Une énigme biblique, par Charles 'Haïm Leben*
Leilouy nishmat Charles Haïm ben Tzvi Leben
L’article qui suit est le dernier sur lequel notre père Charles Haïm ben Tzvi Leben z’’l a travaillé. Il semble qu’il y ait, encore, apporté des corrections, le matin même de son hospitalisation. Il s’agit de la réécriture d’un article publié en janvier 1978 dans Information Juive (la conclusion indique « en guise de zevach shelamim »). Il le destinait à une intervention dans sa synagogue, qui aurait dû avoir lieu, ce chabbat même (7 novembre 2020).
Mais notre père nous a quitté ce 5 août 2020, jour du 15 av, nous laissant encore longtemps méditer sur l’incohérence de cette date normalement joyeuse et de la douleur profonde qui lui sera dorénavant associée.
« Le même disait (Rabbi Tarfon) : Il ne t’incombe pas d’achever l’ouvrage mais tu n’es pas libre (pour autant) de t’y soustraire ».(Pirkei Avot 2, Mishna 16)
Notre père n’a pu tout à fait achever cet article sur lequel il travaillait. Si des imprécisions subsistent, elles sont bien sûr de notre seul fait.
Il nous lègue le souvenir de sa profonde bonté, sa pédagogie et de son immense érudition tant dans les études « profanes » (le droit et la philosophie du droit) que dans les études religieuses (grand connaisseur de Maïmonide entre autres).
Un Mensh dans la très noble signification du terme.
Que son âme soit rattachée aux faisceaux des vivants.
Noémi et Henri, ses enfants.
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Une énigme biblique : le dialogue des plaines de Mamré. Beréchit18-19 : un réexamen
Charles Haïm Leben z’’l
Les deux chapitres 18 et 19 de Beréchit qui ouvrent la sidraVayéra présentent de nombreuses difficultés textuelles au lecteur, difficultés non visibles en traduction mais qui existent dans le texte en hébreu. Nous essayons de présenter ici une explication de ces deux chapitres qui tiennent compte des exigences du texte.
LES HOMMES, LES ANGES ET D.ieu
Il nous faut tout d’abord commencer par rappeler quelles sont les obscurités, ou plutôt quelques-unes d’entre elles, qui rendent la compréhension de Beréchit18-19 si mal aisée. On peut citer les suivantes :
1. Le texte débute de la façon suivante : « L’Eternel (HaChem) se révéla à lui dans les plaines de Mamré, tandis qu’il était assis à la porte de la tente, pendant la chaleur du jour. Il leva ses yeux, vit et voici trois hommes qui se tenaient debout près de lui. » (Beréchit 18,1-2)
On voit que la simple juxtaposition de ces deux phrases soulève immédiatement une question étrange : L’Eternel (HaChem) se trouvait-il parmi les « hommes » qui se tenaient près d’Abraham ou plus exactement, selon le texte hébreu, « au-dessus de lui » (chlocha anachim nitsavim alav) ? La question devient encore plus pressante quand on voit Abraham courir vers les trois « hommes » et dire « Seigneur (ADO-NOY), si j’ai trouvé grâce à tes yeux ne passe (au singulier) pas ainsi devant ton serviteur. » (Beréchit 18,4).
Le mot traduit ainsi par « Seigneur » n’est autre qu’ADO-NOY, écrit avec un kamats (O en prononciation achkénaze), c’est-à-dire un terme qui ne s’applique qu’à D.ieu lui-même. Et de fait, ce mot est surmonté d’un point massorétique, et accompagné, dans la version massorétique, par une note dans la marge indiquant qu’il s’agit d’un nom sacré. De plus Onkelos, dans la paraphrase araméenne, utilise purement et simplement le tétragramme.
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*Charles 'Haïm LEBEN z''l, Professeur émérite de droit public et enseignant de droit talmudique à l'Université Paris II, lecteur, admirateur et commentateur d'Agnon et Maïmonide.
Date de dernière mise à jour : 05/11/2020
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