Blog
-
Behar - propriétaire ou illusion
- Le 22/05/2019
- Dans Parasha
PROJET RAMBAN* SUR LA PARACHA
Propriétaire ou illusion
-
Lorsque D. ordonna à Moshe d’effectuer la division de la Terre d’Israel entre les tribus, chaque famille reçut son lopin de terre sur lequel elle allait vivre, travailler, faire paître son bétail.
Avec le temps et les aléas financiers, une famille pouvait être amenée à vendre son terrain. Face à cette éventualité, le commerce immobilier est prévu et régulé par la Tora.
L’homme peut avoir le sentiment qu’il est l’éternel propriétaire de cette terre, or le verset est très clair, D. nous dit « la terre m’appartient[1] ».
La terre ne doit donc pas être vendue pour une durée indéfinie.
Rambam[2] tranche la Halacha en disant que la terre revient au propriétaire originel lors du Yovel si la durée de vente est perpétuelle ou non spécifiée.
Ce retour au propriétaire peut être extrêmement difficile à vivre pour « les locataires ».
En effet, ceux-ci ont pu exploiter cette terre pendant 50 ans, quasiment 2 générations complètes! Quelle serait la réaction d’un homme pensant posséder une terre, si celle-ci lui était retirée par de parfaits étrangers ?
Il se peut que le terrain ait changé maintes fois de propriétaire depuis le précédent Yovel.
D’après le verset « vous êtes des étrangers […] avec moi », on pourrait croire que la Tora veut instaurer un sentiment d’instabilité sans possibilité de s’établir de manière permanente.
Mais en réalité la notion de Yovel est connue et attendue de tout habitant d’Israel. Il s’agit d’une fin de bail d’habitation pour tous, prévue par la Tora. C’est au contraire une opportunité pour l’homme après 50 ans d’anticiper et de prévoir ce déménagement.
Ramban[3] dans son exégèse met en relief ce point, la vente[4] ne doit pas être permanente et ceci doit être spécifié et clair pour le propriétaire et le locataire. Dans le cas contraire ,l’effet que cela produirait sur la famille devant se séparer de ce bien serait dévastatrice.
De cette manière le sentiment que la terre n’appartient pas à l’homme mais à D. est préservé, tout en effectuant un transfert fluide bien que délicat de toutes les propriétés foncières ayant changées de propriétaire.
Une question persiste : Comment pouvons nous entretenir ce sentiment que la terre appartient à D. de nos jours alors que les conditions du Yovel ne sont pas réunies ?
Koren ASSOULINE
* Moché ben Na'hman (Na'hmanide), Gérone 1194- Acre 1270
Texte original : Cf. notes
[1] ויקרא כה,כג וְהָאָרֶץ, לֹא תִמָּכֵר לִצְמִתֻת--כִּי-לִי, הָאָרֶץ: כִּי-גֵרִים וְתוֹשָׁבִים אַתֶּם, עִמָּדִי
[2] משנה תורה, הלכות שמיטה יובל, פרק יא הלכה א, ב
[3] רמב״ן ויקרא כה כג ״והארץ לא תמכר לצמיתות" - ליתן לאו על חזרת שדות לבעלים ביובל שלא יהא לוקח כובשה לשון רש"י ואם כן למה יזהיר במכירה והראוי "לא תקנה לצמיתות" ואולי יאמר לא תמכר לכם לצמיתות וכן לא ימכרו ממכרת עבד (להלן פסוק מב) אזהרה בלוקח שיוציאנו ביובל כפי פשוטו ויתכן שיהיה "לא תמכר לצמיתות" לאו במוכר שלא ימכרנה לחלוטין לומר הריני מוכרה לך לעולמים גם אחרי היובל ואע"פ שהיובל מפקיעה הזהיר הכתוב למוכר או לשניהם שלא יעשו ממכרם לצמיתות ואם אמרו כן יעברו בלאו הזה ולא יועיל להם כי תחזור ביובל וכך פירשו הרב רבי משה (הל' שמיטה ויובל פי"א ה"א) והטעם בזה כי בידוע בדעות בני אדם שאם יעשו ממכרם מתחילה כמספר שנים עד היובל יקל בעיניהם הענין ואם יקנה לחלוטין תקשה בעיניו החזרה מאד ויהיה כענין שאמרו (תמורה ד) מאי דאמר רחמנא לא תעביד אי עבד לא מהני ולקי משום דעבר אהורמנא דמלכא והנכון בעיני שאין זה לאו ללקות עליו אבל הוא טעם יאמר הנהיגו ביניכם היובל ואל יקשה בעיניכם "כי לי הארץ" ואיני רוצה שתמכר לצמיתות כשאר הממכרים וזו היא כונתם בתורת כהנים (פרק ד ח) לצמיתות לחלוטין כי לי הארץ אל תרע עינך בה כי גרים ותושבים אתם אל תעשו עצמכם עיקר אתם עמדי דיו לעבד שיהא כרבו כשהיא שלי הרי היא שלכם וטעם "כי לי הארץ" על דרך האמת כמו ויקחו לי תרומה (שמות כה ב) וזהו שרמזו כאן דיו לעבד שיהא כרבו כי יהיה היובל נוהג בעולם והמשכיל יבין
[4]ויקרא כה,כג - ראה 1
-
Projet Ramban Emor
- Le 16/05/2019
- Dans Parasha
PROJET RAMBAN* SUR LA PARACHA
Parachat Emor ou quand la Torah écrite et orale ne font plus qu’une parole
La parachat Emor comporte deux sujets majeurs :
- les lois concernant les Cohanim et notamment celles traitant de leur sainteté particulière
- les lois concernant les différentes fêtes du calendrier hébraïque
Nous nous pencherons dans cette étude sur ce deuxième aspect de la paracha et plus particulièrement sur la mitsva du korban Omer.
Voici ce que le texte énonce à ce sujet :
דַּבֵּר אֶל-בְּנֵי יִשְׂרָאֵל, וְאָמַרְתָּ אֲלֵהֶם, כִּי-תָבֹאוּ אֶל-הָאָרֶץ אֲשֶׁר אֲנִי נֹתֵן לָכֶם, וּקְצַרְתֶּם אֶת-קְצִירָהּ--וַהֲבֵאתֶם אֶת-עֹמֶר רֵאשִׁית קְצִירְכֶם, אֶל-הַכֹּהֵ
וְהֵנִיף אֶת-הָעֹמֶר לִפְנֵי יְהוָה לִרְצֹנְכֶם; מִמָּחֳרַת הַשַּׁבָּת יְנִיפֶנּוּ, הַכֹּהֵ
Parle aux enfants d'Israël et dis-leur: quand vous serez arrivés dans le pays que je vous accorde, et que vous y ferez la moisson, vous apporterez un ômer des prémices de votre moisson au pontife,
Lequel balancera cet ômer devant le Seigneur, pour vous le rendre propice; c'est le lendemain du chabbat que le prêtre (cohen) le balancera. (Vayikrâ chap.23, vers. 10&11)
Voilà que la Torah nous invite à offrir un sacrifice, le ômer, composé des prémices de la moisson ; nous savons que cette offrande sera apportée le lendemain du shabbat tel que le texte nous indique.
La question qui s’ensuit alors est de quel shabbat parle-t-on ? Ce jour saint revient chaque semaine durant l’année, l’indication temporelle de cette offrande demeure donc imprécise selon l’écrit de la Torah. Ou alors peut on justement déduire faute de précision supplémentaire que tous les lendemains de shabbat sont propices, valides pour cette offrande et ce sans exception?
