas de faire résider la presence divine, mais qu’il s’agit, à travers lui, de montrer son respect envers celui qui accepte les sacrifices.

    [2] Issu d’un verset de Jérémie 10.2.

  • Terouma : L'architecture du Ciel

    Cycle : la paracha selon le Sforno*  

    Sforno 1

    Terouma : Architecture du ciel et aventure de la connaissance divine

     

    Au regard de la Genèse et de la première partie de l’Exode se distinguaient par un sens consommé du romanesque, la paracha Terouma pourrait paraître ennuyeuse. Parce qu’elle décrit une partie des objets et ustensiles liés au Tabernacle, sa lecture pourrait sembler fastidieuse. Ce n’est pourtant pas une Paracha destinés aux seuls architectes et entrepreneurs de travaux publics. En interprétant Sforno, on pourra constater qu’elle propose la seule aventure humaine digne d’être vécue. Et comme toute aventure, elle n’est accessible qu’à ceux qui en ont le désir.

    Ainsi, le second verset de la Paracha évoque-t-il cet élan. « Parle aux enfants d’Israël et qu’ils prennent pour moi un prélèvement ; de tout homme porté par son cœur, prenez mon prélèvement »[1]. Sforno explique qu’il ne s’agit pas d’un prélèvement collectif qui ressemblerait à une taxe, mais que seuls les dons des volontaires seront acceptés. Ces dons ont un objectif affiché : « Et ils feront pour Moi un Sanctuaire, et Je résiderai parmi eux/en leur sein »[2].  Pourquoi Dieu résiderait-il parmi eux/dans leur sein alors qu’on fait pour lui un Sanctuaire ?

    Suivons Sforno sur la résidence divine : « Je résiderai entre eux – pour recevoir leur prière et leur culte – de la même manière que Je t’ai montré ma présence sur la montagne : sur le couvercle (de l’arche sainte), entre les chérubins […] »[3] Une lecture hâtive conclurait qu’il est ici question de prier et servir Dieu. Pourtant, Sforno évoque bien plus que le mode de résidence de la divinité sur terre. Comme elle est apparue à Moïse sur le mont Sinaï, comme elle apparaîtra dans le Sanctuaire. En d’autres termes, la présence divine apparaît sur un objet bien précis situé dans une partie spécifique du Sanctuaire.

    Mais alors pourquoi toute cette construction est-elle nécessaire, puisque la résidence de la divinité est indiquée en un seul lieu du Sanctuaire ? Et puis, on comprend mal en quoi dire que la présence divine apparaît dans le Sanctuaire expliquerait le « et Je résiderai parmi eux/en leur sein ».

    Au premier problème, il faut répondre avec Sforno que le Sanctuaire dans son ensemble évoque l’architecture de la divinité. C’est-à-dire que l’édifice et les ustensiles décrivent symboliquement ses manifestations. L’édifice a une fonction symbolique ! En étant excessif, on pourrait dire qu’il ne vaut rien pour lui-même. Sforno maintient cette ligne tout au long de sa description des objets du culte[4]. Que la présence divine apparaisse spécifiquement sur le couvercle de l’Arche, entre les chérubins, n’empêche pas que chaque élément du sanctuaire manifeste quelque chose du divin.

    Cependant, question radicale : comment est-ce que tout cela, nous regarde, nous humains ? Pour répondre à ce problème, appuyons-nous sur le commentaire de Sforno sur l’extrait du verset « Et les chérubins étendront leurs ailes vers le haut »[5]. Il montre que les chérubins suggèrent avant tout l’idée de l’intelligence humaine qui tente de comprendre les mystères du divin. Les ailes étendues vers le haut symbolisent l’être humain qui tente de s’arracher à sa condition matérielle afin de comprendre et de connaître son créateur selon ses possibilités intellectuelles.

    Ici, il y a la mise en place d’une expérience potentiellement accessible à chacun mais toujours singulière. Chaque être humain dispose de moyens intellectuels pour comprendre quelque chose du divin, mais cette compréhension dépendant de l’intelligence de chacun, elle est nécessairement singulière car intime. Ce qui, incidemment, rappelle pourquoi les visions des prophètes, malgré des similitudes conceptuelles, pouvaient tant différer. Peut-être est-ce pour cela que la Merkava ne peut même s’enseigner du tout au tout à une seule personne, cette connaissance est d’abord une expérience singulière. Une aventure à laquelle on choisit de participer lorsque l’on est emporté par un élan intérieur, « porté par son cœur », comme le dit bien le second verset de la Paracha.

