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Le récit secret de l'histoire universelle
- Le 10/10/2019
- Dans Parasha
PROJET RAMBAN* SUR LA PARACHA
Le récit secret de l’histoire universelle
La parasha de Haazinou a un statut tout particulier dans la Tora. En effet, dans la parasha précédente, celle de Vayelekh, Dieu ordonne aux enfants d’Israël : « Et maintenant, écrivez pour vous ce cantique, qu’on l’enseigne aux enfants d’Israël et qu’on le mette dans leur bouche, afin que ce cantique me serve de témoignage à l’encontre des enfants d’Israël » (Devarim 31:19). Et Rashi de commenter sur place : « “Ce cantique-ci” : depuis “Tendez l’oreille, les cieux…” (id. 32:1) jusqu’à : “… Il pardonnera à Sa terre, à Son peuple” (ibid. 32:42). » En d’autres mots, d’après Rashi, la mitsva dont nous parle la parasha de Vayelekh consiste à écrire la parasha de Haazinou elle-même.
Dans son Sefer ha-Mitsvot (mitsva positive 18), Maïmonide indique que nous apprenons de ce verset l’obligation qui incombe à chaque juif d’écrire, non pas le seul cantique de Haazinou, mais un Sefer Tora entier « qui inclut ce cantique ». Et dans son Code il tranche la loi : « C’est un commandement positif incombant à tout homme juif que d’écrire pour soi un rouleau de la Tora, comme il est dit : “Et maintenant, écrivez pour vous ce cantique”, c’est-à-dire écrivez pour vous la Tora qui renferme ce cantique, puisqu’on ne doit pas écrire de la Tora de passages isolés » (Hilkhot Sefer Tora, VII:1).
Mais la parasha de Haazinou également une signification toute particulière concernant le Ramban. Dans son Sefer ha-Qabala, l’auteur italien Gedalia Ibn Ye’hia (1526-1587) rapporte l’histoire suivante à propos d’un élève du Ramban dénommé Avner et ayant apostasié[1] :
« J’ai reçu une tradition selon laquelle le Ramban avait un certain disciple, dénommé Rav Avner, qui était devenu apostat, et avait grandi en puissance au point que sa terreur s’était répandue dans tout le pays. Un Yom Kippour, il envoya chercher son maître, le Ramban, et en sa présence, sacrifia un cochon, le découpa, le cuit et en mangea. Après l’avoir mangé, il demanda à son maître combien de transgressions sanctionnées par la peine de karet il avait commis. Son maître lui répondit quatre et lui affirma au contraire que c’était cinq. Il aurait bien débattu avec son maître, mais le Ramban le regarda avec tant de colère qu’Avner resta silencieux, encore imprégné qu’il était de la crainte de son maître. Finalement le Ramban lui demanda ce qui l’avait conduit à l’apostasie. Avner lui répondit qu’il avait déjà entendu dire que le Ramban avait commenté la parasha de Haazinou en affirmant que cette section incluait toutes les mitsvot ainsi que tout ce qui pouvait exister dans le monde. Etant donné qu’il avait considéré cela comme impossible, Avner était devenu apostat. Le Ramban lui répondit en disant : “Je m’en tiens à ce que j’ai dit, demande ce que tu veux et je te montrerai que c’est inscrit dans Haazinou”. Au comble de la perplexité, Avner lui dit : “Si c’est le cas, montre-moi que mon nom y est inscrit”. Et le Ramban dit : “Tu as bien parlé” et se rendit aussitôt dans un coin de la pièce pour prier. Il revint alors vers lui avec le verset : « אָמַרְתִּי אַפְאֵיהֶם אַשְׁבִּיתָה מֵאֱנוֹשׁ זִכְרָם » – « J’aurais résolu de les réduire à néant, d’effacer leur souvenir de l’humanité » (Devarim 32:26). “Si tu prends, lui dit le Ramban, la 3e lettre de chaque mot de ce verset, tu trouveras ton nom, Avner”. En entendant cela, le visage d’Avner se décomposa et il demanda à son maître s’il y avait encore un remède au mal qu’il avait commis. Le maître lui dit : “Tu as entendu les paroles du verset”. Le Ramban s’en alla, et aussitôt Avner s’embarqua sur un navire sans équipage ni rame, se laissant dériver où le vent l’emmènerait. Depuis ce jour, personne n’eut plus jamais de nouvelles de lui. »
Revenons maintenant à la réalité et au commentaire du Ramban qui a inspiré cet épisode ou – à tout le moins – son récit :
« Et de même a-t-on rappelé dans le Sifré (Haazinou § 333) : grand est ce cantique car il renferme aussi bien le présent, le passé et le futur que le monde à venir. Et c’est à cela que le texte fait allusion lorsqu’il dit : « Moïse vint faire entendre au peuple toutes les paroles de ce cantique » (Devarim 27:44) ; il a utilisé le terme « toutes » (כָּל) pour indiquer que ce cantique inclut tous les événements à venir, même si c’est de façon condensée, car il explique de nombreuses choses. Et même si ce cantique était l’œuvre d’un diseur d’avenir tirant son inspiration des astres, il faudrait tout aussi bien lui accorder foi car toutes ses paroles se sont réalisées à ce jour, sans aucune exception. Et plus encore alors que nous accordons notre foi et que nous attendons de tout cœur [la réalisation] des paroles de Dieu, [telles qu’exprimées] par la bouche du serviteur le plus fidèle de sa maison (Moshé Rabbénou), [un prophète] tel qu’il n’y en a jamais eu de semblable et tel qu’il n’y en aura jamais plus, que la Paix soit sur lui. »
Emmanuel Ifrah – 10/2019
[1] S’il s’agit du célèbre apostat Alfonso de Valladolid (à l’origine Avner de Burgos, 1270-1348), l’histoire est évidemment apocryphe puisque le Ramban a disparu en 1270 précisément, année de la naissance de l’apostat en question. A ce sujet, Rav Binyamin Wattenberg rapporte l’opinion selon laquelle l’histoire n’est pas apocryphe mais qu’elle concerne un autre apostat du nom d’Avner (d’après Rav Reuven Margoliot, Vikua’h ha-Ramban ve-Toldot Ramban, p. 16, note 1). Cette hypothèse est en soit étonnante, le prénom d’Avner n’étant pas si courant – mais que peut-on opposer à l’érudition de Rav Margoliot !
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D'un discours qui ne serait pas de l'athéisme
- Le 05/10/2019
- Dans Parasha
PROJET RAMBAN* SUR LA PARACHA
D’un discours qui ne serait pas de l’athéisme.
Commentaire sur Vayélé’h.
Le Seigneur dit à Moïse: "Tandis que tu reposeras avec tes pères, ce peuple se laissera débaucher par les divinités du pays barbare où il va pénétrer; et il m'abandonnera, et il brisera l'alliance que j'ai conclue avec lui. 17 Ce jour-là, ma colère s'enflammera contre lui, je les abandonnerai, je leur déroberai ma face, et il deviendra la pâture de chacun, et nombre de maux et d'angoisses viendront l'assaillir. Alors il se dira: "En vérité, c'est parce que mon Dieu n'est plus au milieu de moi que je suis en butte à ces malheurs." 18 Mais alors même, je persisterai, moi, à dérober ma face, à cause du grave méfait qu'il aura commis en se tournant vers des dieux étrangers.
Essayons de comprendre l’architecture de ce texte :
- Les hébreux pratiquent l’idolâtrie.
- Dieu se détourne d’eux.
- Ils se disent « ce qui nous arrivent c’est parce que Dieu est absent ».
- Dieu persiste à se détourner.