Voyons tout d’abord l’explication de Rachi sur ce même verset :
מִמָּחֳרַת יוֹם טוֹב הָרִאשׁוֹן שֶׁל פֶּסַח שֶׁאִם אַתָּה אוֹמֵר שַׁבַּת בְּרֵאשִׁית אִי אַתָּה יוֹדֵעַ אֵיזֶהוּ
Dès le lendemain du premier jour de fête de Pessa‘h. Car si tu disais qu’il s’agit du lendemain du shabbat de la création (hebdomadaire), tu ne saurais pas duquel (Mena‘hoth 66a)
Rachi ramène pour nous éclairer la conclusion d’une discussion du Talmud dans laquelle les sages démontrent preuves à l’appui que le shabbat auquel nous faisons ici allusion est le lendemain du premier jour de fête de Pessa’h et non le shabbat hebdomadaire.
Le Ramban va (cette fois-ci) appuyer et développer le commentaire de Rachi.
Et il va démontrer que cette explication des sages est la seule qui puisse donner un sens aux textes ;
- sans elle, nous ne saurions absolument pas à quel instant précis de l’année offrir le sacrifice du ômer.
- Nous ne connaîtrions pas non plus la date exacte de la fête de chavouot ! en effet la Torah emploie la même expression plus loin verset 15 :
« Puis vous compterez chacun depuis le lendemain du shabbat depuis le jour où vous aurez offert le ômer du balancement sept semaines qui seront entières »
Ce verset qui fixe le compte du ômer et donc la fête de chavouot qui se place à son terme, comporte la même imprécision puisqu’il définit le début des sept semaines après le shabbat du ômer…
Il faut donc reconnaître que la Torah écrite fait ici corps complètement avec la tradition orale, et sans elle, nous ne saurions comprendre ce passage.
Le Even Ezra (Rabbi Abraham ben Rabbi Mehir ben Ezra) fait remarquer dans son commentaire que la fête de chavouot est donc la seule fête qui n’a pas son jour indiquée de manière précise par la Torah. C’est pourtant un jour central du calendrier juif qui célèbre le don de la Torah au mont Sinaï. Afin de connaître sa date nous sommes donc tenus chaque année de compter le ômer durant sept semaines entières, et ce même compte s’appuie sur la lecture et les indications de la tradition orale comme nous l’avons expliqué et démontré précédemment.
Il y a donc là aussi un enseignement essentiel pour tout juif :
L’acceptation du don de la Torah ne peut se faire sans avoir reçu préalablement nos maîtres comme guides et enseignants afin de pouvoir percevoir le sens de la parole du Créateur
« Moïse reçut la Torah au Sinaï et la transmit à Josué ; Josué la transmit aux Anciens, les Anciens aux Prophètes et les Prophètes la transmirent aux Hommes de la Grande Assemblée. » ( perkei avot Chap I, michna I)
Shmouel Philippe Choucroun
-
l'art de transgresser en toute impunité
- Le 13/05/2019
- Dans Parasha
Parashat Kedoshim – l’art de transgresser en toute impunité
L’injonction qui entame la parashat kedoshim a occupé tous les exégètes. « Soyez saints » nous ordonne le verset ; mais la question immédiate est « en quoi cela consiste-t-il ? »
La position de Nachmanide sur le sujet fait partie des morceaux d’anthologie de son commentaire sur la Torah.
Si les lois permettent un cadre, nous explique-t-il, elles ne peuvent sauver personne d’être perverti ou immoral dans le cadre même de la loi. Les exemples donnés pour étayer son propos sont nombreux : si la kashrout limite les écarts elle ne vaccine personne contre les excès… Si les lois maritales ou de pureté familiale limitent des débordements, rien n’empêche réellement un homme de vivre dans l’excès et la luxure tout en restant dans les cadres que la alah’a permet…
La Torah serait-elle impuissante face au problème évoqué ? Les perversions décrites par Nachmanide seraient elles donc autant de failles dans un système qui se veut garant de la moralité ? La Torah proposerait elle un code dans lequel il est facile d’être נבל ברשות התורה, « pervers dans cadre de la loi » ?
Là, nous dit Nachmanide, intervient l’injonction « soyez saints ». Effectivement, nous dit-il, 613 mitsvot ne peuvent garantir de manière absolue une vie saine (ou sainte ?). 613 mitsvot sont presque autant de lois qu’une personne le souhaitant, peut transgresser en toute impunité. Rien de plus simple que de garder la lettre et transgresser l’esprit ! Une mitsva par contre, nous dit Nachmanide, ne peut être transgressée de manière perverse. Celle d’être saint… Y trouver la faille serait de facto sa transgression – point de lettre sans esprit dans cette injonction…
Avant de continuer, nous devons quelque peu « cadrer » ce commentaire. Nachmanide ne parle aucunement ici de problème pénal. Que des gens malhonnêtes deviennent maitres dans l’art de voler ou truander sans risquer de punition est une faille de tous les systèmes. Le Ran dans une de ses celebres drashot a déjà évoqué ce problème en expliquant que le din-meleh’ – la loi du Roi – permettait au Roi ou à l’instance judiciaire de punir « au-delà » de la stricte loi Toranique pour combler ce manque.
Le sujet du commentaire de Nah’manide est autre – il se situe au niveau de la morale. La Torah définit un système qui semble, de prime abord, ne pas réussir à encadrer de manière parfaite la moralité des mœurs … Cette absence de cadre est en fait, selon Nahmanide, renvoyée à l’homme meme à travers l’injonction de kedoshim-tiyou - soyez saints-
Il est intéressant de citer à ce propos l’opinion de Maimonide. Dans le Sefer Hamitsvot[1], Maimonide commente le verset de notre parasha. Pour ce dernier, il n’existe aucun commandement spécifique d’être saint ! L’injonction « soyez saints » n’est autre qu’une invitation à … accomplir les 613 mitsvot ! En effet, selon Maimonide, les mitsvot sont en soi un système équilibrant de manière parfaite l’homme. Qu’en est-il des écarts craints par Nahmanide ? Selon le Rambam, ils n’existent pas – il ne peut y avoir d’excès lorsque l’on accomplit à la lettre les commandements ; et la juste mesure que recherche tant Nachmanide n’est autre que la mesure obtenue par l’accomplissement méticuleux des commandements… Cette opinion est largement développée dans le quatrième chapitre de son Shmona-prakim…
Le risque décrit par Nachmanide est patent. Le système tel que décrit par Maimonide est quant à lui, tentant! L’homme n’y risque des excès d’ascèse tant condamnés par Maimonide…
En tout état de cause, une telle mah’loket entre deux « grands parmi les grands » nous force à nous poser à nous même la question : la lettre des mitsvot suffit elle à définir de manière parfaite l’esprit de ces mitsvot, ou l’homme doit il inférer cet esprit et … en prendre acte…
Benjamin Sznajder
[1] Hashoresh Harevi’i
-
Aharé Mot : le bouc et le deuil
- Le 03/05/2019
PROJET RAMBAN* SUR LA PARACHA
A'haré Mot : Le bouc et le deuil
Comment comprendre le rituel du bouc-émissaire énoncé au début de Aharé-Mot ?
C’est-à-dire comment le lire en l’inscrivant au cœur même du texte de la paracha ?