    Et en vérité, on comprend que le Sanctuaire ne sert pas la résidence de Dieu : le Sanctuaire est construit pour que Dieu ne réside pas dedans mais en nous !  Il est un symbole montrant que si notre monde peut mériter la présence divine, ce n’est que lorsque, portés par un élan du cœur,  nous partons à sa recherche.

     

    Jonathan Aleksandrowicz

     

    *Rav 'Ovadiah Sforno, Italie 1480-1550

    Texte original : Cf. notes.


    [1] Exode, chapitre 25, verset 1

    [2] Exode chapitre 25, verset 8.

    [3] ושכנתי בתוכם ׃ אשכון ביניהם לקבל תפלתם ועבודתם באותו האופן שאני מראה אותך שכינתי בהר על הכפורת בין שני הכרובים...

    [4] Par exemple, l’Arche est le symbole du trône divin, et la Table des pains, le symbole de la justice et de la protection divine. Cf. Sforno sur ועשית שלחן, au verset 23 du chapitre 25

    [5] Exode, chapitre 25, verset 20. Dans Sforno, voir le passage  וזה בעצמו הורה עתה באמרו והיו הכרובים פורשי כנפיהם למעלה כי בהיות השכל האנושי שכל בכח אל השלמות השני אשר יקנהו בעשותו כללים וִיפשיטם מחמר להשכיל ולדעת בוראו כפי שאפשר

  • Œil pour œil, dent pour dent

    Cycle : la paracha selon le Sforno*  

              Sforno 1             

    « Œil pour œil, dent pour dent »

     

    Sans entrer dans les arcanes de l’histoire du droit antique, il semblerait que la loi du talion était appliquée telle quelle par les babyloniens ou en tout cas comprise littéralement (comme il apparaît dans le Code d’Hammourabi)[1].

    Dans les sources juives, le premier texte apparaît dans la parasha de Mishpatim :

    « Si, des hommes ayant une rixe, l’un d’eux heurte une femme enceinte et la fait avorter sans autre malheur, il sera condamné à l’amende que lui fera infliger l’époux de cette femme et il la paiera à dire d’experts. Mais si un malheur s’ensuit, tu feras payer corps pour corps; œil pour œil, dent pour dent, main pour main, pied pour pied; brûlure pour brûlure, plaie pour plaie, contusion pour contusion » (Shemot 21 :22-25).

    Dans la parasha de Emor, le principe est encore plus explicite :

    « Et si quelqu’un fait une blessure à son prochain, comme il a agi lui-même on agira à son égard : fracture pour fracture, œil pour œil, dent pour dent; selon la lésion qu’il aura faite à autrui, ainsi lui sera-t-il fait » (Vayikra 24:19-20).

    Dans le traité Baba Qama aux folios 24 et suivants, le Talmud commente abondamment ces versets répétitifs. Mais comme le note le Tora Temima, il y a unanimité parmi les Sages de la Gemara pour considérer que le verset parle d’une compensation financière et non du droit de d’infliger au responsable du dommage corporel un dommage identique – même si un enseignement de Rabbi Eli’ezer laisse entendre le contraire : « Œil pour œil. Vraiment »[2].

    En revanche, la question de savoir pourquoi la Tora ne prescrit pas le talion littéralement n’est pas claire.

    A nos yeux et de manière probablement anachronique, c’est par moralité que la Tora demande une compensation financière. Il serait immoral de blesser ou d’infliger une infirmité à une personne en guise de punition !

    Rabbi Ovadia Sforno nous rappelle à l’ordre avec une explication totalement différente :

    « Œil pour œil. Car tel aurait-il dû être selon la loi stricte (ha-din ha-gamour) qui est celle de ‘mesure pour mesure’. Vient alors la Tradition pour nous apprendre qu’il s’agit du paiement d’une compensation financière, à cause de l’imperfection de notre évaluation [du dommage ou de l’application de la peine], de peur que nous errions et appliquions une peine démesurée par rapport au dommage. »

    C’est donc bien un impératif moral qui gouverne mais pas celui du rejet de la punition corporelle, celui de l’incapacité à appliquer un talion précis[3]

    Cette même explication est d’ailleurs rapportée par Rabbi Avraham Ibn Ezra (ad loc.) citant lui-même Rav Sa’adia Gaon proposant la même motivation dans un dialogue très vivant avec Ben Zouta, qu’on identifie comme un Karaïte[4].

    Et c’est encore le même raisonnement qui est repris par Rabbi Yehouda Halévi dans le Kouzari (III:47) et amplement commenté par le Kol Yehouda de Rabbi Yehouda Moscato (1530-1593), contemporain du Sforno.