Reconnaitre que « Dieu est absent » alors qu’on sort de l’idolâtrie n’est-il pas une forme de reconnaissance ? Ne sous-entend-il pas le rôle central de Dieu ? N’annonce-t-il pas un mouvement de retour ? Nostalgie du vrai Dieu masqué par des générations de juifs idolâtres ?
Pourtant Dieu persiste à se détourner. Où est sa pitié ? Où est sa générosité, Lui si prompte à tendre la main à celui qui fait retour (tchouva) ?
Ces quelques versets ont donné naissance à des réflexions sur le prétendu ‘Dieu caché’.
Mais une lecture attentive et responsable repousse ces facilités.
Reprenons. La persistance de Dieu à ‘se cacher’ est redoublée malgré le murmure de repentance (« Dieu est absent »). Le texte répond à ‘la constatation de l’absence de Dieu’ par un redoublement dans l’absence. Qu’est-ce qu’une absence qui se redouble demande à juste titre le logicien ?
C’est que la langue de l’objectivité n’a aucune pertinence quand on parle de Dieu. « Constater que Dieu est absent » c’est le prendre pour une chose qui peut être ici ou ailleurs. Pour les auditeurs conséquents comme Nahmanide, dire « Dieu est absent » signifie « ignorer sa propre responsabilité » dans la langue des hommes. Lacan le rappelait « seuls les théologiens sont capables d’athéisme ». Cette langue est un mouvement de retour vers Dieu qui s’échoue sur son propre roc. Nahmanide reconnait dans ce mouvement un double récif : on parle de Dieu mais de façon telle que l’homme s’y drape. Faisant de Dieu l’étendard d’un royaume disparu, jetant à terre toute la puissance d’un mot qui aurait pu arraisonner l’homme.
Franck Benhamou
* Moché ben Na'hman (Na'hmanide), Gérone 1194- Acre 1270
Texte original :
וטעם ואמר ביום ההוא הלא על כי אין אלהי בקרבי איננו וידוי גמור כענין והתודו את עונם אבל הוא הרהור וחרטה שיתחרטו על מעלם ויכירו כי אשמים הם וטעם ואנכי הסתר אסתיר פני פעם אחרת כי בעבור שהרהרו ישראל בלבם כי חטאו לאלהים ועל כי אין אלהיהם בקרבם מצאום הרעות האלה היה ראוי לרוב חסדי השם שיעזרם ויצילם שכבר כפרו בע"ז וכענין שאמר (ירמיהו ב לה) הנני נשפט אותך על אמרך לא חטאתי ולכך אמר כי על כל הרעה הגדולה שעשו לבטוח בע"ז יסתיר עוד פנים מהם לא כמסתר פנים הראשון שהסתיר פני רחמיו ומצאום רעות רבות וצרות רק שיהיו בהסתר פני הגאולה ויעמדו בהבטחת פני רחמיו (ויקרא כו מד) ואף גם זאת בהיותם בארץ אויביהם לא מאסתים ולא געלתים וגו' עד שיוסיפו על החרטה הנזכרת וידוי גמור ותשובה שלימה כמו שנזכר למעלה (ל ב) ושבת עד ה' אלהיך וגו'
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Ki-Tetsé selon le Ramban
- Le 15/09/2019
- Dans Parasha
PROJET RAMBAN* SUR LA PARACHA
Ki-tetse – Ne chassez pas la mere pour prendre les oisillons !
Nous lisons dans la parasha de ki-tetse, le fameux commandement de shilouah-haken – l’obligation de chasser la mere de son nid avant de prendre les œufs ou les oisillons.
Une Mishna dans le traite de Brah’ot interpelle :
“On doit faire taire une personne qui, dans sa prière, ferait appel a la miséricorde divine “tout comme Dieu a eu de la pitié envers les oiseaux” “
Le Talmud explique cette mishna : on fait taire une telle personne car ce commandement n’est pas mue par une quelconque pitié divine envers les oiseaux!
Ce passage a été longuement commente par Maimonide dans son Guide des égares. Et le Ramban sur notre parasha s’y réfère aussi:
La mitsva n’est pas mue par une pitié envers le règne animal, nous explique-t-il. Si c’était le cas, nous n’aurions pas le droit de faire la sh’hita et de consommer de la viande. La mitsva est donnée pour inculquer chez les hommes la pitié et la miséricorde: en nous obligeant a éloigner la mère des oisillons avant de se servir dans le nid, elle apprend aux hommes la retenue…
Beaucoup s’étonnent quant au caractère « violent » de cette mitsva venant inculquer la pitie chez les hommes ; mais la, n’est pas notre propos.
Ce commentaire du Ramban est cite dans un responsa du XIX siècle. A quelqu’un demandant si l’on pouvait faire la mitsva de shilouah’-haken un jour de Shabbat, le h’atam sofer [1]- commence par poser une question introductive : a t on le droit de chasser la mere-oiseau si l’on ne compte pas manger les œufs ou les oisillons. Se basant sur le Ramban que nous avons cite, le H’atam Sofer tranche que cela est … interdit ! En effet, déduit-il: il n’est permis de chasser la mère pour prendre ses petits, uniquement lorsqu’il s’agit d’un besoin humain. Il ne viendrait a personne l’idée de faire la sh’hita a la chaine d’un troupeau entier alors qu’il n’a pas besoin de manger ! Or, la sh’hita est, elle aussi, une mitsva…
Si l’homme n’a pas besoin des œufs ou des oisillons, la mitsva se réduit a une pure cruauté, selon notre auteur …Le h’atam-sofer nuance son propos en citant que selon le zohar, la mitsva existe quoiqu’il en soit ; mais cette nuance ne remet pas en question sa conclusion finale selon le principe qu’il énonce « l’explication kabbalistique ne saurait contredire l’explication talmudique »
Benjamin Sznajder
* Moché ben Na'hman (Na'hmanide), Gérone 1194- Acre 1270
Texte original :
רמב"ן דברים פרק כב פסוק ו
(ו) כי יקרא קן צפור לפניך - גם זו מצוה מבוארת מן אותו ואת בנו לא תשחטו ביום אחד (ויקרא כב כח). כי הטעם בשניהם לבלתי היות לנו לב אכזרי ולא נרחם, או שלא יתיר הכתוב לעשות השחתה לעקור המין אף על פי שהתיר השחיטה במין ההוא, והנה ההורג האם והבנים ביום אחד או לוקח אותם בהיות להם דרור לעוף כאלו יכרית המין ההוא:
וכתב הרב במורה הנבוכים (ג מח) כי טעם שלוח הקן וטעם אותו ואת בנו לא תשחטו ביום אחד, כדי להזהיר שלא ישחוט הבן בעיני האם כי יש לבהמות דאגה גדולה בזה, ואין הפרש בין דאגת האדם לדאגת הבהמות על בניהם, כי אהבת האם וחנותה לבני בטנה איננו נמשך אחרי השכל והדבור אבל הוא מפעולת כח המחשבה המצויה בבהמות כאשר היא מצויה באדם. ואם כן, אין עיקר האיסור באותו ואת בנו רק בבנו ואותו, אבל הכל הרחקה. ויותר נכון, בעבור שלא נתאכזר. ואמר הרב ואל תשיב עלי ממאמר החכמים (ברכות לג ב) האומר על קן צפור יגיעו רחמיך, כי זו אחת משתי סברות, סברת מי שיראה כי אין טעם למצות אלא חפץ הבורא, ואנחנו מחזיקים בסברא השניה שיהיה בכל המצות טעם. והוקשה עליו עוד מה שמצא בב"ר (מד א) וכי מה איכפת לו להקב"ה בין שוחט מן הצואר לשוחט מן העורף, הא לא נתנו המצות אלא לצרף בהם את הבריות שנאמר (משלי ל ה) כל אמרת אלוה צרופה:
וזה הענין שגזר הרב במצות שיש להם טעם, מבואר הוא מאד כי בכל אחד טעם ותועלת ותקון לאדם, מלבד שכרן מאת המצוה בהן יתברך. וכבר ארז"ל (סנהדרין כא ב) מפני מה לא נתגלו טעמי תורה וכו', ודרשו (פסחים קיט א) ולמכסה עתיק, זה המגלה דברים שכסה עתיק יומין ומאי ניהו טעמי תורה. וכבר דרשו בפרה אדומה (במדב"ר יט ג ד), שאמר שלמה על הכל עמדתי, ופרשה של פרה אדומה חקרתי ושאלתי ופשפשתי, אמרתי אחכמה והיא רחוקה ממני (קהלת ז כג), ואמר ר' יוסי בר' חנינא אמר לו הקדוש ברוך הוא למשה לך אני מגלה טעם פרה אדומה אבל לאחרים חקה, דכתיב (זכריה יד ו) והיה ביום ההוא לא יהיה אור יקרות וקפאון, יקפאון כתיב, דברים המכוסים מכם בעולם הזה עתידין להיות צפויים לעולם הבא, כהדין סמיא דצפי, דכתיב (ישעיה מב טז) והולכתי עורים בדרך לא ידעו, וכתיב (שם) אלה הדברים עשיתים ולא עזבתים, שכבר עשיתים לר' עקיבא. הנה בארו שאין מניעות טעמי תורה ממנו אלא עורון בשכלנו, ושכבר נתגלה טעם החמורה שבהם לחכמי ישראל, וכאלה רבות בדבריהם, ובתורה ובמקרא דברים רבים מודיעין כן, והרב הזכיר מהן:
אבל אלו ההגדות אשר נתקשו על הרב, כפי דעתי ענין אחר להם, שרצו לומר שאין התועלת במצות להקב"ה בעצמו יתעלה, אבל התועלת באדם עצמו למנוע ממנו נזק או אמונה רעה או מדה מגונה, או לזכור הנסים ונפלאות הבורא יתברך ולדעת את השם. וזהו "לצרף בהן", שיהיו ככסף צרוף, כי הצורף הכסף אין מעשהו בלא טעם, אבל להוציא ממנו כל סיג, וכן המצות להוציא מלבנו כל אמונה רעה ולהודיענו האמת ולזוכרו תמיד:
ולשון זו האגדה עצמה הוזכרה בילמדנו (תנחומא שמיני ח) בפרשת זאת החיה, וכי מה איכפת לו להקב"ה בין שוחט בהמה ואוכל או נוחר ואוכל כלום אתה מועילו או כלום אתה מזיקו, או מה איכפת לו בין אוכל טהורות או אוכל טמאות, אם חכמת חכמת לך (משלי ט יב), הא לא נתנו המצות אלא לצרף את הבריות, שנאמר (תהלים יב ז) אמרות ה' אמרות טהורות, ונאמר כל אמרת אלוה צרופה, למה, שיהא מגין עליך. הנה מפורש בכאן שלא באו לומר אלא שאין התועלת אליו יתעלה שיצטרך לאורה כמחושב מן המנורה, ושיצטרך למאכל הקרבנות וריח הקטרת, כנראה מפשוטיהם. ואפילו הזכר לנפלאותיו שעשה שצוה לעשות לזכר ליציאת מצרים ומעשה בראשית, אין התועלת לו, רק שנדע אנחנו האמת ונזכה בו עד שנהיה ראויים להיות מגן עלינו, כי כבודנו וספרנו בנפלאותיו מאפס ותוהו נחשבו לו:
והביא ראיה מן השוחט מן הצואר והעורף לומר שכולם לנו ולא להקב"ה, לפי שלא יתכן לומר בשחיטה שיהא בה תועלת וכבוד לבורא יתברך בצואר יותר מהעורף או הניחור, אלא לנו הם להדריכנו בנתיבות הרחמים גם בעת השחיטה. והביאו ראיה אחרת, או מה איכפת לו בין אוכל טהורות והם המאכלים המותרים, לאוכל טמאות והם המאכלים האסורים, שאמרה בהם התורה (ויקרא יא כח) טמאים המה לכם, ורמז שהוא להיותנו נקיי הנפש חכמים משכילי האמת. ואמרם אם חכמת חכמת לך, הזכירו כי המצות המעשיות כגון שחיטת הצואר ללמדנו המדות הטובות, והמצות הגדורות במינין לזקק את נפשותינו, כמו שאמרה תורה (שם כ כה) ולא תשקצו את נפשותיכם בבהמה ובעוף ובכל אשר תרמוש האדמה אשר הבדלתי לכם לטמא, א"כ כלם לתועלתנו בלבד. וזה כמו שאמר אליהוא (איוב לה ו) אם חטאת מה תפעל בו ורבו פשעיך מה תעשה לו, ואמר (שם פסוק ז) או מה מידך יקח. וזה דבר מוסכם בכל דברי רבותינו:
ושאלו בירושלמי בנדרים (פ"ט ה"א) אם פותחין לאדם בכבוד המקום בדברים שבינו לבין המקום, והשיבו על השאלה הזאת, אי זהו כבוד המקום כגון סוכה שאיני עושה לולב שאיני נוטל תפילין שאיני מניח, והיינו כבוד המקום, משמע דלנפשיה הוא דמהני, כהדא אם צדקת מה תתן לו או מה מידך יקח, אם חטאת מה תפעל בו ורבו פשעיך מה תעשה לו. הנה בארו שאפילו הלולב והסוכה והתפילין שצוה בהן שיהו לאות על ידך ולזכרון בין עיניך כי ביד חזקה הוציאך ה' ממצרים, אינן לכבוד ה' יתברך, אבל לרחם על נפשותינו. וכבר סדרו לנו בתפלת יום הכפורים, אתה הבדלת אנוש מראש ותכירהו לעמוד לפניך כי מי יאמר לך מה תעשה ואם יצדק מה יתן לך. וכן אמר בתורה (לעיל י יג) לטוב לך, כאשר פירשתי (שם פסוק יב), וכן ויצונו ה' לעשות את כל החקים האלה ליראה את ה' אלהינו לטוב לנו כל הימים (לעיל ו כד). והכוונה בכלם לטוב לנו, ולא לו יתברך ויתעלה, אבל כל מה שנצטוינו שיהיו בריותיו צרופות ומזוקקות בלא סיגי מחשבות רעות ומדות מגונות:
וכן מה שאמרו (ברכות לג ב) לפי שעושה מדותיו של הקדוש ברוך הוא רחמים ואינן אלא גזרות, לומר שלא חס האל על קן צפור ולא הגיעו רחמיו על אותו ואת בנו, שאין רחמיו מגיעין בבעלי הנפש הבהמית למנוע אותנו מלעשות בהם צרכנו, שאם כן היה אוסר השחיטה, אבל טעם המניעה ללמד אותנו מדת הרחמנות ושלא נתאכזר. כי האכזריות תתפשט בנפש האדם, כידוע בטבחים שוחטי השורים הגדולים והחמורים שהם אנשי דמים זובחי אדם אכזרים מאד, ומפני זה אמרו (קידושין פב א) טוב שבטבחים שותפו של עמלק. והנה המצות האלה בבהמה ובעוף אינן רחמנות עליהם, אלא גזירות בנו להדריכנו וללמד אותנו המדות הטובות. וכן יקראו הם כל המצות שבתורה עשה ולא תעשה גזירות, כמו שאמרו (מכילתא בחדש ו) במשל המלך שנכנס למדינה אמרו לו עבדיו גזור עליהם גזירות, אמר להם כשיקבלו מלכותי אגזור עליהם גזירות, כך אמר הקדוש ברוך הוא קבלתם מלכותי אנכי ה' אלהיך (שמות כ ב), קבלו גזירותי לא יהיה לך וכו' (שם פסוק ג):
אבל במדרשו של רבי נחוניא בן הקנה בשלוח הקן מדרש שיש במצוה סוד, אמר רבי רחמאי מאי דכתיב שלח תשלח את האם ולא אמר את האב, אלא שלח תשלח את האם בכבוד אותה בינה שנקראת אם העולם דכתיב (משלי ב ג) כי אם לבינה תקרא. מאי ואת הבנים תקח לך, אמר רבי רחמאי אותם בנים שגדלה ומאי ניהו שבעת ימי הסוכה ודיני שבעת ימי השבוע וכו'. והנה המצוה הזאת רומזת לענין גדול, ולכך שכרה מרובה למען ייטב לך והארכת ימים:
[1] Siman 100 du volume orah’-hayim - https://hebrewbooks.org/pdfpager.aspx?req=794&pgnum=75
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Chofetim : aux frontières de l'être
- Le 06/09/2019
- Dans Parasha
PROJET RAMBAN* SUR LA PARACHA
Choftim : Aux frontières de l’être
Quiconque est persuadé que sa vie n’est pas celle qu’elle devrait être, que son potentiel ne s’est pas réalisé comme il aurait pu ou dû l’être, peut soutenir que son quotidien médiocre et son existence boiteuse ne relèvent pas de son propre fait, mais que son lot et son origine en sont la cause. En d’autres termes, il n’est pas rare que l’amertume rejette la faute entière sur le déterminisme et refoule toute idée de liberté et de responsabilité personnelle.