La lecture de Rambam évoque bien le sens du rituel, mais détaché des versets : le texte y est pré-texte à un hors-texte. Pour lui, « tous ces actes ne sont que des symboles destinés à faire impression sur l’âme, afin que cette impression mène à la pénitence ; on veut dire : nous sommes débarrassés du fardeau de toutes nos actions précédentes, que nous avons jetées derrière nous et lancées à une grande distance.[1] »
Or, un verset du rituel ne manque pas d’interroger : « Et Aaron jettera les sorts sur les deux boucs : un sort pour Dieu et un sort pour Azazel.[2] » La glose de Rachi n’arrange rien. Reprenant le traité Yoma[3], elle indique qu’Aaron plaçait un bouc à sa droite et un autre à sa gauche. Il mettait ensuite ses deux mains dans une urne dans laquelle se trouvaient deux éléments : sur l’un était écrit « Pour Dieu », sur l’autre, « Pour Azazel ». Le bouc que le sort avait désigné « Pour Dieu » était sacrifié en expiatoire, tandis que celui « Pour Azazel » était envoyé dans le désert. A suivre Rachi, seul le sort a départagé ce qui échoit à Dieu et ce qui est pour Azazel. La part de l’un aurait pu revenir à l’autre, et réciproquement !
Dans le dispositif du verset et de la glose de Rachi, il y a donc une structure qui risque d’identifier la valeur de Dieu à celle d’Azazel : il y a des choses « pour » Dieu – des choses pour son culte – et d’autres choses « pour » Azazel, comme si Azazel recevait un culte à l’égal de Dieu[4].
Bien que complexe et touffu, le commentaire de Ramban ne fuit pas le problème et décrit le bouc-émissaire d’Azazel sous quatre aspects : l’être d’Azazel, la substance du rituel, la raison d’être du rituel, le milieu d’Azazel.
Azazel était une falaise escarpée dans une région désolée[5], du haut de laquelle le bouc était précipité. Quand bien même le bouc envoyé à Azazel avait-il été désigné par le sort « pour Azazel », il demeurait néanmoins fondamentalement « pour » Dieu[6]. Dieu ordonnant ce rituel, il n’y a pas de mise en balance possible entre Lui et Azazel : Azazel n’est pas l’autre de Dieu. Non ! Pour Ramban, Azazel est l’autre de l’humain, la force accusatrice qui lui rappelle les fautes commises et que le rituel du bouc-émissaire vient « abuser »[7]. Ces fautes ont façonné un paysage très imagé, explicitement lié par Ramban à la symbolique astronomique de la planète Mars : épée, sang, querelle, plaie, coups, séparation[8] – mots qui disent la mort.
C’est ce paysage qui rapproche ce rituel du contexte de notre paracha. Aharé mot chené bené Aaron : après la mort des deux fils d’Aaron…
Pour ceux qui marchent encore parmi les vivants, il faut bien se résoudre à continuer de vivre, quand bien même la perte d’un proche scinde l’histoire personnelle en deux, au point qu’il y aura désormais un avant et un après. Et pour Aaaron, qui vient de perdre ses fils Nadav et Avihou, morts de s’être approchés trop près de Dieu, nous en sommes à l’après… « Aharé Mot Chné Bené Aaron ».
On répète aux endeuillés que leur consolation ne proviendra que de Dieu. Mais nul n’oserait parler de consolation ou de Dieu à un affligé, c’est-à-dire lorsque son mort est encore devant lui, pas encore enterré. Car, comme le rappelle Ramban dans son commentaire du premier verset de la paracha, nulle inspiration divine n’est possible au sein de la tristesse[9].
Mais là, les deux fils d’Aaron ont été enterrés. Nous sommes après leur mort et Aaron peut commencer à faire son deuil. La question qui lui est posée est terrible de simplicité : y aura-t-il une vie après cette mort ? Un enfant assure la continuité de l’espèce après la mort de ses parents. Mais lorsqu’e l’enfant meurt avant sans parents et que l’hiver vient, les parents vivent dans un paysage désolé, desséché, comme Azazel. La fosse qui accueilli le corps de son enfant est précipice, comme Azazel, et la mauvaise conscience ronge, comme Samael à Yom Kippour. Une part d’Aaron est ce bouc pour Azazel : il ne peut être sacrifié, mais il doit mourir. En d’autres termes, le deuil a renvoyé Aaron à sa nudité, sa vie nue[10].
Ainsi, en ordonnant à Aaron d’exécuter ce rituel, Dieu préside à sa consolation. Car ce rituel est la mise en scène de son deuil, sa performance cathartique dans la sainteté. C’est pourquoi le bouc d’Azazel n’est pas égorgé par Aaron mais envoyé loin de lui : pour le renvoyer à son impuissance face à son deuil. Par la chute du bouc, Aaron pourra se relever.
Ainsi en est-il de tout deuil. La mauvaise conscience est traversée, l’humeur noire dissipée, à condition d’accepter de chuter. C’est pourquoi aussitôt le rituel du bouc-émissaire accompli, il est enfin enjoint à Aaron de se purifier.
Jonathan Aleksandrowicz
* Moché ben Na'hman (Na'hmanide), Gérone 1194- Acre 1270
Texte original : Cf. notes
[1] Maïmonide, Guide des égarés, IIIe partie, chapitre 46, traduction Salomon Munk
[2] Lévitique, chapitre 16, verset 8.
[3] מַעֲמִיד אֶחָד לְיָמִין וְאֶחָד לִשְׂמֹאל, וְנוֹתֵן שְׁתֵּי יָדָיו בַּקַּלְפִּי, וְנוֹטֵל גּוֹרָל בְּיָמִין וַחֲבֵרוֹ בִּשְׂמֹאל וְנוֹתֵן עֲלֵיהֶם, אֶת שֶׁכָּתוּב בּוֹ "לַשֵּׁם" הוּא לַשֵּׁם, וְאֶת שֶׁכָּתוּב בּוֹ "לַעֲזָאזֵל" מִשְׁתַּלֵּחַ לַעֲזָאזֵל
[4] Cette structure ressemble à s’y méprendre à celle du désir mimétique théorisé par René Girard dans La violence et le sacré.
[5] הר גבוה צוק קשה
[6] ור"א כתב אמר רב שמואל אע"פ שכתוב בשעיר החטאת שהוא לשם גם השעיר המשתלח הוא לשם
[7] Dans le commentaire, Azazel est rapproché de Samael, ange-accusateur d’Israël à Yom Kippour. Porteur des fautes d’Israël, le bouc-émissaire permet d’expier celles-ci, servant littéralement de pot-de-vin pour infléchir l’accusateur : לפיכך היו נותנין לו לסמאל שוחד ביום הכפורים שלא לבטל את קרבנם שנאמר גורל אחד לה' וגורל אחד לעזאזל גורלו של הקב"ה לקרבן עולה וגורלו של עזאזל שעיר החטאת וכל עונותיהם של ישראל
[8] כי הוא העילה לכוכבי החרב והדמים והמלחמות והמריבות והפצעים והמכות והפירוד והחרבן והכלל נפש לגלגל מאדים וחלקו מן האומות הוא עשו שהוא עם היורש החרב והמלחמות ומן הבהמות השעירים והעזים ובחלקו עוד השדים הנקראים מזיקין
[9] כי בו ביום אונן היה ואין רוח הקודש שורה מתוך עצבות
[10] Sans doute y aurait-il profit à rapprocher le bouc pour Azazel de la théorie de l’Homo sacer développée par Giorgio Agamben.
-
Projet Ramban - Metsora
- Le 09/04/2019
PROJET RAMBAN* SUR LA PARACHA
Metsora : une leçon d’ornithologie
La paracha Metsora commence par évoquer la lèpre qui touche les personnes qui ont pratiqué la médisance.