    Rabbi Yehouda Moscato met de côté l’opinion de Rabbi Moshé de Narbonne pour qui l’application littérale du talion serait possible si elle pouvait être précise et exacte.

    Mais deux opinions majeures convergent, celle du Rambam (Guide III:41) et celle du Ramban : l’intention première de la Tora est bien d’infliger un talion au sens littéral du terme – œil pour œil ; mais dans un deuxième temps intervient le principe de « Kofer » ou « Rachat » qui neutralise cette punition physique et lui substitue une compensation financière. Seul le cas du meurtre demeure exclu du Kofer de par sa gravité : « Vous n’accepterez point de Kofer pour la vie d’un meurtrier, s’il est coupable et digne de mort : il faut qu’il meure » (Bamidbar 35:31).

    D’après cette lecture, la peine de mort n’est donc rien d’autre que le seul reliquat valide de la loi du talion.

    Pour finir avec un grand écart historique et un auteur contemporain vivant à Bné Brak, Rav Moshé Preiss relit le commentaire du Sforno d’une manière originale (Mi-Zekenim Etbonan, 2017) : si l’intention de la Tora était de nous prescrire une compensation financière aux blessures infligées, pourquoi passer par une telle formulation d’ « œil pour œil, dent pour dent » ?!

    C’est qu’en théorie, le coupable aurait dû endurer une peine physique équivalente au mal qu’il a causé. En effet celui qui blesse son prochain lui cause certes un dommage « quantifiable », « monnayable », mais lui cause surtout une peine physique incommensurable.

    La Tora vient donc apprendre à l’auteur des faits qu’il ne doit pas se sentir « quitte » vis-à-vis de sa victime simplement parce qu’il lui a versé la compensation financière requise : pour que sa faute lui soit expiée, il doit ressentir la douleur de sa victime, la honte de sa victime et les conséquences sans fin de son acte… sur son propre corps ! Tel serait le sens profond de l’expression « œil pour œil » : « ressens dans ton œil le dommage infligé à l’œil de ton prochain, même si seule une compensation financière t’est demandée ! Soit conscient de ton acte et repentis-toi ».

     

    Emmanuel Ifrah

     

    *Rav 'Ovadiah Sforno, Italie 1480-1550

    Texte original :

    ספורנו שמות פרק כא פסוק כד
    (כד) עין תחת עין. כך היה ראוי כפי הדין הגמור שהיא מדה כנגד מדה, ובאה הקבלה שישלם ממון (קמא פרק החובל) מפני חסרון השערתנו, פן נסכל ונוסיף על המדה לאשמה בה: 


    [1] Sections 210, 230 par ex. D’autres sections prévoient des compensations financières dans des cas différents.

    [2] D’autres comprennent le texte de la Gemara différemment, notamment Rabbi Moshé de Narbonne tel que cité par le Kol Yehouda sur le Kouzari (III:47). Voir aussi David W. Amram, Retaliation and Compensation, JQR, n.s. Vol. II, 1911.

    [3] Cette approche diffère des deux objections principales apportées dans la Gemara à l’applicabilité du talion : (1) le fait que la même peine corporelle n’a pas le même effet sur deux individus différents (par ex. crever un œil à une personne déjà borgne, c’est le tuer) ; (2) le fait que la sensibilité physique varie en fonction des personnes. La Gemara se positionne donc au niveau du justiciable alors que l’explication du Sforno se positionne du point de vue de l’administrateur de la punition.

    [4] Anan Ben David (l’un des fondateurs du Karaïsme, c. 715 - c. 795, antérieur d’un siècle à Rav Saadia Ga’on) écrit dans son Sefer ha-Mitzvot que, par analogie avec la peine capitale, les lois du talion « ne sont plus appliquées » ce qui montre bien qu’il les comprend littéralement (Leon Nemoy, Karaite Anthology, 1952, p. 13). David W. Amram expose par ailleurs (dans l’article cité) au nom de Rabbi Bernard [Dov] Revel (le célèbre fondateur de Yeshiva College, ou comme il fut connu à l’âge de six ans après que Rav Yitz’hak El’hanan Spektor de Kovno l’eut interrogé : « Der Prenner Illouy »), que l’opinion des Karaïtes sur le talion n’est pas unanime.

     

  • Le trésor de Dieu

       Cycle : la paracha selon le Sforno*

    Sforno 1

     

    Ytro :Le Trésor de Dieu

     

    Après la triomphale sortie d’Egypte accompagnée de la prodigieuse traversée de la Mer Rouge qui a vu enfin naître le peuple juif, celui-ci poursuit sa mue dans notre Sidra en devenant enfin le dépositaire de la volonté Divine, l’acceptation de la Torah.