À l’opposé, et souvent pour redresser sa vie, il n’est également pas rare de prétendre s’abstraire de tout déterminisme et de s’imaginer n’avancer que loti de sa seule liberté. « L’Homme naît de se faire », aiment à dire les Existentialistes.
Encore que l’on puisse comprendre – car on a de l’empathie – les deux positions, voilà que Choftim vient les récuser toutes deux par le verset : « Tu ne reculeras pas la frontière de ton prochain, que les Premiers ont fixée, dans ta possession que tu posséderas, sur la terre que l’Éternel ton dieu te donne en héritage.[1] » Il s’agit ici des terres partagées au tirage au sort entre les tribus lors de l’entrée en terre de Canaan.
Tout Choftim pourrait même être résumé dans cet interdit, dans la mesure où il vient hanter l’ensemble de ses versets emblématiques. En effet, la portée juridique de cet interdit est aussi bien foncière, que politique et pénale. La portée foncière, on la devine aisément. La portée politique, voire géopolitique, on pourrait la voir dans la relation aux lois de la guerre de conquête. La portée pénale, on la rattacherait volontiers à la nécessité de mesurer convenablement les distances entre les frontières de deux villes lorsqu’un cadavre est retrouvé entre les deux cités, dans ce qu’on appellerait sans risque un No man’s land.
Or, le commentaire de Ramban sur ce verset dépasse les seules considérations légales pour analyser les motivations qui pourraient pousser à transgresser cet interdit[2]. La motivation essentielle serait pour lui la croyance que le partage des terres par les Premiers – donc le partage originel – aurait été inégal, parce que les Premiers se seraient soit trompés involontairement dans les mesures, soit, au contraire, parce qu’ils se seraient trompés volontairement au détriment de certaines tribus et au bénéfice d’autres.
Dans le premier cas, transgresser l’interdit réparerait une erreur ; dans le second, elle réparerait une injustice. En somme : le Droit établi ne serait pas remis en cause, ce serait son application imparfaite qui serait à redresser. Et l’on sait à quel point Choftim invite à faire preuve de justice ; son troisième verset ne crie-t-il pas « Justice, justice ! Poursuis-la afin que tu vives et hérites de la terre que l’Éternel ton dieu te donne[3] » ? Notons que ce verset subordonne l’héritage de la terre à la redondance du mot « Justice ». Or, c’est bien de cela dont il est question dans la volonté de reculer la frontière de son voisin : justice pour réparer une erreur, justice pour dissiper l’injustice ! De ce fait, le transgresseur de frontière serait dans les deux cas dans son bon droit.
Pour en revenir à la question du déterminisme et de la liberté, cela revient à dire que son lot est mauvais précisément parce qu’il l’a reçu ! Sa naissance était d’ores et déjà alourdie d’un manque. Il était donc indispensable de convoiter un autre lot et d’agir pour l’obtenir !
Bien sûr, Ramban ne soutient ni la suspicion ni la transgression. Mais voilà, nous sommes humains, alors que faire face au sentiment d’un réel qui nous lèse, face à la certitude que notre vie est défaillante par le simple fait d’être mal né ? Comme le Figaro de Beaumarchais, nous sommes tentés de dire « Qu’avez-vous fait pour tant de biens ? vous vous êtes donné la peine de naître, et rien de plus[4] ».
Or, à la différence de Figaro, Ramban explique que ce verset ne doit pas se comprendre de la sorte parce que les deux suspicions, erreur et injustice, sont, par essence, infondées. Infondées car les Premiers à avoir partagé la terre sont Yeochoua bin Noun et les princes des tribus. Nulle erreur de l’histoire, nulle injustice de la vie. Yeochoua bin Noun le prophète prémunit de l’erreur et l’unité et l’affection que se portent les princes des tribus rendent irréaliste toute crainte de lésion.
Au-delà de l’aspect apologétique, c’est le sens symbolique revêtu par Yeochoua bin Noun et les princes des Tribus qui importe. Il faut ici entendre que les principes ayant présidé à notre situation sont exempts par essence d’erreur et d’injustice : on ne choisit pas de naître où l’on naît ; on se contente de naître, sans en avoir le choix. Il n’y a pas de meilleurs mondes possibles, il n’y a que celui-ci !
C’est pourquoi, plutôt que de se plaindre de son lot et de rêver d’en changer, il faut avant toute chose embrasser ce lot jusqu’à s’y consumer et revenir à ce qui nous a donné la vie. Car si l’Homme naît peut-être de se faire ; ce qui fait l’Homme, c’est sa naissance à l’Être.
Jonathan Aleksandrowicz
* Moché ben Na'hman (Na'hmanide), Gérone 1194- Acre 1270
Texte original : cf.notes
[1] Deutéronome, chapitre 19, verset 14.
[2] אזהרה שלא ישנה תחום החלוקה שחלקו הנשיאים את הארץ לשבטים או ליחיד מהם ועל כן אמר אשר גבלו ראשונים הם אלעזר הכהן ויהושע בן נון ונשיאי המטות ולכך הזכיר בנחלתך אשר תנחל וגו' וטעם המצוה הזאת שלא יחשוב אדם לומר אין חלקי אשר נתנו לי שוה כמו חלק חברי כי טעו החולקים או שיוציא בלבו לעז על הגורלות ולא יהיה זה בעיניו גזל כלל על כן צוה בכאן שלא יחלוק אדם על החלוקה ההיא ולא ישנה הגבולין כלל לא בסתר ולא בגלוי וזו מצוה מבוארת ממה שצוה על פי הגורל תחלק נחלתו בין רב למעט ואמר אלה שמות האנשים אשר ינחלו לכם וגו' ועל דעת רבותינו שהוא אזהרה לעוקר תחומו של חבירו בארץ שעובר בשני לאוין יהיה טעם
[3] Deutéronome, chapitre 16, verset 19.
