Impromptu- Du questionnement de la Haggada
- Par yona-ghertman
- Le 31/03/2015
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Impromptu
« Ce soir là tout le monde devra se montrer comme s’il était sorti lui-même d’Egypte »[i]. Tel est le texte de
Ce soir là on devait faire un sacrifice, que l’on devait consommer en racontant l’histoire de la sortie miraculeuse[iii]. Ce sacrifice ne pouvait pas être réalisé par deux types de personnes[iv] : les rebelles (« Ceux qui se sont rendus étrangers aux yeux de Dieu », explicite Rachi sur ce verset) et ceux qui ne sont pas circoncis (même pour raison médicale). Ce soir là – à table- n’y a-t-il que de la complicité ? Seuls les bons élèves et les biens nés seraient-ils admis à table ? On sait pourtant que l’enfant rebelle aussi était là, comme le rappelle le texte[v].
Plutôt que de lire de la discrimination, pourquoi ne pas plutôt voir ces critères comme signe que l’on assume par son esprit et son corps le récit pascal ?
En effet le verset parle d’un homme qui refuse de pratiquer les commandements, l’enfant de
Mais, pour nous, les derniers venus, qu’est-ce qu’assumer une histoire vieille de 3000 ans ? Une simple vision de l’esprit ?
C’est que la narration biblique se joue elle aussi de l’histoire, elle jalonne son récit d’anachronismes qui rappellent que le récit n’est qu’un prétexte pour introduire une pratique dont la signification ne jaillit que dés-historicisée et déterritorialisée. Pessa’h n’est pas une soirée que pour les enfants réels ou imaginaires.
De nombreux indices concourent à cette vision. Les sages s’interrogent par exemple sur la légitimité de manger des matsot en exil, poussant le lecteur à se rendre compte que la signification de la fête n’a que peu à faire avec une libération matérielle. Ou ce verset affirmant avant la sortie qu’on mangera des matsot car « J’ai fait sortir » (au passé) les enfants d’Israël, alors qu’ils n’étaient pas encore sortis[vi]. Ou encore des justifications contradictoires pour la consommation des pains azymes : « Car ils n’ont pas pu faire lever leur pâte en sortant d’Egypte »[vii], alors que Dieu, avant même la sortie d’Egypte avait ordonné de fêter la fête des azymes[viii]. Ou enfin justifier cette consommation par la rapidité de la sortie.
Le texte se joue du lecteur inattentif pour le cantonner à une lecture factuelle.
Alors ? Que sont ces matsot dont le signifiant a précédé le signifié ?
Ce qu’il s’agit de signifier ici, c’est avant tout sa capacité à s’étonner.
La fermentation est une transformation lente. Faire du pain azyme, c’est interrompre le cours ‘naturel’, le développement harmonieux des civilisations dont l’existence après les périodes révolutionnaires ne repose que sur l’encagement des individus, bureau ou usine.
Le cours harmonieux, c’est avant tout celui du discours parental qui n’attend ce soir là que de délivrer son ‘savoir’ ; or le fils interrompt, par ses questions intempestives. Et si l’enfant ne le fait pas, ce sont les parents qui sont chargés d’interrompre l’enfant[ix], non seulement par des questions, mais aussi en subtilisant la matsa[x], voire en la lui enlevant des mains[xi]!
Trois interruptions au cours naturel de l’histoire se sont faîtes entendre ce jour là, trois[xii] interruptions regroupées sous le vocable de « ‘hipazone » : rapidité. Les maitres ont voulu jeter leurs esclaves, gageons qu’ils devaient eux-mêmes être surpris de leur geste, qu’ils ont rapidement regretté. Les juifs ont été surpris de la soudaineté de la délivrance. Dieu Lui-même a été surpris de son geste, car les actes des Hébreux ne justifiaient pas une telle intervention.
Peut-être que plus concrètement on peut comprendre l’obligation de se montrer comme si nous-mêmes étions sortis d’Egypte, en prenant la posture de l’étonnement face à ce texte qui n’attend que d’être interrompu !
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