Le verset 14, 4 décrit le processus de purification de la personne touchée :
וְצִוָּה֙ הַכֹּהֵ֔ן וְלָקַ֧ח לַמִּטַּהֵ֛ר שְׁתֵּֽי־צִפֳּרִ֥ים חַיּ֖וֹת טְהֹר֑וֹת וְעֵ֣ץ אֶ֔רֶז וּשְׁנִ֥י תוֹלַ֖עַת וְאֵזֹֽב
"Et sur l'ordre du prêtre, on apportera pour l'homme à purifier, deux oiseaux vivants, purs".
A première lecture, le verset ne semble pas présenter de difficulté.
Et pourtant, le mot ציפור que l’on traduit par oiseau, même en hébreu moderne, pose un problème.
Ramban le dit lui-même, il y a une מחלוקת.
Dans la Torah, on trouve deux mots pour désigner les oiseaux :
עוף (34 fois dans la Torah) qui désigne, de manière non spécifique, tous les oiseaux, qu’ils soient cacher ou non.
Et ציפור, (14 fois dans la Torah) qui pour les uns (comme Hizkouni) désigne spécifiquement les oiseaux cacher et, pour les autres, désignent les oiseaux en général (comme Ibn Ezra).
De quel oiseau s’agit-il donc ici ?
Rachi explique qu’il s’agit d’un « oiseau pur qui babille ».
Il cite pour cela une source midrachique :
« [Le mot "pur" dans le verset signifie] : à l'exclusion d'un oiseau impur. Dans la mesure où les affections proviennent de la médisance, qui constitue du bavardage, [la Torah] exige pour la purification [de la personne atteinte par le lèpre] des oiseaux qui passent leur temps à caqueter en babillant (ציפצוף ) »[1].
L’utilisation de la référence midrachique est expliquée de la manière suivante par le Dr A. Bonchek[2] :
Pour Rachi, ציפור est forcément un oiseau cacher. Alors, pourquoi préciser que c’est un oiseau (ציפור) pur (cacher), il y a redondance. C’est pourquoi l’introduction de l’explication lié au babillement vient justifier la redondante. Il devrait y avoir écrit עוף suivi de טהור. Mais ici le mot עוף est remplacé par ציפור pour signifier que par son babillement, il rachète un faute liée à la parole.
Curieusement Ramban ne lit pas l’explication de Rachi de la même manière que Dr A. Bonchek. Selon lui, Rachi comprends ציפור comme un mot non spécifique.
A quoi correspond alors cette idée de babillage se demande-t-il ?
Dans le mesure où il [Rachi] dit : « [Le mot "pur" dans le verset signifie] : à l'exclusion d'un oiseau impur », cela nous apprend que le terme « oiseau » ne désigne pas une espèce [nécessairement] pure, mais qu'il s'agit plutôt d'un terme général qui inclut tous les oiseaux.
Si cela est le cas, quelle est la signification du « babillement » auquel il est fait référence ? De fait, il existe de nombreux oiseaux dont « le bec ne s'ouvre pas, ni ne jacassent ». (…)[3]
Selon moi [continue Ramban], [l'interprétation] correcte est celle selon laquelle le terme « ציפור» est un terme générique pour les volatiles de petite taille qui se réveillent tôt le matin afin de piailler et de jacasser. Il est dérivé [du terme] araméen « tsafra ». Ainsi, [l'expression] : « qu'il rebrousse chemin » (Juges 7:3) signifie « qu'il se lève tôt le matin ».
[L'expression] : « l'oiseau (ציפור) du ciel » (Psaumes 8:9) fait référence [à ces oiseaux] car le plus souvent, ils volent dans les airs à une altitude élevée. (…)[4]
Et le fait de pouvoir voler est important car sur les deux oiseaux un seul est sacrifié et le second est renvoyé au loin.
Mais alors doit il babiller ? « Oui, dit Ramban, car tous les petits oiseaux qui volent librement babillent ».
Derrière cette discussion « ornithologique » on retiendra la symbolique exprimée aussi bien par Rachi que par Ramban.
Les oiseaux sont choisis parce qu’ils rappellent exactement la faute qui a été commise.
Les oiseaux « babillent » rappelant cette parole incessante et médisante
Les oiseaux « s’envolent » comme la parole médisante qui est colportée. Et, à ce titre, on renvoie l’oiseau au loin dans un geste similaire au bouc expiatoire envoyé à Azazel (Ramban lui-même fait le rapprochement).
* Moché ben Na'hman (Na'hmanide), Gérone 1194- Acre 1270
Texte original :
רמב"ן ויקרא פרק יד פסוק ד
(ד) חיות - פרט לטרפות. טהורות - פרט לעוף טמא. לפי שהנגעים באים על לשון הרע שהוא מעשה פטיט לפיכך הוצרכו בטהרתו צפרים שמפטפטין תמיד בצפצוף קול, לשון רש"י. ומפני שאמר "טהורות, פרט לעוף טמא", נלמד שאין הצפרים מין טהור ידוע אבל הוא שם כולל כל העופות, אם כן מהו הפטפוט הזה שמצאו להם, כי עופות רבים אין בהם פוצה פה ומצפצף. ועוד כי מדרש "חיות, פרט לטרפות", יבא במחלוקת, ולמאן דאמר טרפה חיה אינו כן. ובתורת כהנים (פרשה א יב) חיות, לא שחוטות, טהורות, לא טמאות, טהורות, לא טרפות:
ובעלי הפשט אומרים כי כל עוף יקרא צפור, ממה שאמר צפור שמים ודגי הים (תהלים ח ט), כל צפור כל כנף (בראשית ז יד), בן אדם אמור לצפור כל כנף (יחזקאל לט יז), וכן ואת הצפור לא בתר (בראשית טו י) על תורים ובני יונה:
והנכון בעיני, ששם צפור כלל לעופות הקטנים המשכימים בבקר לצפצף ולשורר, מלשון ארמית צפרא, וכן ישוב ויצפור (שופטים ז ג), ישכים בבקר. אמר "צפור שמים" עליהם, כי הם לרובם יגביהו לעוף בשמים "וכל צפור כל כנף", שני מינין, כל הקטנים וכל הגדולים. כי יקרא קן צפור לפניך (דברים כב ו), הם הקטנים שהן רבים, שאפילו בקטניהם יחוס. וכן אשר שם צפרים יקננו (תהלים קד יז), כי הם השוכנים בענפי ארזי הלבנון. אמור לצפור כל כנף, שיתאספו אפילו הקטנים עליהם, כי הטורפים יבאו מעצמם. וכן התשחק בו כצפור ותקשרנו לנערותיך (איוב מ כט), כי דרך הנערים לשחק בעוף הקטן. ולשון חכמים כך הוא, כל שיש בידו מקל או צפור (עבודה זרה מ ב), האורג משער הנזיר כמלא הסיט בבגד בצפרתא (תמורה לד א), ואמרו צפורת כרמים (שבת צ ב), ואמרו בשר צפרים מחזירין החולה לחליו (ברכות נז ב):