[4] Beaumarchais, Le mariage de Figaro, Acte V, scène 3
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Projet Ramban - Réeh
- Le 28/08/2019
- Dans Parasha
PROJET RAMBAN* SUR LA PARACHA
De l’efficacité des divinations autour du sang (Ramban/Rambam)
« Seulement sois fort pour ne pas manger le sang, car le sang c’est la vie, et tu ne mangeras pas la vie avec la chair » (Devarim 12, 23)
Après un long développement sur l’interdit de consommer du sang, répété plusieurs fois dans la Torah, le Ramban aborde une question classique chez les commentateurs : Pourquoi la Torah estime-t-elle que le respect de cet interdit nécessite une si grande force morale ? Fidèle à sa démarche, le maître explicite le questionnement en s’appuyant sur une analyse globale du texte : « Nous trouvons cette expression de ‘force’ dans les mtisvote lorsque Dieu a dit à Yeochoua : ‘Seulement sois très fort et courageux pour garder et accomplir toute la Torah que J’ai ordonnée à Moshé mon serviteur’ (Yeochoua 1, 7) ; et de même Yeochoua s’est-il exprimé envers Israël (…). Toutefois dans le cadre d’une mitsva, on ne trouve pas une telle formulation [sauf en l’espèce] (…) ».
Dans un premier temps, c’est la thèse du Rambam dans le Guide des Egarés (3, 46) qui est citée et suivie : La consommation du sang des animaux offerts aux démons était une pratique si courante en Egypte que les Hébreux l’avaient complètement intégrée[1]. Il fallait donc une insistance toute particulière pour que cette pratique cesse.
Cependant cette raison n’est pas suffisante selon le Ramban. Il rappelle tout d’abord que la suite du verset apporte une justification à la mitsva : « car le sang c’est la vie ». Puis il explique que l’association aux démons par la consommation du sang avait un objectif précis : ce procédé permettait de dévoiler l’avenir. Là était le risque et la motivation de l’insistance : que les spectateurs de la réalisation d’une prédiction annoncée ‘autour du sang’ n’en viennent pas à en faire de même puis à délaisser Dieu. Au contraire, il convient de marcher toujours avec Dieu sans écouter les diseurs de bonne aventure et autres faux prophètes… même si les ‘prophéties’ et autres divinations peuvent se réaliser.
Bien que le Ramban incite finalement à ne pas suivre ces pratiques « qui ne sont que vanité et illusions », il laisse pourtant entendre que leur efficacité peut être réelle. Une telle ambigüité se retrouve également chez le Rambam. Dans le passage du Guide précité, il rappelle que la croyance dans le pouvoir de la divination autour du sang était très répandue, mais il ne la réfute pas explicitement. Il laisse d’ailleurs entendre le contraire dans les Hilkhote issodé haTorah (10, 3) : « Certaines prophéties prononcées par des devins, sorciers ou autres se matérialisent, d’autres non (…) ». Or dans les Hilkhote ‘avoda zara (11, 16), le discours est tout autre : « Quiconque croit aux [arts occultes] de cette nature et pense qu’ils sont vrais (…) est sot et faible d’esprit ».
Certes, on oppose habituellement les deux maîtres sur la question de l’efficacité réelle des ‘forces impures’ attribuées aux procédés de sorcellerie[2]. A la lecture des sources citées, on peut toutefois s’interroger sur la légitimité d’une telle catégorisation…
Yona GHERTMAN
* Moché ben Na'hman (Na'hmanide), Gérone 1194- Acre 1270
Texte original :
רמב"ן דברים פרק יב פסוק כב
מה חוזק ואומץ יש בהזהר מן הדם, והראוי שיאמר לחומרו "השמר לך לבלתי אכול הדם". ומצינו לשון חוזק במצות, שאמר הקדוש ברוך הוא ליהושע (יהושע א ז) רק חזק ואמץ מאד לשמור לעשות ככל התורה אשר צוך משה עבדי, וכן אמר יהושע לישראל (שם כג ו) וחזקתם מאד לשמור ולעשות את כל הכתוב בספר תורת משה, וזה במצות כולן, "ולשמור" ירמוז ללא תעשה "ולעשות" ירמוז למצות עשה, אבל במצוה אחת לא נמצא כן, ומה צורך לחיזוק בשב ואל תעשה ממצות לא תעשה אחת:
אבל נראה לי כי הזכיר בה חיזוק מפני הענין אשר ממנו דבקו בדם במצרים, כי היו זובחים את זבחיהם לשעירים תמיד כמו שכתוב (ויקרא יז ז) ולא יזבחו עוד את זבחיהם לשעירים אשר הם זונים אחריהם, וכתיב (להלן לב יז) יזבחו לשדים לא אלוה, והיתה העבודה ההיא באכילה מן הדם, כי היו מקבצים הדם לשדים והם אוכלים עליו וממנו, כאלו הם קרואים לשדים לאכול על שולחן השדים ההם ומתחברים עמהם, וכבר הוזכר זה בספר מורה הנבוכים (ג מו). ולא שיהיה זה עיקר טעם איסור הדם, כי הכתוב מפרש טעמו כי הדם הוא הנפש - כאשר בסדר אחרי מות (ויקרא יז יא), אבל מזה היו שטופים בו ורודפין אחריו מאד. והנה היו מתנבאים בו ומגידים עתידות. ולכך בא הכתוב והזהיר שאם ישמע מאוכלי הדם דבר עתיד ובא האות והמופת אל יפתה לבבו, אבל יחזיק בתומתו ובאמונת ה' ואל יאכל מן הדם בשום ענין, ואל יכסה המעשה ההוא, מדבריהם לא יירא ומפניהם לא יחת כי הבל המה מעשה תעתועים. הזהיר בכאן כענין המוזהר בנביא השקר מפני הטעותיו:
[1] Dans le Guide, le Rambam distingue entre deux cultes proches : ceux qui mangeaient le sang pour s’allier aux démons ; et ceux qui ne supportaient pas la consommation du sang et se contentaient de manger la chair de l’animal sacrifié auprès de son sang (Ibid.).
[2] La thèse du Rambam rapportée à cet effet est notamment celle citée dans les Hilkhote ‘Avoda Zara. Quant au Ramban, il développe explicitement dans son commentaire sur Devarim 18, 9-12 une argumentation destinée à prouver la réelle efficacité des arts occultes.
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Projet Ramban "Ekev"
- Le 21/08/2019
PROJET RAMBAN* SUR LA PARACHA
Ekev, un mot polyglotte
« Si (ékèv ) vous écoutez ces lois (michpatim) , que vous les gardez et les réalisez, Dieu gardera l’alliance bienveillante qu’il a juré à vos pères ». (Dt, 7.12)
Verset anodin qui pourtant a retenu l’attention de Rachi : en effet le ‘ékev’ (si) n’est pas la forme courant pour introduire une condition. Rachi fait dériver ce terme du ‘talon’ (ékev) et explique « si vous écoutez les lois qui sont d’ordinaire foulées au talon ». Certes, le terme ékev n’est pas courant, mais il est attesté. Pourquoi chercher une explication si alambiquée ?
Le commentaire de Ramban sur ce verset est assez énigmatique dans sa construction.