    Du pied des montagnes du Sinaï, afin de les préparer à recevoir enfin la Torah des mains de Moïse, Dieu se manifeste au tout jeune peuple juif, et les enjoint à accomplir Ses commandements et à honorer fidèlement Son alliance, afin de Lui en devenir un « trésor parmi les autres peuples » (Exode, 19,5).

    Le Sforno* nous révèle que parmi la multitude de créatures présentes sur Terre, l’espèce humaine est celle qui a sa préférence car elle a été créée à Son image (Avot,3,14). Et parmi eux, les Justes parmi les Nations, respectant les 7 lois Noahides et leurs dérivés sont particulièrement chéris par Dieu.

    Le verset suivant nous révèle en quoi le peuple juif sera qualifiable de trésor : « Et vous serez pour Moi un royaume de prêtres et une nation sainte ».

    Selon le Sforno, afin de prétendre à devenir un trésor au regard de Dieu, il faut aspirer à devenir un royaume de prêtres, prêt à montrer la voie aux nations, à apprendre au genre humain comment invoquer, révérer le nom de Dieu d’un cœur unanime, mission qui sera pleinement accomplie lors des temps futurs et une nation sainte, à savoir séparée de la matière et du temps, atemporelle et immortelle, destinée à « se maintenir à jamais » (Sanhedrin 92a).

    Le Sforno nous a décrit précisément comment ce précieux lien qui va unir ad vitam aeternam l’Eternel avec le peuple juif, ne peut s’opérer que en devenant un représentant authentique de Dieu sur Terre, chargé de lui montrer et démontrer Son existence, Son unicité et qu’il n’existe rien en dehors de Lui.

    Cette noble tâche ne pourra être couronnée de succès qu’à la condition d’y accomplir les commandements et préceptes de la Torah qui va être donnée.

    Son respect à la lettre mais également une poursuite incessante de sainteté par l’éloignement du matériel inscrira n’importe quel homme, descendant biologique ou non de ce tout jeune peuple, dans le peuple juif, le peuple trésor.

     

    Elie DAYAN

     

    *Rav 'Ovadiah Sforno, Italie 1480-1550

    Texte original :

     

    הְיִיתֶם לִי סְגֻלָּה מִכָּל הָעַמִּים – אַף עַל פִּי שֶׁכָּל הַמִּין הָאֱנוֹשִׁי יָקָר אֶצְלִי מִכָּל יֶתֶר הַנִּמְצָאִים הַשְּׁפָלִים, כִּי הוּא לְבַדּוֹ הַמְכֻוָּן בָּהֶם, כְּאָמְרָם זִכְרוֹנָם לִבְרָכָה: חָבִיב אָדָם שֶׁנִּבְרָא בְּצֶלֶם (אבות ג׳:י״ד), מִכָּל מָקוֹם אַתֶּם תִּהְיוּ לִי סְגֻלָּה מִכֻּלָּם.

    כִּי לִי כָּל הָאָרֶץ – וְהַהֶבְדֵּל בֵּינֵיכֶם בְּפָחוֹת וְיָתֵר הוּא, כִּי אָמְנָם ״לִי כָּל הָאָרֶץ״ וַחֲסִידֵי אֻמּוֹת הָעוֹלָם יְקָרִים אֶצְלִי בְּלִי סָפֵק.

    ְאַתֶּם תִּהְיוּ לִי מַמְלֶכֶת כֹּהֲנִים – וּבָזֶה תִּהְיוּ סְגֻלָּה מִכֻּלָּם, כִּי תִּהְיוּ ״מַמְלֶכֶת כֹּהֲנִים״ לְהָבִין וּלְהוֹרוֹת לְכָל הַמִּין הָאֱנוֹשִׁי, לִקְרֹא כֻלָּם בְּשֵׁם ה׳ וּלְעָבְדוֹ שְׁכֶם אֶחָד, כְּמוֹ שֶׁיִּהְיֶה עִנְיַן יִשְׂרָאֵל לֶעָתִיד לָבוֹא, כְּאָמְרוֹ ״וְאַתֶּם כֹּהֲנֵי ה׳ תִּקָּרֵאוּ״ (ישעיהו ס״א:ו׳), וּכְאָמְרוֹ ״כִּי מִצִּיּוֹן תֵּצֵא תוֹרָה״ (שם ב׳:ג׳).