ואמר בכתוב (דברים יד יא) כל צפור טהורה תאכלו, על המינין הרבים ההם, ונתרבה של מצורע "מכל", ואמר (שם פסוק יב) וזה אשר לא תאכלו מהם, כאומר ואלה אשר לא תאכלו מבשרם. ולכך דרשו "טהורות, לא טמאות". ומכל מקום כלם בעלי פטפוט הם. וכן גם כן גם צפור מצאה בית ודרור קן לה (תהלים פד ד), כך נראה, שאינו שם כולל העופות כולם. וכן אשר שם צפרים יקננו חסידה ברושים ביתה:
והנראה מדברי רבותינו, שכל עופות טהורים נקראים צפור, אבל מצותו של מצורע בצפרי דרור, דתניא בת"כ (פרק ח יד) ושלח את הצפור החיה אל מחוץ לעיר אל פני השדה (להלן פסוק נג), רבי יוסי הגלילי אומר צפור שחיה חוץ לכל עיר, ואי זו זה דרור. ומן המדרש הזה הזכירו הפטפוט. ויתכן שאינו אלא למצוה, ודיעבד כלם כשרין בו, ולפיכך הוצרכו בת"כ למעט טמאות. וכן שנינו במשנה מסכת נגעים (פי"ד מ"א) ומביא שתי צפרים דרור. ושנו עוד שם (משנה ה) שתי צפרים מצותן שיהיו שוות במראה בקומה ובדמים ולקיחתן כאחת, אף על פי שאינן שוות כשרות, שחט אחת מהן ונמצאת שלא דרור יקח זוג לשניה. והטעם בזה, שאף על פי שבדיעבד כלן כשרות, כשהן שני מינים פסולות:
ובפרק אלו טרפות (חולין סב א) אמרו עוף המסרט כשר לטהר בו את המצורע, וזו היא סנונית לבנה שנחלקו בה רבי אליעזר וחכמים. ומכאן שאין צפרי המצורע מין אחד בלבד, ושאין מטהרין בכל עוף טהור, אבל מצותו בכל עוף דרור, כלומר שדרה בבית כבשדה, ולפיכך אמרו בסנונית דכיון שהיא טהורה לדעת חכמים כשרה לטהר בה שהיא בכלל דרור. ומכל מקום כל הטהורין כשרים בדיעבד, שכלן בכלל שתי צפרים טהורות:
ושנו בסיפרי (ראה קג) אמר רבי יאשיה כל מקום שנאמר צפור בטהורה הכתוב מדבר, ואמר רבי יצחק עוף טהור נקרא עוף ונקרא צפור, וטמא לא נקרא אלא עוף, וכך הזכירו בגמרא בפרק שלוח הקן (חולין קלט ב). ושם העלו, כי "חיות" שחיין ראשי אברים שלהם, למעוטי מחוסרות אבר, וכן הטרפות פסולות בהן, ודרשו "טהורות" למעט אסורות, כגון צפרי עיר הנדחת ועוף שהרג את הנפש, והחליפן בע"ז. ומדרשם זה שם מן הלשון עצמו שאין צפור אלא עוף טהור, ומשמע מכאן שכל עוף טהור בכלל צפור:
וראיתי עוד בירושלמי במסכת נזיר (פ"א ה"א) שאמרו וכי נזיר טמא צפרים הוא מביא תורים ובני יונה הוא מביא, אית תניי תני כל עוף טהור קרוי צפרים, אית תניי תני כל העופות בין טמא ובין טהור קרוי צפרים. והנה נשאר בידינו ממנו מחלוקת. ומכל מקום יתכן שיהיה השם בקטנים בלבד, ובגמרא כך הוא נראה, ממה שאמרו במסכת סוטה (טז ב) הבא מים שדם צפור נכר בהם וכמה הם רביעית, ושאלו, גדולה שדוחה את המים קטנה ונדחת מפני המים מהו, ופירשו, כל שיעורי חכמים כך הם, בצפור דרור שערו חכמים אין לך גדולה שדוחה את המים ואין לך קטנה שנדחית מפני המים. ואלו היה כל עוף טהור כשר בו, היה מהם מי שדמו דוחה כמה לוגין. ואולי אמרו כן בצפור דרור שהוא מצוה לכתחלה ממדרשו של ר' יוסי הגלילי. וכבר הזכירו בגמרא (שבועות כט א), ודילמא צפורא רבא חזא ואסיק שמיה גמל:
והנכון שיעלה מכל זה הוא, שנאמר שכל צפור שאינו דרור פסול אפילו בדיעבד מן המדרש הזה, שלא שנו במשנתנו מצותן שיהו דרור אף על פי שאינן דרור כשרות, כמו ששנינו בשוות. וכל הדרורים בעלי פטפוט הם. ומה שאמרו בת"כ "לא טמאות", מפני שיש אף בטמאין מינין שהם דרור כגון הסנונית לרבי אליעזר. או יהיה פירושו, למעט טמאות לך, שהן האסורות והטרפות כמו שהעלו בגמרא בפרק שלוח הקן (חולין קמ א), וזהו ההגון בעיני:
ובהגדה דרבה (ויקרא רבה טז ז) אמר רבי יהודה ברבי סימון אילין צפריא קולנין, זה האומר לשון הרע, אמר הקדוש ברוך הוא יבא קול ויכפר על קול. ור' יהושע בן לוי אמר, צפרים צפרי דרור שאכלה מפתו ושתת מן מימיו, והלא דברים קל וחומר וכו':
[1]טהורות – פרט לעוף טמא, לפי שהנגעים באים על לשון הרע, שהוא מעשה פטיט, פיטפוטי דברים, לפיכך הוזקקו לצפרים לטהרתו, צפרים שמפטפטין תמיד בציפצוף קול.
[2] DR. A. Bonchek, Ce qui dérange Rachi, édition Gallia, p. 149-152
[3] ומפני שאמר: טהורות – פרט לעוף טמא, נלמד שאין הצפרים מין טהור ידוע, אבל הוא שם כולל כל העופות. אם כן, מהו הפטפוט הזה שמצאו להם, כי עופות רבים אין בהם פוצה פה ומצפצף. ועוד כי מדרש: חיות – פרט לטרפות, יבא במחלוקת, ולמאן דאמר טרפה חיה אינו כן.
ובתורת כהנים (ספרא ויקרא י"ד:ד'): חיות – לא שחוטות, טהורות – לא טמאות, טהורות – לא טרפות.
[4] והנכון בעיני: ששם צפור כלל לעופות הקטנים המשכימים בבקר לצפצף ולשורר, מלשון ארמית: צפרא. וכן: ישוב ויצפור (שופטים ז':ג') – ישכים בבקר. אמר: צפור שמים (תהלים ח':ט') עליהם כי הם לרובם יגביהו לעוף בשמים.
-
Projet Ramban : Tazria
- Le 05/04/2019
PROJET RAMBAN* SUR LA PARACHA
Ramban continuateur de Rabbi Yéhouda Halévy.
Sur la tsaraat.
Quant à la nature des plaies –tsaraat- dont il est question dans la Torah, deux écoles d’interprétation s’affrontent : ces plaies sont-elles ‘naturelles’[i] ou ‘miraculeuses’[ii] ? Les deux écoles semblent admettre que toute maladie est liée à une faute. C’est pourquoi la disparition de ces plaies donne lieu à des sacrifices. Comment alors comprendre ce débat ?
Comme personne ne sait tout à fait identifier ce que sont ces plaies, la voie interprétative est libre : selon son idéologie on pourra prendre telle option. Ramban[iii] opte pour un caractère miraculeux de ces plaies. Pour cela il se fait l’élève de Rabbi Yéhouda Halévy dont il reprend –presque mot à mot[iv] le commentaire, mais sans le citer-. Il affirme que les plaies sont liées à un retrait[v] de la présence divine. Ce retrait laisse une trace sous forme de tache. Indiquant à la personne qui s’estimerait innocente, la nécessité de faire un bilan personnel.