Il commence par citer un sens possible du terme ékev : afin. Fondamentalement le sens de la phrase est peu affecté : respectez mes lois afin que je respecte mon alliance. Puis il cite Rachi, et fait remarquer que le verset ne parle que d’un type de loi (michpatim) alors qu’il existe d’autres types de loi (‘houkim). Pourquoi donc le respect de l’alliance par Dieu ne serait fondé que sur l’observation de ces lois particulières, et par de l’intégralité de la Torah ? Ramban recolle les morceaux du commentaire de Rachi, ce qui donnerait « sans doute s’agit-il des lois financières qui sont facilement foulées ». Constatation indubitable ! mais elle n’éclaire pas la question que nous posions (sur l’intégralité de l’observation des lois de la Torah). Le Ramban ne le dit pas, mais il semble que l’interprétation de Rachi ne l’a pas convaincue.
Notre auteur rapporte Ibn Ezra, sans le nommer, qui voit dans le terme ékev, l’idée d’un salaire, d’une récompense. Ibn Ezra est fidèle à l’option de traduction de ce mot qu’il a pris ailleurs[1]. Ramban est séduit[2] par cette option qui oppose le ‘talon’ à ‘la tête’, le talon indiquant la fin et la tête le début. Il garde donc l’idée du talon de Rachi, qu’il conjugue dans une autre interprétation. L’usage du mot ékev n’apporte pas grand-chose, si ce n’est qu’il est en phase avec le sens général du verset : il s’agit de mettre en avant l’idée d’une récompense si l’on garde les lois. La difficulté sur l’explication de Rachi est résolue pleinement, puisque maintenant, il s’agit de l’intégralité de la Torah qui est sous-entendue. Mais pourquoi utiliser le terme michpatim, qui ne renvoie pas à l’intégralité de la Torah, mais à une partie des commandements ?
Ramban cite enfin un troisième commentaire : Onkelos, qui se contente de traduire ékev par ‘en contrepartie’. Là encore, le sens du verset n’est pas altéré, et l’emploi de ce terme en lieu et place du ‘si’ ne semble pas nous mener bien loin. Ramban ne l’entend pas ainsi : il entend un virage dans la compréhension ; pour lui ce terme suggère qu’Onkelos n’a pas fait dériver le mot ékev du terme talon, mais du terme intermédiaire, arrondi, contourné (ékev s’oppose à michor, droit, recte). Très enthousiaste, il montre de nombreux exemples à l’appui de ce sens ; cela va lui permettre de répondre à sa question sur le fait que le terme de michpatim n’indique pas l’intégralité de la Torah, mais seulement une classe de commandements. En combinant sa question avec la nouvelle signification qu’il aperçoit chez Onkelos, il conclut : « il n’est pas possible qu’un peuple entier suive l’intégralité des lois, qu’il n’en transgresse aucune ; c’est uniquement par les jugements (michpatim) que la Torah peut être établie fermement ». Il comprend le terme michpatim une classe de commandements, mais pas selon la partition usuelle (michpatim :des commandements compréhensibles, ‘houkim : commandements peu évident à comprendre) ; michpatim ce sont les commandements relatifs au tribunal ; il explique « parfois on aura pitié d’appliquer un châtiment, c’est pourquoi il est dit ‘tu n’auras pas pitié’ ; [un juge] pourrait avoir peur des puissants, c’est pourquoi il est dit ‘ne craignez quiconque, car la justice appartient à Dieu’ ; de même concernant quiconque inciterait à l’idolâtrie, ‘tu ne recouvriras pas sa faute’ ». Ainsi l’application par un tribunal des lois forme un cadre solide à partir duquel c’est toute la société qui ‘garde l’alliance’, malgré les inévitables dérives individuelles.
Ce commentaire du Ramban est particulièrement bienvenu dans ce contexte, puisque justement le verset d’avant (Dt, 7.11) [3] parle de la distinction classique « michpatim, ‘houkim » ! Et il semble que ce soit cette difficulté qui a été le véritable moteur de l’étonnement des commentateurs ; l’emploi du mot ékev n’étant en lui-même pas trop problématique ; il s’avère pourtant que c’est une réflexion sur ce terme qui permet de trouver le sens du verset.
Le Ramban fait prendre conscience que le tribunal n’est pas seulement un lieu de justice mais c’est aussi un lieu politique, une instance de gouvernement.
Franck BENHAMOU
* Moché ben Na'hman (Na'hmanide), Gérone 1194- Acre 1270
Texte original : Cf.notes.
רמב"ן דברים פרק ז פסוק יב
(יב) טעם עקב - כמו בעבור, וכן עקב אשר שמע אברהם בקולי (בראשית כו ה). וכתב רש"י אם המצות הקלות שאדם דש בעקביו תשמעון, ישמור לך השם הבטחתו. והזכיר הכתוב המשפטים, אולי יזהיר במשפטים הקלים כדיני ממונות שלא יבזו אותם. והמפרשים אמרו כי טעם "עקב" שכר באחרית, וכן בשמרם עקב רב (תהלים יט יב), יאמר והיה אחרית תשמעון המשפטים ותשמרו אותם שישמר השם לך את הברית והחסד ואהבך. ונכון הוא, כי יקראו בלשון הקדש תחלת כל דבר בלשון "ראש", כענין ראש דברך אמת (שם קיט קס), וכן גדול הדור, ראש העם (במדבר כה ד) והמשובח, ראש בשמים (שה"ש ד יד), וכן יקראו אחרית כל דבר "עקב", כי הלשון יתפוס דמיונו באדם והראש תחלה והעקב בו אחרית וסוף. וכן יאמר הכתוב (להלן כח יג מד) לראש ולזנב, לדמיון גוף בהמה:
ואונקלוס תרגם חלף, כמו חלף עבודתכם (במדבר יח לא), עשאו לשון סבוב, נגזר מן והיה העקוב למישור (ישעיה מ ד) הדרך המעוקל ההולך סביב סביב, וכן עקובה מדם (הושע ו ח) מסובבת ומוקפת. יאמר, והיה סבת שמעכם המשפטים ועשותכם אותם שישמור השם לכם בריתו, ויפה פירש. ודומה לזה, בגלל הדבר הזה (להלן טו י) בסבתו, מלשון וגללו את האבן (בראשית כט ג):
וכן על דעתי, כל לשון עקיבה גלגול וסבוב, עקוב הלב (ירמיה יז ט), ויעקבני זה פעמים (בראשית כז לו), ויהוא עשה בעקבה (מ"ב י יט), ענין גלגולין וסבות. ולכן יקראו יעקב "ישורון", כי היפך העקוב מישור. וכן אחורי הרגל שנקרא עקב, וידו אוחזת בעקב עשו (בראשית כה כו), יקראנו כן בעבור היותו מעוגל, כאשר יקרא הלשון אמצע היד והרגל "כפות" בעבור היותם כמו כפות הזהב. ומורגל הוא בלשון, כמו שאמרו בספרי (ברכה ב), מימינו אש דת למו (להלן לג ב), כשהיה יוצא הדבור מפי הקדוש ברוך הוא היה יוצא דרך ימינו של קדש לשמאלן של ישראל, ועוקב את מחנה ישראל שנים עשר מיל על שנים עשר מיל, כלומר מקיף. וכן לשונם (ב"ק קיג א) באים עליו בעקיפין, בסבות וגלגולין, כמו עקיבין, ששתי האותיות האלה שוות להן כאשר פרשתי כבר (ויקרא יט כ):
והזכיר את המשפטים האלה - להזהיר מאד במשפטים, כי לא יהיה עם רב כלו נזהר במצות כלן שלא יחטאו בהן כלל, רק במשפטים יעמידו התורה, כמו שנאמר בהן (להלן כא כא) וכל ישראל ישמעו ויראו. ועוד כי רבים ירחמו מלסקול האיש ולשרוף אותו אחרי שנעשת העבירה, כמו שנאמר (להלן יט יג) לא תחוס עינך. ועוד שייראו מן התקיפים ומן המטעים, כמו שאמר (לעיל א יז) לא תגורו מפני איש כי המשפט לאלהים הוא, ואמר בנביא השקר (להלן יח כב) לא תגור ממנו. והזכיר כל אלה במסית (להלן יג ט), לא תאבה לו ולא תשמע אליו ולא תחוס עינך עליו ולא תחמול ולא תכסה עליו. ויזהיר, לא תשמע אליו, מפני הטעאתו, ולא תחוס עינך, מפני הרחמנות שירחמו רכי הלבב על הנידונים, ולא תכסה, שלא תשתוק בעבור תקפו ויראת בני משפחתו
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Dévarim : répéter, transmettre, expliquer
- Le 01/08/2019
- Dans Parasha
PROJET RAMBAN* SUR LA PARACHA
Devarim : répéter, transmettre, expliquer
Le livre de Devarim est particulier par rapport aux autres livres de la Torah.
