Faut-il faire attention au regard des autres ?

Faire attention au regard des autres ?

Homerer regard

En arrivant près du Jourdain, juste avant de rentrer en terre d’Israël, les hommes des tribus de Gad et de Réouven interpellent Moïse : « Si nous avons trouvé grâce à tes yeux, que ce pays soit donné en propriété à tes serviteurs ; ne nous fais pas passer le Jourdain » (Nb. 32, 5). Dans un premier temps, leur demande n’est pas motivée. Aussi Moïse se met-il en colère, les suspectant d’avoir peur de la guerre qui les attend.

C’est alors que ces derniers se justifient : « Nous voulons construire ici des parcs à brebis pour notre bétail (…). Et nous, nous irons en armes devant les bné-Israël, jusqu’à ce que nous les ayons amenés à leur destination (…) » (Nb. 32, 16-17). En entendant ce discours, la colère de Moïse s’atténue, et il les enjoint de faire suivre leurs paroles par des actes concrets, afin d’être « quittes envers D.ieu et envers Israël » (Nb. 32, 22).

Cette recommandation a une portée pratique dans la Halakha. Par exemple, les responsables communautaires chargés de ramasser la tsédaka ne doivent pas laisser peser de suspicion sur eux (Yoré Déa 257, 1). Ou encore, si le Dayan (juge rabbinique) constate que l’une des parties d’un procès le soupçonne d’avoir favorisé injustement l’autre partie, il doit aller vers lui pour expliquer les motivations de sa décision (‘Hochen Michpat 14, 4).

D’une manière générale, il existe une obligation pour chacun de ne pas laisser germer dans les esprits l’idée d’un comportement incorrect (Chékalim 3, 2). C’est là une spécificité de la Torah qui étonne ceux qui la découvrent : L’avis des autres est important. On aurait pu penser qu’il suffit d’être honnête avec D.ieu et avec soi-même… Mais non : le respect de la Torah ne s’envisage qu’en société. Or, pour le bon fonctionnement du groupe, il importe d’écarter les images négatives projetées sur les uns ou les autres.

Toutefois, on constate que Moïse, demandant ici aux tribus de Gad et de Réouven d’agir afin ôter toute suspicion pesant sur eux, est lui-même la cible d’accusations diverses. En effet, il est suspecté d’avoir des relations interdites avec des femmes mariées ; ou encore, de tirer profit de sa position pour s’enrichir (cf. Sanhédrin 110a ; Shémote Rabba 51, 6).

Est-ce à dire que Moïse lui-même n’aurait pas fait attention à son comportement, provoquant ainsi cette suspicion ? La réponse se trouve dans l’appellation de ceux qui le critiquent : « les railleurs de la génération ». Même en faisant attention au regard des autres, il y a toujours certaines personnes qui sont là uniquement pour critiquer. Or, en agissant de la sorte, ils sèment la zizanie dans le groupe, et s’en excluent de facto.

Ainsi, l’opinion de ceux qui sont constamment dans la critique importe peu. L’obligation d’avoir une attitude sans ambigüité concerne exclusivement le rapport entretenu vis-à-vis des gens de bonne volonté.


Yona GHERTMAN

 

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