Pourtant Ramban va apporter une nuance à cette démarche : en tant qu’au prise avec le texte et s’adressant des lettrés juifs, il ne peut se contenter de généralité sur « la religion méprisée ». Les ‘plaies des maisons’ sont introduites ainsi : ‘et Je mettrai une plaie dans la terre de votre héritage’[vi] ; le Ramban y voit que les plaies sont dirigées par Quelqu’un pour quelqu’un ; il s’agit donc d’un message adressé. Or c’est seulement en Israël qu’une telle modalité est possible : c’est seulement en Terre sainte que le manque de moralité se traduit par un effet concret. Dans d’autres territoires, une telle plaie n’existe tout simplement pas. Dans les autres pays, Dieu n’est pas assez présent pour que son absence soit signée d’une marque. Comme le dit le Kouzari les plaies sur « les vêtements et les maisons sont une des manifestations de la présence divine ». Et pour le Ramban, cette manifestation ne peut se produire que dans la terre élue : Rabbi Yéhouda Halévy ne récuserait pas cette interprétation. Ainsi lorsqu’un texte[vii] indique que « les plaies des maisons ne peuvent être considérées comme source d’impureté si elles se produisent durant la phase de conquête de la terre », il ne s’agit pas d’une loi, mais bien d’un fait : « il n’est pas possible que des plaies surgissent à ce moment, car l’esprit des hommes n’est pas disponible au divin pour permettre sa Présence ». Cette langue n’est pas courante, la plupart du temps, les versets sont interprétés d’une façon juridique et non factuelle.
Fort de cette remarque, Ramban est prêt à dire (malgré l’absence de preuve textuelle directe) qu’il faut étendre cette réflexion aux plaies des vêtements comme l’affirmait le Kouzari. En effet, nul verset ne permet d’affirmer que les plaies des vêtements ne se sont jamais produites qu’en terre d’Israël ; mais le simple fait de passer sous silence la localisation géographique des plaies des vêtements suffit à notre auteur pour prétendre qu’elles n’eurent effectivement lieu qu’en terre sainte ; la langue du verset est factuelle, or le fait est que jamais il ne s’est présenté de plaie des vêtements hors d’Israël, donc pas besoin d’en parler. Pourtant le verset insiste pour les plaies des maisons sur le fait qu’elle ne peut se produire que dans la ‘terre de votre héritage’, alors pourquoi ne pas user du même procédé pour les plaies des vêtements ? Notre auteur remarque une insistance dans la description des plaies des vêtements : « le vêtement, ou la peau qui aurait dans sa trame ou sa chaine une plaie »[viii] est répétée plusieurs fois, comme s’il fallait insister pour bien marquer les esprits d’une telle possibilité. Ainsi le géronais va prêter main forte à Rabbi Yéhouda Halévy avec toutes les ressources possibles du texte.
La connaissance des lois des plaies s’identifie ainsi à distinguer ce qui relève de la maladie et ce qui relève d’un message adressé. Diagnostiquer une « plaie », c’est renvoyer l’homme à son for intérieur, sans échappatoire. Si l’on suit l’opinion que les plaies peuvent aussi exister en tant que simples maladies, une échappatoire est laissée à l’homme qui peut se dire « ce n’est rien », maintenant ainsi toujours ouvert le choix de ne pas écouter le message. Par contre, si comme Ramban, on admet qu’il s’agit d’un miracle, cela suppose un interventionnisme explicite du divin dans le monde des hommes. Et devant cette conséquence, le géronais ne reculera pas : il dira la même chose concernant la femme ‘sota’. Pour autant cette immixtion du divin dans le monde humain, compris comme un privilège, ne sera pas perçue comme une violation du territoire humain que si l’homme est prédisposé à une telle grandeur : en Israël, une fois réglée la question territoriale.
Franck Benhamou
[i] Ibn Ezra, Guersonide, Abravanel.
[ii] Maïmonide, Rabbi Yéhouda Halévy, et plus tard Sforno.
[iii] Voir commentaire sur Vayikra 13.47 et 13.52. Nous commentons surtout le premier passage.
[iv] Voir Le Kuzari 2.62, mais aussi 2.58, p.75 de l’édition Verdier.
[v] Il emploie le mot ‘contraction’ de la présence, mot qui n’est pas rapporté par Ramban.
[vi] Vayikra 14.34.
[vii] Torat Cohanim Métsora 5.3.
[viii] 13.47 ; 13.51 ;13.53 ; 13.56 et 13.58.
רמב"ן ויקרא פרק יג (מז)
והבגד כי יהיה בו נגע צרעת - זה איננו בטבע כלל ולא הווה בעולם, וכן נגעי הבתים, אבל בהיות ישראל שלמים לה' יהיה רוח השם עליהם תמיד להעמיד גופם ובגדיהם ובתיהם במראה טוב, וכאשר יקרה באחד מהם חטא ועון יתהוה כיעור בבשרו או בבגדו או בביתו, להראות כי השם סר מעליו. ולכך אמר הכתוב (להלן יד לד) ונתתי נגע צרעת בבית ארץ אחוזתכם, כי היא מכת השם בבית ההוא. והנה איננו נוהג אלא בארץ שהיא נחלת ה', כמו שאמר (שם) כי תבאו אל ארץ כנען אשר אני נותן לכם לאחוזה, ואין הדבר מפני היותו חובת קרקע, אבל מפני שלא יבא הענין ההוא אלא בארץ הנבחרת אשר השם הנכבד שוכן בתוכה:
ובתורת כהנים (מצורע פרשה ה ג) דרשו עוד, שאין הבית מטמא אלא אחר כבוש וחלוק, ושיהא כל אחד ואחד מכיר את שלו. והטעם, כי אז נתישבה דעתם עליהם לדעת את ה' ותשרה שכינה בתוכם. וכן אני חושב בנגעי הבגדים שלא ינהגו אלא בארץ, ולא הוצרך למעט מהן חוצה לארץ כי לא יארעו שם לעולם. ומפני זה עוד אינם נוהגים אלא בבגדים לבנים לא בצבועים, כי אולי הצבע הוציא הכיעור ההוא במקום ההוא כטבעו ולא אצבע אלהים היא, ולפיכך הצבועים בידי שמים מטמאין כדברי רבי שמעון (נגעים פי"א מ"ג):
ועל דרך הפשט, מפני זה יחזירו הכתוב בכל פסוק ופסוק "הבגד או העור או השתי והערב", כי הדבר נס. ולרבותינו בהם מדרשים וכולם בתורת כהנים:
רמב"ן ויקרא פרק יד (לד) אמר הכתוב בנגעי הבתים ונתתי נגע צרעת - לרמוז כי יד ה' תעשה זאת, לא טבע כלל, כמו שפירשתי (לעיל יג מז):
-
Shémini : les sacrifices et le veau d'or
- Le 29/03/2019
PROJET RAMBAN* SUR LA PARACHA
Les sacrifices et le veau d’or
Il est communément accepté – et à juste titre – que Nahmanide et Maimonide s’opposent sur le sens des sacrifices; il est habituellement dit que ce dernier considère les sacrifices comme une concession faite aux cultes idolâtres environnants, tandis que Nahmanide y voit un a priori, un idéal.
Dans le commentaire de notre parasha, cette dichotomie trop simple est quelque peu secouée. De par le choix que Nachmanide fait de certains midrashim, et plus encore, par l’exégèse qu’il en donne, une image plus complexe en ressort.