De quoi s’agit-il ? demanderait-on à des élèves : d’une répétition de la Torah répondraient ils.
Hazal l’appellent bien Mishne Torah (expression venant du verset Devarim 17, 18).
Mais de fait toute la Torah et toutes les lois ne sont pas répétées.
C’est ce que Ramban explique longuement dans son introduction au livre, ainsi que dans le commentaire du premier verset[1].
Dans Devarim, Moïse s’adresse au peuple sur le point d’entrer en Israël. C’est-à-dire, à la génération qui n’était pas présente au Sinaï. Et il leur répète les lois.
Dans son discours, il ne reprend toutefois pas les lois concernant les Kohanim car, explique Ramban, toutes ces lois ont déjà été expliquées et les Kohanim sont assidus (. והכהנים זריזים הם), « de bons élèves » et n’ont pas besoin d’une répétition.
Cependant, pour les autres, une nouvelle répétition est nécessaire.
Ramban distingue alors deux cas :
1) les lois qui n’ont pas, déjà, été transmises aux enfants d’Israël
2) celles qui l’ont déjà été.
Ramban précise que les termes pour les introduire ne sont pas les mêmes.
Ainsi, on trouve au verset 3 du premier chapitre de Devarim :
וַיְהִי֙ בְּאַרְבָּעִ֣ים שָׁנָ֔ה בְּעַשְׁתֵּֽי־עָשָׂ֥ר חֹ֖דֶשׁ בְּאֶחָ֣ד לַחֹ֑דֶשׁ דִּבֶּ֤ר מֹשֶׁה֙ אֶל־בְּנֵ֣י יִשְׂרָאֵ֔ל כְּ֠כֹל אֲשֶׁ֨ר צִוָּ֧ה יְהוָ֛ה אֹת֖וֹ אֲלֵהֶֽם׃
« C’était dans la 40e année, le 7e mois, le premier du mois, que Moise s’adressa (דִּבֶּ֤ר) aux enfants d’Israël selon tout ce que Dieu lui avait commandé ».
Il s’agit, dit Ramban, des commandements qui n’avait pas encore été transmis aux enfants d’Israël, mais que Moïse avait déjà reçus. C’est pourquoi il est écrit « ce que Dieu lui avait commandé ».
Mais, comment comprendre que des lois aient pu ne pas être transmises ? Pourquoi apparaissent-elles maintenant ? C’est le cas par exemple de la loi du Lévirat.
Ramban précise, alors, qu’elles ont toutes été dites au mont Sinaï ou dans l’année qui a suivi (jusqu’à la fautes des espions) mais n’ont pas encore été transmises. (C’est pourquoi lorsque ces lois sont rappelées elles ne sont pas précédées par « Dieu dit à Moïse », car elles ont déjà été dites). Mais, elles n’avaient pas encore été transmises car elles ne s’appliquaient pas à la période du désert et n’avait de sens qu’une fois entré en Israël.
Au verset 5 du premier chapitre, on trouve :
בְּעֵ֥בֶר הַיַּרְדֵּ֖ן בְּאֶ֣רֶץ מוֹאָ֑ב הוֹאִ֣יל מֹשֶׁ֔ה בֵּאֵ֛ר אֶת־הַתּוֹרָ֥ה הַזֹּ֖את לֵאמֹֽר׃
« De l’autre côté du Jourdain, en terre de Moab, moise désira (הוֹאִ֣יל) expliquer la Torah en disant… ».
הוֹאִ֣יל a plusieurs sens et en particulier « désirer ».
Rachi, en référence à un verset de Beréchit, le traduit par commencer. (« Moïse commença à expliquer »).
Ramban rejette cette traduction, car de fait, c’est plus tard, que Moise commence réellement à expliquer.
הוֹאִ֣יל veut dire, pour lui, « désirer » c’est-à-dire que Moïse désira expliquer la Torah. De lui-même, et non sur l’ordre de Dieu.
Il s’agit, alors, de donner de nouvelles explications aux commandements déjà énoncés et d’introduire de nouvelles choses[2].
Plus que tout, cette introduction nous place au cœur du lien qui unit Moïse aux enfants d’Israël.
Il ne se contente pas de répéter ce que Dieu lui dit.
Pendant un temps, il retient les commandements, ne les transmettant que lorsqu’ils prendront sens.
Dans d’autres cas, il prend sur lui d’ajouter de nouvelles explications, pour rendre plus clair les commandements.
Et, c’est au moment où il sait qu’il va quitter ce peuple, qu’il fait une dernière fois œuvre de pédagogie dans la transmission, donnant aux enfants d’Israël toutes les connaissances leur permettant d’aborder ce monde nouveau qui les attend une fois le Jourdain franchi.
Noémi Leben
* Moché ben Na'hman (Na'hmanide), Gérone 1194- Acre 1270
Texte original : Cf.notes.
[1] הספר הזה ענינו ידוע שהוא משנה תורה יבאר בו משה רבנו לדור הנכנס בארץ רוב מצות התורה הצריכות לישראל ולא יזכיר בו דבר בתורת כהנים ולא במעשה הקרבנות ולא בטהרת כהנים ובמעשי ה' שכבר ביאר אותם להם. והכהנים זריזים הם לא יצטרכו לאזהרה אחר אזהרה אבל בישראל יחזיר המצות הנוהגות בהם פעם להוסיף בהם ביאור ופעם שלא יחזיר אותם רק להזהיר את ישראל ברוב אזהרות כמו שיבאו בספר הזה בעניני עבודת גלולים אזהרות מרובות זו אחר זו בתוכחות וקול פחדים אשר יפחיד אותם בכל ענשי העבירות. ועוד יוסיף בספר הזה כמה מצות שלא נזכרו כלל כגון היבום ודין המוציא שם רע והגרושין באשה ועדים זוממין וזולתו. וכבר נאמרו לו כולן בסיני או באוהל מועד בשנה הראשונה קודם המרגלים כי בערבות מואב לא נתחדשו לו אלא דברי הברית כאשר נתפרש בו. ועל כן לא נאמר בספר הזה וידבר ה' אל משה לאמר צו את בני ישראל או דבר אל בני ישראל ואמרת אליהם מצוה פלונית. אבל לא נכתבו המצות בספרים הראשונים שידבר עם יוצאי מצרים כי אולי לא נהגו באותן המצות רק בארץ אע"פ שהן חובת הגוף. כאשר בא בענין הנסכים או מפני שאינן תדירות לא הזכיר רק בבנים נוחלי הארץ. וטרם שיתחיל בביאור התורה התחיל להוכיחם ולהזכיר להם עונותיהם כמה ימרוהו במדבר וכמה שהתנהג עמהם הקב"ה במדת רחמים וזה להודיע חסדיו עמהם. ועוד שיוכחו בדבריו שלא יחזירו לקלקולם פן יספו בכל חטאתם ולחזק לבם בהודיעו אותם כי במדת רחמים יתנהג עמהם לעולם. שלא יאמר אדם לא נוכל לרשת את הארץ כי אין אדם אשר לא יחטא ומיד תהיה מדת הדין מתוחה כנגדנו ונאבד ולכן הודיעם משה רבנו כי הקב"ה רחמן מלא רחמים כי הסליחה והמחילה ממנו יתברך סיוע ועזר לבני אדם בעבודתו. וכענין שאמר הכתוב כי עמך הסליחה למען תורא.