Le verset IX,7-8 décrit Moshe appelant Aaron à faire les sacrifices sur l’autel. Sur ce verset, Nachmanide cite un Midrash étonnant : Aaron n’osait s’approcher de l’autel ; celui-ci lui apparaissait comme un taureau[1]. Voyant son frère hésiter, Moshe l’engagea à avancer : « Je sais ce dont tu as peur, mais ne crains rien et accomplis les sacrifices demandés »
L’image du taureau est éloquente et Nachmanide nomme clairement le problème : Aaron est hanté par « la » faute de sa vie – avoir été complice (ou peut être même plus) de la faute du veau d’or.
Cette faute qui hante l’esprit d’Aaron l’empêche de s’atteler à la tâche des sacrifices. Pourquoi ? La première explication donnée par le Ramban est générale : Aaron ne se sent pas à la hauteur d’un tel honneur – la culpabilité le poursuit et il ne se voit pas être le prêtre envoyé par les enfants d’Israël… Premiere explication…
Mais y aurait-il un lien entre le veau d’or et les sacrifices ? La tentation d’en voir est grande et le Ramban le dit même dans sa seconde explication.
« Et certains commentent » , commence-t-il, « que le Satan lui-même faisait apparaitre ce taureau à Aaron ». Cela ne serait plus une simple culpabilité, un sentiment de ne pas être à la hauteur. Mais, une autre crainte hante Aaron : ce qu’on demande de lui ressemble étrangement à ce qu’il regrette – la faute du veau d’or, la faute de l’idolâtrie !
Le Ramban continue : voyant son frère hésiter, Moshe lui dit « à toi de nourrir le Satan, de peur qu’il te fasse trébucher » . Que veut dire le Ramban en parlant de nourrir le Satan (ou peut être lui remplir la bouche pour le faire taire ?) . Il semble qu’il fait ici allusion à un des passages bien mystérieux de son commentaire – les fameux seirim, démons qui habitent le désert, et qui portent le même nom que le seir, le bouc que l’on sacrifie au Azazel le jour de Kippour[2].
Laissons de cote cette dernière phrase, clairement trop ésotérique pour nous, et reprenons ce second commentaire… Ce que le Ramban nous dit, c’est qu’il y a une crainte qui nous habitent lorsque nous appréhendons les sacrifices : cela rappelle à Aaron le veau d’or et, nous, cela nous crée un certain malaise dû à une trop grande analogie avec l’idolâtrie.
Nahmanide a commencé son commentaire sur le Lévitique en s’opposant nommément à la position de Maimonide sur les sacrifices[3]. Dans notre parasha, il ressort que le Ramban n’ignore pas le problème soulevé par Maimonide ; il nomme en filigrane (ou peut être meme, très explicitement) le problème : ce malaise de Aaron – qui est d’une certaine manière notre malaise à tous – face aux sacrifices qui ne peuvent pas ne pas nous rappeler d’autres pratiques…
Benjamin Sznajder
* Moché ben Na'hman (Na'hmanide), Gérone 1194- Acre 1270
Texte original :
רמב"ן ויקרא פרק ט פסוק ז
(ז - ח) וטעם קרב אל המזבח, ויקרב אהרן אל המזבח וישחט - על דעתי בדרך הפשט, יאמר קרב אל צפון המזבח ועשה שם החטאת והעולה, כי הם שחיטתן בצפון, ואמר משה כן בדרך קצרה שכבר ידע אהרן זה:
אבל בת"כ (שמיני מלואים ח) נתעוררו רבותינו בזה, ומשלו משל למה הדבר דומה, למלך בשר ודם שנשא אשה והיתה מתביישת מלפניו, נכנסה אצלה אחותה, אמרה לה, אחותי למה נכנסת לדבר זה לא שתשמשי את המלך, הגיסי דעתך ובואי שמשי את המלך. כך אמר לו משה לאהרן, אהרן אחי למה נבחרת להיות כהן גדול לא שתשרת לפני המקום, הגס דעתך ובוא ועבוד עבודתך. ויש אומרים, היה אהרן רואה את המזבח כתבנית שור והיה מתירא ממנו, נכנס משה אצלו אמר לו אהרן אחי לא תירא ממה שאתה מתירא, הגס דעתך ובא קרב אליו, לכך אמר קרב אל המזבח. ויקרב אל המזבח, בזריזות:
וטעם דבר זה, כי בעבור שהיה אהרן קדוש ה' ואין בנפשו חטא זולתי מעשה העגל, היה החטא ההוא קבוע לו במחשבתו, כענין שנאמר (תהלים נא ה) וחטאתי נגדי תמיד, והיה נדמה לו כאילו צורת העגל שם מעכב בכפרותיו, ולכך אמר לו הגס דעתך, שלא יהיה שפל רוח כל כך שכבר רצה אלהים את מעשיו. ואחרים מפרשים שהיה השטן מראה לו כן, כמו שאמרו שם, אהרן אחי אף על פי שנתרצה המקום לכפר עונותיך צריך אתה ליתן לתוך פיו של שטן שמא ישטינך בביאתך למקדש וכו' בתורת כהנים (שמיני מלואים ג):
וטעם וכפר בעדך ובעד העם - יאמר קרב אל המזבח לעשות כל הקרבנות, ועשה תחילה את חטאתך ואת עולתך, וכפר בעדך תחילה בקרבנותיך, ובעד העם אחרי כן, שתעשה קרבן העם וכפר בעדם בקרבנם, לימד אותו שיבא זכאי ויכפר על החייב:
[1] L’analogie entre l’autel et le taureau est patente , meme dans les termes employes : on parle de karnot hamizbeah’ - des cornes de l’autel pour désigner ses quatre cotes.
[2] Vayikra, XVII, 7 – commentaire du Ramban
[3] Vayikra I, 9 – commentaire du Ramban
-
Tsav : du discret au continu
- Le 19/03/2019
- Dans Parasha
PROJET RAMBAN* SUR LA PARACHA
Tsav, du discret et du continu.
Nul ne se rappelle le contenu de la Paracha de Tsav. Engloutie dans le flot continu des lois relatives aux sacrifices qui agite le livre de Vayikra.
Certes on se rappelle du premier Rachi : « Le mot tsav (« ordonne ») implique toujours une idée de zèle, pour maintenant et pour les générations à venir. Rabi Chim‘on a enseigné : Le texte incite à d’autant plus de zèle qu’il y a risque de perte d’argent ». Au moment où le texte y est dit à Moïse, le Temple n’est pas encore érigé : le mot maintenant tombe à plat ! Pourquoi ne pas avoir utilisé ce terme dès le début du livre de Vayikra puisque l’on y parle d’animaux qu’on apporte sur ses propres deniers ? Rachi s’est contenté de recopier un commentaire antérieur sans y ajouter plus de précision.
Ramban commence son commentaire par une remarque. L’ordre inaugurant le texte est adressé aux cohanim : « Ordonne à Aaron et à ses fils ce qui suit : Ceci est la règle de l'holocauste. C'est le sacrifice qui se consume sur le brasier de l'autel, toute la nuit jusqu'au matin ; le feu de l'autel y doit brûler de même. » Alors que la paracha précédente était un ordre adressé aux enfants d’Israël. Il explique « car on va parler ici des gestes sacrificiels, et ceux sont les cohanim qui devront les exécuter ». Cette lecture oriente ainsi toute la paracha : alors que la section précédente consistait à insister sur la dimension volontaire et généreuse des sacrifices, marqués par des formules décrivant la générosité (« un homme qui apportera… »), ici on va parler technique. Pourtant on y trouve aussi des sacrifices obligatoires comme ceux qui viennent suite à un manquement, qui ne relèvent donc pas de la générosité. De même que dans Vayikra aussi on parle de gestes précis Il faut donc aller plus loin pour distinguer les objectifs de la paracha de Vayikra et de celle de Tsav.