[2] והנה הזכיר בכאן שני דברים אמר שדבר משה אל בני ישראל ככל אשר צוה ה' אותו אליהם וזה רמז אל המצות שיאמר להם בספר הזה שלא נזכרו עד הנה בתורה ואמר שהם ככל אשר צוה אותו השם לא הוסיף ולא גרע על מה שנצטווה והזכיר זה בעבור שלא אמר בהם וידבר ה' אל משה ולכן כלל אותם עתה שהם כולם ככל אשר נצטווה מפי הקב"ה ואמר עוד כי הואיל משה באר את התורה וזה רמז במצות שנאמרו כבר שיחזור אותם לבאר אותם ולחדש בהם דברים וטעם הואיל משה שרצה לבאר להם את התורה והזכיר כן להודיע כי מעצמו ראה לעשות כן ולא צוהו השם בזה מלשון הואל נא ולין (שופטים יט ו) ולו הואלנו ונשב (יהושע ז ז) וכן רבים:
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Projet Ramban "Matot-Maassé"
- Le 01/08/2019
- Dans Parasha
PROJET RAMBAN* SUR LA PARACHA
Les complications d'un héritage par les femmes
La tribu de Menashe réclame une solution pour ne pas perdre la terre promise aux filles de Tselofhad au profit d’une autre tribu. En effet, si l’une d’entre elle épousait un homme d’une autre tribu, l’héritage reviendrait de droit au mari et la terre serait irrécupérable pour la tribu d’origine.
De ce cas découle une règle pour préserver les territoires: une femme n’ayant pas de frères a l’obligation d’épouser un homme provenant de sa tribu. Ce qui limite l’ensemble des possibilités de mariage et réduit la panoplie de mariages potentiels.
Mais une femme ayant des frères peut se marier avec un homme d’une autre tribu. Dans ce cas, qu’en serait-il de l’héritage si tous ses frères venaient à disparaître sans avoir d’enfants ? L’héritage du père serait-il encore une fois perdu par la tribu au profit de celle du mari ?
D’où la seconde restriction prévue par la Tora, l’héritage restera dans la tribu d’origine et la femme sera privée des terres de ses pères.
Ramban[1] soulève le problème suivant : est-il possible d’ôter l’héritage revenant à toute une descendance ? Hazal[2] nous enseignent que ces restrictions n’ont existé que dans la génération conquérante. Dès le moment où le peuple s’est établi de façon durable en terre d’Israël, la répartition des terres fût remaniée naturellement, par les mariages entre les tribus.
Une question subsiste : si l’on souhaitait préserver la carte géographique que D. donna à Moshe, pourquoi ces restrictions n’ont pas été maintenues ?
D’après Ramban1, les restrictions ont été mises en place afin de créer un lien fort entre chaque tribu et son territoire. Pour donner de l’importance à ce lien, les tribus ne devaient pas se séparer de leur terre, que ce soit activement (par un mariage avec une autre tribu) ou de manière passive (une femme perdant ses frères). Ce lien se crée instantanément, il n’a pas besoin de perdurer. Hazal nous enseignent que la date où le lien serait acquit n’étant pas définissable, les restrictions furent maintenues pour toute la génération.
Cet ensemble de limitations maritales créèrent un certain poids sur la société. Le 15 Av[3] est selon Rav Yehouda la date où ces restrictions furent abolies. La joie du peuple à cette date paraît à présent plus évidente.
Koren ASSOULINE
* Moché ben Na'hman (Na'hmanide), Gérone 1194- Acre 1270
Texte original : Cf.notes.
[1] רמב״ן במדבר לו ז "ולא תסב נחלה לבני ישראל ממטה אל מטה" - לא חשש הכתוב אלא לתקן העת ההיא, כי אם היו בישראל נשים נשואות לשבט אחר, והן יורשות נחלה היום, או שתירשנה מיום זה ואילך שימות אביהן או אחיהן בלא בנים, על כורחנו תיסוב נחלתן ממטה אל מטה, ומי יוכל לתקן בזמן את אשר עוותו. כי לא רצתה התורה לצוות שלא יירשו אותן הבן והבעל, שלא ראתה לעקור משפט הירושה. וכן לא יחוש הכתוב למקרים העתידים לבא, כי הבנות שאינן יורשות נחלה יכולות להינשא לכל השבטים, ואפשר שתהיינה יורשות נחלה בזמן הבא כי ימותו אחיהן בחיי האב ותעבור נחלת אביהן או קרוביהן להן: ועל דעת רבותינו (בבא בתרא קכ א) שדרשו: דבר זה לא יהא נוהג אלא בדור זה בלבד. יתכן שלא היו בכל הדור ההוא הבא בארץ בנות יורשות נחלה זולתי בנות צלפחד, כי על כן לא דברו. וציוה הכתוב, שאם ימות אדם מן היום ההוא עד שתחלק הארץ לשבטיהם ותהיה בתו יורשת אותו, לא תינשא לשבט אחר שלא יבא האיש ההוא בעת חלוק הארץ לקחת לו נחלה בתוך מטה אחר, כי הקפדה להם תהיה יותר גדולה בעת החלוק שלא יתערבו השבטים זה עם זה בנחלה, כי אחרי כן כבר נודעה נחלתן ולא יקפידו כל כך, ובעבור שלא נודע זמן החלוק הזהיר בכל הדור. והשם אשר בידו נפש כל חי אין לו לחוש מכאן ואילך: ונכון הוא על דרך הפשט, שאין "ולא תיסוב נחלה" טעם, כדי שלא תיסוב הנחלה, אבל הן שתי מצוות ציווה ביורשות נחלה, שלא תינשאנה רק למטה אביהן, וציוה בנשואות כבר ואשר תבוא אליהן נחלה אחרי היותן לאיש שלא תיסוב הנחלה ממטה למטה אחר, אבל יירשו אותן אחיהן וקרוביהן לא בניהן ולא בעליהן. והזהיר מתחלה בבנות צלפחד, ואחרי כן בכל בת יורשת נחלה. ואמר בכל ישראל שלא תיסוב נחלה ממטה אל מטה, שאף הנשואות, או המוזהרות אם יעברו על המצווה, יירשו אותן אנשי המטה, שיהיו דבוקים וקשורים בנחלת מטה אבותם לא תיפרד נחלתם מהם והם לא ייפרדו מנחלת אבותם. ולא נהג כל זה רק בדור הנוחל את הארץ בעת החלוקה. והנה נתן להם עצה בפנויות אשר שאלו, ותקן גם בנשואות.
[2] בבא בתרא קכ א :דבר זה לא יהא נוהג אלא בדור זה בלבד.
[3] תענית ל ב: ט"ו באב מאי היא אמר רב יהודה אמר שמואל יום שהותרו שבטים לבוא זה בזה מאי דרוש (במדבר לו, ו) זה הדבר אשר צוה ה' לבנות צלפחד וגו' דבר זה לא יהא נוהג אלא בדור זה