Et c’est précisément l’objet de la suite du commentaire du Ramban qui questionne l’explication donné par Rachi du terme ‘Tsav’.
Fort de sa remarque (on s’adresse aux cohanim), il questionne Rachi : puisque le verset s’adresse au cohanim, comment se pourrait-il qu’il y ait un risque de perte d’argent, alors que ceux-ci ne sont que de simples exécutants des sacrifices appartenant aux enfants d’Israël ? Selon lui le texte apporté par Rachi ne vient pas donner une clé de lecture mais des possibilités de lecture : le terme ‘ordre’ est employé soit pour indiquer une injonction immédiate, soit pour indiquer que l’injonction est permanente, soit pour encourager dès lors qu’il y a des dépenses à faire pour l’accomplissement.
Le Ramban laisse au lecteur le soin de continuer le commentaire en choisissant lui-même la case qui convient. Le commandement en question n’étant pas immédiat, et précisant dans sa question que les cohanim n’ont pas de perte d’argent, ne reste que la troisième option : le commandement est perpétuel. Cette remarque éclaire l’ensemble de la paracha. En effet, si celle-ci s’oppose à celle de Vayikra ce n’est parce que la première serait placée sous le sceau du volontarisme –nous avons vu que c’était faux- mais parce que la paracha de Tsav vise une dimension de continuité du service divin. En effet, que ce soit des sacrifices volontaires ou liés à une faute, ceux-ci restent ponctuels, liés à tel ou tel évènement de la vie. Dans la paracha de Tsav, ce qui est en jeu c’est une présence perpétuelle au Temple. Or c’est exactement le thème du début du texte : un feu doit y demeurer perpétuellement. Les images se bousculent : que serait-une maison où le feu s’éteindrait la nuit venue ? Que serait un Temple qui ne vivrait qu’au grès des passages aléatoires des fidèles ? Ainsi, les prêtres ont une obligation de mettre suffisamment de bois pour que ce feu soit constamment allumé. L’évacuation des cendres n’est pas –comme le voudrait Rachi- une simple nécessité technique, elle doit se faire dans les habits officiels de prêtrise : c’est que ce travail montre que le Temple fonctionne, qu’une présence y est assurée, on ne le laisse pas à l’abandon. On trouvera de nombreuses autres explications de notre auteur qui roulent sur ce thème. Mais c’est la structure même de la paracha qui y invite, puisque s’y intercale les sacrifices d’intronisation des prêtres qui sont le symbole même de cette présence perpétuelle. Son ordre même participe de ce principe.
Qu’on me permette ici un écart. Pour nous modernes, pas de sacrifices ou de feu qui brûle constamment. Mais il me semble que l’opposition pointée par Ramban trouve un écho assez simple dans nos vies : on distingue deux types de croyants ceux qui entrent dans la routine de la pratique et ceux qui préfèrent se réserver aux ‘grands moments’. Ces deux façons de vie religieuse sont en principe tout à fait compatibles, mais l’on se rend compte qu’en pratique les deux types de personnes décrites sont souvent différents. Les unes se méfiant des ‘grands moments’ et les autres se méfiant de la routine. Le texte de la Torah me semble-t-il reconnait cette différence, et confie la ‘avoda’ (le service) à une caste, de tel sorte que le Temple semble étranger à celui qui apporte un sacrifice ponctuellement. Mais simultanément, le ‘grand moment’ ne se perdrait-il pas dans une gestuelle sacrificatoire ?
Franck Benhamou.
* Moché ben Na'hman (Na'hmanide), Gérone 1194- Acre 1270
Texte original :
רמב"ן ויקרא פרק ו
(ב) אמר הכתוב בפרשת ויקרא (לעיל א ב) דבר אל בני ישראל, כי שם יצוה בהבאת הקרבנות, וישראל מביאים אותם, וכאן אמר "צו את אהרן", כי ידבר במעשה הקרבנות, והכהנים יעשו אותם:
וכתב רש"י אין צו אלא זרוז מיד ולדורות. אמר רבי שמעון ביותר היה צריך הכתוב לזרז במקום שיש בו חסרון כיס. ומדרשו של רבי שמעון (תורת כהנים ריש הפרשה) אינו על זו הצואה, כי כאן אין בו חסרון כיס לבני אהרן המצווים בה, אבל יש להם ריוח ושכר בכל הקרבנות, גם בעולה. אבל אמר תנא קמא אין צו אלא זירוז מיד ולדורות, לומר שהפרשיות שירצה הכתוב לזרז בהם ולומר שיעשה מיד וינהג הדבר לדורות יאמר בהן צו, ובשאר הפרשיות יאמר דבר אל בני ישראל או אמור להם, ובא רבי שמעון לחלוק ולומר שפעמים יבא הלשון הזה בדבר שאינו מיד ולדורות בעבור שיש בו חסרון כיס, כגון הצואה האמורה בשמן המאור (להלן כד ב), וכגון שאמר הכתוב (במדבר לה ב) צו את בני ישראל ונתנו ללוים ערים לשבת. ויתכן שנאמר שיש בצו זה חסרון כיס לכהנים בעבור "זה קרבן אהרן ובניו" (פסוק יג) הנמשך בצואה זו. אבל בתחלת ספרי (נשא א) בענין מחלוקת היא שנויה שם:
רמב"ן ויקרא פרק ו
ואש המזבח תוקד בו - יאמר שתוקד במזבח כל הלילה, כי מצוה שישימו ביום עצים הרבה כדי שלא יתאכלו לגמרי ויכבה האש ממנו. ולפי דעתי, מה שאמר (פסוק ו) אש תמיד תוקד על המזבח לא תכבה, מצוה לכהנים בקיום האש, כמו שאמר (פסוק ה) ובער עליה הכהן עצים, וצוה שיזהרו בזה ויערכו אש ועצים הרבה שתוקד האש תמיד כל היום וכל הלילה, והזהיר בלאו שלא תכבה לעולם. והנה אם נתעצלו הכהנים וכבתה האש עברו בלאו, ומפני זה אמרו רבותינו (יומא מה ב) שהיתה מערכה שניה לקיום האש
רמב"ן ויקרא פרק ו
(ג) ולבש הכהן מדו בד - היא הכתונת, ומה תלמוד לומר מדו, שתהא כמדתו. "על בשרו", שלא יהא דבר חוצץ בינתיים. לשון רש"י:
והנה תרומת הדשן צריכה בגדי כהונה, ואין עבודה בשני הבגדים מהם. אבל הזכיר אלה השנים לדבר שנתחדש בהם כאן. לומר שתהא הכתונת כמדתו, והענין לומר שאם היו מסולקין [או] קצרים ואינן מגיעין עד רגליו, ועבד בהן עבודתו פסולה. ולמד שלא יהא בינו ולא בין המכנסים לבשרו כלום. והוא הדין שצריכה כל בגדי כהונה, כי כיון שהזכיר הכתוב שהיא צריכה בגדים למדנו שהיא צריכה ארבעה להדיוט ושמנה לכהן גדול